Probablemente hay pocos libros tan saturados de melancolía como esa otoñal fantasía de los Memoranda. Pero es la viril melancolía de un Condestable de las Letras que, a veces, ya no soporta subsistir en medio de una literatura despreciable e industrial —horrenda tumefacción de estupidez e ignominia tal como nunca antes creció en el agusanado vientre de ninguna civilización decrépita. Barbey d'Aurevilly sabe muy bien que no hay medicina para esta agonía, y tiene demasiada aristocracia para exhalar, a este respecto, estúpidos gemidos. Pero aún mejor sabe que tampoco hay vesicatorio capaz de producir la resignación y, aunque es cristiano, no puede resignarse. De modo tal que la melancolía, mal ordinario, inevitable, de toda criatura excepcional, es, en él, una combinación muy peculiar de desprecio y entusiasmo.
“En el Mediodía, lo que más vivamente me llama la atención, tanto en las cosas como en las personas, es la falta absoluta de distinción”. Esta última palabra, creo, expresa plenamente a ese diletante de la impopularidad, católico entre los incrédulos, monárquico después de las monarquías, partidario de la Liga sin Liga, caballero sin rey y, él mismo, rey sin caballeros ni verdugo —¡por desgracia!
Lamartine lo llamó, un día, el duque de Guisa de la literatura. Frase brillante sin profundidad. El Balafré [se dice, en francés, de quien tiene una gran cicatriz en el rostro] fue un ambicioso altivo y tímido, que metía de buena gana su mano principesca en la mano de los más sórdidos burgueses de París y acabó siendo asesinado por un hermafrodita. Barbey d'Aurevilly es un hombre altivo sin ambición ni timidez que, con un movimiento benévolo de la fusta estampada con sus armas, aleja de él a burgueses y príncipes, porque unos y otros carecen ahora de esa distinción de la que no podría prescindir y que los más ingenuos mendigos de Dios todavía muestran, a veces, en sus harapos. A ésos los ama hasta el entusiasmo; no ha narrado sus vidas, sino que las ha cantado en sus libros, y es a través de ellos como se venga de los andrajos literarios y políticos de todos los mendigos arteros de la infame sociedad en que se ve obligado a vivir.
Hay uno de esos sublimes pobres en los Memoranda. Es, por cierto, tan ingenuo como los de Crabbe o Robert Burns, pero el autor de El sacerdote casado —como un magnífico San Martín— ha arrojado sobre él la brillante y dolorosa púrpura del catolicismo que esos dos poetas no conocían.
“¿Dónde estará ahora —dice— mi pobre viejo ciego con su blusón azul, que permanecía acuclillado como un viejo turco mientras decía su Ave María eterno? —¡Qué hermosa plegaria para un pobre! Parecía que, con el noble saludo del ángel, saludaba a las mujeres que pasaban: Te saludo, María, llena de gracia, y al mismo tiempo le rezaba a AQUELLA que no pasaba por allí, pero que lo oía mucho mejor que las que pasaban. —Aquel viejo rostro curtido por el viento, la lluvia, la nieve, el sol, todas las inclemencias; ese bronce pensativo de la ceguera y la miseria que no dejaba de murmurar noche y día, Memnón de la pobreza que, más sonoro y más conmovedor que el otro, tenía siempre en los labios el cruel rayo de la adversidad, que lo hacía gemir, ¿dónde estará ahora?… ¿En algún rincón perdido del cementerio de Vaucelles?… Y en el lugar que ocupaba hay ahora dos máquinas limpiadoras de raíces. —Probablemente aquí, en esta ciudad bien administrada (horrible lenguaje), la mendicidad está prohibida. Se echa de las calles a aquellos a los que la religión llamó tan divinamente “los miembros de Jesucristo”, y se soporta… ¿qué digo?, se inauguran en su lugar máquinas limpiadoras de raíces. ¡Viva el trabajo!
”Toda la diferencia entre la Edad Media y el mundo moderno reside en esto”.
LÉON BLOY
Traducción de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán
Il est sans doute peu de livres aussi fortement saturés de mélancolie que cette automnale fantaisie des Memoranda. Mais, c’est la mélancolie virile d’un Connétable de lettres qui, parfois, n’en peut plus de subsister au milieu d’une littérature squalide et industrielle — effroyable tuméfaction de bêtise et d’ignominie, comme il n’en avait jamais poussé sur le ventre plein de sale engeance d’aucune civilisation en décrépitude. M. Barbey d’Aurevilly sait trop bien qu’il n’y a pas de médicaments pour cette agonie et il a trop d’aristocratie pour s’exhaler, à ce sujet, en gémissements stupides. Mais il sait encore mieux qu’il n’y a pas non plus de vésicatoire pour faire venir la résignation et, quoique chrétien, il ne peut pas se résigner. Aussi, la mélancolie, mal ordinaire, inévitable, de toute créature d’exception, est elle, chez lui, une très particulière combinaison du mépris et de l’enthousiasme.
« Dans le Midi, ce qui me frappe, dit-il, pour les choses comme pour les personnes, c’est le manque absolu de distinction. » Ce dernier mot, je crois, exprime tout de ce dilettante de l’impopularité, catholique parmi les incroyants, monarchiste après les monarchies, ligueur sans Ligue, gentilhomme sans roi et roi lui-même sans gentilshommes et sans bourreau, — hélas !
Lamartine l’appela, un jour, le duc de Guise de la littérature. Mot brillant sans profondeur. Le Balafré fut un ambitieux superbe et timide qui vautrait fort bien sa main de prince dans la main des plus sordides bourgeois de Paris et qui finit par se faire assassiner par un hermaphrodite. M. Barbey d’Aurevilly est un superbe sans ambition et sans timidité qui, d’un geste bienveillant de sa cravache armoriée, écarte de lui bourgeois et princes, parce que les uns et les autres manquent désormais de cette distinction dont il ne saurait se passer et que les plus naïfs mendiants du bon Dieu montrent encore quelquefois dans leurs guenilles. Ceux-là, il les aime jusqu’à l’enthousiasme ; il les a non pas racontés, mais chantés dans ses livres et c’est par eux qu’il se venge des haillons littéraires et politiques de tous les mendiants roublards de l’infâme société où il est forcé de vivre.
Il y en a un de ces sublimes pauvres dans les Memoranda. Il est, certes, aussi naïf que ceux de Crabbe ou de Robert Burns, mais l’auteur du Prêtre Marié — comme un magnifique Saint-Martin, — a jeté sur lui la pourpre éclatante et douloureuse du catholicisme que ces deux poètes ne connaissaient pas.
« Où est maintenant, dit-il, mon pauvre vieux aveugle en sarrau bleu, accroupi sur ses talons comme un vieux Turc, et qui disait son Ave Maria éternel ? Belle prière pour un pauvre ! — Il semblait saluer les femmes qui passaient de ce noble salut d’ange : « Je vous salue, Marie, pleine de grâce, » et en même temps il priait CELLE-LÀ qui ne passait pas, mais qui l’entendait mieux que celles qui passaient. — Cette vieille face tannée par le vent, la pluie, la neige, le soleil, toutes les atmosphères, ce bronze pensif de la cécité et de la misère qui murmurait sans cesse, le jour, la nuit, Memnon de la pauvreté qui, plus sonore et plus touchant que l’autre, avait toujours sur la lèvre le cruel rayon d’adversité qui le faisait gémir, où est-il maintenant ?... Dans quelque coin perdu du cimetière de Vaucelles ?... et, à sa place, vous trouvez deux décrotteurs ! — Probablement, ici, ville bien administrée (horrible langage), la mendicité est interdite, on chasse des rues ceux que la religion a si divinement nommés « les membres de Jésus-Christ, » et l’on souffre... que dis-je ? on inaugure des décrotteurs à leur place. Vive le travail !
» Toute la différence entre le moyen âge et le monde moderne est là-dedans. »
Et voilà aussi toute la différence entre la réputation de critique hautain et cruel que certains auteurs rossés ont faite à M. Barbey d’Aurevilly et sa véritable manière d’être, connue seulement de ceux-ci qui le voient de fort près ou de ceux-là, plus éloignés, qui savent déchiffrer ésotériquement une âme d’homme à travers les paraboles et les similitudes de la poésie. Mais, cherchez-les, ces merles blancs. « Il n’y a pas sur le globe terraqué, — disait avec une exagération pleine de profondeur ce délicieux insensé de Villiers de l’Isle-Adam, — il n’y a pas plus d’un cent d’individus par siècle (et encore !) capables de lire quoi que ce soit, voire des étiquettes de pots à moutarde ! »