De José Marchena Ruiz, ese gran polígrafo, nos queda algo más que "el recuerdo de la novela de su vida", como lo dijo con frase inolvidable Menéndez y Pelayo. El célebre abate dedicó años de su vida tumultuosa de "buscarruidos" y de republicano ferviente al arte de la traducción. Traducciones que, por mucho que le pese a Don Marcelino, son algo más que de pane lucrando. Nos quedan, pues, ese monumento de la poesía española que es su traducción de Lucrecio y una cantidad considerable de libros de Rousseau, de Montesquieu, de Voltaire. Es a éste último a quien pertenece el siguiente cuento, tan filosófico como delicioso.
Le grand philosophe Citophile disait un jour à une femme désolée, et qui avait juste sujet de l'être : « Madame la reine d'Angleterre, fille du grand Henri IV, a été aussi malheureuse que vous : on la chassa de ses royaumes ; elle fut prête à périr sur l'Océan par les tempêtes ; elle vit mourir son royal époux sur l'échafaud.
— J'en suis fâchée pour elle, dit la dame; » et elle se mit à pleurer ses propres infortunes.
« Mais, dit Citophile, souvenez-vous de Marie Stuart : elle aimait fort honnêtement un brave musicien qui avait une très-belle basse-taille. Son mari tua son musicien à ses yeux ; et ensuite sa bonne amie et sa bonne parente, la reine Élisabeth, qui se disait pucelle, lui fit couper le cou sur un échafaud tendu de noir, après l'avoir tenue en prison dix-huit années.
— Cela est fort cruel, répondit la dame ; » et elle se replongea dans sa mélancolie.
« Vous avez peut-être entendu parler, dit le consolateur, de la belle Jeanne de Naples, qui fut prise et étranglée ?
— Je m'en souviens confusément, » dit l'affligée.
« Il faut que je vous conte, ajouta l'autre, l'aventure d'une souveraine qui fut détrônée de mon temps après souper, et qui est morte dans une île déserte.
— Je sais toute cette histoire, » répondit la dame.
« Eh bien donc, je vais vous apprendre ce qui est arrivé à une autre grande princesse à qui j'ai montré la philosophie. Elle avait un amant, comme en ont toutes les grandes et belles princesses. Son père entra dans sa chambre, et surprit l'amant, qui avait le visage tout en feu et l'œil étincelant comme un escarboucle ; la dame aussi avait le teint fort animé. Le visage du jeune homme déplut tellement au père qu'il lui appliqua le plus énorme soufflet qu'on eût jamais donné dans sa province. L'amant prit une paire de pincettes et cassa la tête au beau-père, qui guérit à peine, et qui porte encore la cicatrice de cette blessure. L'amante, éperdue, sauta par la fenêtre et se démit le pied ; de manière qu'aujourd'hui elle boite visiblement, quoique d'ailleurs elle ait la taille admirable. L'amant fut condamné à la mort pour avoir cassé la tête à un très grand prince. Vous pouvez juger de l'état où était la princesse quand on menait pendre l'amant. Je l'ai vue longtemps lorsqu'elle était en prison ; elle ne me parlait jamais que de ses malheurs.
— Pourquoi ne voulez-vous donc pas que je songe aux miens? lui dit la dame.
— C'est, dit le philosophe, parce qu'il n'y faut pas songer, et que, tant de grandes dames ayant été si infortunées, il vous sied mal de vous désespérer. Songez à Hécube, songez à Niobé.
— Ah! dit la dame, si j'avais vécu de leur temps, ou de celui de tant de belles princesses, et si pour les consoler vous leur aviez conté mes malheurs, pensez-vous qu'elles vous eussent écouté ? »
Le lendemain, le philosophe perdit son fils unique, et fut sur le point d'en mourir de douleur. La dame fit dresser une liste de tous les rois qui avaient perdu leurs enfants, et la porta au philosophe ; il la lut, la trouva fort exacte, et n'en pleura pas moins. Trois mois après il se revirent, et furent étonnés de se retrouver d'une humeur très gaie. Ils firent ériger une belle statue au Temps, avec cette inscription :
À CELUI QUI CONSOLE.
Decía un día el gran filósofo Citofilo a un dama desconsolada, y que tenía sobrado motivo para estarlo: Señora, la reina de Inglaterra, hija del gran Enrique IV, no fue menos desgraciada que vos; la echaron de su reino, se vió a punto de perecer en el Océano en un naufragio, y presenció la muerte del rey su esposo en un patíbulo. Mucho lo siento, dijo la dama, y volvió a llorar sus desventuras propias.
Acordaos, dijo Citofilo, de María Estuardo, que estaba honradamente prendada de un guapo músico que tenía excelente voz de sochantre. Su marido mató al músico, y luego su buena amiga y parienta, la reina Isabel, que se decía doncella, le mandó cortar la cabeza en un cadalso colgado de luto, después de haberla tenido dieciocho años presa. ¡Cruel suceso! respondió la señora, y se entregó de nuevo a su aflicción.
Bien habréis oído mentar, siguió el consolador, la hermosa Juana de Nápoles, que fue presa y ahorcada. Una idea confusa tengo de eso, dijo la afligida.
Os contaré, añadió el otro, la aventura sucedida en mi tiempo de una soberana destronada después de cenar, y que ha muerto en una isla desierta. Toda esa historia la sé, respondió la dama.
Pués os diré lo sucedido a otra gran princesa, mi discípula de filosofía. Tenía su amante, como le tiene toda hermosa y gran princesa: entró un día su padre en su aposento y cogió al amante con el rostro encendido y los ojos que como dos carbunclos resplandecían, y la princesa también con la cara muy encarnada. Disgustó tanto al padre el rostro del mancebo, que le sacudió la más enorme bofetada que hasta el día se ha pegado en toda su provincia. Cogió el amante las tenazas y rompió la cabeza al padre de la dama, que estuvo mucho tiempo a la muerte, y aún tiene la señal de la herida; la princesa desalentada se tiró por la ventana y se estropeó una pierna, de modo que aún el día de hoy se le conoce que cojea, aunque tiene hermoso cuerpo. Su amante fue condenado a muerte por haber roto la cabeza a tan alto príncipe. Ya podéis pensar en qué estado estaría la princesa cuando sacaban a ahorcar a su amante; yo la iba a ver con frecuencia cuando estaba ella en la cárcel, y siempre me hablaba de sus desdichas.
¿Pués por qué no queréis que me duela yo de las mías? le dijo la dama. Porque no es acertado dolerse de sus desgracias, y porque habiendo habido tantas principales señoras tan desventuradas, no parece bien que os desesperéis. Contemplad a Hécuba, contemplad a Niobe. ¡Ah! dijo la señora, si hubiese vivido yo en aquel tiempo o en el de tantas hermosas princesas, y para su consuelo les hubiérais contado mis desdichas, ¿os habrían acaso escuchado?
Al día siguiente perdió el filósofo a su hijo único, y faltó poco para que muriese de sentimiento. Mandó la señora hacer una lista de todos los monarcas que habían perdido a sus hijos y se la llevó al filósofo, el cual la leyó, la encontró muy puntual y siguió llorando. Al cabo de tres meses se volvieron a ver, y se pasmaron de hallarse muy contentos. Levantaron entonces una hermosa estatua al Tiempo con este rótulo:
AL CONSOLADOR
LES DEUX CONSOLÉS
Le grand philosophe Citophile disait un jour à une femme désolée, et qui avait juste sujet de l'être : « Madame la reine d'Angleterre, fille du grand Henri IV, a été aussi malheureuse que vous : on la chassa de ses royaumes ; elle fut prête à périr sur l'Océan par les tempêtes ; elle vit mourir son royal époux sur l'échafaud.
— J'en suis fâchée pour elle, dit la dame; » et elle se mit à pleurer ses propres infortunes.
« Mais, dit Citophile, souvenez-vous de Marie Stuart : elle aimait fort honnêtement un brave musicien qui avait une très-belle basse-taille. Son mari tua son musicien à ses yeux ; et ensuite sa bonne amie et sa bonne parente, la reine Élisabeth, qui se disait pucelle, lui fit couper le cou sur un échafaud tendu de noir, après l'avoir tenue en prison dix-huit années.
— Cela est fort cruel, répondit la dame ; » et elle se replongea dans sa mélancolie.
« Vous avez peut-être entendu parler, dit le consolateur, de la belle Jeanne de Naples, qui fut prise et étranglée ?
— Je m'en souviens confusément, » dit l'affligée.
« Il faut que je vous conte, ajouta l'autre, l'aventure d'une souveraine qui fut détrônée de mon temps après souper, et qui est morte dans une île déserte.
— Je sais toute cette histoire, » répondit la dame.
« Eh bien donc, je vais vous apprendre ce qui est arrivé à une autre grande princesse à qui j'ai montré la philosophie. Elle avait un amant, comme en ont toutes les grandes et belles princesses. Son père entra dans sa chambre, et surprit l'amant, qui avait le visage tout en feu et l'œil étincelant comme un escarboucle ; la dame aussi avait le teint fort animé. Le visage du jeune homme déplut tellement au père qu'il lui appliqua le plus énorme soufflet qu'on eût jamais donné dans sa province. L'amant prit une paire de pincettes et cassa la tête au beau-père, qui guérit à peine, et qui porte encore la cicatrice de cette blessure. L'amante, éperdue, sauta par la fenêtre et se démit le pied ; de manière qu'aujourd'hui elle boite visiblement, quoique d'ailleurs elle ait la taille admirable. L'amant fut condamné à la mort pour avoir cassé la tête à un très grand prince. Vous pouvez juger de l'état où était la princesse quand on menait pendre l'amant. Je l'ai vue longtemps lorsqu'elle était en prison ; elle ne me parlait jamais que de ses malheurs.
— Pourquoi ne voulez-vous donc pas que je songe aux miens? lui dit la dame.
— C'est, dit le philosophe, parce qu'il n'y faut pas songer, et que, tant de grandes dames ayant été si infortunées, il vous sied mal de vous désespérer. Songez à Hécube, songez à Niobé.
— Ah! dit la dame, si j'avais vécu de leur temps, ou de celui de tant de belles princesses, et si pour les consoler vous leur aviez conté mes malheurs, pensez-vous qu'elles vous eussent écouté ? »
Le lendemain, le philosophe perdit son fils unique, et fut sur le point d'en mourir de douleur. La dame fit dresser une liste de tous les rois qui avaient perdu leurs enfants, et la porta au philosophe ; il la lut, la trouva fort exacte, et n'en pleura pas moins. Trois mois après il se revirent, et furent étonnés de se retrouver d'une humeur très gaie. Ils firent ériger une belle statue au Temps, avec cette inscription :
À CELUI QUI CONSOLE.
LOS DOS CONSOLADOS
Decía un día el gran filósofo Citofilo a un dama desconsolada, y que tenía sobrado motivo para estarlo: Señora, la reina de Inglaterra, hija del gran Enrique IV, no fue menos desgraciada que vos; la echaron de su reino, se vió a punto de perecer en el Océano en un naufragio, y presenció la muerte del rey su esposo en un patíbulo. Mucho lo siento, dijo la dama, y volvió a llorar sus desventuras propias.
Acordaos, dijo Citofilo, de María Estuardo, que estaba honradamente prendada de un guapo músico que tenía excelente voz de sochantre. Su marido mató al músico, y luego su buena amiga y parienta, la reina Isabel, que se decía doncella, le mandó cortar la cabeza en un cadalso colgado de luto, después de haberla tenido dieciocho años presa. ¡Cruel suceso! respondió la señora, y se entregó de nuevo a su aflicción.
Bien habréis oído mentar, siguió el consolador, la hermosa Juana de Nápoles, que fue presa y ahorcada. Una idea confusa tengo de eso, dijo la afligida.
Os contaré, añadió el otro, la aventura sucedida en mi tiempo de una soberana destronada después de cenar, y que ha muerto en una isla desierta. Toda esa historia la sé, respondió la dama.
Pués os diré lo sucedido a otra gran princesa, mi discípula de filosofía. Tenía su amante, como le tiene toda hermosa y gran princesa: entró un día su padre en su aposento y cogió al amante con el rostro encendido y los ojos que como dos carbunclos resplandecían, y la princesa también con la cara muy encarnada. Disgustó tanto al padre el rostro del mancebo, que le sacudió la más enorme bofetada que hasta el día se ha pegado en toda su provincia. Cogió el amante las tenazas y rompió la cabeza al padre de la dama, que estuvo mucho tiempo a la muerte, y aún tiene la señal de la herida; la princesa desalentada se tiró por la ventana y se estropeó una pierna, de modo que aún el día de hoy se le conoce que cojea, aunque tiene hermoso cuerpo. Su amante fue condenado a muerte por haber roto la cabeza a tan alto príncipe. Ya podéis pensar en qué estado estaría la princesa cuando sacaban a ahorcar a su amante; yo la iba a ver con frecuencia cuando estaba ella en la cárcel, y siempre me hablaba de sus desdichas.
¿Pués por qué no queréis que me duela yo de las mías? le dijo la dama. Porque no es acertado dolerse de sus desgracias, y porque habiendo habido tantas principales señoras tan desventuradas, no parece bien que os desesperéis. Contemplad a Hécuba, contemplad a Niobe. ¡Ah! dijo la señora, si hubiese vivido yo en aquel tiempo o en el de tantas hermosas princesas, y para su consuelo les hubiérais contado mis desdichas, ¿os habrían acaso escuchado?
Al día siguiente perdió el filósofo a su hijo único, y faltó poco para que muriese de sentimiento. Mandó la señora hacer una lista de todos los monarcas que habían perdido a sus hijos y se la llevó al filósofo, el cual la leyó, la encontró muy puntual y siguió llorando. Al cabo de tres meses se volvieron a ver, y se pasmaron de hallarse muy contentos. Levantaron entonces una hermosa estatua al Tiempo con este rótulo:
AL CONSOLADOR
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