martes, 25 de mayo de 2021

Alphonse de Lamartine y Teodoro Llorente: Bonaparte

BONAPARTE

 

Sur un écueil battu par la vague plaintive,

Le nautonier de loin voit blanchir sur la rive

Un tombeau près du bord par les flots déposé ;

Le temps n’a pas encor bruni l’étroite pierre,

Et sous le vert tissu de la ronce et du lierre

On distingue… un sceptre brisé !

Ici gît… point de nom !… demandez à la terre !

Ce nom ? il est inscrit en sanglant caractère

Des bords du Tanaïs au sommet du Cédar,

Sur le bronze et le marbre, et sur le sein des braves,

Et jusque dans le cœur de ces troupeaux d’esclaves

Qu’il foulait tremblants sous son char.

Depuis ces deux grands noms qu’un siècle au siècle annonce,

Jamais nom qu’ici-bas toute langue prononce

Sur l’aile de la foudre aussi loin ne vola.

Jamais d’aucun mortel le pied qu’un souffle efface

N’imprima sur la terre une plus forte trace,

Et ce pied s’est arrêté la !…

Il est là !… sous trois pas un enfant le mesure !

Son ombre ne rend pas même un léger murmure !

Le pied d’un ennemi foule en paix son cercueil !

Sur ce front foudroyant le moucheron bourdonne,

Et son ombre n’entend que le bruit monotone

D’une vague contre un écueil !

Ne crains rien, cependant, ombre encore inquiète,

Que je vienne outrager ta majesté muette.

Non. La lyre aux tombeaux n’a jamais insulté.

La mort fut de tout temps l’asile de la gloire.

Rien ne doit jusqu’ici poursuivre une mémoire.

Rien !… excepté la vérité !

Ta tombe et ton berceau sont couverts d’un nuage,

Mais pareil à l’éclair tu sortis d’un orage !

Tu foudroyas le monde avant d’avoir un nom !

Tel ce Nil dont Memphis boit les vagues fécondes

Avant d’être nommé fait bouillonner ses ondes

Aux solitudes de Memnom.

Les dieux étaient tombés, les trônes étaient vides ;

La victoire te prit sur ses ailes rapides

D’un peuple de Brutus la gloire te fit roi !

Ce siècle, dont l’écume entraînait dans sa course

Les mœurs, les rois, les dieux… refoulé vers sa source,

Recula d’un pas devant toi !

Tu combattis l’erreur sans regarder le nombre ;

Pareil au fier Jacob tu luttas contre une ombre !

Le fantôme croula sous le poids d’un mortel !

Et, de tous ses grands noms profanateur sublime,

Tu jouas avec eux, comme la main du crime

Avec les vases de l’autel.

Ainsi, dans les accès d’un impuissant délire

Quand un siècle vieilli de ses mains se déchire

En jetant dans ses fers un cri de liberté,

Un héros tout à coup de la poudre s’élève,

Le frappe avec son sceptre… il s’éveille, et le rêve

Tombe devant la vérité !

Ah ! si rendant ce sceptre à ses mains légitimes,

Plaçant sur ton pavois de royales victimes,

Tes mains des saints bandeaux avaient lavé l’affront !

Soldat vengeur des rois, plus grand que ces rois même,

De quel divin parfum, de quel pur diadème

L’histoire aurait sacré ton front !

Gloire ! honneur ! liberté ! ces mots que l’homme adore,

Retentissaient pour toi comme l’airain sonore

Dont un stupide écho répète au loin le son :

De cette langue en vain ton oreille frappée

Ne comprit ici-bas que le cri de l’épée,

Et le mâle accord du clairon !

Superbe, et dédaignant ce que la terre admire,

Tu ne demandais rien au monde, que l’empire !

Tu marchais !… tout obstacle était ton ennemi !

Ta volonté volait comme ce trait rapide

Qui va frapper le but où le regard le guide,

Même à travers un cœur ami !

Jamais, pour éclaircir ta royale tristesse,

La coupe des festins ne te versa l’ivresse ;

Tes yeux d’une autre pourpre aimaient à s’enivrer !

Comme un soldat debout qui veille sous les armes,

Tu vis de la beauté le sourire ou les larmes,

Sans sourire et sans soupirer !

Tu n’aimais que le bruit du fer, le cri d’alarmes !

L’éclat resplendissant de l’aube sur tes armes !

Et ta main ne flattait que ton léger coursier,

Quand les flots ondoyants de sa pâle crinière

Sillonnaient comme un vent la sanglante poussière,

Et que ses pieds brisaient l’acier !

Tu grandis sans plaisir, tu tombas sans murmure !

Rien d’humain ne battait sous ton épaisse armure :

Sans haine et sans amour, tu vivais pour penser :

Comme l’aigle régnant dans un ciel solitaire,

Tu n’avais qu’un regard pour mesurer la terre,

Et des serres pour l’embrasser !

…………………………

S’élancer d’un seul bond au char de la victoire,

Foudroyer l’univers des splendeurs de sa gloire,

Fouler d’un même pied des tribuns et des rois ;

Forger un joug trempé dans l’amour et la haine,

Et faire frissonner sous le frein qui l’enchaîne

Un peuple échappé de ses lois !

Être d’un siècle entier la pensée et la vie,

Émousser le poignard, décourager l’envie ;

Ébranler, raffermir l’univers incertain,

Aux sinistres clartés de ta foudre qui gronde

Vingt fois contre les dieux jouer le sort du monde,

Quel rêve ! et ce fut ton destin !…

Tu tombas cependant de ce sublime faîte !

Sur ce rocher désert jeté par la tempête,

Tu vis tes ennemis déchirer ton manteau !

Et le sort, ce seul dieu qu’adora ton audace,

Pour dernière faveur t’accorda cet espace

Entre le trône et le tombeau !

Oh ! qui m’aurait donné d’y sonder ta pensée,

Lorsque le souvenir de te grandeur passée

Venait, comme un remords, t’assaillir loin du bruit !

Et que, les bras croisés sur ta large poitrine,

Sur ton front chauve et nu, que la pensée incline,

L’horreur passait comme la nuit !

Tel qu’un pasteur debout sur la rive profonde

Voit son ombre de loin se prolonger sur l’onde

Et du fleuve orageux suivre en flottant le cours ;

Tel du sommet désert de ta grandeur suprême,

Dans l’ombre du passé te recherchant toi-même,

Tu rappelais tes anciens jours !

Ils passaient devant toi comme des flots sublimes

Dont l’œil voit sur les mers étinceler les cimes,

Ton oreille écoutait leur bruit harmonieux !

Et, d’un reflet de gloire éclairant ton visage,

Chaque flot t’apportait une brillante image

Que tu suivais longtemps des yeux !

Là, sur un pont tremblant tu défiais la foudre !

Là, du désert sacré tu réveillais la poudre !

Ton coursier frissonnait dans les flots du Jourdain !

Là, tes pas abaissaient une cime escarpée !

Là, tu changeais en sceptre une invincible épée !

Ici… Mais quel effroi soudain ?

Pourquoi détournes-tu ta paupière éperdue ?

D’où vient cette pâleur sur ton front répandue ?

Qu’as-tu vu tout à coup dans l’horreur du passé ?

Est-ce d’une cité la ruine fumante ?

Ou du sang des humains quelque plaine écumante ?

Mais la gloire a tout effacé.

La gloire efface tout !… tout excepté le crime !

Mais son doigt me montrait le corps d’une victime ;

Un jeune homme ! un héros, d’un sang pur inondé !

Le flot qui l’apportait, passait, passait, sans cesse ;

Et toujours en passant la vague vengeresse

Lui jetait le nom de Condé !…

Comme pour effacer une tache livide,

On voyait sur son front passer sa main rapide ;

Mais la trace du sang sous son doigt renaissait !

Et, comme un sceau frappé par une main suprême,

La goutte ineffaçable, ainsi qu’un diadème,

Le couronnait de son forfait !

C’est pour cela, tyran ! que ta gloire ternie

Fera par ton forfait douter de ton génie !

Qu’une trace de sang suivra partout ton char !

Et que ton nom, jouet d’un éternel orage,

Sera par l’avenir ballotté d’âge en âge

Entre Marius et César !

………………………….........

Tu mourus cependant de la mort du vulgaire,

Ainsi qu’un moissonneur va chercher son salaire,

Et dort sur sa faucille avant d’être payé !

Tu ceignis en mourant ton glaive sur ta cuisse,

Et tu fus demander récompense ou justice

Au dieu qui t’avait envoyé !

On dit qu’aux derniers jours de sa longue agonie,

Devant l’éternité seul avec son génie,

Son regard vers le ciel parut se soulever !

Le signe rédempteur toucha son front farouche !…

Et même on entendit commencer sur sa bouche

Un nom !… qu’il n’osait achever !

Achève… C’est le dieu qui règne et qui couronne !

C’est le dieu qui punit ! c’est le dieu qui pardonne !

Pour les héros et nous il a des poids divers !

Parle-lui sans effroi ! lui seul peut te comprendre !

L’esclave et le tyran ont tous un compte à rendre,

L’un du sceptre, l’autre des fers !

………………………….........................

Son cercueil est fermé ! Dieu l’a jugé ! Silence !

Son crime et ses exploits pèsent dans la balance :

Que des faibles mortels la main n’y touche plus !

Qui peut sonder, Seigneur, ta clémence infinie ?

Et vous, fléaux de Dieu ! qui sait si le génie

N’est pas une de vos vertus ?…

ALPHONSE DE LAMARTINE

 BONAPARTE

 

En un escollo mísero y distante,

donde el gemido de la mar retumba,

ve en la desierta orilla el navegante

blanquear una tumba.

¿Quién duerme en tan remoto

sepulcro? Aún no ha bruñido aquellas piedras

el tiempo, y si apartáis zarzas y hiedras

veréis allí no más... ¡un cetro roto!

Nombre, ¡ninguno!.. Pero

el nombre preguntad al mundo entero

desde el Vístula frío hasta la cumbre

que envuelve en nubes el Cedar austero;

preguntad a la inmensa muchedumbre

de combatientes bravos

que enardeció su gloria ;

preguntad al tropel de los esclavos

que aplastaba su carro de victoria.

Después de los dos nombres

de Alejandro y de César, que la Historia

de siglo en siglo repitió a los hombres,

ningún otro tan lejos tendió el vuelo

en las alas del rayo y la centella.

Nunca la humana planta en este suelo

marcó tan honda huella...

¡Y se detuvo aquí la planta aquella!

 

Aquí yace... La humilde sepultura

con tres pasos de niño está medida;

huella enemigo pie la losa dura;

y su pálida sombra entristecida

ni una queja murmura.

Zumba el insecto vil sobre la frente

que ciñó tan radiantes aureolas,

y el vencedor del mundo omnipotente,

en su fúnebre lecho, el son doliente

oye, no más, de las siniestras olas.

No temas, sombra inquieta,

que ultraje yo tu majestad callada;

jamás por el poeta

fue la piadosa tumba profanada.

No, no receles prevención injusta:

la muerte es el asilo de la gloria;

todos guardan respeto a tu memoria,

todos... ¡excepto la verdad augusta!

 

Entre nubes sombrías

tu cuna y tu sepulcro se ocultaron.

Como al súbito lampo, te engendraron

las tormentas. Aún nombre no tenías,

y ya fue el mundo por tu rayo herido.

Tal el Nilo, de orígenes inciertos,

antes de ser nombrado y conocido,

desborda su raudal en los desiertos.

Hallaste toda majestad hundida;

en tierra el trono, el ara escarnecida;

la victoria te dio su inmenso hechizo,

y acaudillando a un pueblo regicida,

su rey la gloria te hizo.

Un siglo audaz, indómito, triunfante,

arrastraba en su rápida corriente

costumbres, dioses, ley... Y hacia su fuente

retrocedió cuando te vio delante.

Combatiste en batalla tan reñida

al error, que aún tu triunfo nos asombra;

luchaste, cual Jacob, contra una sombra,

y la sombra a tus pies cayó vencida.

Pero, de todas las ideas santas

audaz profanador, cuando a tus plantas

todo lo viste ya, tomaste ejemplo

del sacrílego impío

que juega con los cálices del templo.

Así, cuando decrépito y sombrío

un siglo delirante,

victima de su propio desvarío,

grito de libertad lanza anhelante,

un héroe surge, que su frente dura

golpea con el cetro, y lo despierta,

y disipada la ilusión incierta,

de nuevo el sol de la verdad fulgura.

 

¡Ah, si el cetro usurpado

a su dueño legítimo volvieras;

si, el ultraje del trono al fin vengado,

por el monarca augusto despojado

hubieses levantado tus banderas!

Paladín de los reyes generoso,

más grande que los reyes todavía,

¡de qué esplendor tan puro y tan hermoso

aún la gloria tu sien coronaría!

¡Gloria, honor, libertad! Palabras vanas

para ti fueron siempre, nombres huecos

cual la sonora voz de las campanas

que repiten monótonos los ecos,

En vano hirió ese idioma tus oídos:

lograron sólo tu atención constante

el choque de las armas resonante

y del marcial clarín los alaridos.

Cuanto admiran los hombres desdeñando,

al mundo, que a tu antojo dominabas,

sólo pedías el poder y el mando.

Si a tu paso un obstáculo encontrabas,

ese era tu enemigo;

y fue tu voluntad fatal saeta

que va segura a la fijada meta,

aunque atraviese un corazón amigo.

 

Jamás, por disipar graves enojos,

llevaste al labio del festín la copa;

era grata otra púrpura a tus ojos.

Como el incorruptible centinela,

que cuando duerme la guerrera tropa,

el arma al brazo, vela,

la sonrisa feliz y el lloro triste

de la hermosura, que al amor desvela,

sin sonreír ni suspirar tú viste.

Sólo amabas la voz atronadora

del cañón, el fragor de las alarmas,

la claridad primera de la aurora

resplandeciendo en las bruñidas armas.

Tu mano acariciaba halagadora

no más a tu corcel, cuando ligero,

dando al viento veloz la crin flotante,

rompía, en su carrera galopante,

con duro casco el crujidor acero.

Nada había de humano

bajo de tu armadura. Nunca ufano

gozaste los triunfales esplendores;

no exhalaste una queja en tu caída.

Sin amor, sin rencores,

el pensamiento fue tu única vida.

Cual águila caudal, de alas audaces,

siempre sobre su presa suspendida,

tuviste, nada más, una mirada

para medir la tierra ambicionada,

y las garras tenaces

para asirla y tenerla aprisionada.

La cuadriga asaltar de la victoria;

desde ella fulminar rayos de gloria;

mirar vencidos y a tus pies temblando

fieros tribunos y orgullosos reyes;

bajo un yugo, a la vez áspero y blando,

regir, sumiso al imperioso mando,

un pueblo que rompió todas las leyes;

ser alma, vida, afán de un siglo todo;

embotar el puñal de la perfidia

y la venganza, anonadar la envidia;

conmover o afirmar del mismo modo

el universo, que a tu adusto ceño

tembló, y su suerte con ansioso empeño

jugar audaz contra el poder divino

una vez y otra vez... ¡Cuan loco sueño!

¡Y ese fue tu destino!

 

Pero caíste de la excelsa cumbre,

y en la roca funesta encadenado,

viste por la enemiga muchedumbre

roto el cetro y el manto desgarrado;

y quiso tu Dios único, la Suerte,

para que más tu espíritu sucumba,

este mezquino espacio concederte

entre el solio y la tumba.

¡Si hubiese yo podido

penetrar en tu oculto pensamiento,

cuando lejos del mundo y de su ruido,

el recuerdo fatal del bien perdido

te asaltaba como un remordimiento,

y cruzando los brazos tristemente

sobre tu pecho, al expirar el día,

a tu ceñuda y pensativa frente

el horror, con la noche, descendía!

Como el pastor, que al borde del torrente,

ve su sombra temblando sin reposo

flotar en el raudal vertiginoso,

tú, sobre las alturas

de tu antigua grandeza, ya ilusorias,

en las tinieblas del pasado obscuras

evocabas los días de tus glorias.

 

Y pasar los veías, cual gigantes

olas, que encumbran en la mar bravía

sus crestas espumosas y brillantes;

y halagaba tu oído su armonía

e inflamaban tu rostro sus reflejos,

y en pos de sus imágenes hermosas,

para seguir su vuelo allá a lo lejos,

saltaban tus pupilas codiciosas.

¡Qué cuadros! Ya en el campo de batalla

afrontas sobre un puente tembloroso

la tremenda explosión de la metralla;

ya remueves la arena del desierto;

ya se encabrita tu corcel fogoso

a orillas del Jordán o del Mar Muerto;

ya en el Alpe, del águila guarida,

guías tu hueste: ya en el templo santo

la espada ves en cetro convertida...

Pero ¿cuál te agitó súbito espanto?

¿Por qué apartas los ojos, y tu frente

cubre funérea palidez? ¿Qué triste

aparición entre las sombras viste

que evocaba tu espíritu doliente?

¿Viste ardiendo cien pueblos, y arrasados?

¿Viste en lagos de sangre transformados

los campos de victoria,

donde los ayes del dolor aún gimen?

Pero ¡ya todo lo borró la gloria!

No todo lo borró... no borró el crimen.

 

Con el índice trémulo, el coloso

señalaba su víctima, el inmoble

cadáver de un mancebo generoso

tinto en su sangre noble.

La ola que hasta sus pies lo conducía,

pasaba, y repasaba todavía,

una vez, y otra vez, y veinte y ciento...

y cada vez, cual vengador lamento,

el nombre de Condé le repetía.

Y él, como si quisiere la siniestra

mancha borrar, cuyo baldón le asusta,

levantaba febril la inquieta diestra

para pasarla por la frente adusta;

pero fija quedaba

la lívida señal, que nada lava,

cual sello que gravó mano suprema,

y que a sus sienes daba

su crimen por fatídica diadema.

¡Déspota inícuo! Manchará tu vida

la sangre de tu víctima; su muda

protesta, por los siglos recogida,

pondrá tu genio en duda;

y tu nombre, lanzado en curso vario,

por la eterna disputa de los hombres,

rebotará indeciso entre los nombres

de César y de Mario.

 

Obscura y vulgar muerte

te deparó por fin la aciaga suerte.

Cual segador que espera su salario,

y dormita cansado en el lindero

sobre la hoz, que su diestra aún acaricia,

tú, ciñendo el acero,

marchaste a demandar premio o justicia

al Dios que te eligió por mensajero.

Dicen que al ver llegar tu último instante,

al ver la fosca eternidad delante,

al cielo levantaste dulcemente

las miradas sombrías;

que el signo redentor tocó tu frente,

y un nombre comenzabas balbuciente,

un nombre, que acabar no te atrevías.

¡Acábalo! Ese nombre es el augusto

nombre del Dios que reina y que corona;

del Dios de amor, que si castiga justo,

magnánimo perdona.

Ese Dios, juzgador del universo,

para el genio tendrá peso diverso.

Háblale sin temor: será tu vida,

por él, por él tan sólo, comprendida.

El siervo y el tirano

han de rendirle cuentas igualmente:

uno, del cetro que empuñó su mano;

otro, del yugo al que dobló su frente.

 

Su tumba se cerró: ¡Dios le ha juzgado!

En la eterna balanza

sus hazañas y culpas ha pesado.

La mano del mortal a ella no alcanza.

Nadie juzgue atrevido:

la clemencia de Dios ¿quién ha medido?

¡Quién sabe, quién, oh rayos de la guerra,

si el genio que nos pasma y nos aterra,

llenándonos de horribles inquietudes,

lo ha de contar la trastornada tierra

entre vuestras virtudes!

 

Traducción de TEODORO LLORENTE

Poetas franceses del siglo XIX. Montaner y Simón Editores, Barcelona, 1906

 

Nota del traductor: Lamartine, que escribió esta poesía en 1821, pocos meses después de la muerte de Napoleón, rectificó más adelante su párrafo final. En los comentarios a sus Meditaciones poéticas dice así: « La última estrofa es un tributo inmoral a lo que se llama gloria. El genio, por sí mismo, no es ni puede ser una virtud; no es más que un don, una facultad, un instrumento. No disculpa, ni justifica nada: lo agrava todo. El genio mal empleado es un crimen más ilustre: ésta es la verdad en prosa ».