VISITA A DULCINEA
Nadie
ha visto a Dulcinea, ni siquiera Don Quijote. Nadie sabe quién es. Mas,
hablando de ella, para que la rindan homenaje, Don Quijote se maravilla y dice:
«¿Es posible, en verdad, que el nombre de una tan gran princesa no haya llegado
a oídos vuestros?» Ha creado su quimera; ésta le crea en cambio. Hecha de él,
lo conduce adondequiera se le antoja ir; lo arrebata. Esta historia es la de un
gran corazón, y también la del espíritu.
Hay
un santo capítulo, en que Sancho cuenta su visita a Dulcinea (Primera parte,
capítulo XXXI). Mientras más abruma Sancho el ideal bajo la realidad, más lo
salva Don Quijote de la vulgaridad y lo transfigura en lo que quiere que sea.
Con una risa inimitable, una jocosidad digna de Molière o de Aristófanes, es aquí
la confrontación del sueño y de la vida, de la creación y del objeto, tan
bella, tan conmovedora como cualquiera de Shakespeare. Y Don Quijote, hombre, y
tan viril, nos emociona más, y va más lejos en la melancolía de la risa, que
la deliciosa hada Titania, acariciando a Bottom.
Además,
para que nada falte en él, el final del capítulo encierra una almendra de
ironía incomparable, con su semilla de gozosa amargura. Y si tiene tanto sabor,
es porque es rica en ácido prúsico.
Cabalgando
en su ensueño de Dulcinea, diosa de belleza, dama de perfección y de todo
deleite, Don Quijote vuelve a tropezar con cierto arrapiezo, al que poco
tiempo atrás libertara de manos de un amo verdugo. Creyó hacerle libre, pero
el villano ha pagado la libertad de un instante a costa de toda suerte de
males, cien veces más crueles que su esclavitud. «De todo lo cual tiene vuestra
merced la culpa», dice a Don Quijote, en cuanto se topa con él de nuevo. «Por
amor de Dios, señor caballero andante, que si otra vez me encontrare, aunque
vea que me hacen pedazos, no me socorra ni ayude, sino déjeme con mi desgracia,
que no será tanta, que no sea mayor la que me venga de la ayuda de vuestra merced,
a quien Dios maldiga y a todos cuantos caballeros andantes han nacido en el
mundo.» Tal es la conclusión del siglo y del orden común. Que el ideal pase de
largo. Que cuide de no echar pie a tierra, aunque sólo fuera por lástima hacia
los peatones. Ni el empedrado, ni los taludes, ni el carril se curan de su
visita.
Sin
embargo, ¡qué gloria para el tiempo en que vivimos!, toda Francia ha montado a
caballo y camina al lado de Don Quijote. Los hombres se han acomodado a la vida
heroica, aun aquellos que menos pensaban en ella. El carril no es ya el lugar
seguro, ni el empedrado, ni el lodo del camino. Una virtud semejante se paga
con tesoros de lágrimas y sangre.
Traducción de RICARDO BAEZA
VISITE À DULCINÉE
Nul n’a vu
Dulcinée, pas même Don Quichotte. Nul ne sait qui elle est. Or, parlant d’elle,
pour qu’on lui rende hommage, Don Quichotte s’étonne et il dit : « Se peut-il,
en vérité, que le nom d’une si grande princesse ne soit pas venu jusqu’à vous ?
» Il a créé sa chimère ; elle le crée en retour. Faite de lui, elle le porte où
il veut aller ; elle le ravit. Cette histoire est celle d’un grand cœur, et
celle aussi de l’esprit.
Il est un saint
chapitre, où Sancho raconte sa visite à Dulcinée [Première partie, chapitre
XXXI]. Plus Sancho accable l’idéal sous la réalité, plus Don Quichotte le sauve
de la vulgarité commune et le transfigure en ce qu’il veut qu’il soit. Avec un
rire inimitable, une gaîté digne de Molière ou d’Aristophane, c’est ici la
confrontation du rêve et de la vie, de la création et de l’objet, aussi belle,
aussi émouvante que toutes celles de Shakespeare. Et Don Quichotte étant homme,
et si viril, nous touche plus, et va plus loin dans la mélancolie du rire, que
la délicieuse fée, Titania, caressant Bottom.
D’ailleurs, pour
que rien n’y manque, la fin du chapitre recèle une amande d’ironie
incomparable, avec son noyau de joyeuse amertume. Et s’il a tant de goût, c’est
qu’il est riche en acide prussique.
Chevauchant dans
son rêve de Dulcinée, déesse de beauté, dame de perfection et de tout délice,
Don Quichotte retrouve certain rustre, qu’il a délivré naguère, comme un maître
bourreau le déchirait du poing et du fouet. Il a cru rendre libre ce valet.
Mais le vilain a payé la liberté d’un instant par toute sorte de maux, cent
fois plus cruels que son esclavage. « Votre Grâce en est la cause », dit-il à
Don Quichotte, dès qu’il le revoit. « Que ne passiez-vous votre chemin ? Une
autre fois ne me secourez plus, et laissez-moi dans la peine. La pire infortune
pour les gens est celle qui leur vient de votre secours. Que Dieu vous maudisse
donc, vous et tous ceux de votre espèce ! » Telle est bien la conclusion du
siècle et de l’ordre commun. Que l’idéal passe son chemin. Qu’il ait bien soin
de ne pas mettre pied à terre, ne fût-ce que par pitié des piétons. Ni le pavé,
ni les talus, ni l’ornière ne se soucient de sa visite.
Cependant, quelle
gloire pour le temps où nous sommes, toute la France s’est mise à cheval et
chemine aux côtés de Don Quichotte. Les hommes se sont rangés à la vie
héroïque, ceux mêmes qui y pensaient le moins. L’ornière n’est plus le lieu
sûr, ni le pavé, ni la boue du chemin. Une telle vertu se paie en trésors de
larmes et de sang.