2017 marca los 150 años de la muerte de Charles Baudelaire. Para conmemorar este aniversario, mientras nos preparamos para publicar en diciembre de este año el segundo y último volumen de las fundamentales CARTAS A LA MADRE, seguimos ofreciendo a nuestros lectores una colección de páginas en honor del grand Charles.
CARTA
DE BAUDELAIRE A ALPHONSE TOUSSENEL
Lunes 21 de enero de 1856.
Mi querido Toussenel[1], quiero absolutamente darle
las gracias por el regalo que me ha hecho. Yo no conocía el valor de su libro[2],
se lo confieso ingenua y groseramente.
Anteayer me ocurrió una desgracia, una conmoción bastante
grave —lo bastante grave como para impedirme pensar—, a tal punto que
interrumpí un trabajo importante. —No sabiendo cómo distraerme, esta mañana
agarré su libro —a la mañana muy temprano. Acaparó mi atención, me devolvió mi
estabilidad y mi tranquilidad —como
siempre lo hará toda buena lectura.
Hace muchísimo tiempo que rechazo con hastío casi
todos los libros. —Hace también muchísimo tiempo que no había leído algo tan absolutamente instructivo y entretenido.
—El capítulo del halcón y de los pájaros que cazan para el hombre es —por sí
mismo— una obra. —Hay frases que se les parecen a las frases de los grandes
maestros, gritos de verdad —acentos filosóficos irresistibles tales como: Cada animal es una esfinge, y a
propósito de la analogía: ¡cómo el
espíritu descansa en una dulce quietud al abrigo de una doctrina tan fecunda y
tan simple, para la que nada es un misterio en las obras de Dios!
Hay también otras cosas filosóficamente
conmovedoras, y el amor de la vida al aire libre, y el honor que se le rinde a
la caballería y a las damas, etc.
Lo que es seguro es que usted es poeta. Hace
muchísimo tiempo que digo que el poeta es soberanamente
inteligente, que es la inteligencia por excelencia —y que la imaginación es la más científica
de las facultades, porque es la única que comprende la analogía universal, o lo que una religión mística llama la
correspondencia. Pero cuando quiero hacer imprimir este tipo de cosas, me dicen
que estoy loco —y, sobre todo, loco conmigo mismo— y que sólo detesto a los
pedantes porque mi educación ha quedado incompleta. —Lo que es, sin embargo,
totalmente seguro es que poseo un espíritu filosófico que me hace ver
claramente lo que es verdadero, incluso en zoología, por más que no sea ni
cazador ni naturalista. —Tal es al menos mi pretensión; —no haga como los
malos amigos, y no se ría de todo esto.
Ahora, ya que me dejado llevar a tener con usted
discursos más altos y a una familiaridad más grande que lo que me hubiera
permitido si su libro no me hubiera inspirado tanta simpatía —déjeme que le
diga todo.
¿Qué es eso del Progreso
Continuo? ¿Qué eso de una sociedad
que no es aristocrática? Me parece
que no es para nada una sociedad. ¿Qué es eso del hombre naturalmente
bueno? ¿Dónde se lo ha visto? El hombre naturalmente bueno sería un monstruo, quiero decir un Dios. —En fin, usted adivina cual es ese
orden de ideas que me escandaliza, quiero decir que escandaliza a la razón
escrita desde sus mismos comienzos sobre la superficie de la tierra. —Puro quijotismo de una hermosa alma. —
¡Y un hombre como usted soltar, de paso, como un
simple redactor del Siècle, injurias a
De Maistre, el gran genio de nuestro
tiempo —un vidente! —Y, además, esos
modismos de conversación y esas palabras de argot
que arruinan siempre un hermoso libro.
Una idea me obsesiona desde el comienzo de este
libro —que usted es un espíritu auténtico extraviado en una secta. En suma —¿qué
le debe usted a Fourier? Nada, o muy
poca cosa. —Sin Fourier, usted habría sido lo que es. El hombre razonable no esperó a que Fourier llegase al mundo para
comprender que la Naturaleza es un verbo, una alegoría, un molde, un repujado, si usted prefiere. Sabemos
eso, y no es gracias a Fourier que lo sabemos; —lo sabemos por nosotros mismos,
y por los poetas.
Todas las herejías a las que yo hacía alusión más
arriba no son, después de todo, sino la consecuencia de la gran herejía
moderna, de la doctrina artificial, sustituida
a la doctrina natural —quiero decir, la supresión de la idea del pecado original.
Su libro despierta en mí muchas ideas que estaban
adormecidas —y a propósito de pecado original, y de forma moldeada sobre la
idea, muy a menudo he pensado que los animales dañinos y asquerosos quizás no
son más que la vivificación, corporificación, eclosión en la vida material, de
los malos pensamientos del hombre. —De
modo tal que la naturaleza por entero participa del pecado original.
No me guarde rencor por mi audacia y mi falta
de miramientos, y crea que soy su muy afecto,
Traducción para Literatura & Traducciones, de Miguel Ángel Frontán.
NOTAS:
[1] Alphonse Toussenel (1803-1885), escritor,
periodista y naturalista, adepto del socialismo utópico de Charles Fourier.
[2] El ingenio
de los animales, El mundo de los pájaros, ornitología pasional. III Parte. París,
Librairie phalanstérienne, 1855.
LETTRE
DE BAUDELAIRE À ALPHONSE TOUSSENEL
Lundi 21 janvier
1856.
Mon
cher Toussenel, je veux absolument vous remercier du cadeau que vous m'avez
fait. Je ne connaissais pas le prix de votre livre[1], je vous l'avoue
ingénument et grossièrement.
Il
m'est arrivé avant-hier un chagrin, une secousse assez grave, — assez grave
pour m'empêcher de penser, — au point que j'ai interrompu un travail important.
— Ne sachant comment me distraire, j'ai pris ce matin votre livre, — de fort
grand matin. Il a rivé mon attention, il m'a rendu mon assiette et ma
tranquillité, — comme fera toujours toute bonne lecture.
Il
y a bien longtemps que je rejette presque tous les livres avec dégoût. — Il y a
bien longtemps aussi que je n'ai lu quelque chose d'aussi absolument instructif et amusant. — Le chapitre du faucon et des
oiseaux qui chassent pour l'homme est une œuvre, — à lui tout seul. — Il y a
des mots qui ressemblent aux mots des grands maîtres, des cris de vérité, — des
accents philosophiques irrésistibles, tels que : Chaque animal est un sphinx, et à propos de l'analogie : comme l'esprit se repose dans une douce
quiétude à l'abri d'une doctrine si féconde et si simple, pour qui rien n'est
mystère dans les œuvres de Dieu !
Il
y a encore bien d'autres choses philosophiquement émouvantes, et l'amour de la
vie en plein air, et l'honneur rendu à la chevalerie et aux dames, etc.
Ce
qui est positif, c'est que vous êtes poëte. Il y a bien longtemps que je dis
que le poëte est souverainement
intelligent, qu'il est l'intelligence par excellence, — et que l'imagination est la plus scientifique des facultés, parce que
seule elle comprend l'analogie
universelle, ou ce qu'une religion mystique appelle la correspondance. Mais
quand je veux faire imprimer ces choses-là, on me dit que je suis fou, — et
surtout fou de moi-même, — et que je ne hais les pédants que parce que mon éducation
est manquée. —Ce qu'il y a de bien certain cependant, c'est que j'ai un esprit
philosophique qui me fait voir clairement ce qui est vrai, même en zoologie,
bien que je ne sois ni chasseur, ni naturaliste. — Telle est du moins ma
prétention; — ne faites pas comme mes mauvais amis, et n'en riez pas.
Maintenant,
puisque je me suis avancé avec vous dans des discours plus grands et une
familiarité plus grande que je me le serais permis, si votre livre ne
m'inspirait d'ailleurs tant de sympathie, — laissez-moi tout dire.
Qu'est-ce
que le Progrès indéfini ? qu'est-ce qu'une
société qui n'est pas aristocratique ! ce n'est pas une
société, ce me semble. Qu'est-ce que c'est que l'homme naturellement bon ? où l'a-t-on connu ? L'homme naturellement bon
serait un monstre, je veux dire un Dieu. — Enfin, vous devinez quel est
l'ordre d'idées qui me scandalise, je veux dire qui scandalise la raison écrite
depuis le commencement sur la surface même de la terre. — Pur quichottisme d'une belle âme. —
Et
un homme comme vous! lâcher en passant, comme un simple rédacteur du Siècle, des injures à de Maistre, le grand génie de notre temps,
— un voyant ! — Et enfin des allures de
conversation et des mots d'argot qui abîment toujours un beau livre.
Une
idée me préoccupe depuis le commencement de ce livre, — c'est que vous êtes un
vrai esprit égaré dans une secte. En somme, — qu'est-ce que vous devez à Fourier ? Rien, ou bien peu de chose. —
Sans Fourier, vous eussiez été ce que vous êtes. L'homme raisonnable n'a pas attendu que Fourier vînt sur la terre
pour comprendre que la Nature est un verbe, une allégorie, un moule, un repoussé, si vous voulez. Nous savons
cela, et ce n'est pas par Fourier que nous le savons ; — nous le savons par
nous-mêmes, et par les poètes.
Toutes
les hérésies auxquelles je faisais allusion tout à l'heure ne sont, après tout,
que la conséquence de la grande hérésie moderne, de la doctrine artificielle, substituée à la doctrine
naturelle, — je veux dire la suppression de l'idée du péché originel.
Votre
livre réveille en moi bien des idées dormantes, — et à propos de péché
originel, et de forme moulée sur l'idée, j'ai pensé bien souvent que les bêtes
malfaisantes et dégoûtantes n'étaient peut-être que la vivification,
corporification, éclosion à la vie matérielle, des mauvaises pensées de l'homme. — Aussi la nature entière participe du péché originel.
Ne
m'en veuillez pas de mon audace et de mon sans-façon, et croyez-moi votre bien
dévoué.
[1] L'Esprit des bêtes, Le Monde des Oiseaux, ornithologie
passionnelle, par A. Toussenel, auteur des Juifs, rois de l'époque. Troisième partie. Paris. Librairie
phalanstérienne, 1855, in-8°.