domingo, 29 de marzo de 2020

Jules Barbey d'Aurevilly: Canción, sacada de los Memoranda

CANCIÓN

Si mi mantilla enmarcase
Esos ojos gris de lino,
Si ese tobillo estrechase
En mi zapatito fino,

Si yo tus gracias tuviese,
Tu dorada cabellera,
Que en doble trenza cayese
Hasta mis caderas.

Si yo tuviera, ¡oh, mi amada!,
En mi blusa blanca y pura,
Tu rubia piel irisada
De espejeante espuma,

Y esa cosa embriagadora,
De tus dones el más bello,
Sobre el cual el Amor posa
Sus labios… ¡no lo nombremos!

En fin, si yo pareciera
Hecha para legislar,
Si yo, mi Paulita, fuera
Como tú, digna de admirar,

Una reina ser querría,
Altiva cual pavo real,
¡Y qué difícil sería
Sólo mi guante besar!

Mas como ésas ser no quiero
Que, frías a medias, ya ves,
Son implacables primero,
Para apiadarse después.

Una tigre yo sería,
Que todo amor desacata,
Mis garras ocultaría
En la seda de mi pata.

A las almas impondría
Mil tormentos sin consuelo,
Y a las damas vengaría
De tanto amante bribonzuelo.

Y bajo abanico que ampara
Dos bellos ojos traidores,
Me les reiría en la cara
De tantos llantos y ardores,

Y me pasaría la vida
Dejándolos desolados,
Y tan bonita sería
Que me amarían forzados.

Y si un día me viniese
Alguna gana de amar,
Cómo dudar que eligiese
Al que oyera declarar:

“Si como tú yo estuviera
Hecha para legislar,
Sería, sí, tan coqueta
Como tú, ¡e incluso más!”.

¡Ámame, Paulita, vamos,
Mi tesoro, mi cristal!
Tú, coqueta, ¿amar a un vano?
¡Es amarte y volverte a amar!


CHANSON

Si j’avais sous ma mantille
Cet œil gris de lin,
Cette gracieuse cheville
Dans mon svelte brodequin,

Si j’avais ta morbidezze,
Tes cheveux dorés
Retombant en double tresse
Jusque sur mes reins cambrés!

Si j’avais, ô ma pensée!
Dans mon corset blanc,
Ta blonde épaule irisée
D’un duvet étincelant,

Et cette enivrante chose,
Et ton plus beau don,
Sur laquelle l’Amour pose
Ses lèvres... et pas de nom !

Enfin si je semblais faite
Pour donner la loi,
Si j’étais, ô ma Paulette,
Aussi charmante que toi,

Je voudrais être une Reine
Fière comme un paon,
Dont on aurait grande peine
À baiser le bout du gant!

Je ne serais pas de celles,
Froides à moitié,
Qui d’abord font les cruelles,
Et puis après ont pitié.

Je serais une tigresse
Rebelle aux amours,
Cachant la griffe traîtresse
Dans ma patte de velours.

Je ferais souffrir aux âmes
Mille bons tourments,
Et je vengerais les femmes
De tous leurs fripons d’amants!

Et sous l’éventail qui cache
Deux beaux yeux menteurs,
Je rirais sur leur moustache
De leur flamme et de leurs pleurs,

Et je passerais ma vie
À les désoler
Et je serais si jolie
Qu’il leur faudrait bien m’aimer!

Et puis, si d’aimer l’envie
Un jour me prenait,
Je n’aurais de fantaisie
Que pour celui qui dirait :

« Si comme toi j’étais faite
Pour donner la loi,
Je serais une coquette
Plus coquette encor que toi ! »

Aime-moi donc, ma Paulette,
Ô mon blond trésor!
Aimer un fat ? toi, coquette !
C’est comme t’aimer encor !