martes, 15 de julio de 2025

Rainer Maria Rilke: Cartas sobre la muerte a Catherine Pozzi y Jules Supervielle


À CATHERINE POZZI

21 août 1924

Château de Muzot s/Sierre

Chère et honorable amie,

Les expériences les plus essentielles de ma vie convergent toutes pour me faire reconnaître la mort comme une autre partie de cette trajectoire dont nous suivons la courbe vertigineuse sans pouvoir faire halte un seul instant. Je me sens de plus en plus incité, pour le moment, à être en harmonie avec ce Tout où la vie et la mort se pénètrent et s’unissent, inlassablement. L’Ange dont j’affirme la présence (L’Ange qui dit oui), offre un visage radieux à la mort. Bien que la vie demande bien autre chose, c’est la mort, par-dessus tout, la mort elle-même, sur laquelle pèsent tant de suspicions, que j’aimerais réhabiliter en la replaçant au centre de tout, un lieu qu’elle n’a jamais quitté mais duquel nous avons détourné notre regard. Je sens que c’est ma mission de démontrer que c’est l’un des plus grands trésors de ce formidable Tout dans lequel la vie n’a peut-être que la plus petite part, même si elle est déjà si riche en elle-même qu’elle nous est inaccessible, hors d’atteinte.

Rilke

 

(La dernière lettre de Rilke, neuf jours avant sa mort.)

À JULES SUPERVIELLE

Clinique de Valmont s/Territet. p. Glion (Vaud),

ce 21 décembre 1926

Mon cher cher Supervielle,

Gravement malade, douloureusement, misérablement, humblement malade, je me retrouve un instant dans la douce conscience d’avoir pu être rejoint, même là, sur ce plan insituable et si peu humain, par votre envoi et par toutes les influences qu’il m’apporte.

Je pense à vous, poète, ami et, faisant cela, je pense encore le monde, pauvre débris d’un vase qui se souvient d’être de la terre. (Mais cet abus de nos sens et de leur “dictionnaire” par la douleur qui le feuillette !)

R.

 

A CATHERINE POZZI

21 de agosto de 1924

Castillo de Muzot en Sierre

 

Querida y digna amiga,

Las experiencias más esenciales de mi vida convergen, todas, para hacerme reconocer la muerte como una parte más de esta trayectoria cuya vertiginosa curva seguimos sin poder detenernos un solo instante. Me siento cada vez más incitado, por el momento, a estar en armonía con ese Todo en que la vida y la muerte se interpenetran y se unen, incansablemente. El Ángel cuya presencia afirmo (el Ángel que dice sí), le muestra un rostro radiante a la muerte. Aunque la vida exige algo muy diferente, es la muerte, en primer lugar, la muerte misma, que nos inspira tantas sospechas, la que quisiera rehabilitar volviéndola a poner en el centro de todo, un lugar que nunca ha abandonado pero del que hemos apartado la mirada. Siento que mi misión consiste en demostrar que es uno de los mayores tesoros de ese formidable Todo en el que la vida quizás posea tan sólo la parte más pequeña, aunque ya sea tan rica en sí misma que nos resulta inaccesible, fuera de alcance.

Rilke.

 

(Última carta de Rilke, nueve días antes de su muerte.)

A JULES SUPERVIELLE

Clínica de Valmont enTerritet, en las cercanías de Glion (Vaud),

este 21 de diciembre de 1926.

 

Mi querido Supervielle,

Gravemente enfermo, dolorosa, miserable, humildemente enfermo, vuelvo a ser yo mismo por un momento gracias a la dulce conciencia de que me hayan podido llegar, incluso aquí, en este plano imposible de situar y tan poco humano, su carta y todas las influencias que me trae.

Pienso en usted, poeta, amigo, y, al hacerlo, pienso nuevamente en el mundo, pobre fragmento de un jarrón que recuerda que está hecho de tierra. (¡Pero este abuso de nuestros sentidos y de su «diccionario» por parte del dolor que lo hojea!)

R.