RETRATO DE DANIEL O’CONNELL
Mirad ahora a O’Connell, ese cíclope irlandés que ha hecho de Inglaterra su yunque. En los tres reinos reunidos, ninguno toca con su cabeza a su rodilla. Los hombres le miran con asombro, como si fuera un semi-dios o un gigante antidiluviano. Él hace con su palabra lo que Paganini hacia con su violín, en donde estaban como dormidos , para despertar obedientes a su voz, los sones de todos los instrumentos. La voz de O’Connell es apagada y atronadora, oscura y clarísima, blanda y vibrante: gime como una arpa, brama como el viento, entusiasma como un himno: O’Connell es ángel de la Irlanda, demonio de la Inglaterra. En los devastados campos irlandeses, su voz cae suave y consoladora: en el parlamento inglés, su voz lanza imprecaciones; mientras que su mano agita las serpientes de las furias. O’Connell es sublime como Demóstenes, impudente como Mirabeau, melancólico como Chateaubriand, tierno como Petrarca, grosero como un lacayo, brutal como un salvaje, prudente en el campo parlamentario como Ulises en el campo de los griegos, impetuoso, temerario y audaz como Áyax pidiendo al Cielo la luz para morir con el sol del mediodía. En aquella naturaleza riquísima, hay algo de la naturaleza del capitán, algo de la naturaleza del sargento, algo de la naturaleza de un rey, y algo de la naturaleza del paisano del Danubio: tiene mucho del hombre salvaje, mucho del hombre civilizado: es zorra y león a un mismo tiempo. Es malicioso y cáustico, como el Mefistófeles de Goethe. Es inocente y cándido como un niño. Es todo lo que es un pueblo: y un pueblo lo es todo.
No puedo negar que dejo la pluma con placer para mirar amorosamente con los ojos de mi imaginación esta figura sublime, si bien me asusta algún tanto. Mis ojos atónitos le miran, inclinada la frente augusta sobre el arpa nacional, de donde arranca su mano gemidos tan dolorosos y profundos, como no los escucharon jamás los hijos de los hombres. Cualquiera diría que es Osián, y que le piden venganza desde su trono de nubes las almas melancólicas y trasparentes de sus padres.
¡Irlanda!, ¡verde Irlanda!, ¡católica Irlanda!, ¡alégrate en medio de tu humillación y de tu servidumbre! Eres esclava, es verdad: andas vestida de jerga: no comes sino las cortezas de tus árboles y las yerbas de tus campos: no pisas sino abrojos: no arrastras sino cadenas: no duermes sino en tu lecho de paja. Pero en ese lecho has dado a luz a un rey: ese rey romperá las cadenas de su madre. ¡Irlanda!, ¡verde Irlanda!, ¡católica Irlanda!, ¡alégrate en medio de tu humillación y de tu servidumbre!
Carta al Heraldo de
Madrid. París, 31 de julio de 1842.
Voyez maintenant O’Connell, ce cyclope irlandais qui a fait de l’Angleterre son enclume. Dans les trois royaumes unis, nulle tête ne s’élève jusqu’à ses genoux. Les hommes le regardent avec étonnement, comme s’il était un demi-dieu ou un géant antédiluvien. Il fait avec sa parole ce que Paganini faisait avec son violon, il veille et rend obéissants à sa voix les sons de tous les instruments. La voix d’O’Connell est douce et étourdissante, sourde et claire, caressante et tonnante ; elle soupire comme une harpe, elle mugit comme le vent, elle enthousiasme comme un hymne : O’Connell est l’ange de l’Irlande et le démon de l’Angleterre. Dans les champs dévastés d’Érin, sa voix descend suave et consolante ; dans le Parlement anglais, elle lance des imprécations, tandis que sa main agite les serpents des furies. O’Connell est sublime comme Démosthènes, impudent comme Mirabeau, mélancolique comme Chateaubriand, tendre comme Pétrarque, grossier comme un laquais, brutal comme un sauvage, prudent dans le camp parlementaire comme Ulysse dans le camp des Grecs, impétueux, téméraire et audacieux comme Ajax demandant au ciel la lumière pour mourir en plein jour. Dans cette riche nature il y a quelque chose de la nature du capitaine, de celle du sergent, de celle du roi et de celle du paysan du Danube. O’Connell a beaucoup du sauvage et beaucoup de l’homme civilisé ; il est renard et lion en même temps ; malicieux et caustique comme le Méphistophélès de Goethe, il est innocent et candide comme un enfant. Il est tout ce qu’est un peuple ; un peuple est tout cela.
Je quitte la plume avec plaisir, je l’avoue, pour contempler amoureusement, avec les yeux de mon imagination, cette ligure sublime, bien qu’elle m’effraye un peu. Je le vois le front incliné sur la harpe nationale ; sa main en tire des gémissements si douloureux et si profonds, que jamais les fils des hommes n’en ont entendu de pareils. On dirait Ossian, on dirait que, du haut de leur trône de nuées, les âmes mélancoliques et transparentes de ses pères lui demandent vengeance !
Irlande, verte Irlande, catholique Irlande, réjouis-toi au milieu de ton humiliation et de la servitude ! Tu es esclave, c’est vrai ; tu ne portes que des vêtements grossiers ; tu n’as pour nourriture que l’écorce de tes arbres et les herbes de tes champs ; tu no marches que sur des écueils ; tu ne portes que des chaînes ; tu ne dors que sur un lit de paille. Mais, sur ce lit, tu as donné le jour à un roi, et ce roi brisera les chaînes de sa mère. Irlande, verte Irlande, catholique Irlande, réjouis toi au sein de ton humiliation et de ta servitude.
Traduction de MELCHIOR DU LAC