sábado, 5 de junio de 2021

Victor Hugo y Teodoro Llorente: Moisés en el Nilo


MOÏSE SUR LE NIL

En ce même temps, la fille de Pharaon vint au fleuve pour se baigner, accompagnée de ses filles, qui marchaient le long du bord de l’eau.

Exode.

 

« Mes sœurs, l’onde est plus fraîche aux premiers feux du jour.

Venez : le moissonneur repose en son séjour ;

La rive est solitaire encore ;

Memphis élève à peine un murmure confus ;

Et nos chastes plaisirs, sous ces bosquets touffus,

N’ont d’autre témoin que l’aurore.

 

« Au palais de mon père on voit briller les arts ;

Mais ces bords pleins de fleurs charment plus mes regards

Qu’un bassin d’or ou de porphyre ;

Ces chants aériens sont mes concerts chéris ;

Je préfère aux parfums qu’on brûle en nos lambris

Le souffle embaumé du zéphire.

 

« Venez : l’onde est si calme et le ciel est si pur !

Laissez sur ces buissons flotter les plis d’azur

De vos ceintures transparentes ;

Détachez ma couronne et ces voiles jaloux ;

Car je veux aujourd’hui folâtrer avec vous,

Au sein des vagues murmurantes.

 

« Hâtons-nous… Mais parmi les brouillards du matin,

Que vois-je ? — Regardez à l’horizon lointain…

Ne craignez rien, filles timides !

C’est sans doute, par l’onde entraîné vers les mers,

Le tronc d’un vieux palmier qui, du fond des déserts,

Vient visiter les Pyramides.

 

« Que dis-je ? Si j’en crois mes regards indécis,

C’est la barque d’Hermès ou la conque d’Isis,

Que pousse une brise légère.

Mais non ; c’est un esquif où, dans un doux repos,

J’aperçois un enfant qui dort au sein des flots,

Comme on dort au sein de sa mère.

 

« Il sommeille ; et, de loin, à voir son lit flottant,

On croirait voir voguer sur le fleuve inconstant

Le nid d’une blanche colombe.

Dans sa couche enfantine il erre au gré du vent ;

L’eau le balance, il dort, et le gouffre mouvant

Semble le bercer dans sa tombe.

 

« Il s’éveille : accourez, ô vierges de Memphis !

Il crie… Ah ! quelle mère a pu livrer son fils

Au caprice des flots mobiles ?

Il tend les bras ; les eaux grondent de toute part.

Hélas ! contre la mort il n’a d’autre rempart

Qu’un berceau de roseaux fragiles.

 

« Sauvons-le… — C’est peut-être un enfant d’Israël.

Mon père les proscrit ; mon père est bien cruel

De proscrire ainsi l’innocence !

Faible enfant ! ses malheurs ont ému mon amour,

Je veux être sa mère : il me devra le jour,

S’il ne me doit pas la naissance. »

 

Ainsi parlait Iphis, l’espoir d’un roi puissant,

Alors qu’aux bords du Nil son cortège innocent

Suivait sa course vagabonde ;

Et ces jeunes beautés qu’elle effaçait encor,

Quand la fille des rois quittait ses voiles d’or,

Croyaient voir la fille de l’onde.

Sous ses pieds délicats déjà le flot frémit.

Tremblante, la pitié vers l’enfant qui gémit

La guide en sa marche craintive ;

Elle a saisi l’esquif ! Fière de ce doux poids,

L’orgueil sur son beau front, pour la première fois,

Se mêle à la pudeur naïve.

 

Bientôt, divisant l’onde et brisant les roseaux,

Elle apporte à pas lents l’enfant sauvé des eaux

Sur le bord de l’arène humide ;

Et ses sœurs tour à tour, au front du nouveau-né,

Offrant leur doux sourire à son œil étonné,

Déposaient un baiser timide.

 

Accours, toi qui, de loin, dans un doute cruel,

Suivais des yeux ton fils sur qui veillait le ciel ;

Viens ici comme une étrangère ;

Ne crains rien : en pressant Moïse entre tes bras,

Tes pleurs et tes transports ne te trahiront pas,

Car Iphis n’est pas encor mère !

 

Alors, tandis qu’heureuse et d’un pas triomphant,

La vierge au roi farouche amenait l’humble enfant,

Baigné des larmes maternelles,

On entendait en chœur, dans les cieux étoilés,

Des anges, devant Dieu de leurs ailes voilés,

Chanter les lyres éternelles.

 

« Ne gémis plus, Jacob, sur la terre d’exil ;

Ne mêle plus tes pleurs aux flots impurs du Nil :

Le Jourdain va t’ouvrir ses rives.

Le jour enfin approche où vers les champs promis

Gessen verra s’enfuir, malgré leurs ennemis,

Les tribus si longtemps captives.

 

« Sous les traits d’un enfant délaissé sur les flots,

C’est l’élu du Sina, c’est le roi des fléaux,

Qu’une vierge sauve de l’onde.

Mortels, vous dont l’orgueil méconnaît l’Éternel,

Fléchissez : un berceau va sauver Israël,

Un berceau doit sauver le monde ! »

VICTOR HUGO

Odes et Ballades


MOISÉS EN EL NILO

 

«Venid, hermanas: a la luz naciente

Que aun tímido derrama el nuevo día

Sin fuerza y sin calor, está mas fría

Del caudaloso Nilo la corriente;

Aún descuidadamente

Duerme en su choza el segador; desierto

El ancho campo está; rumor incierto

Levanta apenas la ciudad lejana.

Nuestros castos placeres, al abrigo

Del frondoso ramaje, esta mañana

Sólo tendrán la aurora por testigo.»

 

« De las lujosas artes

El mágico esplendor por todas partes

En el palacio de mi padre brilla;

Pero más a mis ojos

Es bella con sus flores esta orilla,

Que la esculpida fuente

De blanco mármol o granitos rojos:

Los sencillos conciertos de las aves

Son para mí los cantos más suaves;

Y el soplo embalsamado del ambiente

Al aroma prefiero

Que humea en el dorado pebetero.»

 

« ¡Se desliza hoy tan mansa la corriente!

¡Con tan límpido azul brillan los cielos!

La corona quitadme de la frente,

Desnudadme estos velos,

Pues con vosotras en el seno frío

Quiero jugar del murmurante río.»

 

«Venid, démonos prisa;

Mas ¿qué es aquello, ¡oh Dios! que se divisa

Sobre el agua, cubierto

Por la bruma indecisa?

¡Oh! no temáis: será que del desierto

Sobre el agua ligera

Flotando una palmera

Viene a ver las pirámides. ¿Qué veo?

¡Oh! si a mis ojos creo

La barca es de Hermes o la concha de Isis

Que la brisa conduce cariñosa.

¡Oh! no, no; es un esquife do reposa

Un niño, que del río

Sobre las mansas aguas se adormece,

Cual de su madre sobre el blando pecho

Dormir pudiera en dulce paz: parece

Sobre el agua flotando el frágil lecho

De una blanca paloma el pobre nido.

Ya despierta, venid; ¿no habéis oído?

Llora! ¿Qué madre impía, santo cielo!

Habrá podido abandonarle? Tiende

Los brazos sin consuelo;

No hay salvación alguna,

Y de la muerte sólo le defiende

De mimbres frágil cuna. »

 

«¡Oh! salvemos, salvemos su existencia;

Quizá es un hijo de Israel. — Mi padre

Los proscribe; proscribe la inocencia!

¡Qué impía crueldad! ¡Infeliz niño!

Yo quiero ser tu madre;

Tu desgracia despierta mi cariño:

No te la di, mas guardaré tu vida. »

 

Ifis hablaba así, la hija querida

De un rey poderosísimo y sus huellas

Seguían juntas en alegre coro

Sus hermosas doncellas;

Y más hermosa que ellas,

Cuando la joven reina desceñía

La vestidura azul bordada de oro,

La diosa de las aguas parecía.

 

Ya tiembla, porque roza

Su delicada planta el agua fría;

Pero avanza, y al niño que solloza

La compasión le guía.

Ya la cuna alcanzó: por vez primera

Al candor inocente

Se une el orgullo en su serena frente.

A lentos pasos vuelve; en la ribera

Deja la pobre cuna

Sobre el margen florido,

Y sus hermanas todas, una a una,

Sonriendo al feliz recién nacido,

Con alegre embeleso

Imprimen en su frente dulce beso.

 

Ven, ven; tú que a lo lejos apartada,

Por duda horrible el corazón opreso,

Mirabas a ese niño, cuya vida

Dios guarda protector: no temas nada.

Ven cual desconocida;

Estrecha entre tus brazos

Al hijo de tu amor: esos abrazos,

Esas lágrimas, ¡ay!, ese cariño,

No tengas miedo que le vendan: Ifis

No es madre todavía !

 

Y mientras lleva la doncella pía

Al despiadado rey el tierno niño

Aún bañado en los lloros maternales,

En el cielo resuena la armonía

Del angélico coro,

Que al compás de las arpas inmortales

Dice en himno sonoro:

« No solloces, Jacob; no más tu llanto

En servidumbre dura

A la corriente impura

Unas del ancho Nilo. El Jordán santo

Te brinda sus riberas.

Llega el día; las horas van ligeras

Del tirano la cólera abatida,

Gesén verá las tribus prisioneras

Huyendo hacia la tierra prometida. »

 

«Ese niño en las aguas sumergido

Que liberta una virgen de la muerte,

En el Siná de Dios será escogido,

De las horribles plagas el Dios fuerte.

Humillaos, vosotros que altaneros

Miráis al cielo con desdén profundo:

¡Esa cuna que veis sin conmoveros

Ha de salvar al mundo! »

 

Traducción de TEODORO LLORENTE

Poesías selectas de Victor Hugo. Imprenta de Juan Antonio García, Madrid, 1860