jueves, 2 de noviembre de 2017

Paul Valéry: Trece cartas a Victoria Ocampo

LETTRES DE PAUL VALÉRY À VICTORIA OCAMPO

I
Londres, 24 Hyde-Park Gardens W2
Lundi 26 [1939].
Chère V. O.

Je pars demain.
Si vous avez le temps, l'envie, la faiblesse de venir me dire au revoir, je serai ici vers six heures et quelques minutes. Il y aura diverses personnes.
Sinon à Paris — et à vos pieds.
*** 


Londres, 24 Hyde-Park Gardens, W2.
Lunes 26 [1939].
Querida V. O.:

Parto mañana.
Si tiene usted el tiempo, las ganas, la debilidad de venir a decirme hasta pronto, estaré aquí a eso de las seis y algunos minutos. Habrá diversas personas.
Si no, hasta París — ya sus pies
PAUL VALÉRY.

II
ACADÉMIE FRANÇAISE
40, Rue de Villejust. XVIe Juillet/ 39.

Chère Victoria,

Vous avez fui pendant que j’étais dans le Midi, cherchant à rétablir une vieille santé, qui s’est trouvée fort éprouvée. Me voici de retour, et en proie aux observations de mes amis, les Médecins. Inutile de vous dire que j’ai eu de la joie à recevoir cette lettre issue de la mer, et d’ailleurs si gracieuse.
Vous dirai-je que vous écrivez à ravir notre langue et... sans le moindre accent ? Est-ce une injure ? Une vérité peut l’être. Mais je vous la dis.
Le vieux “Cimetière Marin” vous remercie par la voix dont l’ombre intérieure l’a, pour la première fois, murmuré. Je ne pensais pas alors que ce chant en construction indéfinie sonnerait au large — et sur des lèvres qui...
 Mais enfin tout arrive.
Il arrivera peut-être aussi que je débarque un jour à B. A. Mais que vont être les événements ?
Ce voyage est suspendu à bien des choses — c. à d. à un fil.
Supposé qu’il se puisse faire, et que je fasse les conférences je ferai certainement appel à la voz de Ud. Vous diriez, par] exemple, un poème de chacune de “mes époques” — si je faisais une conférence de quasi-autobiographie littéraire. Celle-ci pourrait être celle du Jockey-Club. Mais de ce côté, on ne m’a encore rien dit... Carcano seul m’en a parlé.
Quant à Mallea, ce qu’il désire ne me paraît soulever aucune difficulté. Si les fragments à traduire ne sont pas trop importants,, je crois qu’il est inutile de demander l’autorisation à l’éditeur.
De toute manière, chère amie, vous êtes juge. Je ne connais absolument que vous à B. A. — et cette connaissance me paraît merveilleusement suffisante.
Vous me proposez de m’héberger pendant mon séjour. Ma femme m’accompagnera — telle est, du moins, son intention. Peut-être n’aurez-vous pas de place pour deux ? même en fuyant à San Isidro (ce qui me serait bien désagréable).
Je vous baise les mains, chère amie, — et je pense à SUR.
Votre très dévot
PAUL VALÉRY.

***

ACADEMIA FRANCESA
40, Rue de Villejust. XVIe.
Julio de 1939.
Querida Victoria:

Usted ha huido mientras yo estaba en el Mediodía, tratando de restablecer una vieja salud muy alterada. Ahora estoy de vuelta, y sujeto a las observaciones de mis amigos los Médicos. Inútil decirle la alegría que tuve al recibir esa carta salida del mar, y tan graciosa.
¿Le diré que escribe usted a la perfección nuestra lengua y... sin el menor acento? ¿Es una injuria? Una verdad puede ser injuriosa. En todo caso, se la digo.
El viejo “Cementerio Marino” le agradece con la voz cuya sombra interior lo ha murmurado por primera vez. No pensaba entonces que ese canto de construcción indefinida sonaría con tanta amplitud — y en labios que...
Pero, finalmente, todo sucede.
Quizá suceda también que yo desembarqué un día en Buenos Aires. Pero ¿cuáles serán los acontecimientos?
Ese viaje está en suspenso por muchas cosas — es decir, por un hilo.
En caso que pueda hacerse, y que yo haga las conferencias, recurriré ciertamente a la voz de usted. Usted diría, por ejemplo, un poema de cada una de “mis épocas’ — si yo hiciera una conferencia de casi-autobiografía literaria. Podría ser la del Jockey Club. Pero de ese lado no me han dicho nada aún. Sólo Cárcano me ha hablado de ello.
No creo que suscite ninguna dificultad lo que desea Mallea. Si los fragmentos para traducir no son demasiado importantes, me parece inútil pedir autorización al editor.
De todos modos, querida amiga, usted es juez. En Buenos Aires sólo conozco a usted — y este conocimiento me parece maravillosamente suficiente.
Usted me propone hospedarme durante mi estadía. Mi mujer me acompañará — tal es, al menos, su intención. Quizá usted no tenga espacio para nosotros dos, y aunque huya usted a San Isidro (lo cual me sería muy desagradable).
Beso a usted las manos, querida amiga, — y pienso en Sur...
Su muy devoto
PAUL VALÉRY.

III

Le 2 septembre.
Chère Victoria,

Cen est fait ! les dés sont jetés, la Mort entre en scène. Le voyage, les conférences, tout s’évanouit. L’Europe veut périr. Vous recueillerez les débris d’une civilisation, qui cède aux barbares et à un fou.
La France sent bien qu'il y va de tout ce qui donne à la vie une signification, — car la vie par elle-même n'en a aucune. On perçoit ici une grande différence de l'état des âmes avec celui que nous avons observé et connu en 14. Rien n'est de même. On est froid et résolu.
Je suis à 40 km. de Paris dans une campagne de famille, et je vais et je viens selon les besoins. Mon gendre est parti. Mes fils vont partir. Vous sentez combien mon coeur est serré.
Quoi qu'il arrive, je vous prie de faire en Argentine tout ce que vous pourrez pour notre cause, qui est la vôtre, qui est celle de l'esprit libre et des créations intellectuelles désintéressées.
Je vous remercie, chère Victoria, de toutes vos intentions si aimables — et, si vous le permettiez, je crois bien que je vous embrasserais — très ému et très respectueux.
PAUL VALÉRY.

***
            2 de setiembre [1939].
Querida Victoria:

¡Ya el hecho se produjo, los dados se han echado, la Muerte entra en escena! El viaje, las conferencias, todo se desvanece. Europa quiere perecer. Ustedes recogerán los desechos de una civilización que cede a los bárbaros y a un loco.
Francia sabe muy bien que está en juego todo aquello que da a la vida un significado —pues la vida por sí misma no tiene ninguno. Aquí advertimos una gran diferencia de estado de ánimo con el que hemos observado y conocido en el 14. Nada es igual. Se está frío y resuelto.
Estoy a 40 km. de París, en una quinta de la familia. Voy y vengo según las necesidades. Mi yerno ha partido. Mis hijos van a partir. Usted siente cómo tengo de oprimido el corazón.
Suceda lo que suceda, ruego a usted que haga en la Argentina todo lo que esté en su mano por nuestra causa, que es también la suya, que es la causa del espíritu libre y de las creaciones intelectuales desinteresadas.
Le agradezco, querida Victoria, todas sus tan amables intenciones —y, si usted me lo permitiera, creo que la besaría— muy conmovido y muy respetuoso
PAUL VALÉRY.

IV
Château du Mesnil,
Juziers,
Seine et Oise.
Le 2 octobre 1939.
Chère amie Victoria,

Je vous remercie de tout cœur de votre bonne lettre et des articles que vous m’envoyez. Je suis d’autant plus touché de votre amitié dans ces circonstances que je me trouve fort triste dans cette campagne d’où je vais 3 ou 4 fois par semaine à Paris. Je ne vois devant moi que tous les genres d’inquiétudes. Les garçons sont sous les drapeaux. Leur destin et leurs avenirs entrés dans la brume la plus épaissie. Mon propre sort est d’ailleurs matériellement menacé, car je prévois à brève échéance des temps fort difficiles. Je vais avoir 68 ans, le 30 de ce mois, et il est probable que je serai contraint de faire je ne sais quoi, en dépit dé cet âge, pour subsister et faire subsister.
Je m’excuse de vous parler de ces affaires personnelles. Il est presque impossible quand on vit dans une quasi-solitude, enfermé, et frileusement sombre dans les plis de la laine, l’œil sur les arbres accablés de pluie, de ne pas continuer en écrivant à l’amie très éloignée, le monologue morose de la fin du jour.
Mais que dire des événements ? Je vous avoue que mes pensées, qui furent formées dans un autre monde, et pour un autre monde, se résument à présent dans des formules d'excommunication à l'égard des hommes et des accès de colère excités par leur sottise. Car c'est là la grande ennemie.
Je suis cependant content de mon pays qui est stupéfiant de simplicité et d'ordre naturel dans cette formidable révolution. Je dis “révolution”. Ce qui se passe est guerre, sans doute. Mais bien plus qu'une guerre.
Peut-être faut-il considérer que depuis 1914, nous sommes, en Europe, les témoins et les victimes d'énormes phénomènes de géologie sociale, politique et économique dont les secousses vont peut-être creuser un abîme de servitude et d'ignorance crédule à la place où s'élevèrent les montagnes chargées des dieux et des déités dont nos œuvres n'étaient que les oracles ou bien les louanges. J'ai dit et écrit quelque chose comme cela, il y a longtemps.
Je vous envoie quatre lignes dont vous excuserez le peu de poids. Je n’étais pas en état, ces jours-ci, de faire quelque chose qui vaille. Donc, publiez, si vous voulez. Ne publiez pas, vous ferez mieux.
Enfin, voici une petite chose à vous dire, d'ordre privé. Il y a à Buenos Ayres une exposition d'art français. Je vous serais obligé de me dire comment elle est. Mes parents Rouart y ont mis quelques-uns de leurs beaux Manet (ma cousine étant la nièce du grand peintre, et la fille de B. Morisot). Ils aimeraient avoir des nouvelles de leurs tableaux.
Mais encore: ma femme a prêté aussi un Manet — (quelques grosses fleurs) et elle le vendrait volontiers si elle en trouvait un bon prix.
Je lui ai donné toute licence à ce sujet et aucun conseil. À notre époque, on ne sait plus ce qu'il faut faire, l'avenir qui est la cible des conseils étant entièrement et exactement sans visage et sans voix !
Si vous connaissez un amateur...
Je vous quitte. Je vous embrasserais bien volontiers si vous n'étiez pas si loin, si j’en avais licence, et si ce muy viejo señor n'était pas un horrible objet — et si triste !
Vôtre
PAUL VALÉRY.

***

Château du Mesnil,
Juziers,
Seine et Oise.
 2 de octubre de 1939.
Querida amiga Victoria:

Le agradezco de todo corazón su buena carta y los artículos que me envía. Estoy tanto más conmovido por su amistad en estas circunstancias cuanto que me encuentro    muy triste en esta quinta de donde voy tres o cuatro veces por semana a París. No veo ante mí sino inquietudes de toda clase. Los muchachos están bajo las armas; su destino y su porvenir han entrado en la niebla más espesa. Por otra parte, mi propia suerte está materialmente amenazada, porque preveo, a breve término, tiempos muy difíciles. Voy a tener 68 años el 30 de este mes, y es probable que me vea obligado a hacer cualquier cosa, a pesar de mi edad, para subsistir y hacer subsistir.
Le pido disculpas por hablarle de estos asuntos personales. Cuando se vive en una casi soledad, encerrado, y friolentamente sombrío dentro de los pliegues de la lana, con la mirada fija en los árboles agobiados por la lluvia, es casi imposible no continuar escribiendo a la muy lejana amiga el monólogo moroso de la caída de la tarde.
Pero ¿qué decir de los acontecimientos? Le confieso que mis pensamientos, que se formaron en un mundo distinto, y para un mundo distinto, se resumen actualmente en fórmulas de excomunión para los hombres y en accesos de cólera suscitados por su tontería. Porque es ésa la gran enemiga...
Sin embargo, estoy contento de mi país, asombroso de simplicidad y de orden natural en esta formidable revolución. Digo “revolución”. Lo que ocurre es guerra, sin duda. Pero mucho más que una guerra.
Quizá debamos considerar que, desde 1914, somos, en Europa, los testigos y las víctimas de enormes fenómenos de geología social, política y económica cuyas sacudidas tal vez caven un abismo de servidumbre y de ignorancia crédula en el sitio donde se levantaron montañas cargadas de dioses y deidades de los cuales nuestras obras no eran sino los oráculos o bien las loas. He dicho y escrito algo parecido, hace mucho tiempo.
Le envío cuatro líneas cuya falta de peso usted disculpará. En estos días no estoy en condiciones de hacer nada que valga. Por lo tanto, publíquelas usted, si quiere. No las publique, hará mejor.
Finalmente, tengo que decirle una pequeñez de orden privado. En Buenos Aires hay una exposición de arte francés. Le agradecería que me dijera cómo es. Mis parientes Rouart han enviado a ella algunos de sus más hermosos Manet (mi prima era la sobrina del gran pintor, y la hija de B. Morisot). Quisieran tener noticias de sus cuadros.
Y también: mi mujer ha prestado asimismo un Manet (algunas grandes flores) y las vendería gustosa si obtuviera un buen precio por ellas.
Le he dado amplia libertad sobre el asunto y ningún consejo. En nuestra época no sabemos ya qué hay que hacer, estando el futuro, que era el blanco de los consejos, enteramente y exactamente sin rostro y sin voz.
Si usted conociese un aficionado...
La dejo. La abrazaría gustoso si no estuviera usted tan lejos, si yo tuviera permiso para ello y si este muy viejo señor no fuera un horrible objeto — ¡y tan triste!
Suyo,
PAUL VALÉRY.


V
Dinard, 17/6/40.
Jour de malheur.
Victoria, je pleure en vous écrivant. Le navire sombre... On a fait ce qu’on a pu. Rien n’égale ce qu’ont accompli nos enfants. Mais le nombre et la bestialité nous écrasent. La trahison au Nord, la lâcheté fratricide au Sud ont permis le triomphe d’une brute mystérieuse !
J’ai trop vécu. Il y aura peut-être un lendemain pour d’autres. Mais la civilisation qui était notre raison de vivre est frappée au coeur même du pays qui la maintenait encore de son mieux.
Le désastre public engendre maintenant tous les désastres privés. Je n’ai plus aucune nouvelle des enfants, fils et gendre. Et quant à moi, je ne sais ce que je deviendrai, avec les miens, ma femme, ma fille enceinte et sa fille, et ma belle-fille. Je n’ai aucune idée de notre avenir matériel. Peut-être, si je dure encore, serai-je forcé, à mon âge, de chercher à travailler je ne sais où, — par le monde.
Mais la Poétique et la pensée, aujourd’hui, valent encore moins que notre billet de banque.
Cependant je ne puis m’empêcher, au travers de mon désespoir, de me sentir des éclairs de puissance spirituelle, de brefs signaux d’énergie qui me tendent vers le but de m’employer à faire renaître la lumière de mon pays. Le malheur extrême illumine toutes les fautes, mais il engendre à l’âme des forces et des idées qui ne peuvent provenir que de sources situées dans ce qui n’est pas encore et qui pourrait être.
Je vous embrasse comme une sœur de mon esprit. Vos télégrammes m’ont donné un peu de triste consolation, dans ce moment affreusement historique. Mais enfin, nous avons gardé l’honneur.
De tout mon cœur,
PAUL VALÉRY.

***
Dinard, 17/6/40.
DÍA DE INFORTUNIO.
Victoria: lloro al escribirle. El barco naufraga... Se hizo lo que se pudo. Nada iguala a lo que realizaron nuestros hijos. Pero el número y la bestialidad nos aplastan. ¡La traición en el Norte, la cobardía fratricida en el Sur han permitido el triunfo de una bestia misteriosa!
He vivido demasiado. Tal vez haya un mañana para otros. Pero la civilización, que era nuestra razón, de vivir, está herida en el corazón mismo del país que la mantenía aún en todo lo posible.
Ahora el desastre público engendra todos los desastres privados. Ya no tengo noticias de mis hijos y de mi yerno. En cuanto a mí, no sé qué será de mí, con los míos, mi mujer, mi hija encinta y mi nuera. No tengo ninguna idea de nuestro porvenir material. Tal vez, si consigo durar, estaré obligado, a mi edad, a buscar trabajo no sé dónde — por el mundo.
Pero hoy la Poética y el pensamiento valen menos aún que nuestro papel moneda.
Sin embargo, no puedo menos, a través de mi desesperación, de sentir relámpagos de potencia espiritual, breves señales de energía que me tienden hacia el propósito de emplearme en hacer que renazca la luz de mi país. La extrema desgracia ilumina todas las culpas, pero engendra en el alma fuerzas e ideas que sólo pueden provenir de fuentes situados en lo que todavía no es y podría ser.
La abrazo como a una hermana de mi espíritu. Sus telegramas me han dado un poco de triste consuelo en este momento atrozmente histórico. Pero, en fin, hemos conservado el honor.
De todo corazón,
PAUL VALÉRY.

VI

Mercredi, juin 40.
Chère grande Amie,

Voire télégramme nous a fait pleurer. Merci de tout notre coeur. Je suis à présent à Dinard, où les instances pressantes de mes enfants aux armées mont fait conduire les cinq femmes de ma famille.
Travaillez bien pour nous, car c’est pour vous, pour le salut de l’esprit que nous luttons.
Ces monstres déchaînés et inexplicables sont comme une espèce animale nuisible et formidablement armée, avec laquelle les rapports de l’homme avec l’homme sont démontrés impossibles. Il faut ou les détruire ou être détruits.
Vous n’avez pas idée de la beauté du moral des troupes !
Elles sont extraordinaires de résolution et de parfaite simplicité.
Je vous embrasse. Votre grande âme est avec nous. Merci, Victoria, qui avez un si beau nom.
PAUL VALÉRY,
Pension Albion,
Dinard (Ille et Vilaine).



***
Miércoles, junio del 40.
Querida grande Amiga:

Su telegrama nos ha hecho llorar. Gracias de todo corazón. Estoy actualmente en Dinard, donde las instancias apremiantes de mis hijos que se encuentran en el ejército me han hecho conducir a las cinco mujeres de mi familia.
Trabaje usted bien por nosotros, porque es por ustedes, por la salvación del espíritu, que nosotros luchamos.
Estos monstruos desencadenados e inexplicables son como una especie animal nociva y formidablemente armada con la cual han demostrado ser imposibles las relaciones del hombre con el hombre. Hay que destruirlos o ser destruidos.
¡No tiene usted idea de la belleza moral de nuestras tropas!
Son extraordinarias de resolución y de perfecta simplicidad.
La abrazo. Su gran alma está con nosotros. Gracias, Victoria, que tiene un nombre tan bello.

PAUL VALÉRY,
Pensión Albion,
Dinard (Ille et Vilaine).

VII

37, Cours Pierre Puget,
Marseille, 2 décembre 1940.
Madame,

La note ci-jointe vous est adressée de la part de Monsieur Paul Valéry; il a ajouté le message suivant:
“S’il était possible de lui faire dire, en même temps, toute mon affectueuse pensée, j’en serais très heureux. Peut-être ne peut- elle se douter que je ne pouvais lui écrire en termes plus personnels”.
Veuillez agréer, Madame, mes respectueux hommages.
F. D’ORGEVAL.
***

37, Cours Pierre Puget,
Marsella, 2 de diciembre de 1940.
Señora:

La nota adjunta está dirigida a usted de parte del señor Paul Valéry, quien agregó a ella el siguiente mensaje:
“Si fuera posible hacerle llegar, al mismo tiempo, todo mi afectuoso recuerdo, yo sería muy feliz. Quizá ella no supone que no puedo escribirle en términos más personales”.
Reciba usted, señora, mi respetuoso homenaje
(Fdo.) F. D’ORGEVAL.

[De la main de Paul Valéry.]

Madame la Directrice de SUR,
Victoria Ocampo,
Viamonte 548,
Buenos Aires.

Note pour la Directrice de SUR

Paul Valéry est rentré à Paris depuis septembre, avec toute sa famille.
Il a depuis quelques mois beaucoup travaillé. Il a écrit en particulier deux Ébauches d’un “Faust” qui constituent deux pièces indépendantes, L’une en prose ; l’autre, en prose et en vers. Ces ouvrages ne sont pas publiés et ne le seront, s'ils doivent l’être, que plus tard. L'auteur, dont ce sont les premiers essais en forme dramatique, a l'intention de les compléter, et les considère comme des parties d'un ensemble qui devrait avoir de grandes proportions.
Il écrit, d'autre part, un Descartes (qui sera très court) pour accompagner une édition de fragments du grand philosophe.

***

[De puño y letra de Paul Valéry.]

Señora Directora de SUR,
Doña Victoria Ocampo,
Viamonte 548,
Buenos Aires.

Nota para la Directora de SUR

Paul Valéry se encuentra en París desde septiembre, con toda su familia. Ha trabajado mucho desde hace unos meses. Ha escrito, especialmente, dos Bosquejos de un “Fausto” que constituyen dos piezas independientes; una en prosa; otra en prosa y en verso. Estas obras no se han publicado y sólo se publicarán más tarde (en         caso de que se publiquen). Son los primeros ensayos en forma dramática del autor, que tiene intención de completarlos y que los considera como partes de un conjunto que deberá asumir grandes proporciones.
Escribe, además, un Descartes (que será muy corto) para acompañar una edición de fragmentos del gran filósofo.

VIII
ACADÉMIE FRANÇAISE.
Vichy, le 9 août 41.

Très chère Victoria,

Je suis pour peu de jours en terre un peu plus libre. Je trouve là votre lettre du 13 mai que m’a fait remettre votre aimable ambassadeur.
Si vous saviez combien je suis touche de l’amitié si dévouée que vous me montrez, et combien souvent je pense à vous dans ce temps si cruel et si obscur ! C’est un réconfort et une émotion que de penser qu’il est, dans un pays de ceux où la vie est encore possible et où il existe un avenir, quelqu’un qui s’intéresse à la pensée, et qui porte aux objets de l’esprit cette tendresse sans laquelle tout n’est que cendre ou fange, ou pire.
Je remets à Monsieur Carcano un petit texte occasionnel, car je n’ai ici rien d’autre que je puisse donner à SUR. Je ne sais s’il peut intéresser vos lecteurs ? Son intérêt n’est que dans les circonstances. Il a fallu improviser et tenir compte de la situation.
Si les communications étaient plus faciles, je vous aurais peut-être envoyé des morceaux de mon Faust. Entreprise étrange, qui ne s’achèvera jamais, dans laquelle je me suis jeté en juillet dernier, sans réflexion, et qui m’a aidé à vivre intellectuellement pendant quelques mois.
Mais cet envoi est actuellement impossible, et d’ailleurs, ce qui est fait est provisoire. Cela s’imprime pour les “Cent Une” (dames bibliophiles) sous le titre: Études pour mon Faust.
Je vous remercie de tout mon cœur, chère et noble amie, pour ce baiser que vous donnez à la malheureuse France. C’est le donner aussi à ce qui reste dans le monde de dégoût et de dédain pour la bestialité.
Je vous embrasse. Le vieil homme-de-l’esprit vous aime et vous salue au delà des mers.
PAUL VALÉRY.

***
ACADEMIA FRANCESA
Vichy, 9 de agosto de 1941.

Muy querida Victoria:

Desde hace pocos días estoy en tierra un poco más libre. Aquí encuentro  la carta de usted del 13 de mayo que me ha hecho llegar su amable Embajador.
¡Si supiera cuánto me conmueve la tan devota amistad que usted me demuestra, y cuán a menudo pienso en usted durante esta época tan cruel y tan oscura! Reconforta y emociona pensar que hay alguien, en un país       de aquellos donde la       vida es aún posible y donde existe un porvenir, que se interesa en el pensamiento y que prodiga a los objetos del espíritu esa ternura sin la cual todo no es sino ceniza o fango, o peor aún.
Le envío por intermedio del señor Cárcano este pequeño texto ocasional, porque aquí no tengo otra cosa que pueda dar para SUR ¿Podrá interesar a sus lectores? Sólo tiene el interés de las circunstancias. He debido improvisar y tener en cuento la situación.
Si las comunicaciones fueran más fáciles, tal vez le hubiera enviado algunos fragmentos de mi Fausto. Extraña empresa que no terminará nunca, en la cual me he lanzado irreflexivamente desde julio, y que me ha ayudado a vivir intelectualmente algunos meses.
Pero en la actualidad este envío es imposible y, además, lo que he hecho es provisorio. Se imprime para las “Ciento una” (damas bibliófilas) bajo el título: Estudios para mi Fausto.
  Le agradezco de todo corazón, querida y noble amiga, ese beso que da usted a la desgraciada Francia. Es darlo también a lo que queda en el mundo de asco y desdén a la bestialidad.
La abrazo. El viejo hombre-del-espíritu la quiere y la saluda más allá de los mares

PAUL VALÉRY.

IX
Vichy, 9 rue Foch. 10/11/41
Chère Madame,

J'ai dûment transmis, en temps utile, votre télégramme à notre Valéry. Il vous remercie et vous embrasse de loin. Le 30 octobre je l’ai embrassé pour ses 70 ans au nom de tous ses amis. Il va bien et va reprendre son cours du Collège de France au début de décembre.
Respectueux hommages du messager inconnu.
JULIEN P. MONOD.
***
Vichy, 9, rue Foch. 10/11/41
Estimada señora:

A su debido tiempo trasmití su telegrama a nuestro Valéry. Él se lo agradece y la abraza desde lejos. El 30 de octubre yo lo he abrazado por sus setenta años en nombre de todos sus amigos. Anda bien y va a reanudar sus cursos del Colegio de Francia en los primeros días de diciembre.
Respetuosos homenajes de un mensajero desconocido
(Fdo.) JULIEN P. MONOD.

X
Chère Victoria,

Ceci est un étrange appel. Signe des temps ! Ce sont mes deux pieds qui volent vers vous... Ils osent implorer. Ici, impossible de se chausser.
Pouvez-vous me faire faire ou trouver une paire de souliers (noirs, plutôt) et peut-être me les faire tenir par l’ambassade ? Ce serait me rendre un immense service. Vous voyez que la nécessité me force à vous demander cette chose ridicule !
Et j'ai déjà, cependant, à vous remercier. J’ai reçu, par les “Cahiers du Sud”, votre envoi relatif à la traduction de mon petit discours (Bergson).
Si je pouvais, je vous enverrais un morceau de Mon Faust — (toujours et indéfiniment inachevé).
Ah ! quelle vie, chère, quel crépuscule de ma vie que cette époque. Et je suis l’homme qui a le dégoût des “Evénements”. Les Evénements (cette prétention) m’ennuient. Mais, à présent, ils font plus que m’ennuyer. Ils me détruisent.
De tout cœur, et en m’excusant de cette affaire de pieds anxieux...
Votre affectueux et déplorable ami.
PAUL VALÉRY.

***
Este 27 de abril de 1942.
Querida Victoria:

Es éste un extraño llamado: ¡Signo de los tiempos!
Mis dos pies vuelan hacia usted... Se atreven a implorarle.
¿Puede usted hacerme hacer o encontrar un par de zapatos (negros, preferentemente) y quizá hacérmelos llegar por la embajada? Me haría un inmenso servicio. ¡Ya ve usted que la necesidad me obliga a pedirle esta cosa ridícula!
Y eso que ya tengo otras cosas que agradecerle. He recibido, por los “Cahiers du Sud”, su envío relativo a la traducción de mi pequeño discurso (Bergson).
Si pudiera, le enviaría un fragmento de Mi Fausto (siempre e indefinidamente inacabado).
¡Ah, qué vida, querida amiga, qué crepúsculo de mi vida es esta época! Y yo soy el hombre que siente asco por los “Acontecimientos”. Los Acontecimientos (qué pretensión) me aburren. Pero en la actualidad hacen más que aburrirme. Me destruyen.
De todo corazón, y excusándome por este asunto de pies ansiosos...
Su afectuoso y deplorable amigo
PAUL VALÉRY.

XI

Château de Montrozier,
Gages,
Aveyron.

Le 1er. octobre 1942.
Ma chère, ma bonne Victoria,

Je passe quelques jours en France non-occupée. Mon premier soin, mon premier devoir, mon premier mouvement est de vous écrire ces quelques mots de reconnaissance et d'affection.
J'ai bien reçu votre très précieux envoi — plus que précieux ! — et je vous prie de remercier très vivement de ma part Monsieur Costa du Rels qui me l'a fait remettre, il y a quinze jours ! J’en ai été ravi, mais, plus que la chose elle-même, quoique devenue indispensable, la pensée et l’amitié quelle signifiait ont été un merveilleux secours, un aliment d’âme souffrante et blessée par tant de circonstances et de soucis.
Les nouvelles de moi que je puis vous donner ne sont pas bonnes. Je sens l'âge peser sur mon corps, et depuis quelques semaines surtout, ce vieux corps ne fait plus que péniblement son métier. Du reste, les conditions matérielles sont si difficiles (et il faut les prévoir pires encore) que la vie en est constamment et terriblement affectée. Se nourrir et se chauffer sont devenus des problèmes de chaque jour, généralement insolubles. Se vêtir est un projet chimérique. Et quand on a une famille à soutenir, il faut aussi gagner le nécessaire en exerçant la profession la plus inutile qui soit.
Je travaille beaucoup, et parvenu à l'âge où l'on se retirait jadis, je dois fournir un effort plus grand que jamais. Et ceci, avec le regret et le dégoût de ne plus pouvoir apporter à mon travail la rigueur et le souci de perfection que j'y mettais jadis. Que faire ? Mes fonctions officielles m abandonnent, et il faut que la vieille tête supplée à ce qui se dérobe de ce chef.
Je viens de publier une nouvelle édition de mes Poésies, augmentée de quelques pièces inédites de toute époque. J’ai donné aussi un recueil de notes Mélange, et l’on va éditer ces jours-ci un autre choix Mauvaises Pensées — qui a bien failli ne pas paraître… par refus du papier. Mais enfin, ON s'est ravisé et le livre est tiré.
J’ai donné aussi aux Cent-Une (femmes bibliophiles) deux actes et deux actes de deux pièces (qui ne seront jamais achevées) — et qui constituent des ébauches de ce que j’appelle Mon Faust.
J’aurais bien voulu vous envoyer tout ceci. Mais comment faire ? Je regrette bien le départ de Carcano.
Voilà mon bref et sec rapport, mon état de situation, chère Victoria. Ce n’est rien auprès de tout ce que je voudrais vous dire. Je vois périr avec désolation tout ce qui a fait la substance de ma vie. Qui m’eût dit que ma vieillesse connaîtrait une époque de privations telles, et assisterait à la ruine de toutes les valeurs de l’esprit ? Il est affreux de constater que ceux qui viennent, déjà ne comprennent plus nos idéaux, tandis que nous trouvons les leur puérils ou grossiers. Le style s’évanouit devant les “effets”, et la profondeur le cède à l’incohérence des excitations instantanées. Enfin l’idolâtrie se partage avec les instincts les plus élémentaires, l’empire des esprits…
Je vous embrasse, Victoria — très chère !
PAUL VALÉRY.
***


Castillo de Montrozier. Gages, Aveyron.

1º de octubre de 1942.
Mi querida, mi buena Victoria:

He pasado algunos días en la Francia no ocupada. Mi primer cuidado, mi primer deber, mi primer impulso es escribirle algunas palabras de reconocimiento y de afecto.
He recibido su muy precioso envío ¡más que precioso! y le ruego que agradezca muy vivamente de mi parte al señor Costa du Rels que me lo hizo llegar hace quince días. He quedado encantado, pero más que la cosa en sí, aunque haya llegado a ser indispensable, el pensamiento y la amistad que significaba han sido un maravilloso socorro, un alimento al alma sufriente y herida por tantas circunstancias y preocupaciones.
No tengo buenas noticias mías que darle. Siento la edad pesar sobre mi cuerpo y desde hace algunas semanas, sobre todo, ya ese viejo cuerpo no hace sino muy penosamente su oficio. Por lo demás, las condiciones materiales son tan difíciles (y hay que preverlas peores aún) que la vida está constantemente y terriblemente afectada por ellas. El alimento y la calefacción han llegado a ser los problemas de cada día, generalmente insolubles. Vestirse es un proyecto quimérico. Y cuando se tiene una familia que sostener, hay que ganar también lo necesario ejerciendo la profesión más inútil del mundo.
Trabajo mucho y, llegado a la edad en que antaño se retiraba uno, debo hacer un esfuerzo más grande que nunca. Y esto con la pena y el asco de que ya no pueda aportar a mi trabajo el rigor y el anhelo de perfección que antes ponía en él. ¿Qué hacer? Mis funciones oficiales me abandonan, y es necesario que la vieja cabeza supla lo que se le escapa por ese motivo.
Acabo de publicar una nueva edición de mis poesías, aumentada por algunas piezas inéditas de diferentes épocas. También he dado a la imprenta un tomo de notas, Mélange, y uno de estos días se editará otra selección, Malos pensamientos, que estuvo a punto de no aparecer... porque me negaron papel. Pero finalmente SE echaron atrás, y el libro está impreso.
También he dado a las Ciento una (mujeres bibliófilas) dos actos y dos actos de dos piezas (que no estarán nunca terminadas) y que constituyen bosquejos de lo que llamo Mi Fausto.
Hubiera querido enviarle todo esto. Pero ¿cómo hacerlo?' Lamento mucho la partida de Cárcano.
Es éste el breve y seco informe de mi situación actual, querida Victoria. No es nada comparado con todo lo que quisiera decirle. Desoladamente, veo perecer todo aquello que constituía la sustancia de mi vida. ¿Quién me hubiera dicho que mi vejez conocería una época de privaciones tales, y que asistiría a la ruina de todos los valores del espíritu? Es atroz comprobar que los que vienen ya no comprenden nuestros ideales, en tanto que a nosotros nos parecen pueriles o groseros los de ellos. El estilo se desvanece ante los “efectos”, y la profundidad cede a la incoherencia de las excitaciones instantáneas. En fin, la idolatría comparte con los instintos más elementales el imperio sobre los espíritus...
La abrazo, Victoria ¡muy querida!
PAUL VALÉRY.

XII

Paris, le 16 mai 1943.
Ma chère et bonne Victoria,

Je suis émerveillé, mais ému, enchanté et attendri de recevoir de vous ce paquet si précieux que votre ambassade m’a gracieusement fait tenir.
Chose très admirable, il arrive que ces objets essentiels me vont comme des gants ! Cela tient du miracle ! Je puis danser ! Il ne me manque que l’envie ; et puis, j’ai 50 ans de trop ! Dieu sait si j’avais besoin de ces permis de circuler ! Mais de quoi n’a-t-on pas besoin ? Les trois quarts de ce qui nous reste d’esprit se dépensent à essayer de trouver ça et là ce qui nous est indispensable.
J’ai été encore malade, cet hiver. El viejo hombre résiste mal à toutes ces privations et préoccupations.
Cependant il faut travailler plus que jamais. Si je pouvais, du moins, travailler à ce qui me plaît... Mon Faust attend toujours que je le continue. J’en ai fait deux actes — et deux actes (car mon projet comprend plusieurs drames ou comédies ou féeries indépendantes) et j’ai publié cela à 110 exemplaires, pour les Cent-Une, femmes bibliophiles. Mais je tiens même ces 4 actes pour des ébauches. Mon Faust à moi est un être qui a épuisé tout ce que la vie peut donner et qui en a fabuleusement assez. Mais il est condamné à vivre. Il domine entièrement mon Méphistophélès, qu’il considère comme un pauvre diable, sans cervelle, et que les transformations du monde moderne déroutent et déprécient.
Mais au lieu de m’amuser de ces fantoches, je suis dévoré par des travaux sans grâce et sans chaleur. Je fais mon cours au Collège de France. Je fais des préfaces (!) Personne au monde n’en a fait autant que moi.
De vous, Victoria, je ne sais que vos bontés. Croyez bien que c’est une grande et profonde chose que de savoir qu’il existe en terre heureuse et libre un être de votre espèce, dans la pensée duquel on est celui que l’on voudrait être, et qui songe à notre vieille Europe en perdition. Car elle périt. Je l’ai dit et prédit depuis 50 ans, en 1895 comme en 1919. Je ne sais si vous vous rappelez ce que j’ai dit aussi â l’exposition de l’Argentine, à la Bibliothèque Nationale, il y a quelques années.
Oui, je ne sais plus de vous que vos bontés. Comment vous allez, ce que devient SUR, quelle vie vous vivez ? Et qui sait quand et comment nous nous reverrons ?
Je voudrais que ces quelques lignes vous parviennent. Elles ne sont rien auprès de tout ce que j’ai sur le cœur à vous dire, toute mon affection, toute ma reconnaissance, et puis tant d’autres choses sur tant d’autres sujets !
Je suis à vous, chère et noble amie, je vous embrasse.
Tout vôtre
PAUL VALÉRY.
***

Paris, 16 de mayo de 1943.

Mi querida y buena Victoria:

Estoy maravillado, pero también conmovido, encantado y enternecido al recibir de usted ese paquete tan precioso que su embajada me ha hecho llegar amablemente.
¡Cosa muy admirable! ¡Esos objetos esenciales me quedan como guantes! ¡Es milagroso! ¡Puedo bailar! Sólo me faltan las ganas; y además, ¡me sobran cincuenta años! ¡Bien sabe Dios que necesitaba de estos permisos para circular! Pero ¿de qué no necesitamos? Gastamos las tres cuartas partes de lo que nos queda de inteligencia en encontrar, acá y allá, lo que nos es indispensable.
Este invierno estuve enfermo una vez más. El viejo hombre resiste mal todas estas privaciones y preocupaciones.
Sin embargo, hay que trabajar más que nunca. Si pudiese, al menos, trabajar en lo que me gusta... Mi Fausto espera siempre que lo continúe. He hecho dos actos — y dos actos (porque mi proyecto comprende varios dramas o féeries independientes) y los he publicado en una edición de 110 ejemplares para las Ciento una, mujeres bibliófilas. Pero hasta esos cuatro actos los considero bosquejos. Mi Fausto es un ser que ha agotado todo lo que puede darle la vida y que está fabulosamente harto de ella. Pero está condenado a vivir. Domina por completo a mi Mefistófeles, a quien considera como un pobre diablo, sin cerebro alguno, y a quien las transformaciones del mundo moderno desconciertan y deprecian.
Pero en vez de divertirme con estos títeres, estoy devorado por trabajos sin gracia y sin calor. Dicto mi curso en el Colegio de Francia. Hago prefacios (!) Nadie en el mundo ha hecho tantos como yo.
De usted, Victoria, sólo sé sus bondades. Créame que es algo grande y profundo saber que existe en tierra feliz y libre un ser de su especie, en cuyo pensamiento es uno lo que quisiera ser, y que piensa en nuestra vieja Europa perdida. Porque perece. Lo he dicho y predicho desde hace cincuenta años, en 1895 como en 1919. No sé si usted recuerda lo que dije también en la exposición de la Argentina, en la Biblioteca Nacional, hace algunos años.
Sí; no sé de usted sino sus bondades. ¿Qué es de usted, qué es de Sur, qué vida vive usted? ¿Y quién sabe cómo y cuándo nos volveremos a ver?
Quisiera que estas líneas le llegaran. Nada son comparadas con todo lo que tengo en el corazón para decirle, con todo mi afecto, con toda mi gratitud, y además ¡con tantas otras cosas sobre tantos otros temas!
Enteramente suyo, querida y noble amiga, y la abrazo,
PAUL VALÉRY.
XIII
40 Rue de Villejust. XVIe.

Mai 1945.
Ma chère Victoria,

Que de choses à se dire !... Mais il y en a trop. Je reçois votre lettre du 3 mars dans ces premiers jours de mai, et elle m’apporte une joie — dont j’avais grand besoin. Je viens de passer une longue période (depuis janvier) de méchante santé, et ce mois d’avril a été terrible. Mes nerfs à bout, un état d’anxiété nerveuse inouïe, — à se jeter par la fenêtre ! Je suis un peu mieux depuis deux jours. Mais ce fut l’enfer. — Ni sommeil, ni travail, ni un instant de paix dans l’être.
Laissons cela, ma chère Providence !
Je ne pourrai jamais assez vous remercier de vos envois qui me furent essentiels ! Je marche encore dans vos chaussures, sans lesquelles j’aurais dû aller en sandales de carme. Merci de tout mon cœur ! Et je ne parle pas du café et du tabac qui sont mes vices vitaux.
Votre voyage au Mexique a dû être un vol ravissant… Ce que vous m’en dites me fit rêver, moi qui ne bouge pas — et qui, depuis 5 ans, suis demeuré à cette table, sans voir un rien de mer… La Gestapo “travaillait” dans la maison voisine...
Je travaillais aussi d’une tout autre sorte — même le jour où vint la libération. Il y eut une petite bataille dans la rue. Jour étrange où la joie et le danger coexistaient. Les gens riaient, puis les coups de feu venaient d’on ne sait où. Place Victor Hugo, le dimanche, j’étais allé faire un tour. Il y avait beaucoup d’animation. Tout à coup, fusillade. On se met dans les portes. C’était comme les giboulées de mars…
—Qui sait si je n'irai pas en Sud-Amérique ? On m'en a parlé. Mais je suis un viejo hombre, et ma santé, je vous l'ai dit, a bien changé depuis 2 mois. J'étais jeune (pour mon âge) en décembre dernier. Mais, à présent…
Cependant, l'idée d'aller enfin voir quelque chose de ce monde, avant de le laisser à son triste sort, ne m'est pas déplaisante.
Je ne sais trop que vous envoyer pour SUR, — ni comment vous l’envoyer ? Mais, bientôt, j’espère que les communications seront plus aisées. Et bientôt, peut-être, vous-même, passerez-vous l'océan ? Volez ici, chère Victoria, que je vous embrasse en personne au lieu de le faire en idée sur ce papier.
Tout vôtre affectueux
PAUL VALÉRY.

P.-S. J'ai reçu votre lettre d’avril, et hier le câble. Pas le café dernier.
Je pense vous envoyer par M. d'Ormesson une scène de Mon Faust à traduire pour SUR (ou autre chose).
Je vous embrasse de tout mon cœur.
P.

***
40, Rue de Villejust, XVIe.

Mayo de 1945.
Mi querida Victoria:

¡Cuántas cosas que decirnos...! Pero son demasiadas, en estos primeros días de mayo, y me trae una alegría — de que tenía gran necesidad. Acabo de pasar un largo período (desde enero) de mala salud, y este mes de abril ha sido terrible. Con los nervios destrozados, en un estado de inaudita ansiedad nerviosa... ¡Como para tirarse por la ventana! Estoy un poco mejor desde hace dos días. Pero fue el infierno. Ni sueño, ni trabajo, ni un instante de paz.
¡Dejemos eso, mi querida Providencia!
¡No podría nunca agradecerle bastante sus envíos que me fueron esenciales! Todavía camino en sus zapatos, sin los cuales hubiera debido andar en sandalias de carmelita. ¡Gracias de todo corazón! Y no hablo del café y del tabaco, que son mis vicios vitales.
Su viaje a México ha debido de ser un vuelo encantador... Lo que usted me dice a propósito de ese viaje me hace soñar, a mí que nunca me muevo y que desde hace cinco años estoy clavado a esta mesa, sin ver un poquito de mar... La Gestapo “trabajaba” en la casa de al lado.
Yo trabajaba también, pero de muy otra manera — inclusive el día mismo en que llegó la liberación. Hubo una pequeña batalla en la calle. Día extraño en que coexistieron la alegría y el peligro. La gente reía, después se disparaban balazos de no sabíamos dónde. El domingo fui a dar una vuelta por la Plaza Victor Hugo. Había mucha animación. De pronto, balazos. Nos refugiábamos en las puertas. Era como los aguaceros de marzo...
¿Quién sabe si no iré a Sudamérica? Se me ha hablado de ello. Pero soy un viejo hombre y mi salud, ya se lo he dicho, ha cambiado mucho desde hace dos meses. Era joven (para mi edad) en diciembre último. Pero actualmente...
Sin embargo, la idea de ver algo de este mundo, por fin, antes de abandonarlo a su triste suerte, no me desagrada.
No sé a punto fijo qué puedo enviarle para SUR, ni cómo enviarlo. Pero bien pronto, espero, las comunicaciones serán más fáciles. Y bien pronto, quizás, ¿no atravesará usted misma el océano? Vuele hasta aquí, querida Victoria, y que yo la abrace en persona en vez de hacerlo en idea sobre este papel.
Muy afectuosamente su
PAUL VALÉRY.

P. S. — He recibido su carta de abril, y ayer el cable. Pero no el último café.
Pienso enviarle por el señor D'Ormesson una escena de Mi Fausto para que se publique traducida en SUR (u otra cosa).
La abrazo de todo corazón,

P.

Revista Sur, octubre de 1945, año XIV.
Traducci
ón no firmada, muy posiblemente de la propia VICTORIA OCAMPO.