HOMENAJE A SUSANA SOCA
Ella no era de aquí...
Sólo la vi dos veces. Es poco. Pero lo extraordinario no se mide en términos de tiempo. Me conquistaron, de entrada, su aire de ausencia y de extrañamiento, sus susurros (no hablaba), sus gestos inseguros, sus miradas que no se adherían ni a los seres ni a las cosas, su aire de espectro encantador. «¿Quién es usted? ¿De dónde viene?», eran las preguntas que uno tenía ganas de hacerle a quemarropa. No hubiera podido responderlas, hasta tal punto se confundía con su misterio o le repugnaba traicionarlo. Nadie sabrá jamás cómo lograba respirar, por qué extravío cedía al prestigio del aliento, ni qué buscaba entre nosotros. Lo único cierto es que no era de aquí y que compartía nuestra degradación únicamente por amabilidad o curiosidad enfermiza. Sólo los ángeles y los incurables pueden inspirar un sentimiento análogo al que uno experimentaba en su presencia. ¡Fascinación, malestar sobrenatural!
En el mismo instante en que la vi, me enamoré de su timidez, una timidez única, inolvidable, que le daba la apariencia de una vestal extenuada por el culto de un dios clandestino, o de una mística devastada por la nostalgia o el abuso del éxtasis, para siempre incapaz de reincorporarse a las evidencias.
Abrumada de bienes, colmada según el mundo, parecía sin embargo destituida de todo, al borde de una mendicidad ideal, dedicada a murmurar su indigencia en el seno de lo imperceptible. De hecho, ¿qué podía poseer y proferir cuando el silencio le servía de alma y la perplejidad de universo? ¿No traía a la mente, acaso, esas criaturas de luz lunar de las que habla Rozanov? Cuanto más uno pensaba en ella, menos propenso era a considerarla según los gustos y los puntos de vista de la época. Un género inactual de maldición pesaba sobre ella. Por fortuna, su encanto mismo formaba parte del pasado. Tendría que haber nacido en otro lugar y en otro tiempo, en medio de las landas de Haworth, en la niebla y la desolación, al lado de las hermanas Brontë...
Quien sabe descifrar los rostros podía leer fácilmente en el suyo que no estaba condenada a durar, que la pesadilla de los años le sería ahorrada. Estando viva, parecía tan poco cómplice de la vida, que uno no podía mirarla sin pensar que nunca más volvería a verla. El adiós era el signo y la ley de su naturaleza, el brillo de su predestinación, la marca de su paso por la Tierra; de ahí que lo llevara como un nimbo, no por indiscreción, sino por solidaridad con lo invisible.
Exercices d'admiration
Traducción, para Literatura & Traducciones, de Miguel Ángel Frontán
ELLE N’ÉTAIT PAS D’ICI…
Je ne l’ai rencontrée que deux fois. C’est peu. Mais l’extraordinaire ne se mesure pas en termes de temps. Je fus conquis d’emblée par son air d’absence et de dépaysement, ses chuchotements (elle ne parlait pas), ses gestes mal assurés, ses regards qui n’adhéraient aux êtres ni aux choses, son allure de spectre adorable. « Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? » était la question qu’on avait envie de lui poser à brûle-pourpoint. Elle n’eût pu y répondre, tant elle se confondait avec son mystère ou répugnait à le trahir. Personne ne saura jamais comment elle s’arrangeait pour respirer, par quel égarement elle cédait aux prestiges du souffle, ni ce qu’elle cherchait parmi nous. Ce qui est certain c’est qu’elle n’était pas d’ici, et qu’elle ne partageait notre déchéance que par politesse ou par quelque curiosité morbide. Seuls les anges et les incurables peuvent inspirer un sentiment analogue à celui qu’on éprouvait en sa présence. Fascination, malaise surnaturel !
À l’instant même où je la vis, je devins amoureux de sa timidité, une timidité unique, inoubliable, qui lui prêtait l’apparence d’une vestale épuisée au service d’un dieu clandestin ou alors d’une mystique ravagée par la nostalgie ou l’abus de l’extase, à jamais inapte à réintégrer les évidences !
Accablée de biens, comblée selon le monde, elle paraissait néanmoins destituée de tout, au seuil d’une mendicité idéale, vouée à murmurer son dénuement au sein de l’imperceptible. Au reste, que pouvait-elle posséder et proférer, quand le silence lui tenait lieu d’âme et la perplexité d’univers ? Et n’évoquait-elle pas ces créatures de la lumière lunaire dont parle Rozanov ? Plus on songeait à elle, moins on était enclin à la considérer selon les goûts et les vues du temps. Un genre inactuel de malédiction pesait sur elle. Par bonheur, son charme même s’inscrivait dans le révolu. Elle aurait dû naître ailleurs, et à une autre époque, au milieu des landes de Haworth, dans le brouillard et la désolation, aux côtés des sœurs Brontë…
Qui sait déchiffrer les visages lisait aisément dans le sien qu’elle n’était pas condamnée à durer, que le cauchemar des années lui serait épargné. Vivante, elle semblait si peu complice de la vie, qu’on ne pouvait la regarder sans penser qu’on ne la reverrait jamais. L’adieu était le signe et la loi de sa nature, l’éclat de sa prédestination, la marque de son passage sur terre ; aussi le portait-elle comme un nimbe, non point par indiscrétion, mais par solidarité avec l’invisible.