miércoles, 20 de enero de 2010

Octave Mirbeau: El jardín de los suplicios



Le jardin des supplices

Première partie

En mission


Avant de raconter un des plus effroyables épisodes de mon voyage en Extrême-Orient, il est peut-être intéressant que j’explique brièvement dans quelles conditions je fus amené à l’entreprendre. C’est de l’histoire contemporaine.

À ceux qui seraient tentés de s’étonner de l’anonymat que, en ce qui me concerne, j’ai tenu à garder jalousement au cours de ce véridique et douloureux récit, je dirai : « Peu importe mon nom!… C’est le nom de quelqu’un qui causa beaucoup de mal aux autres et à lui-même, plus encore à lui-même qu’aux autres, et qui, après bien des secousses, pour être descendu, un jour, jusqu’au fond du désir humain, essaie de se refaire une âme dans la solitude et dans l’obscurité. Paix aux cendres de son péché. »

I

Il y a douze ans, ne sachant plus que faire et condamné par une série de malchances à la dure nécessité de me pendre ou de m’aller jeter dans la Seine, je me présentai aux élections législatives — suprême ressource —, en un département où, d’ailleurs, je ne connaissais personne et n’avais jamais mis les pieds.

Il est vrai que ma candidature était officieusement soutenue par le Cabinet qui, ne sachant non plus que faire de moi, trouvait ainsi un ingénieux et délicat moyen de se débarrasser, une fois pour toutes, de mes quotidiennes, de mes harcelantes sollicitations.

À cette occasion, j’eus avec le ministre, qui était mon ami et mon ancien camarade de collège, une entrevue solennelle et familière, tout ensemble.

— Tu vois combien nous sommes gentils pour toi!… me dit ce puissant, ce généreux ami… À peine nous t’avons retiré des griffes de la justice — et nous y avons eu du mal — que nous allons faire de toi un député.

— Je ne suis pas encore nommé… dis-je d’un ton grincheux.

— Sans doute!… mais tu as toutes les chances… Intelligent, séduisant de ta personne, prodigue, bon garçon quand tu le veux, tu possèdes le don souverain de plaire… Les hommes à femmes, mon cher, sont toujours des hommes à foule… Je réponds de toi… Il s’agit de bien comprendre la situation… Du reste elle est très simple…

Et il me recommanda :

— Surtout pas de politique!… Ne t’engage pas… ne t’emballe pas!… Il y a dans la circonscription que je t’ai choisie une question qui domine toutes les autres : la betterave… Le reste ne compte pas et regarde le préfet… Tu es un candidat purement agricole… mieux que cela, exclusivement betteravier… Ne l’oublie point… Quoi qu’il puisse arriver au cours de la lutte, maintiens-toi, inébranlable, sur cette plate-forme excellente… Connais-tu un peu la betterave?…

— Ma foi! non, répondis-je… Je sais seulement, comme tout le monde, qu’on en tire du sucre… et de l’alcool.

— Bravo! cela suffit, applaudit le ministre avec une rassurante et cordiale autorité… Marche carrément sur cette donnée… Promets des rendements fabuleux… des engrais chimiques extraordinaires et gratuits… des chemins de fer, des canaux, des routes pour la circulation de cet intéressant et patriotique légume… Annonce des dégrèvements d’impôts, des primes aux cultivateurs, des droits féroces sur les matières concurrentes… tout ce que tu voudras!… Dans cet ordre de choses, tu as carte blanche, et je t’aiderai… Mais ne te laisse pas entraîner à des polémiques personnelles ou générales qui pourraient te devenir dangereuses et, avec ton élection, compromettre le prestige de la République… Car, entre nous, mon vieux — je ne te reproche rien, je constate, seulement —, tu as un passé plutôt gênant…
Je n’étais pas en veine de rire… Vexé par cette réflexion, qui me parut inutile et désobligeante, je répliquai vivement, en regardant bien en face mon ami, qui put lire dans mes yeux ce que j’y avais accumulé de menaces nettes et froides :

— Tu pourrais dire plus justement : « Nous avons un passé… » Il me semble que le tien, cher camarade, n’a rien à envier au mien…

—Oh, moi!… fit le ministre avec un air de détachement supérieur et de confortable insouciance, ce n’est pas la même chose… Moi… mon petit… je suis couvert… par la France!

Et, revenant à mon élection, il ajouta :

— Donc, je me résume… De la betterave, encore de la betterave, toujours de la betterave!… Tel est ton programme… Veille à n’en pas sortir.

Puis il me remit discrètement quelques fonds et me souhaita bonne chance.

Ce programme, que m’avait tracé mon puissant ami, je le suivis fidèlement, et j’eus tort… Je ne fus pas élu. L’écrasante majorité qui échut à mon adversaire, je l’attribue, en dehors de certaines manœuvres déloyales, à ceci que ce diable d’homme était encore plus ignorant que moi et d’une canaillerie plus notoire.

Constatons en passant qu’une canaillerie bien étalée, à l’époque où nous sommes, tient lieu de toutes les qualités et que plus un homme est infâme, plus on est disposé à lui reconnaître de force intellectuelle et de valeur morale.

Mon adversaire, qui est aujourd’hui une des illustrations les moins discutables de la politique, avait volé en maintes circonstances de sa vie. Et sa supériorité lui venait de ce que, loin de s’en cacher, il s’en vantait avec le plus révoltant cynisme.

— J’ai volé… j’ai volé… clamait-il par les rues des villages, sur les places publiques des villes, le long des routes, dans les champs…

— J’ai volé… j’ai volé… publiait-il en ses professions de foi, affiches murales et confidentielles circulaires…

Et, dans les cabarets, juchés sur des tonneaux, ses agents, tout barbouillés de vin et congestionnés d’alcool, répétaient, trompetaient ces mots magiques :

— Il a volé… il a volé…

Émerveillées, les laborieuses populations des villes, non moins que les vaillantes populations des campagnes acclamaient cet homme hardi avec une frénésie qui, chaque jour, allait grandissant, en raison directe de la frénésie de ses aveux.

Comment pouvais-je lutter contre un tel rival, possédant de tels états de service, moi qui n’avais encore sur la conscience, et les dissimulais pudiquement, que de menues peccadilles de jeunesse, telles que vols domestiques, rançons de maîtresses, tricheries au jeu, chantages, lettres anonymes, délations et faux?… Ô candeur des ignorantes juvénilités!

Je faillis même, un soir, dans une réunion publique, être assommé par des électeurs furieux de ce que, en présence des scandaleuses déclarations de mon adversaire, j’eusse revendiqué, avec la suprématie des betteraves, le droit à la vertu, à la morale, à la probité, et proclamé la nécessité de nettoyer la République des ordures individuelles qui la déshonoraient. On se rua sur moi; on me prit à la gorge; on se passa, de poings en poings, ma personne soulevée et ballottante comme un paquet… Par bonheur, je me tirai de cet accès d’éloquence avec, seulement, une fluxion à la joue, trois côtes meurtries et six dents cassées…

C’est tout ce que je rapportai de cette désastreuse aventure, où m’avait si malencontreusement conduit la protection d’un ministre qui se disait mon ami.

J’étais outré.

J’avais d’autant plus le droit d’être outré que, tout d’un coup, au plus fort de la bataille, le gouvernement m’abandonnait, me laissait sans soutien, avec ma seule betterave comme amulette, pour s’entendre et pour traiter avec mon adversaire.

Le préfet, d’abord très humble, n’avait pas tardé à devenir très insolent; puis il me refusait les renseignements utiles à mon élection; enfin, il me fermait, ou à peu près, sa porte. Le ministre lui-même ne répondait plus à mes lettres, ne m’accordait rien de ce que je lui demandais, et les journaux dévoués dirigeaient contre moi de sourdes attaques, de pénibles allusions, sous des proses polies et fleuries. On n’allait pas jusqu’à me combattre officiellement, mais il était clair, pour tout le monde, qu’on me lâchait… Ah! je crois bien que jamais tant de fiel n’entra dans l’âme d’un homme!

De retour à Paris, fermement résolu à faire un éclat, au risque de tout perdre, j’exigeai des explications du ministre que mon attitude rendit aussitôt accommodant et souple…

— Mon cher, me dit-il, je suis au regret de ce qui t’arrive… Parole!… tu m’en vois tout ce qu’il y a de plus désolé. Mais que pouvais-je?… Je ne suis pas le seul, dans le Cabinet… et…

— Je ne connais que toi! interrompis-je violemment, en faisant sauter une pile de dossiers qui se trouvait, sur son bureau, à portée de main… Les autres ne me regardent pas… Les autres, ça n’est pas mon affaire… Il n’y a que toi… Tu m’as trahi; c’est ignoble!…

— Mais, sapristi!… Écoute-moi un peu, voyons! supplia le ministre. Et ne t’emporte pas, comme ça, avant de savoir…

— Je ne sais qu’une chose, et elle me suffit. Tu t’es payé ma tête… Eh bien, non, non! Ça ne se passera pas comme tu le crois… À mon tour, maintenant.

Je marchais dans le bureau, proférant des menaces, distribuant des bourrades aux chaises…

—Ah! ah! tu t’es payé ma tête!… Nous allons donc rire un peu… Le pays saura donc, enfin, ce que c’est qu’un ministre… Au risque de l’empoisonner, le pays, je vais donc lui montrer, lui ouvrir toute grande l’âme d’un ministre… Imbécile!… Tu n’as donc pas compris que je te tiens, toi, ta fortune, tes secrets, ton portefeuille!… Ah! mon passé te gêne?… Il gêne ta pudeur et la pudeur de Marianne?… Eh bien, attends!… Demain, oui, demain, on saura tout…

Je suffoquais de colère. Le ministre essaya de me calmer, me prit par le bras, m’attira doucement vers le fauteuil que je venais de quitter en bourrasque…

— Mais, tais-toi donc! me dit-il, en donnant à sa voix des intonations supplicatrices… Écoute-moi, je t’en prie!… Assieds-toi, voyons!… Diable d’homme qui ne veut rien entendre! Tiens, voici ce qui s’est passé…

Très vite, en phrases courtes, hachées, tremblantes, il débita :

— Nous ne connaissions pas ton concurrent… Il s’est révélé, dans la lutte, comme un homme très fort… comme un véritable homme d’État!… Tu sais combien est restreint le personnel ministrable… Bien que ce soient toujours les mêmes qui reviennent, nous avons besoin, de temps en temps, de montrer une figure nouvelle à la Chambre et au pays… Or, il n’y en a pas… En connais-tu, toi?… Eh bien, nous avons pensé que ton concurrent pouvait être une de ces figures-là… Il a toutes les qualités qui conviennent à un ministre provisoire, à un ministre de crise… Enfin, comme il était achetable et livrable, séance tenante, comprends-tu?… C’est fâcheux pour toi, je l’avoue… Mais les intérêts du pays, d’abord…

— Ne dis donc pas de blagues… Nous ne sommes pas à la Chambre, ici… Il ne s’agit pas des intérêts du pays, dont tu te moques, et moi aussi… Il s’agit de moi… Or, je suis, grâce à toi, sur le pavé. Hier soir, le caissier de mon tripot m’a refusé cent sous, insolemment… Mes créanciers, qui avaient compté sur un succès, furieux de mon échec, me pourchassent comme un lièvre… On va me vendre… Aujourd’hui, je n’ai même pas de quoi dîner… Et tu t’imagines bonnement que cela peut se passer ainsi?… Tu es donc devenu bête… aussi bête qu’un membre de ta majorité?…

Le ministre souriait. Il me tapota les genoux, familièrement, et me dit :

— Je suis tout disposé — mais tu ne me laisses pas parler — je suis tout disposé à t’accorder une compensation…

— Une ré-pa-ra-tion!

— Une réparation, soit!

—Complète?

— Complète!… Reviens dans quelques jours… Je serai, sans doute, à même de te l’offrir. En attendant, voici cent louis… C’est tout ce qui me reste des fonds secrets…

Il ajouta, gentiment, avec une gaieté cordiale :

— Une demi-douzaine de gaillards comme toi… et il n’y a plus de budget!…

Cette libéralité, que je n’espérais pas si importante, eut le pouvoir de calmer instantanément mes nerfs… J’empochai — en grognant encore, toutefois, car je ne voulais pas me montrer désarmé, ni satisfait — les deux billets que me tendait, en souriant, mon ami… et je me retirai dignement…

Les trois jours qui suivirent, je les passai dans les plus basses débauches…

OCTAVE MIRBEAU


El jardín de los suplicios

Primera parte

En misión



En misión

Antes de relatar uno de los más horrendos episodios de mi viaje a Extremo Oriente, quizás sea interesante que explique brevemente en qué condiciones me vi llevado a emprenderlo. Es una página de historia contemporánea.

A quienes pudiese parecerle extraño el anonimato que, en lo que a mí respecta, he querido guardar celosamente a lo largo de este verídico y doloroso relato, les diré: “¡Poco importa mi nombre!... Es el nombre de alguien que ha hecho mucho daño a los demás y también a sí mismo, más aún a sí mismo que a los demás, y que, después de los muchos sufrimientos que le valió el haber descendido un día hasta lo más hondo de los deseos humanos, intenta regenerar su alma en la soledad y en la oscuridad. ¡Paz a las cenizas de su pecado!”

I

Hace doce años, sin saber ya qué hacer, y condenado por una serie de desgracias a la dura necesidad de ahorcarme o de tirarme al Sena, me presenté a las elecciones legislativas —último recurso— en un departamento en el que, por otra parte, no conocía a nadie y en el que nunca había puesto los pies.

Es cierto que mi candidatura gozaba del apoyo oficioso del Gobierno, que, como tampoco sabía ya qué hacer conmigo, encontraba así una ingeniosa y delicada manera de librarse, de una vez por todas, de mis cotidianas e importunas solicitaciones.

Con tal motivo, tuve con el ministro, que era amigo mío y ex compañero de colegio, una entrevista solemne y familiar a la vez.

—Ya ves lo buenos que somos contigo… —me dijo ese poderoso, ese generoso amigo—. Apenas acabamos de sacarte de entre las garras de la justicia, cosa que nos costó mucho, y ya vamos a hacer de ti un diputado.

—Todavía no tengo el nombramiento… —dije con voz malhumorada.

—¡Puede ser!…, pero llevas todas las de ganar… Inteligente, de presencia seductora, pródigo, buen chico cuando quieres serlo, posees el don soberano de caer bien… Los hombres que conquistan a las mujeres, mi querido amigo, son siempre hombres que conquistan a la multitud… Respondo por ti… Se trata de entender bien la situación…, que, por otra parte, es muy sencilla…

Y me hizo estas recomendaciones:

—Sobre todo, ¡nada de política!… No te comprometas a nada…, no te embales… En la circunscripción que he elegido para ti hay una cuestión que domina a todas las demás: la remolacha… Lo demás no importa y de ello se ocupa el prefecto … Tú eres un candidato puramente agrícola…, más aún, exclusivamente remolachero… No vayas a olvidarlo… Pase lo que pase durante la lucha, mantente inconmovible en esa excelente plataforma … ¿Sabes algo de remolachas?...

—¡La verdad que no! —le respondí—. Lo único que sé, como todo el mundo, es que de ella se saca azúcar… y alcohol.

—¡Bravo!, con eso basta —aplaudió el ministro con tranquilizadora y cordial autoridad—. Actúa resueltamente con esos datos en la mano… Promete rendimientos fabulosos…, abonos químicos extraordinarios y gratuitos…, ferrocarriles, canales, carreteras para la circulación de esa interesante y patriótica hortaliza… Anuncia desgravaciones de impuestos, primas para los agricultores, tasas feroces sobre las materias competidoras…, ¡todo lo que quieras!... En ese orden de cosas tienes carta blanca y yo te ayudaré… Pero no te enredes en polémicas personales o generales que podrían resultar peligrosas para ti y comprometer, junto con tu elección, el prestigio de la República… Ya que, dicho sea entre nosotros, mi querido amigo —no te reprocho nada, sólo constato—, tienes un pasado más bien embarazoso…

Yo no estaba para bromas… Molesto por esa reflexión, que me pareció inútil y descortés, repliqué vivamente, mirando a la cara a mi amigo, que pudo leer en mis ojos todas las amenazas precisas y frías que había acumulado en ellos:

— Con más razón podrías decir: “tenemos un pasado”… Me parece que el tuyo, compañero, no tiene nada que envidiarle al mío…

—¡Ah, yo!… —dijo el ministro, con aire de superior desapego y de cómoda despreocupación—. Yo…, no es lo mismo… Yo…, amiguito…, tengo las espaldas cubiertas… ¡por Francia!

Y volviendo al tema de mi elección, añadió:

—Entonces, resumiendo… ¡Remolacha, remolacha, y más remolacha!… Ése es tu programa… Procura no salirte de él.

Luego, discretamente, me entregó algunos fondos y me deseó buena suerte.

Seguí fielmente el programa que me trazó mi poderoso amigo, y me equivoqué… No me eligieron. La aplastante mayoría que obtuvo mi adversario se la atribuyo, dejando de lado ciertas maniobras desleales, al hecho de que aquel demonio de hombre era más ignorante aún que yo y de una ruindad más notoria.

Constatemos, de paso, que una ruindad bien ostentada, en los tiempos que corren, vale por todas las virtudes juntas, y que, cuanto más infame es un hombre, más fuerza intelectual y más valor moral están todos dispuestos a reconocerle.

Mi adversario, que es en la actualidad una de las celebridades menos discutibles de la política, había robado en muchas circunstancias de su vida. Y su superioridad procedía del hecho de que, lejos de ocultarlo, se jactaba de ello con el más indignante cinismo.

—He robado…, he robado… —proclamaba por las calles de los pueblos, en las plazas de las ciudades, a lo largo de los caminos, por los campos…

—He robado…, he robado… —publicaba en sus profesiones de fe, carteles murales y circulares confidenciales…

Y en las tabernas, encaramados en toneles, sus agentes, empachados de vino y congestionados por el aguardiente, repetían, trompeteaban estas palabras mágicas:

—Ha robado…, ha robado…

Maravilladas, las laboriosas poblaciones de las ciudades, así como las animosas poblaciones del campo, aclamaban a ese hombre intrépido con un frenesí que iba creciendo, día a día, en razón directa del frenesí de sus confesiones.

¿Cómo podía yo luchar contra semejante rival, que contaba con semejante hoja de servicios, yo que, por entonces, sólo tenía sobre la conciencia, y los disimulaba púdicamente, algunos menudos pecadillos de juventud, como robos domésticos, dinero que le había sacado a mis amantes, trampas en el juego, chantajes, anónimos, delaciones y falsificaciones?... ¡Oh, candor de la ignorante juventud!

Una noche, incluso, en el curso de una reunión pública, casi me matan a golpes unos electores que se pusieron furiosos porque, ante las escandalosas declaraciones de mi adversario, reivindiqué, junto con la supremacía de las remolachas, el derecho a la virtud, a la moral, a la probidad, y proclamé la necesidad de limpiar la República de las basuras individuales que la deshonraban. Se abalanzaron sobre mí; me agarraron del cuello; se pasaron de mano en mano mi persona, en vilo y zarandeada como si se tratara de un paquete… Felizmente, pude salir de ese rapto de elocuencia con tan solo un moretón en la mejilla, tres costillas magulladas y seis dientes partidos…

Fue todo lo que saqué de aquella desastrosa aventura a la que me llevó, tan desafortunadamente, la protección de un ministro que decía ser mi amigo.
Me sentía indignado.

Tanto más derecho tenía a sentirme indignado cuanto que, de golpe, en medio del fragor de la batalla, el gobierno me abandonó, me dejó sin apoyo, con mi remolacha tan sólo como amuleto, para entenderse con mi adversario y negociar con él.

El prefecto, muy humilde al principio, no tardó en volverse muy insolente; más tarde me negó informaciones útiles para mi elección; al final me cerró, o casi, la puerta. El propio ministro ya no contestaba a mis cartas, no me concedía nada de lo que le pedía, y los diarios adictos dirigían contra mí ataques solapados y penosas alusiones, envolviéndolo todo en una prosa educada y florida. No llegaban a declararme oficialmente la guerra, pero estaba claro para todo el mundo que me dejaban de lado… ¡Ah, estoy seguro de que nunca entró tanta hiel en el alma de un hombre!

De regreso a París, firmemente resuelto a armar un escándalo, aun a riesgo de perderlo todo, le exigí explicaciones al ministro, el que, ante mi actitud, se volvió en el acto complaciente y conciliador…

—Mi querido amigo —me dijo—, lamento tanto lo que te ocurre… ¡Palabra de honor!... Ya ves lo apenado que estoy. Pero, ¿qué podía hacer yo?... No estoy solo en el Gobierno… y …

—¡No conozco más que a ti! —lo interrumpí violentamente, haciendo saltar una pila de legajos que estaba en su escritorio al alcance de la mano—. Los demás no me conciernen… Los demás no son asunto mío… Para mí sólo cuentas tú… Me has traicionado, ¡es una infamia!...

—Pero, ¡qué diablos!... ¡Óyeme un poco, por favor! —suplicó el ministro—. Y no te pongas así de furioso, antes de saber…

—Sólo sé una cosa y con eso me basta. Me has tomado el pelo… Pues bien, ¡no y no! Las cosas no sucederán como tú te crees… Ahora me toca a mí.

Yo iba de un lado a otro por el despacho, profiriendo amenazas, dando golpes en las sillas…

—¡Ah, me has tomado el pelo!... Muy bien, entonces vamos a reírnos un poco… El país sabrá, por fin, lo que es un ministro… Aun a riesgo de envenenarlo, voy a mostrarle al país, abierta de par en par, el alma de un ministro… ¡Imbécil!... ¿No te has dado cuenta todavía de que te tengo en mis manos, a ti, tu fortuna, tus secretos, tu cartera?... ¡Ah!, ¿mi pasado te resulta molesto?... ¿Les resulta molesto a tu pudor y al de Marianne ?... Espera un poco, entonces… Mañana, sí, mañana se sabrá todo…
La rabia me ahogaba. El ministro trató de calmarme, me cogió del brazo, me llevó suavemente hacia el sillón del que yo acababa de levantarme de un salto…

—¡Pero cállate de una vez! —me dijo, dándole a su voz un tono de súplica—. ¡Te ruego que me escuches!... ¡Siéntate, vamos!... ¡Qué demonio de hombre, que no quiere entender razones! Mira, esto es lo que ha ocurrido…

Rápidamente, con frases breves, entrecortadas, temblorosas, soltó:

—No conocíamos a tu adversario… Ha revelado ser un hombre muy fuerte en la lucha…, ¡un auténtico hombre de Estado!... Ya sabes lo restringido que es el personal en condiciones de aspirar al cargo de ministro… Aunque son siempre los mismos los que vuelven, necesitamos mostrarles a la Cámara y al país, de vez en cuando, una cara nueva… Ahora bien, no tenemos ninguna… ¿Conoces alguna tú?... Pues bien, pensamos que tu competidor podía ser una de esas caras… Reúne todas las cualidades que debe tener un ministro provisional, un ministro de crisis… En fin, como estaba a buen precio y la entrega era inmediata, ¿me entiendes?... Es molesto para ti, lo reconozco… Pero los intereses del país, en primer lugar…

—No me vengas con chistes… Aquí no estamos en la Cámara… No se trata de los intereses del país, que te importan un rábano, y a mí también… Se trata de mí… Ahora bien, gracias a ti me he quedado en la calle. Anoche el cajero de mi garito me negó, de modo insolente, cinco francos… Mis acreedores, que confiaban en mi éxito, están furiosos con mi fracaso y me persiguen como a una liebre… Me van a embargar todo… Hoy no tengo ni para cenar… ¿Y tú te imaginas, tranquilamente, que esto puede quedar así?... ¿Te has vuelto idiota, acaso…, tan idiota como un miembro de tu mayoría?

El ministro sonreía. Me dio unos golpecitos en las rodillas, con familiaridad, y me dijo:

—Estoy muy dispuesto, pero tú no me dejas hablar, muy dispuesto a otorgarte una compensación…

—¡Una re-pa-ra-ción!

—¡Está bien, una reparación!

—¿Total?

—¡Total!... Vuelve a verme dentro de unos días… Ya estaré, sin duda, en condiciones de ofrecértela. Mientras tanto, aquí tienes cien luises… Es todo lo que me queda de los fondos secretos…

Añadió amablemente, con alegría cordial:

—Media docena de mocetones como tú…, ¡y adiós presupuesto!...

Aquella liberalidad, que yo no preveía tan importante, tuvo el poder de calmarme instantáneamente los nervios… Me metí en el bolsillo —mientras seguía protestando, sin embargo, porque no quería mostrarme desarmado ni satisfecho— los dos billetes que, sonriendo, me tendía mi amigo…, y me retiré dignamente…

Los tres días siguientes los pasé sumido en el más bajo libertinaje…

Traducción de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán, para EL OLIVO AZUL.

martes, 19 de enero de 2010

T. S. Eliot: A song for Simeon


A song for Simeon

Lord, the Roman hyacinths are blooming in bowls and
The winter sun creeps by the snow hills;
The stubborn season has made stand.
My life is light, waiting for the death wind,
Like a feather on the back of my hand.
Dust in sunlight and memory in corners
Wait for the wind that chills towards the dead land.
Grant us thy peace.
I have walked many years in this city,

Kept faith and fast, provided for the poor,
Have given and taken honour and ease.
There never went any rejected from my door.
Who shall remember my house, where shall live my children's children
When the time of sorrow is come?
They will take to the goat's path, and the fox's home,
Fleeing from the foreign faces and the foreign swords.
Before the time of cords and scourges and lamentation

Grant us thy peace.
Before the stations of the mountain of desolation,
Before the certain hour of maternal sorrow,
Now at this birth season of decease,
Let the Infant, the still unspeaking and unspoken Word,
Grant Israel's consolation
To one who has eighty years and no tomorrow.

According to thy word.
They shall praise Thee and suffer in every generation
With glory and derision,
Light upon light, mounting the saints' stair.
Not for me the martyrdom, the ecstasy of thought and prayer,
Not for me the ultimate vision.
Grant me thy peace.
(And a sword shall pierce thy heart,
Thine also).

I am tired with my own life and the lives of those after me,
I am dying in my own death and the deaths of those after me.
Let thy servant depart,
Having seen thy salvation.

Thomas Stearn Eliot

Cántico de Simeón

Oh Señor, los jacintos romanos florean en los tiestos
Y el sol de invierno asoma por los nevados montes;
La estación obstinada ceja en su porfía
Mi vida vana espera el viento de la muerte
Como pluma en el dorso de la mano.
En soleados rincones, la memoria del polvo
Espera el viento helado que sopla hacia el desierto.

Concédenos tu paz.
He caminado mucho entre estos muros,
He observado el ayuno y la fe, he velado por los pobres,
He dado y recibido honores, bienestar...
Nadie fue nunca echado de mi puerta.
¿Quién va a acordarse de mi casa? ¿Dónde vivirán
Los hijos de mis hijos cuando llegue la hora del dolor?
Tomarán el sendero de la cabra, la cueva de la zorra,
Para ponerse a salvo de extraños rostros y de extrañas armas.

Antes del día de la soga, del azote y el gemido,
Concédenos tu paz.
Antes de la hora del monte desolado,
Antes de la hora del materno dolor,
En esta hora del nacimiento y de la muerte,
Deja que sea el Niño, el Verbo no dicho aunque sobrentendido,
Quien dé el consuelo de Israel
A éste que tiene ochenta años y ningún mañana.

Conforme a tu promesa,
Ha de penar quien te honre en cada generación,
Con gloria y con escarnio, luz tras luz,
Ascendiendo la escala de los santos.
No para mí el martirio, el éxtasis de la meditación y la plegaria,
Ni la postrer visión.
Concédeme tu paz.
(Y una espada ha de herir tu corazón,
También el tuyo.)

Estoy cansado de mi propia vida y de la de quienes han de vivir.
Yo muero de mi propia muerte y de la de quienes han de morir.
Haz que al partir tu siervo
Vea tu salvación.

Versión de José Luis Rivas.

Cantique pour Siméon

Seigneur, les jacinthes fleurissent dans les coupes
Et le soleil d’hiver chemine par les monts de neige ;
La saison têtue se confirme.
Ma vie attend, légère, le vent de mort
Comme un duvet sur le dos de la main.
La poussière au soleil, la mémoire aux recoins
Attendent le vent glacé qui balaiera la terre morte.

Accorde-nous Ta paix.
Voici bien des années que je marche dans cette ville,
Respectant ma foi et la Loi et pourvoyant à l’indigent,
Donnant et recevant honneur et bien-être.
Nul ne s’en est allé repoussé de mon seuil.
Qui gardera mémoire de ma maison, où vivront les fils de mes fils
Quand le temps d’affliction sera venu ?
Ils prendront le sentier des chèvres, se terreront au gîte des renards,
Fuyant les faces étrangères comme les glaives étrangers.

Avant le temps
Des liens et des fouets et des lamentations,
Accorde-nous Ta paix.
Avant les stations sur la montagne de désolation,
Avant l’heure assignée au chagrin maternel,
En ce temps que voici de naissance et de mort,
Que le petit Enfant,
Le verbe qui ne parle encore et n’est parlé
Accorde la consolation d’Israël
À un homme de quatre-vingts ans et qui n’a pas de lendemain.

Selon Ta parole
Ils Te loueront et souffriront dans chaque génération
Avec gloire et dérision,
Lumière sur lumière, gravissant l’escalier des saints.
Le martyre n’est pas pour moi, ni la pensée et la prière dans l’extase,
La vision suprême n’est pas pour moi.
Accorde-moi Ta paix.
(Un glaive, à Toi aussi, te percera le cœur.)
Je suis las de la vie et de la vie de ceux qui viendront après moi,
Je me meurs de ma mort et de la mort de ceux qui viendront après moi.
Laisse partir Ton serviteur,
Car mes yeux ont vu Ton salut.

Versión de Solange Lemaître.

sábado, 16 de enero de 2010

Antonin Artaud: Fragmentos de un diario infernal




FRAGMENTS D'UN JOURNAL D'ENFER


Ni mon cri ni ma fièvre ne sont de moi. Cette désintégration de mes forces secondes, de ces éléments dissimulés de la pensée et de l'âme, concevez-vous seulement leur constance.


Ce quelque chose qui est à mi-chemin entre la couleur de mon atmosphère typique et la pointe de ma réalité.


Je n'ai pas tellement besoin d'aliment que d'une sorte d'élémentaire conscience.
Ce noeud de la vie où l'émission de la pensée s'accroche.
Un noeud d'asphyxie centrale.


Simplement me poser sur une vérité claire, c'est-à-dire qui reste sur un seul tranchant.


Ce problème de l'émaciation de mon moi ne se présente plus sous son angle uniquement douloureux. Je sens que des facteurs nouveaux interviennent dans la dénaturation de ma vie et que j'ai comme une conscience nouvelle de mon intime déperdition.


Je vois dans le fait de jeter le dé et de me lancer dans l'affirmation d'une vérité pressentie, si aléatoire soit-elle, toute la raison de ma vie.
Je demeure, durant des heures sur l'impression d'une idée, d'un son. Mon émotion ne se développe pas dans le temps, ne se succède pas dans le temps. Les reflux de mon âme sont en accord parfait avec l'idéalité absolue de mon esprit.


Me mettre en face de la métaphysique que je me suis faite en fonction de ce néant que je porte.


Cette douleur plantée en moi comme un coin, au centre de ma réalité la plus pure, à cet emplacement de la sensibilité où les deux mondes du corps et de l'esprit se rejoignent, je me suis appris à m'en distraire par l'effet d'une fausse suggestion.
L'espace de cette minute que dure l'illumination d'un mensonge, je me fabrique une pensée d'évasion, je me jette sur une fausse piste indiquée par mon sang. Je ferme les yeux de mon intelligence, et laissant parler en moi l'informulé, je me donne l'illusion d'un système dont les termes m'échapperaient. Mais de cette minute d'erreur il me reste le sentiment d'avoir ravi à l'inconnu quelque chose de réel. Je crois à des conjurations spontanées. Sur les routes où mon sang m'entraîne il ne se peut pas qu'un jour je ne découvre une vérité.


La paralysie me gagne et m'empêche de plus en plus de me retourner sur moi-même. Je n'ai plus de point d'appui, plus de base... je me cherche je ne sais où. Ma pensée ne peut plus aller où mon émotion et les images qui se lèvent en moi la poussent. Je me sens châtré jusque dans mes moindres impulsions. Je finis par voir le jour à travers moi-même, à force de renonciations dans tous les sens de mon intelligence et de ma sensibilité. Il faut que l'on comprenne que c'est bien l'homme vivant qui est touché en moi et que cette paralysie qui m'étouffe est au centre de ma personnalité usuelle et non de mes sens d'homme prédestiné. Je suis définitivement à côté de la vie. Mon supplice est aussi subtil, aussi raffiné qu'il est âpre. Il me faut des efforts d'imagination insensés, décuplés par l'étreinte de cette étouffante asphyxie pour arriver à penser mon mal. Et si je m'obstine ainsi dans cette poursuite, dans ce besoin de fixer une fois pour toutes l'état de mon étouffement...


Tu as bien tort de faire allusion à cette paralysie qui me menace. Elle me menace en effet et elle gagne de jour en jour. Elle existe déjà et comme une horrible réalité. Certes je fais encore (mais pour combien de temps?) ce que je veux de mes membres, mais voilà longtemps que je ne commande plus à mon esprit, et que mon inconscient tout entier me commande avec des impulsions qui viennent du fon de mes rages nerveuses et du tourbillonnement de mon sang. Images pressées et rapides, et qui ne prononcent à mon esprit que des mots de colère et de haine aveugle, mais qui passent comme des coups de couteau ou des éclairs dans un ciel engorgé.


Je suis stigmatisé par une mort pressante où la mort véritable est pour moi sans terreur.


Ces formes terrifiantes qui s'avancent, je sens que le désespoir qu'elles m'apportent est vivant. Il se glisse à ce noeud de la vie après lequel les routes de l'éternité s'ouvrent. C'est vraiment la séparation à jamais. Elles glissent leur couteau à ce centre où je me sens homme, elles coupent les attaches vitales qui me rejoignent au songe de ma lucide réalité.


Formes d'un désespoir capital (vraiment vital),
carrefour des séparations,
carrefour de la sensation de ma chair,
abandonné par mon corps,
abandonné de tout sentiment possible dans l'homme.
Je ne puis le comparer qu'à cet état dans lequel on se trouve au sein d'un délire dû à la fièvre, au cours d'une profonde maladie.




Le temps peut passer et les convulsions sociales du monde ravager les pensées des hommes, je suis sauf de toute pensée qui trempe dans les phénomènes. Qu'on me laisse à mes nuages éteints, à mon immortelle impuissance, à mes déraisonnables espoirs.. Mais qu'on sache bien que je n'abdique aucune de mes erreurs. Si j'ai mal jugé, c'est la faute à ma chair, mais ces lumières que mon esprit laisse filtrer d'heure en heure, c'est ma chair dont le sang se recouvre d'éclairs.


Il me parle de Narcissisme, je lui rétorque qu'il s'agit de ma vie. J'ai le culte non pas du moi mais de la chair, dans le sens sensible du mot chair. Toutes les choses ne me touchent qu'en tant qu'elles affectent ma chair, qu'elles coïncident avec elle, et à ce point même où elles l'ébranlent, pas au delà. Rien ne me touche, ne m'intéresse que ce qui s'dresse directement à ma chair. Et à ce moment il me parle du Soi. Je lui rétorque que le Moi et le Soi sont deux termes distincts à ne pas confondre, et sont très exactement les deux termes qui se balancent de l'équilibre de la chair.


Je sens sous ma pensée le terrain qui s'effrite, et j'en suis amené à envisager les termes que j'emploie sans l'appui de leur sens intime, de leur substratum personnel. Et même mieux que cela, le point par où ce substratum semble se relier à ma vie me devient tout à coup étrangement sensible, et virtuel. J'ai l'idée d'un espace imprévu et fixé, là où en temps normal tout est mouvements, communications, interférences, trajet.
Mais cet effritement qui atteint ma pensée dans ses bases, dans ses communications les plus urgentes avec l'intelligence et avec l'instinctivité de l'esprit, ne se passe pas dans le domaine d'un abstrait insensible où seules les parties hautes de l'intelligence participeraient. Plus que l'esprit qui demeure intact, hérissé de pointes, c'est le trajet nerveux de la pensée que cet effritement atteint et détourne. C'est dans les membres et le sang que cette absence et ce stationnement se font particulièrement sentir.


Un grand froid,
une atroce abstinence,
les limbes d'un cauchemar d'os et de muscles, avec le sentiment de fonctions stomacales qui claquent comme un drapeau dans les phosphorescences de l'orage.
Images larvaires qui se poussent comme avec le doigt et ne sont en relation avec aucune matière.


Je suis homme par mes mains et par mes pieds, mon ventre, mon coeur de viande, mon estomac dont les noeuds me rejoignent à la putréfaction de la vie.


On me parle de mots, mais il ne s'agit pas de mots, il s'agit de la durée de l'esprit.
Cette écorce de mots qui tombe, il ne faut pas s'imaginer que l'âme n'y soit pas impliquée. A côté de l'esprit il y a la vie, il y a l'être humain dont le cercle duquel cet esprit tourne, relié avec lui par une multitude de fils...


Non, tous les arrachements corporels, toutes les diminutions de l'activité physique et cette gêne qu'il y a à se sentir dépendant dans son corps, et ce corps même chargé de marbre et couché sur un mauvais bois, n'égalent pas la peine qu'il y a à être privé de la science physique et du sens de son équilibre intérieur. Que l'âme fasse défaut à la langue ou la langue à l'esprit, et que cette rupture trace dans les plaines des sens comme un vaste sillon de désespoir et de sang, voilà la grande peine qui mine non l'écorce ou la charpente, mais l'ETOFFE des corps. Il y a à perdre cette étincelle errante et dont on sent qu'ELLE ETAIT un abîme qui gagne avec soi toute l'étendue du monde possible, et le sentiment d'une inutilité telle qu'elle est comme le noeud de la mort. Cette inutilité est comme la couleur morale de cet abîme et de cette intense stupéfaction, et la couleur physique en est le goût d'un sang jaillissant par cascades à travers les ouvertures du cerveau.


On a beau me dire que c'est en moi ce coupe-gorge, je participe à la vie, je représente la fatalité qui m'élit et il ne se peut pas que toute la vie du monde me compte à un moment donné avec elle puisque par sa nature même elle menace le principe de la vie.
Il y a quelque chose qui est au-dessus de toute activité humaine: c'est l'exemple de ce monotone crucifiement, de ce crucifiement où l'âme n'en finit plus de se perdre.


La corde que je laisse percer de l'intelligence qui m'occupe et de l'inconscient qui m'alimente, découvre des fils de plus en plus subtils au sein de son tissu arborescent. Et c'est une vie nouvelle qui renaît, de plus en plus profonde, éloquente, enracinée.


Jamais aucune précision ne pourra être donnée par cette âme qui s'étrangle, car le tourment qui la tue, la décharne fibre à fibre, se passe au-dessous de la pensée, au-dessous d'où peut atteindre la langue, puisque c'est la liaison même de ce qui la fait et la tient spirituellement agglomérée, qui se rompt au fur et à mesure que la vie l'appelle à la constance de la clarté. Pas de clarté jamais sur cette passion, sur cette sorte de martyre cyclique et fondamental. Et cependant elle vit mais d'une durée à éclipses où le fuyant se mêle perpétuellement à l'immobile, et le confus à cette langue perçante d'une clarté sans durée. Cette malédiction est d'un haut enseignement pour les profondeurs qu'elle occupe, mais le monde n'en entendra pas la leçon.


L'émotion qu'entraîne l'éclosion d'une forme, l'adaptation de mes humeurs à la virtualité d'un discours sans durée m'est un état autrement précieux que l'assouvissement de mon activité.
C'est la pierre de touche de certains mensonges spirituels.


Cette sorte de pas en arrière qui fait l'esprit en deçà de la conscience qui le fixe, pour aller chercher l'émotion de la vie. Cette émotion sise hors du point particulier où l'esprit la recherche, et qui émerge avec sa densité riches de formes et d'une fraîche coulée, cette émotion qui rend à l'esprit le son bouleversant de la matière, toute l'âme s'y coule et passe dans son feu ardent. Mais plus que le feu, ce qui ravit l'âme c'est la limpidité, la facilité, le naturel et la glaciale candeur de cette matière trop fraîche et qui soufle le chaud et le froid.
Celui-là sait ce que l'apparition de cette matière signifie et de quel souterrain massacre son éclosion est le prix. Cette matière est l'étalon d'un néant qui s'ignore.


Quand je me pense, ma pensée se cherche dans l'éther d'un nouvel espace. Je suis dans la lune comme d'autres sont à leur balcon. Je participe à la gravitation planétaire dans les failles de mon esprit.


La vie va se faire, les événements se dérouler, les conflits spirituels se résoudre, et je n'y participerai pas. Je n'ai rien à attendre ni du côté physique ni du côté moral. Pour moi c'est la douleur perpétuelle et l'ombre, la nuit de l'âme, et je n'ai pas une voix pour crier.
Dilapidez vos richesses loin de ce corps insensible à qui aucune saison ni spirituelle, ni sensuelle ne fait rien.


J'ai choisi le domaine de la douleur et de l'ombre comme d'autres celui du rayonnement et de l'entassement de la matière.
Je ne travaille pas dans l'étendue d'un domaine quelconque.
Je travaille dans l'unique durée.



FRAGMENTOS DE UN DIARIO INFERNAL


Ni mi grito ni mi fievre me pertenecen. Esta desintegración de mis fuerzas secundarias, de esos elementos disimulados del pensamiento y del alma, ¿pueden ustedes concebir, acaso, su constancia?


Ese algo que está a medio camino entre el color de mi atmósfera típica y el despertar de mi realidad.


No tengo tanta necesidad de alimento como de una especie de elemental conciencia.
Ese nudo de la vida al que la emisión del pensamiento se aferra.
Un nudo de asfixia central.


Instalarme simplemente en una verdad clara, es decir que se mantenga sobre uno solo de sus filos.


Ese problema del enflaquecimiento de mi yo no se presenta ya bajo su aspecto únicamente doloroso. Siento que factores nuevos intervienen en la desnaturalización de mi vida y que poseo algo así como una nueva conciencia de mi íntimo debilitamiento.


Veo en el hecho de lanzar los dados y de lanzarme en la afirmación de una verdad presentida, por muy aleatoria que sea, toda la razón de mi vida.
Permanezco durante horas bajo el efecto de una idea, de un sonido. Mi emoción no se desarrolla en el tiempo, no transcurre en el tiempo. Los reflujos de mi alma están en perfecto acuerdo con la idealidad absoluta del espíritu.


Ponerme frente a la metafísica que me he construido en función de la nada que llevo en mí.


De este dolor hincado en mí como una astilla, en el centro de mi más pura realidad, en ese lugar de la sensibilidad donde los dos mundos del cuerpo y del espíritu se unen, he aprendido a distraerme gracias a una falsa sugestión.


En el espacio de este minuto que dura la iluminación de una mentira, me fabrico un pensamiento de evasión, me precipito sobre una pista falsa que mi sangre indica. Cierro los ojos de mi inteligencia y, dejando que hable en mí lo informulado, me brindo la ilusión de un sistema cuyos términos me sería imposible asir. Pero de ese minuto de error me queda el sentimiento de haber hurtado algo real a lo desconocido. Creo en conjuraciones espontáneas. En las rutas hacia las que mi sangre me arrastra no es posible que algún día no descubra una verdad.


La parálisis se apodera de mí y me impide cada vez más volverme hacia mí mismo. Ya no tengo un punto en que apoyarme, una base..., no sé dónde me busco. Mi pensamiento ya no puede ir adonde mis emociones y las imágenes que surgen en mí lo empujan. Me siento castrado hasta en mis más pequeños impulsos. Acabo por ver el día a través mío, a fuerza de renunciamientos en todos los sentidos de mi inteligencia y de mi sensiblidad. Es necesario que se comprenda que es el hombre viviente el que está afectado en mí, y que esta parálisis que me asfixia se encuentra en el centro de mi personalidad corriente y no de mis sentidos de hombre predestinado. Estoy definitivamente al costado de la vida. Mi suplicio es tan sutil, tan refinado como recio. Me son necesarios esfuerzos insensatos de imaginación, multiplicados por el abrazo de esta asfixia sofocante para llegar a pensar mi mal. Y si me obstino así en esta búsqueda, en esta necesidad de fijar una vez por todas el estado de mi sofocación...


Te equivocas al hacer alusión a esta parálisis que me amenaza. Me amenaza, en efecto, y aumenta cada día que pasa. Existe ya y como una horrible realidad. Es cierto que hago aún (pero, ¿por cuánto tiempo?) lo que quiero con mis miembros, pero hace mucho tiempo que ya no gobierno mi espíritu, y que mi inconsciente todo entero me gobierna con impulsos que vienen del fondo de mis agudos dolores nerviosos y del torbellino de mi sangre. Imágenes apresuradas y rápidas y que no le pronuncian a mi espíritu sino palabras de cólera y de odio ciego, pero que pasan como cuchilladas o relámpagos en un cielo cargado.


Estoy estigmatizado por una muerte urgente en la que la muerte verdadera carece para mí de terror.


Siento que la desesperación de esas formas aterradoras que se adelantan está viva. Se desliza en ese nudo de la vida a partir del cual las rutas de la eternidad se abren. Es realmente la separación para siempre. Esas formas deslizan su cuchillo en ese centro donde me siento hombre, cortan las ataduras vitales que me unen al sueño de mi lúcida realidad.


Formas de una desesperación capital (realmente vital),
encrucijada de las separaciones,
encrucijada de la sensación de mi carne,
abandonado por mi cuerpo,
abandonado por cualquier sentimiento posible en el hombre.
No puedo compararlo sino a ese estado en cual nos hallamos en medio de un delirio provocado por la fiebre, en el curso de una profunda enfermedad.


Es esta antinomia entre mi facilidad profunda y mi exterior dificultad que crea el tormento que me hace morir.


El tiempo puede pasar y las convulsiones sociales del mundo devastar los pensamientos de los hombres, yo estoy a salvo de todo pensamiento ligado a los acontecimientos. Que me abandonen con mis nubes apagadas, con mi inmortal impotencia, con mis absurdas esperanzas. Pero que sepan que no abdico de ninguno de mis errores. Si he juzgado mal es culpa de mi carne, pero esas luces que mi espíritu deja filtrar de tanto en tanto son mi carne cuya sangre se recubre de relámpagos.


Él me habla de narcisismo, yo le contesto que se trata de mi vida. Tengo el culto no del yo sino de la carne, en el sentido sensible de la palabra carne. Ninguna cosa me toca sino en la medida en que afecta a mi carne, que coincide con ella, y sólo en ese punto exacto en que la conmueve, no más allá. Nada me toca, nada me interesa sino aquello que se dirige directamente a mi carne. Y en ese momento me habla del Sí-mismo. Le contesto que el Yo y el Sí-mismo son dos términos distintos y que no deben ser confundidos, y que son precisamente los dos términos que se balancean en el equilibrio de la carne.


Siento bajo mi pensamiento la tierra hundirse, y me veo conducido a encarar los términos que empleo sin el apoyo de su sentido íntimo, de su substrato personal. E incluso mejor que eso, el punto en donde ese substrato parece unirse con mi vida se vuelve de repente extrañamente sensible y virtual. Concibo la idea de un espacio imprevisto y fijado, allí donde en tiempo normal todo es movimiento, comunicación, interferencia, trayecto.
Pero esta desintegración que ataca mi pensamiento en sus bases, en sus comunicaciones más urgentes con la inteligencia y con la instintividad del espíritu, no ocurre en el terreno de un abstracto insensible en el que participarían solamente las partes elevadas de la inteligencia. Más que el espíritu que permanece intacto, herizado de puntas, es el trayecto nervioso del pensamiento lo que esta desintegración ataca y desvía de su camino. Es en los miembros y en la sangre que esta ausencia y este estacionamiento se hacen especialmente sentir.


Un gran frío,
una atroz abstinencia,
los limbos de una pesadilla de huesos y de músculos, con el sentimiento de las funciones estomacales que suenan como una bandera en las fosforescencias de la tormenta.
Imágenes larvarias que se empujan como con el dedo y que no están en relación con ninguna materia.


Soy hombre gracias a mis manos y a mis pies, a mi vientre, a mi corazón de animal, a mi estómago cuyos nudos me unen a la putrefacción de la vida.


Me hablan de palabras, pero no se trata de palabras, se trata de la duración del espíritu.


No hay que imaginarse que el alma no esté implicada en esta corteza de palabras que caen. Junto al epíritu está la vida, está el ser humano en el círculo del cual este espíritu da vueltas, unido con él por una multitud de hilos...


No, todos los desgarramientos corporales, todas las disminuciones de la actividad física y esta molestia de sentirse dependiente en su cuerpo, y este mismo cuerpo cargado de mármol y acostado en una mala madera, no igualan la pena que hay en el hecho de estar privado de la ciencia física y del sentido de su equilibrio interior.Que el alma falte a la lengua o la lengua al espíritu, y que esta ruptura trace en las llanuras de los sentidos una especie de vasto surco de desesperación y de sangre, ésta es la gran pena que mina no la corteza o las vigas de maderas sino la TELA de los cuerpos. Se puede perder esta chispa errante de la cual sentimos que ERA un abismo que se apodera de toda la extensión del mundo posible, y el sentimiento de una inutilidad tal que es como el nudo de la muerte. Esta inutilidad es como el color moral de ese abismo y de esa intensa estupefacción, y su color físico es el gusto de una sangre que brota en cascadas a través de las aberturas del cerebro.


Por más que me digan que ese lugar peligroso está en mí mismo, yo participo de la vida, yo represento la fatalidad que me elige y no es posible que toda la vida del mundo me cuente, en un momento dado, junto con ella ya que, por su naturaleza misma, amenaza el principio de la vida.
Existe algo que está por encima de toda actividad humana: es el ejemplo de esa monótona crucifixión en la que el alma no acaba nunca de perderse.


La cuerda que dejo entrever de la inteligencia que me ocupa y del inconsciente que me alimenta deja ver, en medio de su tejido de formas que se ramifican, hilos cada vez más sutiles. Y es una nueva vida que renace, cada vez más profunda, elocuente, enraizada.


Jamás podrá esta alma que se ahorca dar alguna precisión, ya que el tormento que la mata y la descarna, fibra tras fibra, ocurre por debajo del pensamiento, por debajo de ese lugar al que puede llegar la lengua, puesto que es la ligadura misma de lo que la hace y la mantiene espiritualmente aglomerada, lo que se rompe a medida que la vida la llama a la constancia de la claridad. Nunca habrá claridad respecto a esta pasión, a esta especie de martirio cíclico y fundamental. Y sin embargo vive, pero con una duración con eclipses en la que lo huidizo se mezcla perpetuamente a lo inmóvil, y lo confuso a esa lengua aguda de una claridad sin duración. Esta maldición posee una alta enseñanza para las profundidades que ella ocupa, pero el mundo no oirá la lección.


La emoción que conlleva la eclosión de una forma, la adaptación de mis humores a la virtualidad de un discurso sin duración es para mí un estado mucho más precioso que la satisfacción de mi actividad.
Es la piedra de toque de ciertas mentiras espirituales.


Esa especie de paso atrás que da el espíritu más acá de la conciencia que lo fija, para ir en busca de la emoción de la vida. Esa emoción que reside fuera del punto particular en que el espíritu la busca, y que emerge, recién moldeada, con su densidad rica de formas; esa emoción que le da al espíritu el sonido conmovedor de la materia; toda el alma se desliza en su molde y pasa en su fuego ardiente. Pero aún más que el fuego, lo que transporta al alma es la limpidez, la facilidad, lo natural y la glacial candidez de esa materia demasiado fresca cuyo soplo contradictorio es ya caliente ya frío.
Aquel sabe lo que la aparición de esa materia significa y de que subterránea masacre su eclosión es el precio. Esa materia es la medida de una nada que se ignora.


Cuando me pienso mi pensamiento se busca en el éter de un nuevo espacio. Estoy en la luna como otros están en su balcón. Participo de la gravitación planetaria con las grietas de mi espíritu.


La vida va a hacerse, los acontecimientos van a desarrollarse, los conflictos espirituales van a resolverse, y yo no participaré en nada de eso. Nada tengo para esperar, ni del lado físico ni del lado moral. Para mí es el dolor perpetuo y la sombra, la noche del alma, y ni siquiera tengo una voz para gritar.


Dilapiden sus riquezas lejos de este cuerpo insensible al que ya ninguna estación, ni espiritual ni sensual, le hace nada.


Yo he elegido el terreno del dolor y la sombra como otros eligen el del resplandor y el de la acumulación de la materia.
Yo no trabajo en la extensión de ningún terreno.
Sólo trabajo en la duración.


Traducción de Miguel Ángel Frontán.

viernes, 1 de enero de 2010

Léon Bloy por Octave Mirbeau




LÉON BLOY


« Je chemine au-devant de mes pensées en exil dans une grande colonne de silence. » Léon Bloy.


On parlait dernièrement, dans une élégante réunion d’hommes de lettres, de Léon Bloy et de son nouveau livre : La Femme pauvre, autour duquel la lâcheté des uns, la rancune des autres et l’incompréhension du plus grand nombre établissent une vaste zone de solitude et de silence, comme autour de la maison où meurt un pestiféré. Il n’y avait à cette réunion que de fort célèbres personnages, féministes gâteux, et pâteux psychologues, le col serré par une cravate à triple torsion, la boutonnière fleurie de toutes les légions d’honneur, et qui « tirent à dix mille exemplaires, pour le moins », de petites histoires tristement « cochonnes », où s’exalte l’âme des femmes de chambre, les seules aujourd’hui qui osent affronter l’inaffrontable et morne ennui du moderne.


Il va sans dire que Léon Bloy fut copieusement éreinté. On l’accusa de toutes les vilenies, on le couvrit de tous les opprobres. Quelqu’un qui fût entré là sans préparation, eût tout de suite pensé qu’il s’agissait d’un criminel, ayant inventé une nouvelle épouvante. Évidemment, si, au lieu d’être coupable d’un beau et douloureux livre, Léon Bloy eût frappé de sa canne les femmes, au Bazar de la Charité, violé des sépultures et découpé de petits enfants en morceaux, on eût parlé de lui avec plus d’indulgence et moins d’indignation. On lui reprocha son ingratitude, son orgueil, son irrémissible pauvreté. Plusieurs poussèrent la littérature et la psychologie jusqu’à lui dénier toute espèce de talent et toute espèce de style. Le comique suprême fut atteint d’entendre une sorte de coiffeur de lettres, qui patauge dans ses phrases comme un hanneton tombé dans un pot de pommade liquide, l’écraser d’un seul coup, en invoquant Pascal. Enfin, les vieilles légendes dont on crucifia jadis l’auteur du Désespéré et qui semblaient dormir dans les poussières des salles de rédaction, chacun se plut à les réveiller. Je ne nommerai pas ces braves gens car, bien qu’ils soient tous illustres, ils n’ont, en réalité, pas de nom, ou ils ont le même nom monosyllabique et disgracieux que vous savez et qui équivaut à n’en avoir pas du tout.


Un jeune homme qui n’avait pas de smoking, qui ne portait aucune décoration, pas même celle de la reine de Roumanie, et qui n’avait pas encore ouvert la bouche, déclara :
– Vous êtes sévères, Messieurs, envers un homme qu’estima et aima Barbey d’Aurevilly.


Mais ce nom de d’Aurevilly sonna, dans ce milieu, comme une chose déjà lointaine. L’on vit un sourire, un peu méprisant, errer sur les lèvres de ces illustres personnages. Et ce fut tout ce qu’amena le souvenir de cette grande âme solitaire et royale.


Moi aussi, je ferai comme ce jeune homme, et c’est en me souvenant de d’Aurevilly que je parlerai de ce réprouvé : Léon Bloy.
***


Le cas de Léon Bloy est vraiment unique dans ce qu’on est convenu d’appeler : la littérature.


Voilà un homme d’une rare puissance verbale, le plus somptueux écrivain de notre temps, dont les livres atteignent, parfois, à la beauté de la Bible. Ne cherchez ni dans Chateaubriand, ni dans Barbey d’Aurevilly, ni dans Flaubert, ni dans Villiers de L’Isle-Adam, une prose plus architecturale, d’une forme plus riche, d’un modelé plus savant et plus souple. Dans quelques pages du Désespéré, par-delà d’antipathiques violences et des malédictions disproportionnées, il s’est élevé jusque vers les plus hauts sommets de la pensée humaine. Pour peindre des êtres et des choses, il a, souvent, trouvé d’étonnantes, de fulgurantes images qui les éclairent en profondeur et pour jamais. De quels traits ineffaçables n’a-t-il point dessiné le glorieux X... et « ses réveils d’affranchi » ? Parlant d’un mauvais homme, triste et lâche, pleutre au repos, il écrit : « Cependant, quand il avait bu quelques verres d’absinthe, ses pommettes flamboyaient, au haut de son visage, comme deux falaises, par une nuit de méchante mer... » Il fait dire à une pauvre fille : « Ma vie est une campagne où il pleut toujours... ». La même, débile et malade, raconte qu’elle a frappé, presque à mort, un homme qui voulait la violer : « Quand j’ai frappé M. Chapuis, j’ai cru qu’il me poussait un chêne dans le cœur... ». Je cite de mémoire et au hasard du souvenir. Les livres de Léon Bloy fourmillent de ces choses... Il en est d’incomparablement grandes et nobles. Elles naissent, à chaque page, sous sa plume, tout naturellement et sans effort. Il est en état permanent de magnificence. Lisez, dans La Femme pauvre, cette invocation que je trouve, sans la chercher, en ouvrant le livre :


« Je suis ton père Abraham, ô Lazare, mon cher enfant mort, mon petit enfant, que je berce dans mon sein pour la Résurrection bienheureuse. Tu le vois, ce grand Chaos qui est entre nous et le cruel riche. C’est l’abîme qu’on ne peut franchir, des malentendus, des illusions, des ignorances invincibles. Nul ne sait son propre nom, nul ne connaît sa propre figure. Tous les visages et tous les cœurs sont obnubilés comme le front du parricide, sous l’impénétrable tissu des combinaisons de la Pénitence. On ignore pour qui on souffre, et on ignore pourquoi on est dans les délices. L’impitoyable dont tu enviais les miettes et qui implore maintenant la goutte d’eau du bout de ton doigt ne pouvait apercevoir son indigence que dans l’illumination des flammes de son tourment ; mais il a fallu que je te prisse des mains des Anges, pour que ta richesse, à toi, te fût révélée dans le miroir éternel de cette face de feu. Les délices permanentes sur lesquelles avait compté ce maudit ne cesseront pas, en effet, et ta misère non plus n’aura pas de fin. Seulement, l’Ordre ayant été rétabli, vous avez changé de place. Car il y eut entre vous deux une affinité si cachée, si parfaitement inconnue, qu’il n’y avait que l’esprit sain, visiteur des os des morts, qui eût le pouvoir de la faire éclater ainsi, dans l’interminable confrontation !... »


Même dans la frénésie de l’insulte, il est magnifique encore ; il peut dire de lui-même qu’il est un « joaillier en malédictions ». Il sertit d’or l’excrément ; il monte sur des métaux précieux, précieusement ouvrés, la perle noire de la bave. Quand il arrive à ce point d’orfèvrerie et de ciselure, l’excrément lui-même devient un joyau. Nul n’a plus le droit d’en sentir l’originelle odeur, et tous peuvent s’en barbouiller la face sans honte.


Quoi qu’il en soit, si ceux-là qui ont en charge de nous éduquer avaient la conscience de ce qu’est la beauté, s’ils comprenaient la responsabilité qu’est leur mission propagatrice, il y a longtemps qu’ils eussent choisi, dans les œuvres de cet admirable écrivain, pour en faire des modèles d’éloquence. Il n’y en a, nulle part, de plus impeccable et de plus superbe.


Voilà cet homme. Eh bien ! parmi les milliers et les milliers d’écrivailleurs, dont les ouvrages encombrent les rayons des libraires et les cases – j’allais dire les caves – des cervelles bourgeoises, Léon Bloy est peut-être le seul – le seul, vous entendez bien – à qui il soit interdit de vivre de son métier. Non seulement il ne peut pas en vivre, mais le miracle est qu’il n’en soit pas mort. D’autres, hélas ! et qu’il aimait, en sont morts, près de lui ! Il a connu dans ses bras l’agonie d’un pauvre enfant à qui il a été refusé que le grand talent de son père ne fût assez riche pour acheter les deux sous de lait pur nécessaire à son innocente et fragile vie !


Lisez La Femme pauvre. C’est un livre dont on vous dira, peut-être, qu’il est mal fait, qu’il manque d’unité, de composition, de psychologie mondaine. C’est peut-être vrai, mais lisez-le tout de même, car il est rempli de choses inégalables. Et puis, sous l’orage des invectives et des vociférations, sous les grands éclats d’un orgueil intolérable – j’en conviens –, vous entendrez aussi saigner un cœur dans ce livre douloureux où chaque ligne est comme l’ahan, le cri de révolte, et l’acceptation finale de cette montée au Calvaire que fut, jusqu’ici, la vie de Léon Bloy.


Oh ! je sais bien, tout le monde prétendra que cette vie, c’est lui seul qui l’a faite. Sa misère, il l’a forgée de ses propres mains. Par son intransigeance, par son orgueil, par sa fièvre d’extermination, il a ouvert entre lui et les autres un espace infranchissable, que nul n’osa franchir, car il n’est peut-être personne que ses invectives n’aient atteint et marqué à la face. Sa situation, il l’a rendue si excessive que ceux-là qui tenteraient de le défendre et de reconnaître publiquement les dons supérieurs, les dons uniques, qui font de lui un si exceptionnel tempérament d’écrivain, seraient englobés dans la même haine que lui. Tous se taisent, les uns par rancune, les autres pour ne point paraître complices de ses mépris, de ses dégoûts, des ses excommunications. Il y a beaucoup de lâcheté dans ce silence, soit ; mais il y a autre chose, aussi, par où le malentendu s'accuse davantage, c’est que Léon Bloy n’est pas quelqu’un de notre temps ; il est dépaysé dans ce siècle qui ferme ses oreilles à la parole ardente de ses vieux prophètes, aux anathèmes des vieux moines, ou qui en rit, comme d’une farce, quand il lui arrive de les écouter. Je me le représente souvent, comme un Jean-Baptiste, allant traverser les déserts, la bouche pleine d’imprécations, ou comme quelque moine distribuant, du haut d’une chaire, dans une église du moyen âge, les anathèmes et les malédictions...


La gendarmerie nationale s’oppose aux apostolats errants : elle appelle ça du vagabondage. Comme il n’y a plus de désert, Léon Bloy a trouvé un silo. Il s’est creusé lui-même la fosse de ses mains ; il a creusé son corps d’ulcères liturgiques, il a bordé sa fosse de culs de bouteilles, de clous, d’excréments déclamatoires pour la rendre inaccessible, pour être plus nu, pour être plus seul avec son humilité sainte et son saint orgueil, plus seul avec Dieu. De cette fosse, il jette aux passants des bouses de lumière et d’éternité, des haines d’or, le verbe le plus sauvage et le plus magnifique, lourd et pénétrant comme la lave et l’aérolithe.


Le pire sadisme pour les martyrs, c’est d’avoir l’air de bourreaux : Léon Bloy a réussi.


Confesseur de la Pauvreté, de la Mort, de la Foi, portier farouche de la Porte de Vie, voilà l’homme que j’ai essayé d’admirer ce soir.


OCTAVE MIRBEAU, Le Journal, 13 juin 1897.
LES ÉCRIVAINS, in Wikisource




LÉON BLOY


“Voy al encuentro de mis pensamientos exiliados, en una gran columna de silencio.” Léon Bloy.


Recientemente, en una elegante reunión de literatos, se hablaba de Léon Bloy y de su último libro, La mujer pobre, en torno al cual la cobardía de algunos, el rencor de otros y la incomprensión de la mayoría crean una vasta zona de soledad y de silencio, como en torno a la casa en que agoniza un apestado. En aquella reunión sólo había celebérrimos personajes, feministas reblandecidos y embrollados psicólogos, con el cuello aprisionado en una corbata de tres vueltas, con las flores de todas las legiones de honor en el ojal y que “hacen tiradas de diez mil ejemplares por lo menos” de pequeñas historias tristemente “cochinas” con las que se exalta el alma de las criadas, las únicas que hoy en día se atreven a afrontar el inafrontable y gris aburrimiento de lo moderno.


Huelga decir que llovieron los palos sobre Léon Bloy. Le achacaron todas las bajezas, lo cubrieron con todos los oprobios. Alguien que hubiese entrado allí sin estar preparado habría pensado de inmediato que se trataba de un criminal, inventor de una nueva atrocidad. Evidentemente, si, en vez de ser culpable de un libro bello y doloroso, Léon Bloy hubiese dado bastonazos a las mujeres en el Bazar de la Caridad, si hubiese violado tumbas y cortado niñitos en pedazos, se habría hablado de él con más indulgencia y menos indignación. Le reprocharon su ingratitud, su orgullo, su irremisible pobreza. Algunos, abusando de la literatura y la psicología, llegaron a negarle toda clase de talento y toda clase de estilo. El colmo de la comicidad se alcanzó cuando se oyó cómo una especie de peluquero de las letras, que chapotea en sus frases como un abejorro caído en un pote de pomada líquida, lo aplastaba de un solo golpe invocando a Pascal. Finalmente, todos y cada uno se pusieron con gusto a despertar las viejas leyendas con las que antaño se crucificó al autor del Desesperado y que parecían dormir en el polvo de las salas de redacción. No daré los nombres de estas buenas personas puesto que, si bien todas ellas son ilustres, en realidad carecen de nombre o tienen el mismo nombre monosilábico y falto de gracia (1) que ustedes ya conocen y que equivale a no tener ninguno.


Un joven que no vestía de esmoquin, que no llevaba ninguna condecoración, ni siquiera la de la reina de Rumania, y que aún no había abierto la boca, declaró:
—Señores, ustedes son muy severos con un hombre al que Barbey d’Aurevilly quiso y estimó.
Pero este nombre, D’Aurevilly, sonó en ese ambiente como algo ya lejano. Se vio cómo una sonrisa, un tanto despectiva, pasaba por los labios de aquellos ilustres personajes. Y eso fue todo lo que produjo el recuerdo de aquella gran alma solitaria y regia.


Yo también, como aquel joven, tendré presente a D’Aurevilly al hablar de este réprobo, Léon Bloy
***


El caso de Léon Bloy es realmente único en lo que se conviene en llamar literatura.


Estamos en presencia de un hombre de un raro poder verbal, el escritor más suntuoso de nuestro tiempo, cuyos libros alcanzan, a veces, la belleza de la Biblia. No busquemos ni en Chateaubriand, ni en Barbey d’Aurevilly, ni en Flaubert, ni en Villiers de l’Isle-Adam, una prosa más arquitectónica, de forma más rica, modelada de modo más hábil y elegante. En algunas páginas del Desesperado, más allá de antipáticas violencias y de maldiciones desproporcionadas, Bloy se elevó hasta casi alcanzar las más altas cimas del pensamiento humano. Para pintar seres y cosas a menudo encontró sorprendentes, fulgurantes imágenes que los iluminan profunda y definitivamente. ¡Qué trazos imborrables empleó para dibujar al glorioso X... y “sus despertares de esclavo liberto”! Hablando de un mal hombre, triste e indigno, cobarde en reposo, escribe: “Sin embargo cuando había bebido unos vasos de ajenjo, sus pómulos llameaban, en lo alto de su cara, como dos acantilados en una noche de mar embravecido...” Le hace decir a una pobre muchacha: “Mi vida es un campo en el que siempre está lloviendo...” La misma, débil y enferma, cuenta cómo golpeó, casi hasta matarlo, a un hombre que la quería violar: “Al golpear al señor Chapuis creí que me crecía un roble en el corazón...” Cito de memoria y al azar de los recuerdos. En los libros de Léon Bloy abundan estas cosas... Algunas de ellas son incomparablemente grandes y nobles. Brotan en cada página, bajo su pluma, de la manera más natural y sin esfuerzo. Bloy vive en permanente estado de magnificencia. Léase, en La mujer pobre, esta invocación que encuentro, sin buscarla, al abrir el libro:


—Yo soy tu padre Abraham, oh Lázaro, mi querido hijo muerto, hijito mío, al que acuno en mi Seno hasta la Resurrección bienaventurada (2). Ahí lo tienes, ese gran Caos que hay entre nosotros y el cruel rico. Es el abismo infranqueable de los malentendidos, de las ilusiones, de las ignorancias invencibles. Nadie sabe su propio nombre, nadie conoce su propio rostro. Todos los rostros y todos los corazones están obnubilados, como la frente del parricida, bajo la impenetrable trama de las combinaciones de la Penitencia. Ignoramos por quién sufrimos e ignoramos por qué nos colma la delicia. El despiadado cuyas migajas deseabas y que ahora implora la gota de Agua de la punta de tu dedo sólo podía percibir su indigencia a la luz de las llamas de su tormento; pero hizo falta que yo te tomase de entre las manos de los Ángeles para que tu riqueza te fuese revelada en el espejo eterno de esa faz de fuego. Las delicias permanentes que ese maldito daba por descontadas no cesarán, en efecto, y tu miseria tampoco tendrá fin. Sólo que, una vez restablecido el Orden, habéis cambiado de lugar. ¡Porque había entre vosotros dos una afinidad tan oculta, tan perfectamente desconocida, que sólo el Espíritu Santo, visitante de los huesos de los muertos (3), tenía el poder de hacerla resplandecer así, en la interminable confrontación!...


Sigue siendo magnífico hasta en el frenesí del insulto; de sí mismo puede decir que es un “joyero de maldiciones”. Engasta oro en los excrementos; monta en metales preciosos, preciosamente labrados, la perla negra de la baba. Cuando alcanza este punto de orfebrería y de cinselado, el excremento mismo se convierte en joya. Nadie tiene ya derecho a sentir su olor original y todos pueden embadurnarse con él la cara sin vergüenza.


Sea como sea, si quienes están encargados de educarnos tuviesen conciencia de lo que es la belleza, si comprendiesen la responsibilidad que les exige su misión propagadora, hace mucho tiempo ya que habrían elegido fragmentos de las obras de este admirable escritor para hacer de ellos modelos de elocuencia. En ninguna otra parte los hay que sean más impecables y más soberbios.


Tal es el hombre. Pues bien, entre los miles y miles de escribidores cuyas obras atestan los anaqueles de las librerías y los compartimientos —iba a decir los sótanos (4)— de las seseras burguesas, Léon Bloy es acaso el único —el único, oyen bien— a quien le está prohibido vivir de su oficio. No sólo no puede vivir de él sino que el milagro es que éste no lo haya matado. A otros, ay, que estaban junto a él y a quienes él amaba, sí que los mató. Conoció, entre sus brazos, la agonía de un pobre niño al que se le negó que su talentosísimo padre fuese lo bastante rico como para comprar los dos céntimos de leche pura que necesitaba su vida inocente y frágil.


Lean La mujer pobre. Es un libro del que les dirán, quizás, que está mal construido, que carece de unidad, de composición, de psicología humana. Quizás sea cierto, pero, de todas formas, léanlo, porque está lleno de cosas inigualables. Y además, bajo el chaparrón de invectivas y vociferaciones, bajo los grandes estallidos de un orgullo intolerable, convengo en ello, también oirán sangrar un corazón en este libro doloroso en que cada línea es como el bufido, el grito de rebelión, y la aceptación de esa subida al Calvario que fue, hasta ahora, la vida de León Bloy.


Ya sé que todo el mundo sostendrá que es él mismo el que se ha construido esta vida. Con sus propias manos forjó su miseria. Con su intransigencia, con su orgullo, con su fiebre de exterminio, abrió entre él y los demás un espacio infranqueable que nadie ha osado atravesar, ya que acaso no exista nadie a quien sus invectivas no hayan alcanzado y marcado en la cara. Tan excesiva ha hecho su situación que aquellos que intentasen defenderlo y reconocer públicamente los dones superiores, los dones únicos que le confieren un tan excepcional temperamento de escritor, quedarían envueltos en el mismo odio que él. Todos callan, unos por rencor, otros por no parecer cómplices de sus desprecios, de sus rechazos, de sus excomuniones. Hay mucho de cobardía en este silencio, de acuerdo; pero hay también otra cosa, que agrava más aún el malentendido, y es que Léon Bloy no es alguien de nuestro tiempo; se encuentra perdido en este siglo que hace oídos sordos a la palabra ardiente de sus viejos profetas, a los anatemas de los viejos monjes, o que se ríe de ellos como si se tratase de una broma, si por casualidad los escucha. A menudo me lo imagino como un Juan Bautista que se va a cruzar los desiertos, con la boca llena de imprecaciones, o como algún monje que, de lo alto del púlpito, en una iglesia de la Edad Media, prodiga anatemas y maldiciones...


La gendarmería nacional se opone a los apostolados errantes: llama a eso vagabundeo. Como ya no hay desiertos, León Bloy encontró un pozo. Él mismo cavó la fosa con sus manos; cavó en su cuerpo úlceras litúrgicas, cercó su fosa con culos de botella, con clavos, con excrementos declamatorios para volverla inaccesible, para estar más desnudo, para estar más sólo con su humildad santa y su santo orgullo, más solo con Dios. Desde esa fosa arroja sobre los transeúntes bostas de luz y de eternidad, odios de oro, el verbo más salvaje y más magnífico, pesado y penetrante como la lava y el aerolito.


El peor sadismo, para los mártires, es el de tener aspecto de verdugos: Léon Bloy lo ha logrado.


Confesor de la Pobreza, de la Muerte, de la Fe, portero intratable de la Puerta de la Vida, tal es el hombre al que he tratado de admirar esta tarde.


OCTAVE MIRBEAU, Le Journal, 13 de junio de 1897.

NOTAS
1- Alusión a la palabra con, que se puede traducir, a gusto del lector, por el hispánico “gilipollas” o el muy porteño “boludo”, amén de muchas otras posibilidades regionales.
2- Lucas 16 19-3
3- Ezequiel 37 1-14
4- Juego intraducible de palabras entre « cases » y « caves ».

Traducción y notas de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán.


ENSOÑACIÓN SOBRE LOS POBRES ÁNGELES
LA MUJER POBRE (edición española)
LA MUJER POBRE (edición argentina)