miércoles, 16 de abril de 2025

Charles Baudelaire: Poemas en prosa XI. La mujer salvaje y la pequeña amante

À ARSÈNE HOUSSAYE 

Mon cher ami, je vous envoie un petit ouvrage dont on ne pourrait pas dire, sans injustice, qu’il n’a ni queue ni tête, puisque tout, au contraire, y est à la fois tête et queue, alternativement et réciproquement. Considérez, je vous prie, quelles admirables commodités cette combinaison nous offre à tous, à vous, à moi et au lecteur. Nous pouvons couper où nous voulons, moi ma rêverie, vous le manuscrit, le lecteur sa lecture ; car je ne suspends pas la volonté rétive de celui-ci au fil interminable d’une intrigue superfine. Enlevez une vertèbre, et les deux morceaux de cette tortueuse fantaisie se rejoindront sans peine. Hachez-la en nombreux fragments, et vous verrez que chacun peut exister à part. Dans l’espérance que quelques-uns de ces tronçons seront assez vivants pour vous plaire et vous amuser, j’ose vous dédier le serpent tout entier.

J’ai une petite confession à vous faire. C’est en feuilletant, pour la vingtième fois au moins, le fameux Gaspard de la Nuit, d’Aloysius Bertrand (un livre connu de vous, de moi et de quelques-uns de nos amis, n’a-t-il pas tous les droits à être appelé fameux ?) que l’idée m’est venue de tenter quelque chose d’analogue, et d’appliquer à la description de la vie moderne, ou plutôt d’une vie moderne et plus abstraite, le procédé qu’il avait appliqué à la peinture de la vie ancienne, si étrangement pittoresque.

Quel est celui de nous qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ?

C’est surtout de la fréquentation des villes énormes, c’est du croisement de leurs innombrables rapports que naît cet idéal obsédant. Vous-même, mon cher ami, n’avez-vous pas tenté de traduire en une chanson le cri strident du Vitrier, et d’exprimer dans une prose lyrique toutes les désolantes suggestions que ce cri envoie jusqu’aux mansardes, à travers les plus hautes brumes de la rue ?

Mais, pour dire le vrai, je crains que ma jalousie ne m’ait pas porté bonheur. Sitôt que j’eus commencé le travail, je m’aperçus que non-seulement je restais bien loin de mon mystérieux et brillant modèle, mais encore que je faisais quelque chose (si cela peut s’appeler quelque chose) de singulièrement différent, accident dont tout autre que moi s’enorgueillirait sans doute, mais qui ne peut qu’humilier profondément un esprit qui regarde comme le plus grand honneur du poëte d’accomplir juste ce qu’il a projeté de faire.

Votre bien affectionné,

C. B.

A ARSÈNE HOUSSAYE

Mi querido amigo, le envío una pequeña obra, de la cual no se podría decir, sin injusticia, que no tiene ni pies ni cabeza, puesto que, al contrario, todo en ella es, al mismo tiempo, cabeza y pies, alternativa y recíprocamente. Considere, se lo ruego, qué admirables comodidades esta combinación nos ofrece a todos, a usted, a mí y al lector. Podemos cortar dónde queramos, yo mi ensoñación, usted el manuscrito, el lector la lectura; porque no dejo que la esquiva voluntad de éste quede pendiendo del hilo interminable de una intriga sutilísima. Saque usted una vértebra, y las dos partes de esta tortuosa fantasía volverán a juntarse sin esfuerzo. Despedácela en numerosos fragmentos, y verá que cada uno puede existir por separado. Con la esperanza de que algunos de estos trozos estarán lo bastante vivos para darle placer y entretenimiento, me atrevo a dedicarle la serpiente completa.

Tengo que hacerle una pequeña confesión. Hojeando, por vigésima vez al menos, el famoso Gaspar de la Noche, de Aloysius Bertrand (¿un libro que usted y yo, y algunos de nuestros amigos, conocemos no tiene todo el derecho a ser llamado famoso?), se me ocurrió la idea de intentar algo análogo, y de aplicar a la descripción de la vida moderna o, más bien, de una vida moderna y más abstracta, el procedimiento que él había aplicado a la pintura de la vida antigua, tan extrañamente pintoresca.

¿Quién de nosotros no ha soñado, en sus días de ambición, con el milagro de una prosa poética, musical sin ritmo y sin rima, lo bastante flexible y lo bastante abrupta como para adaptarse a los movimientos líricos del alma, a las ondulaciones de la ensoñación, a los sobresaltos de la conciencia?

Es sobre todo de la frecuentación de las ciudades inmensas, del entrecruzamiento de sus innumerables relaciones, que nace ese ideal obsesivo. Usted mismo, mi querido amigo, ¿no ha intentado mostrar en una canción el grito estridente del Vidriero, y expresar en una prosa lírica todas las desoladoras sugerencias que ese grito lanza hasta las mansardas, a través de las más altas brumas de la calle?

Pero, para decir la verdad, temo que mi envidia no me haya traído suerte. Apenas comencé el trabajo, me di cuenta de que no sólo me quedaba muy lejos de mi misterioso y brillante modelo, sino incluso que hacía algo (si es que esto puede llamarse algo) singularmente diferente, accidente del cual cualquier otro fuera de mí se enorgullecería quizás, pero que no puede sino humillar profundamente a un espíritu que ve como el más grande honor del poeta realizar únicamente aquello que proyectó hacer.

Suyo muy afectuosamente,

CHARLES BAUDELAIRE 


XI

LA FEMME SAUVAGE ET LA PETITE-MAÎTRESSE 

« Vraiment, ma chère, vous me fatiguez sans mesure et sans pitié ; on dirait, à vous entendre soupirer, que vous souffrez plus que les glaneuses sexagénaires et que les vieilles mendiantes qui ramassent des croûtes de pain à la porte des cabarets.

« Si au moins vos soupirs exprimaient le remords, ils vous feraient quelque honneur ; mais ils ne traduisent que la satiété du bien-être et l’accablement du repos. Et puis, vous ne cessez de vous répandre en paroles inutiles : « Aimez-moi bien ! j’en ai tant besoin ! Consolez-moi par-ci, caressez-moi par-là ! » Tenez, je veux essayer de vous guérir ; nous en trouverons peut-être le moyen, pour deux sols, au milieu d’une fête, et sans aller bien loin.

« Considérons bien, je vous prie, cette solide cage de fer derrière laquelle s’agite, hurlant comme un damné, secouant les barreaux comme un orang-outang exaspéré par l’exil, imitant, dans la perfection, tantôt les bonds circulaires du tigre, tantôt les dandinements stupides de l’ours blanc, ce monstre poilu dont la forme imite assez vaguement la vôtre.

« Ce monstre est un de ces animaux qu’on appelle généralement « mon ange ! » c’est-à-dire une femme. L’autre monstre, celui qui crie à tue-tête, un bâton à la main, est un mari. Il a enchaîné sa femme légitime comme une bête, et il la montre dans les faubourgs, les jours de foire, avec permission des magistrats, cela va sans dire.

« Faites bien attention ! Voyez avec quelle voracité (non simulée peut-être !) elle déchire des lapins vivants et des volailles piaillantes que lui jette son cornac. « Allons, dit-il, il ne faut pas manger tout son bien en un jour, » et, sur cette sage parole, il lui arrache cruellement la proie, dont les boyaux dévidés restent un instant accrochés aux dents de la bête féroce, de la femme, veux-je dire.

« Allons ! un bon coup de bâton pour la calmer ! car elle darde des yeux terribles de convoitise sur la nourriture enlevée. Grand Dieu ! le bâton n’est pas un bâton de comédie, avez-vous entendu résonner la chair, malgré le poil postiche ? Aussi les yeux lui sortent maintenant de la tête, elle hurle plus naturellement. Dans sa rage, elle étincelle tout entière, comme le fer qu’on bat.

« Telles sont les mœurs conjugales de ces deux descendants d’Ève et d’Adam, ces œuvres de vos mains, ô mon Dieu ! Cette femme est incontestablement malheureuse, quoique après tout, peut-être, les jouissances titillantes de la gloire ne lui soient pas inconnues. Il y a des malheurs plus irrémédiables, et sans compensation. Mais dans le monde où elle a été jetée, elle n’a jamais pu croire que la femme méritât une autre destinée.

« Maintenant, à nous deux, chère précieuse ! À voir les enfers dont le monde est peuplé, que voulez-vous que je pense de votre joli enfer, vous qui ne reposez que sur des étoffes aussi douces que votre peau, qui ne mangez que de la viande cuite, et pour qui un domestique habile prend soin de découper les morceaux ?

« Et que peuvent signifier pour moi tous ces petits soupirs qui gonflent votre poitrine parfumée, robuste coquette ? Et toutes ces affectations apprises dans les livres, et cette infatigable mélancolie, faite pour inspirer au spectateur un tout autre sentiment que la pitié ? En vérité, il me prend quelquefois envie de vous apprendre ce que c’est que le vrai malheur.

« À vous voir ainsi, ma belle délicate, les pieds dans la fange et les yeux tournés vaporeusement vers le ciel, comme pour lui demander un roi, on dirait vraisemblablement une jeune grenouille qui invoquerait l’idéal. Si vous méprisez le soliveau (ce que je suis maintenant, comme vous savez bien), gare la grue qui vous croquera, vous gobera et vous tuera à son plaisir !

« Tant poëte que je sois, je ne suis pas aussi dupe que vous voudriez le croire, et si vous me fatiguez trop souvent de vos precieuses pleurnicheries, je vous traiterai en femme sauvage, ou je vous jetterai par la fenêtre, comme une bouteille vide. »

 

XI

LA MUJER SALVAJE Y LA PEQUEÑA AMANTE

“Realmente, querida, me cansas sin medida y sin piedad; pareciera, por el modo en que suspiras, que sufres más que las espigadoras sexagenarias y las viejas mendigas que juntan mendrugos de pan a la puerta de las tabernas.

“Si al menos tus suspiros expresaran remordimiento, te harían algún honor; pero sólo manifiestan la saciedad del bienestar y el abatimiento del descanso. Y además, no dejas de prodigar palabras inútiles: “¡Quiéreme mucho! ¡Lo necesito tanto! ¡Consuélame aquí, acaríciame allá!”. Mira, quiero tratar de curarte; quizás encontremos cómo, por unos céntimos, en medio de una fiesta, y sin ir muy lejos.

“Contemplemos atentamente, te lo ruego, esta sólida jaula de hierro en la cual se agita, aullando como un condenado, sacudiendo los barrotes como un orangután exasperado por el exilio, imitando a la perfección a veces los saltos circulares del tigre, a veces el estúpido contoneo del oso polar, ese monstruo peludo cuya forma imita bastante vagamente la tuya.

“Ese monstruo es uno de esos animales que llamamos por lo general ‘ángel mío’, es decir, una mujer. El otro monstruo, el que grita a voz en cuello con un bastón en la mano, es un marido. Ha encadenado a su legítima esposa como a un animal, y la exhibe en los suburbios los días de feria, con permiso de los jueces, demás está decirlo.

“¡Presta mucha atención! Mira con qué voracidad (¡quizá no simulada!) destroza los conejos vivos y las aves chillonas que le arroja su cuidador.  ‘Vamos —le dice—, no tienes que comértelo todo en un solo día’, y, tras estas sabias palabras, le arranca cruelmente la presa, cuyas tripas desenrolladas se quedan un instante enganchadas en los dientes del animal feroz —de la mujer, quiero decir.

“¡Vamos, un buen bastonazo para calmarla!, ya que mira con terrible avidez la comida arrebatada. ¡Santo cielo!, el bastón no es un bastón de comedia, ¿has oído cómo sonó la carne, a pesar del pelo postizo? Por eso ahora los ojos se le salen de las órbitas, grita con más naturalidad. Rabiosa como está, todo su cuerpo echa chispas, como el hierro en el yunque.

“¡Tales son las costumbres conyugales de esos dos descendientes de Eva y Adán, esas obras de tus manos, oh Dios mío! Esa mujer es indiscutiblemente desdichada, aunque después de todo, quizás, los placeres excitantes de la gloria no le sean desconocidos. Hay desdichas más irremediables, y sin compensación. Pero, en el mundo al que fue arrojada, nunca pudo creer que la mujer mereciera otro destino.

“¡Ahora volvamos a ocuparnos de nosotros, mi queridísima! Viendo los infiernos que pueblan el mundo, ¿qué quieres que piense de tu bonito infierno, tú que sólo descansas sobre telas tan suaves como tu piel, que sólo comes carne cocida, y que tienes un criado hábil que se encarga de cortar los trozos?

“¿Y qué pueden significar para mí todos esos pequeños suspiros que hinchan tu pecho perfumado, robusta coqueta? ¿Y todas esas poses aprendidas en los libros, y esa incansable melancolía, hecha para inspirar en el espectador un sentimiento muy distinto de la lástima? Realmente, a veces me dan ganas de enseñarte lo que es la verdadera desdicha.

“Viéndote así, mi bella delicada, con los pies en el fango y los ojos lánguidos vuelta hacia el cielo, como para pedirle un rey, se te tomaría, ciertamente, por una joven rana que estuviera invocando el ideal. Si desprecias la viga (cosa que ahora soy, como bien lo sabes), ¡cuidado con la grulla que te comerá, te tragará y te matará como le plazca!

“Por muy poeta que yo sea, no soy tan ingenuo como te gustaría creer, y si me cansas demasiado a menudo con tus preciosos lloriqueos, te trataré como a una mujer salvaje, o te tiraré por la ventana como una botella vacía”.

Traducción, para Literatura & Traducciones, de Carlos Cámara y  Miguel Ángel Frontán

 

NOTA de Massimo Colesanti

En una carta a Poulet-Malassis fechada el 15 de diciembre de 1859, Baudelaire incluye La Femme sauvage (sermon à une petite-maîtresse) entre sus proyectos de poema. No creemos que pretendiera versificar el texto de este poema, que tiene autonomía propia; en cualquier caso, el proyecto no se realizó, y quizá podamos decir que afortunadamente, porque el tono, al menos aquí, es demasiado violento y sarcástico, como observa Pichois (Oeuvres Complètes, La Pléiade, I, p. 1315). El episodio aquí presentado es un clásico espectáculo de exhibición de monstruos, habitual en las ferias de la época, también descrito por Gérard de Nerval entre otros en un artículo, Les comédiens ambulants. Études de mœurs, aparecido en el Musée des familles en diciembre de 1848, y que Baudelaire pudo haber leído. En cualquier caso, más allá del episodio presentado, Baudelaire vuelve a expresar aquí, en este “sermón”, su misoginia, sobre todo al final. Para estas palabras en itálicas, y para todo el penúltimo párrafo, Baudelaire remite naturalmente a la conocida fábula de La Fontaine, Les Grenouilles qui demandent un roi (III, 4).

 

XI

WILD WOMAN AND LITTLE DARLING

“Really, my dear, you endlessly and without pity wear me out; one would suppose, to hear you sigh, that your sufferings are worse tan those of the gleaners or the old beggar women who dig out crusts of bread from dance hall garbage cans.

“If at least your sighs expressed remorse, they might do you honor; but they convey merely a surfeit of well-being and despondency from sleeping too much. And then, you never cease breaking out uselessly, ‘Love me more! I have such need of love! Console me, caress me, this way, that way!’ Now hold on. I’m going to try and cure you; maybe for a few pennies at a fair, without going to any great trouble.

“Do note, please, in this iron cage—bounding, howling like the damned, shaking the bars like an orangutan exasperated by exile, imitating to perfection, sometimes the circular sulk of the tiger, at other times the stupid waddle of a polar bear—a hairy monster whose form suggests, vaguely, yours.

“This monster is one of those animals generally addressed as ‘my angel!’ that is to say, a woman. That other monster, the one yelling at the top of his voice, stick in hand, is a husband. He has imprisoned his legitimate wife like a beast, and displays her in the suburbs on days of the fair—with, it goes without saying, permission of the authorities.

“Now pay attention! see with what voracity (not necessarily simulated) she rips apart live rabbits and still clucking fowl that her keeper throws her. ‘Take it easy,’ he yells, ‘mustn’t eat up everything in one day,’ and, with that good advice, cruelly rakes back the spoil, uncurled guts caught for an instant on a tooth of this ferocious beast—I mean to say, the woman’s.

“Here we go! a good whack of the stick to calm her down! Since her terrible eyes dart covetously towards the food taken away. Good God! the stick is no music hall slapstick, have you heard her flesh pop, despite the false hair? And, eyes starting from their sockets, now she howls more naturally. In her rage, she throws out sparks like beaten iron.

“Such are the conjugal relations of these two descendants of Eve and Adam, these works of your hand, O my God! This woman is, to a certainty, unhappy, though perhaps to her the titillations of glory are, when you come right down to it, not unknown. There are sorrows more irremediable, and without compensation. But in the world where she has been thrown, it would never occur to her to suppose that a woman might merit a different fate.

“And us, now, my precious! Seeing the hells that populate the world, how should I react to your pretty little hell? you who sleep on stuff soft as your skin, who eat only roasted meat carefully carved by servants.

“And what could they mean to me, you well-fed flirt, all these sighs that inflate your perfumed bosom? And all the affectations you’ve gotten out of books, and this tireless melancholy, meant to inspire the spectator with a feeling quite other than pity? It has truly from time to time given me the urge to teach you what real unhappiness is.

“And to see you, my so delicate beauty, your feet in muck and your eyes turned nebulously skyward, as if beseeching a king, you’re the very image of a young frog invoking the ideal. If you don’t like your King Log (which at the moment, as you know, I am) watch out for the crane who will crunch you up, gulp you down, kill you at his pleasure.

“Poet that I am, I’m not the dupe you’d like to think me, and if you wear me out too often with your precious whining, I will treat you like a wild woman, or else throw you out the window, like an empty bottle.”

Translated by KEITH WALDROP 

 

XI

LA DONNA SELVAGGIA E LA RAFFINATA

«Mi hai veramente annoiato da morire, cara mia, senza pietà; a sentirti sospirare, si direbbe che soffri più delle spigolatrici sessantenni e delle vecchie mendicanti che raccattano tozzi di pane alla porta delle osterie.

Certi sospiri ti farebbero un po’ onore se esprimessero, che so io, un rimorso; ma rivelano invece la sazietà del benessere e l’oppressione del riposo. E poi non smetti mai di tirar fuori parole inutili: “Amami molto! Ne ho tanto bisogno! Consolami di qua, accarezzami di là!”. Senti, voglio proprio cercare di guarirti. Ci riusciremo forse con due soldi, in una fiera, senza andare moltolontano.

Guarda, su, guarda quella solida gabbia di ferro nella quale si agita quel mostro peloso dalla forma piuttosto vagamente simile alla tua! Urla come un dannato, scuote le sbarre come un orango esasperato dall’esilio, imita alla perfezione ora i balzi circolari della tigre ora lo stupido dondolio dell’orso bianco.

Beh! Quel mostro è una di quelle bestie che in genere si chiamano “angelo mio”, cioè una moglie. E l’altro mostro, quello che grida a squarciagola con un bastone in mano, è un marito. Ha incatenato la moglie legittima come una bestia e la va mostrando nei sobborghi, nei giorni di fiera, e naturalmente col permesso delle autorità.

Guarda, guarda con che voracità (forse, non simulata) lei sbrana conigli vivi e volatili pigolanti che le getta il suo cornac. “Via!”, le dice, “non bisogna divorare tutto in un giorno!”, e mentre pronuncia queste sagge parole le strappa crudelmente la preda, ma le budella srotolate restano per un momento appese ai denti della belva, voglio dire della donna.

Visto con che occhi tremendi d’ingordigia dardeggia il cibo sottrattole? E giù una buona bastonata per calmarla! Mio Dio! Il bastone non è uno di quelli da commedia! Hai sentito come risuona sulle carni, nonostante il pelo posticcio? Per questo ora ha gli occhi di fuori e urla più naturalmente. Nella sua rabbia scintilla tutta, come un ferro battuto.

Queste sono le abitudini coniugali di quei due discendenti di Èva e Adamo, opera delle tue mani, mio Dio! Quella donna è indiscutibilmente infelice, benché dopo tutto non ignori i piaceri titillanti della gloria. Ci sono sciagure più irrimediabili e senza compenso. Ma nel mondo in cui è stata gettata, non ha mai potuto credere che la donna meriti altro destino.

E ora a noi due, cara preziosa! Con tutti gli inferni di questo mondo, che vuoi che pensi del tuo leggiadro inferno, di te che riposi solo su stoffe morbide come la tua pelle, di te che mangi solo carne cotta, di te che hai pure un abile domestico che ha cura di somministrarti i bocconi?

E cosa vuoi che significhino per me tutti questi sospiri che ti gonfiano il petto profumato, gagliarda puttanella? E tutte queste smancerie imparate nei libri? E questa instancabile malinconia, fatta per ispirare a chi ti guarda un sentimento qualunque, ma non certo la pietà? Avrei una voglia d’insegnarti cos’è la vera sventura!

A vederti cosi, mia bella delicata, con i piedi nel fango e gli occhi svenevoli rivolti al cielo, come per chiedergli un re, mi sembri proprio una ranocchia che invoca il suo ideale. E disprezzalo pure il travicello (che sono io ora, come sai bene), ma attenta alla gru che ti mangerà, t’ingoierà e ti ammazzerà a piacer suol

Sono un poeta, sì, ma non così minchione come vorresti credere! E se mi annoi troppo spesso con i tuoi preziosi piagnistei, ti tratterò come la donna selvaggia o ti butterò dalla finestra come una bottiglia vuota!».

  Traduzione de MASSIMO COLESANTI