LA MUERTE Y LA VERGÜENZA
Yo vi la Muerte y la Vergüenza: unidas,
A la luz del crepúsculo marchaban
En un horrible bosque. Estremecidas
Por el viento,
las yerbas oscilaban.
Sobre un muerto caballo iba la Muerte,
Y la Vergüenza, en un corcel podrido.
Pájaros negros por el aire inerte
Cruzaban arrojando su graznido.
Y dijo la Vergüenza: —Soy la Dicha,
Ven. El oro, la púrpura, la seda,
El festín, los palacios, los bufones,
Las arcas entreabiertas donde rueda
El himno embriagador de los millones;
La triunfal pompa de las regias salas;
El jardín con sus árboles, sus fuentes;
Las mujeres corriendo con sus galas
De belleza y de luz resplandecientes;
La música vibrando sus clarines
De la gloria en el bronce resonante,
Todo te pertenece : goce, arrullo,
Hermosura, poder, cetro y orgullo;
Ven y sigue, partamos al instante.
Y respondí : — Mal huele tu caballo.
La Muerte dijo: — Es el Deber mi nombre,
Y voy hacia el sepulcro; entre el desmayo,
La angustia y el prodigio llevo al hombre.
— Detrás de ti, ¿hay un sitio? — le pregunto.
Y vueltos a la sombra en que aparece
Dios, emprendemos el camino al punto,
Mientras la vasta selva se ennegrece.
Traducción de LEOPOLDO DÍAZ
CHOIX ENTRE DEUX PASSANTS
Je vis la Mort, je vis la Honte ; toutes deux
Marchaient au crépuscule au fond du bois hideux.
L’herbe informe était brune et d’un souffle agitée.
Et sur un cheval mort la Mort était montée ;
La Honte cheminait sur un cheval pourri.
Des vagues oiseaux noirs on entendait le cri.
Et la Honte me dit : — Je m’appelle la Joie.
Je vais au bonheur. Viens. L’or, la pourpre, la soie,
Les festins, les palais, les prêtres, les bouffons,
Le rire triomphal sous les vastes plafonds,
Les richesses en hâte ouvrant leurs sacs de piastres,
Les parcs, éden nocturne aux grands arbres pleins d’astres,
Les femmes accourant avec une aube aux fronts,
La fanfare, à sa bouche appuyant les clairons,
Fière, et faisant sonner la gloire dans le cuivre,
Tout cela t'appartient ; viens, tu n’as qu’à me suivre.
Et je lui répondis : — Ton cheval sent mauvais.
La Mort me dit : — Mon nom est Devoir ; et je vais
Au sépulcre, à travers l’angoisse et le prodige.
— As-tu derrière toi de la place ? lui dis-je.
Et depuis lors, tournés vers l’ombre où Dieu paraît,
Nous faisons route ensemble au fond de la forêt.
La Légende des siècles, Nouvelle Série.