ANTONIO Y
CLEOPATRA
EL CYDNUS
Bajo el azul
triunfal al sol enrojecido,
la trirreme de
plata blanquea el río denso
y su estela en
él deja un perfume de incienso
y, con sones de
flautas, de sedas el crujido.
En la proa radiante
do el neblí se ha cernido,
de su dosel Cleopatra
olvida el brillo intenso
y oteando del Vésper,
de pie, el confín inmenso,
parece un ave de
oro que ya la presa ha olido.
Tarsis. Allí el
guerrero la espera desarmado;
la morena Lagida
abre al aire encantado
los brazos
ambarinos y manos primorosas;
y sus ojos no han
visto, presagio de su suerte,
deshojando a su
lado en la agua turbia rosas,
dos divinos
Infantes: el Deseo y la Muerte.
TARDE DE BATALLA
Ha sido rudo el
choque. Los Centuriones, juntos
con los
Tribunos, unen las cohortes vacilantes.
Por el aire, que
atruenan aun sus voces vibrantes,
el hedor de la
carne da de muerte barruntos.
Los soldados
contaban sus amigos difuntos
de los adversos
hierros por los cortes tajantes,
mientras que los
arqueros de Faortes, jadeantes,
con el sudor
perlaban los rostros cejijuntos.
Entonces surge, al
cuerpo las saetas prendidas,
rojo del flujo
cálido de sus frescas heridas,
bajo la excelsa
púrpura y el éneo paramento,
de los clarines
roncos a la armonía tosca
soberbio refrenando
el corcel que se enfosca
bajo el cielo
inflamado, el Caudillo sangriento.
ANTONIO Y
CLEOPATRA
Bajo la alta
terraza donde estaban, dormía
el Egipto
abrumado por cielo sofocante
y, atravesando
el negro Delta, del río gigante
hasta Buhaste o
Sais la onda densa corría.
El Romano en su
peto escamado sentía,
—soldado a quien
arrulla el sueño de un infante—
y arrellanarse
sobre su corazón triunfante
el cuerpo
voluptuoso que su brazo ceñía.
La pálida cabeza
de lóbregos cabellos
volviendo al que
embriagaba de aromas y destellos,
tendiole ella
las claras pupilas hechiceras;
y el Caudillo,
los bríos ante sus pies postrados,
vio en sus ojos,
de puntos de oro constelados,
toda una mar por
donde huyendo iban galeras.
ANTOINE ET
CLÉOPÂTRE
LE CYDNUS
Sous l’azur
triomphal, au soleil qui flamboie,
La trirème d’argent
blanchit le fleuve noir
Et son
sillage y laisse un parfum d’encensoir
Avec des
sons de flûte et des frissons de soie.
À la proue
éclatante où l’épervier s’éploie,
Hors de son
dais royal se penchant pour mieux voir,
Cléopâtre
debout en la splendeur du soir
Semble un
grand oiseau d’or qui guette au loin sa proie.
Voici Tarse,
où l’attend le guerrier désarmé ;
Et la brune
Lagide ouvre dans l’air charmé
Ses bras d’ambre
où la pourpre a mis des reflets roses.
Et ses yeux
n’ont pas vu, présage de son sort,
Auprès d’elle,
effeuillant sur l’eau sombre des roses,
Les deux
enfants divins, le Désir et la Mort.
SOIR DE
BATAILLE
Le choc
avait été très rude. Les tribuns
Et les
centurions, ralliant les cohortes,
Humaient
encor dans l’air où vibraient leurs voix fortes
La chaleur
du carnage et ses âcres parfums.
D’un œil
morne, comptant leurs compagnons défunts,
Les soldats
regardaient, comme des feuilles mortes,
Au loin,
tourbillonner les archers de Phraortes ;
Et la sueur
coulait de leurs visages bruns.
C’est alors
qu’apparut, tout hérissé de flèches,
Rouge du
flux vermeil de ses blessures fraîches,
Sous la
pourpre flottante et l’airain rutilant,
Au fracas
des buccins qui sonnaient leur fanfare,
Superbe,
maîtrisant son cheval qui s’effare,
Sur le ciel
enflammé, l’Imperator sanglant.
ANTOINE ET
CLÉOPÂTRE
Tous deux
ils regardaient, de la haute terrasse,
L’Égypte s’endormir
sous un ciel étouffant
Et le
Fleuve, à travers le Delta noir qu’il fend,
Vers Bubaste
ou Saïs rouler son onde grasse.
Et le Romain
sentait sous la lourde cuirasse,
Soldat
captif berçant le sommeil d’un enfant,
Ployer et
défaillir sur son cœur triomphant
Le corps
voluptueux que son étreinte embrasse.
Tournant sa
tête pâle entre ses cheveux bruns
Vers celui
qu’enivraient d’invincibles parfums,
Elle tendit
sa bouche et ses prunelles claires ;
Et sur elle
courbé, l’ardent Imperator
Vit dans ses
larges yeux étoilés de points d’or
Toute une
mer immense où fuyaient des galères.