viernes, 26 de enero de 2018

Jules Barbey d'Aurevilly: Dante, Byron y Baudelaire


DANTE

EL infierno no ha tenido su poeta. El mismo Dante no lo es. ¡No! Dante, pese a todo su genio, pese a las divinizantes influencias con las que el catolicismo impregnó su pensamiento, no es el poeta del infierno cristiano. Ebrio, como los demás, de antigüedad, Dante nos ha dado un infierno del Renacimiento, un infierno de mitología. No por nada tomó a Virgilio por guía y maestro, en esas sombras en que la Eneida se refleja como una media luz. Hay algo más aún: el infierno que él llena con su personalidad atormentada y sus implacables resentimientos no es más que una forma sublime, descubierta por el genio de la venganza. Sin sus enemigos políticos, sin esos Papas a los que osó condenar sin pensar que ya era bastante con insultarlos y maldecirlos, Dante —ese Juvenal de la Edad Media, ese panfletario más grande que Tácito, al que algunos críticos que se parecen un poco a los chiquilines de Florencia han querido dar un aire de inspirado profeta que vuelve del otro mundo, cuando sólo se trata de un hombre de su tiempo, muy lúcido, por el contrario, que sostiene con una mano muy fría su estilete de fuego—, Dante no hubiera pensado jamás en hundir su profunda mirada, hecha para juzgar a los hombres y mandar sobre ellos, en esa concepción del infierno, cuya visión se une en él con otros sueños, y que falseó en provecho de sus odios y bajo el peso de sus sufrimientos.
(Les Poètes, Amyot, 1862.)

L'enfer n'a pas eu son poète. Dante lui-même ne l'est pas. Non ! Dante avec tout son génie, avec les influences divinisantes dont le Catholicisme avait pénétré sa pensée, n'est pas le poète de l'enfer chrétien. Ivre d'antiquité comme les autres, Dante nous a donné un enfer de Renaissance, un enfer de mythologie. Ce n'est pas sans dessein qu'il a pris Virgile pour conducteur et pour maître, dans ces ombres où l’Énéide se reflète comme un demi-jour. Il y a plus : l'enfer qu'il emplit de sa personnalité tourmentée et de ses implacables ressentiments, n'est qu'une forme sublime, découverte par le génie de la vengeance. Sans ses ennemis politiques, sans ces papes qu'il osait damner, ne croyant pas que ce fût assez de les insulter et de les maudire, Dante, ce Juvénal du Moyen-âge, ce pamphlétaire plus grand que Tacite, auquel des critiques qui ressemblent un peu aux petits garçons de Florence ont voulu donner l'air inspiré d'un prophète revenant de l'autre monde, tandis qu'il est un homme du temps, se possédant fort bien, au contraire, et tenant d'une main très froide son stylet de feu, Dante n'aurait jamais songé à enfoncer son profond regard, fait pour juger les hommes et leur commander, dans cette conception de l'enfer, dont la vision pour lui se mêle à d'autres rêves, et qu'il a faussée au profit de ses haines et sous le coup de ses douleurs.



LORD BYRON

SE ha dicho, bien lo sé, que todos los poetas son, en mayor o menor grado, niños sublimes, pero no por antigua esta observación es verdadera. Dante y Shakespeare, que son grandes poetas, ciertamente nunca son niños. Son siempre hombres, sublimes, si se quiere, pero perfectamente hombres; mientras que Byron, para quien sabe ver, no es ni un poeta ni un hombre como Shakespeare y Dante lo fueron. La infancia, con su gracia y sus mil cosas divinas, y también con sus niñerías, puesto que es la infancia, se une a la grandeza de Byron, de ese Byron que es el mayor poeta de nuestro tiempo, y una de cuyas niñerías, por ejemplo, entre tantas otras, fue la de querer ser un dandy...
Cierto día escribió en Rávena, en 1821: “Uno de los sentimientos más abrumadores y mortales de mi vida ha sido el de sentir que ya no era un niño”. Pero ¡cómo se equivocaba al escribir eso! Nunca había dejado de ser un niño, siempre lo fue. Nunca pudo borrar enteramente los tintes de aurora de la infancia de esa hermosa frente de hombre joven que, como Aquiles, tan prematuramente se llevó a la tumba. Los tenía aún allí a la hora de la muerte, cuando, uniendo la niñería al heroísmo, mandó que le hicieran, antes de salir en viaje rumbo a Grecia, el hermoso casco de oro de forma homérica con el que le gustaba ornar su cabeza [...] Fue, tal vez, la oscura conciencia de lo que era lo que le inspiró la idea de intitular Childe Harold el poema que dio inicio a su gloria. ¡Childe Harold, es decir, el niño Harold! [...] Como los niños, por otra parte, Byron fue en todo, tanto en su vida como en sus obras, el ser auténtico de todos los contrastes, y nunca hizo falta dar otra explicación de su genio y de sus obras fuera de esta verdad. ¡Sí, el ser auténtico de todos los contrastes! Puesto que era violento y manso, indolente y apasionado, afeminado y heroico, magnánimo y mezquino, entusiasta y burlón, moral e inmoral, escéptico y religioso; era todas esas cosas a la vez y por turno —como los niños son lo que son—, y como ellos, siéndolo, obedecía a su propia naturaleza.

(Les Bas-bleus, Victor Palmé, 1878.)

On a dit que tous les poètes étaient, plus ou moins, des enfants sublimes ; mais pour être déjà ancien, le mot n'en est pas plus vrai. Dante et Shakespeare, qui sont de grands poètes, ne sont, certes, jamais des enfants... Ce sont toujours des hommes sublimes, si on veut, mais parfaitement des hommes ; tandis que Byron, pour qui sait voir, n'est ni un poète ni un homme comme Shakespeare et Dante l'ont été. L'enfance, avec sa grâce et ses mille choses divines, et aussi avec ses enfantillages, puisqu'elle est l'enfance, se mêle à la grandeur de Byron, — de ce Byron le plus grand des poètes de notre âge, et dont un des enfantillages, par exemple, et parmi tant d'autres, fut de vouloir être un dandy...
Un jour, il écrivait, en 1821, à Ravenne: « Un des plus accablants et mortels sentiments de ma vie, c'est de sentir que je ne suis plus un enfant. » Mais quand il écrivait cela, comme il se trompait ! Il n'avait jamais cessé de l'être et il le fut toujours. Ce beau front de jeune homme qu'il emporta comme Achille si prématurément dans la tombe, il ne put jamais entièrement l'essuyer des teintes d'aurore de l'enfance. Elles y étaient encore à l'heure de mourir, quand mêlant l'enfantillage à l'héroïsme, il se fit faire, avant de partir pour la Grèce, ce beau casque d'or, de forme homérique, dont il aimait à parer son front [...] Ce fut peut-être la conscience obscure de ce qu'il était, qui lui inspira d'intituler Childe Harold le poème qui commença sa gloire. Childe Harold, c'est-à-dire, l’enfant Harold ! [...] Comme les enfants, du reste, Byron, partout, autant dans sa vie que dans ses œuvres, a été l'être vrai de tous les contrastes, et il n'y eut jamais d'autre explication à donner de son génie et de ses œuvres que cette vérité. Oui, l'être vrai de tous les contrastes ! Car il était violent et doux, indolent et passionné, efféminé et héroïque, magnanime et mesquin, enthousiaste et moqueur, moral et immoral, sceptique et religieux ; il était tout cela en même temps et tour à tour, — comme les enfants sont ce qu'ils sont — et comme eux, en l'étant, il obéissait à sa nature.


CHARLES BAUDELAIRE

HAY algo de Dante en el autor de Las Flores del Mal, pero de un Dante de una época decadente, un Dante ateo y moderno, un Dante que vino después de Voltaire, en un tiempo que no tendrá nunca un Santo Tomás. El poeta de esas Flores, que lastiman el pecho en que descansan, no tiene el imponente aspecto de su majestuoso predecesor, y eso no es culpa suya. Pertenece a una época confusa, escéptica, burlona, nerviosa, que se retuerce con las ridículas esperanzas de las transformaciones y las metempsicosis; no tiene la fe del gran poeta católico, esa fe que le daba la calma augusta de la serenidad en todos los dolores de la vida. El carácter de la poesía de Las Flores del Mal, excepto en algunas escasas composiciones que la desesperación terminó volviendo heladas, es el desconcierto, la furia, la mirada convulsa y no la mirada oscuramente clara y límpida del Visionario de Florencia. La Musa de Dante vio soñadoramente el infierno, la de Las Flores del Mal lo respira con la nariz crispada del caballo que presiente el obús. Una viene del infierno, la otra va hacia él. Si la primera es más augusta, la otra es quizás más conmovedora. No posee el maravilloso sentido épico que lleva tan alto la imaginación y calma su terror con la serenidad con la que los genios, seres del todo excepcionales, saben revestir sus obras más apasionadas. Tiene, por el contrario, horribles realidades que conocemos, y que nos producen una repulsión tal que ni siquiera nos permiten la abrumadora serenidad del desprecio.
(Les Poètes, Amyot, 1862.)

Il y a du Dante, en effet, dans l'auteur des Fleurs du Mal, mais c'est du Dante d'une époque déchue, c'est du Dante athée et moderne, du Dante venu après Voltaire, dans un temps qui n'aura point de saint Thomas. Le poète de ces Fleurs, qui ulcèrent le sein sur lequel elles reposent, n'a pas la grande mine de son majestueux devancier, et ce n'est pas sa faute. Il appartient à une époque troublée, sceptique, railleuse, nerveuse, qui se tortille dans les ridicules espérances des transformations et des métempsychoses ; il n'a pas la foi du grand poète catholique, qui lui donnait le calme auguste de la sécurité dans toutes les douleurs de la vie. Le caractère de la poésie des Fleurs du Mal, à l'exception de quelques rares morceaux que le désespoir a fini par glacer, c'est le trouble, c’est la furie, c'est le regard convulsé et non pas le regard, sombrement clair et limpide, du Visionnaire de Florence. La Muse du Dante a rêveusement vu l'Enfer, celle des Fleurs du Mal le respire d'une narine crispée comme celle du cheval qui hume l'obus! L'une vient de l'Enfer, l'autre y va. Si la première est plus auguste, l'autre est peut-être plus émouvante. Elle n'a pas le merveilleux épique qui enlève si haut l'imagination et calme ses terreurs dans la sérénité dont les génies, tout à fait exceptionnels, savent revêtir leurs œuvres les plus passionnées. Elle a, au contraire, d'horribles réalités que nous connaissons, et qui dégoûtent trop pour permettre même l'accablante sérénité du mépris.

Traducción, prólogo, apéndices, notas y cronología de
Ediciones De La Mirándola, diciembre de 2012.