lunes, 6 de abril de 2009

Rimbaud, Verlaine y Bacarisse 2



En 1921 Mauricio Bacarisse publicó su memorable traducción de Les poètes maudits de Paul Verlaine. Hemos elegido todo el capítulo dedicado a Rimbaud.

M. Rimbaud -Audio

Les poètes maudits. Arthur Rimbaud

Nous avons eu l'honneur de connaître M. Arthur Rimbaud. Aujourd'hui des choses nous séparent de lui sans que, bien entendu, notre très profonde admiration ait jamais manqué à son génie.

A l'époque relativement lointaine de notre intimité, M. Arthur Rimbaud était un enfant de seize à dix-sept ans, déjà nanti de tout le bagage poétique qu'il faudrait que le vrai public connût et que nous essaierons d'analyser en citant le plus que nous pourrons.

L'homme était grand, bien bâti, presque athlétique, au visage parfaitement ovale d'ange en exil, avec des cheveux châtain-clair mal en ordre et des yeux d'un bleu pâle inquiétant. Ardennais, il possédait, en plus d'un joli accent de terroir trop vite perdu, le don d'assimilation prompte propre aux gens de ce pays là, - ce qui peut expliquer le rapide dessèchement, sous le soleil bête de Paris, de sa veine, pour parler comme nos pères dont le langage direct et correct n'avait pas toujours tort, en fin compte !

Nous nous occuperons d'abord de la première partie de l'oeuvre de M. Arthur Rimbaud, oeuvre de sa toute jeune adolescence, - gourme sublime, miraculeuse puberté !- pour ensuite examiner les diverses évolutions de cet esprit impétueux, jusqu'a sa fin littéraire.

Ici une parenthèse, et si ces lignes tombent d'aventure sous ses yeux, que M. Arthur Rimbaud sache bien que nous ne jugeons pas les mobiles des hommes et soit assuré de notre complète approbation ( de notre tristesse noire, aussi) en face de son abandon de la poésie, pourvu, comme nous n'en doutons pas, que cet abandon soit, pour lui, logique, honnête et nécessaire.

L'oeuvre de M. Arthur Rimbaud remontant à la période de son extrême jeunesse, c'est-à-dire à 1869,70,71,est assez abondante et formerait un volume respectable. Elle se compose de poèmes généralement courts, de sonnets, triolets, pièces en strophes de quatre, cinq et de six vers. Le poète n'emploie jamais la rime plate. Son vers solidement campé, use rarement d'artifices. Peu de césures libertines, moins encore de rejets. Les choix des mots est toujours exquis, quelquefois pédant à dessein. La langue est nette et reste claire quand l'idée se fonce ou que le sens s'obscurcit. Rimes très honorables.

Nous ne saurions mieux justifier ce que nous disons là qu'en vous présentant le sonnet des



Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,


Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;


U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;


O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges ;
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !


La Muse (tant pis ! vivent nos pères!), la Muse, disons-nous, de M. Arthur Rimbaud prend tous les tons, pince toutes les cordes de la harpe, gratte toutes celles de la guitare et caresse le rebec d'un archet agile s'il en fut.

Goguenard et pince-sans-rire, M. Arthur Rimbaud l'est, quand cela lui convient, au premier chef, tout en demeurant le grand poète que dieu l' a fait.

A preuve l'Oraison du soir, et ces Assis à se mettre à genoux devant !



Oraison du soir

Je vis assis, tel qu'un ange aux mains d'un barbier,
Empoignant une chope à fortes cannelures,
L'hypogastre et le col cambrés, une Gambier
Aux dents, sous l'air gonflé d'impalpables voilures.


Tels que les excréments chauds d'un vieux colombier,
Mille Rêves en moi font de douces brûlures :
Puis par instants mon coeur triste est comme un aubier
Qu'ensanglante l'or jeune et sombre des coulures.


Puis, quand j'ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille, pour lâcher l'âcre besoin :


Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns, très haut et très loin,
Avec l'assentiment des grands héliotropes.


Les Assis ont une petite histoire qu'il faudrait peut-être rapporter pour qu'on les comprît bien.

M. Arthur Rimbaud qui faisait alors sa seconde en qualité d'externe au lycée de ***, se livrait aux écoles buisonnières les plus énormes et quand il se sentait - enfin ! fatigué d'arpenter monts, bois et plaines nuits et jours, car quel marcheur! il venait à la bibliothèque de ladite ville et y demandait des ouvrages malsonnants aux oreilles du bibliothécaire en cgef dont le nom, peu fait pour la postérité, danse au bout de notre plume, mais qu'importe ce nom d'un bonhomme en ce travail malédictin ?

L'excelent bureaucrate que ses fonctions mêmes obligaient à délivrer à M. Arthur Rimbaud, sur la requête de ce dernier, force Contes Orientaux et libretti de Favart, le tout entremêlé de vagues bouquins scientifiquesntrès anciens et très rares, maugréait de se lever pour ce gamin et le renvoyait volontier, de bouche, à ses peu chères études, à Cicéron, à Horace, et à nous ne savons plus quels Grecs aussi. Le gamin, qui d'ailleurs connaissait et surtout appréciait infiniment mieux ses classiques que le birbe, finit par "s'irriter", d'où le chef d'oeuvre en question.



Les assis

Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues
Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs,
Le sinciput plaqué de hargnosités vagues
Comme les floraisons lépreuses des vieux murs ;

Ils ont greffé dans des amours épileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S'entrelacent pour les matins et pour les soirs !

Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges,
Sentant les soleils vifs percaliser leur peau,
Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges,
Tremblant du tremblement douloureux du crapaud.

Et les Sièges leur ont des bontés : culottée
De brun, la paille cède aux angles de leurs reins ;
L'âme des vieux soleils s'allume, emmaillotée
Dans ces tresses d'épis où fermentaient les grains.

Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,
Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour,
S'écoutent clapoter des barcarolles tristes,
Et leurs caboches vont dans des roulis d'amour.

- Oh ! ne les faites pas lever ! C'est le naufrage...
Ils surgissent, grondant comme des chats giflés,
Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage !
Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.

Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves,
Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors,
Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves
Qui vous accrochent l'oeil du fond des corridors !

Puis ils ont une main invisible qui tue :
Au retour, leur regard filtre ce venin noir
Qui charge l'oeil souffrant de la chienne battue,
Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.

Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales,
Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever
Et, de l'aurore au soir, des grappes d'amygdales
Sous leurs mentons chétifs s'agitent à crever.

Quand l'austère sommeil a baissé leurs visières,
Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés,
De vrais petits amours de chaises en lisière
Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ;

Des fleurs d'encre crachant des pollens en virgule
Les bercent, le long des calices accroupis
Tels qu'au fil des glaïeuls le vol des libellules
- Et leur membre s'agace à des barbes d'épis.


Nous avons tenu à tout donner de ce poême savamment et froidement outré, jusqu'au dernier vers si logique et d'une ardiesse si heureuse. Le lecteur peut ainsi se rendre compte de la puissance d'ironie, de la verve terrible du poète, dont il nous reste à considérer les dons plus élevés, dons suprêmes, magnifique témoignage de l'Intelligence, preuve fière et française, bien française, insistons-y par ces jours de lâche internationalisme, d'une supériorité naturelle et mystique de race et de caste, affirmation sans conteste possible de cette immortelle royauté de l'Esprit, de l'âme et du Coeur humains :

La Grâce et la Force, et la grande Rhétorique niée par nos interessants, nos subtils, nos pittoresques, mais étroits et plus qu'étroits, étriqués, Naturalistes de 1883 !

La force, nous en avons eu un spécimen dans les quelques insérés ci-dessus, mais encore y est-elle à ce point rvêtue de paradoxe et de redoutable belle humeur qu'elle n'apparaît que déguisée en quelque sorte. Nous la retrouverons dans son intégrité, toute belle et toute pure, à la fin de ce travail. Pour le moment, c'est la grâce qui nous appelle, une grâce particulière, inconnue certe jusqu'ici, où le bizarre et l'étrange salent et poivrent l'extrème douceur, la simplicité divine de la pensée et du style.


Nous ne connaissons pour notre part dans aucune littérature quelque chose d'un peu farouche et de si tendre, de gentiment caricatural et de si cordial et de si bon, et d'un jet franc, sonore, magistral, comme



Les effarés

Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s'allume,
Leurs culs en rond,

A genoux, cinq petits, - misère ! -
Regardent le Boulanger faire
Le lourd pain blond.

Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise et qui l'enfourne
Dans un trou clair.

Ils écoutent le bon pain cuire.
Le Boulanger au gras sourire
Grogne un vieil air.

Ils sont blottis, pas un ne bouge,
Au souffle du soupirail rouge
Chaud comme un sein.

Quand pour quelque médianoche,
Façonné comme une brioche
On sort le pain,

Quand, sous les poutres enfumées,
Chantent les croûtes parfumées
Et les grillons,

Que ce trou chaud souffle la vie,
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,

Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres Jésus pleins de givre,
Qu'ils sont là tous,

Collant leurs petits museaux roses
Au treillage, grognant des choses
Entre les trous,

Tout bêtes, faisant leurs prières
Et repliés vers ces lumières
Du ciel rouvert,

Si fort qu'ils crèvent leur culotte
Et que leur chemise tremblote
Au vent d'hiver.


Qu'en dites-vous ? Nous trouvant dans un autre art des analogies que d'originalité de ce "petit cuadro" nous interdit de chercher parmi tous les poètes possibles, nous dirions, c'est du Goya pire et meilleur. Goya et Murillo consultés nous donneraient raison, sachez-le bien.

Du Goya encore Les chercheuses de poux, cette fois du Goya lumineux exaspéré, blanc sur blanc avec les effets roses et bleus et cette touche singulière jusqu'au fantastique. Mais combien supérieur toujours le poète au peintre et par l'émotion haute et par le chant des bonnes rimes !

Soyez témoins :



Les chercheuses de poux

Quand le front de l'enfant, plein de rouges tourmentes,
Implore l'essaim blanc des rêves indistincts,
Il vient près de son lit deux grandes soeurs charmantes
Avec de frêles doigts aux ongles argentins.

Elles assoient l'enfant auprès d'une croisée
Grande ouverte où l'air bleu baigne un fouillis de fleurs,
Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée
Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs.

Il écoute chanter leurs haleines craintives
Qui fleurent de longs miels végétaux et rosés
Et qu'interrompt parfois un sifflement, salives
Reprises sur la lèvre ou désirs de baisers.

Il entend leurs cils noirs battant sous les silences
Parfumés ; et leurs doigts électriques et doux
Font crépiter parmi ses grises indolences
Sous leurs ongles royaux la mort des petits poux.

Voilà que monte en lui le vin de la Paresse,
Soupirs d'harmonica qui pourrait délirer ;
L'enfant se sent, selon la lenteur des caresses,
Sourdre et mourir sans cesse un désir de pleurer.


Il n'y a pas jusqu'à l'irrégularité de rime de la dernière stance, il n'y a pas jusqu'à la dernière phrase restant, entre son manque de conjonction et le point final, comme suspendue et surplombante, qui n'ajoutent en légèreté d'esquisse, en tremblé de facture au charme frêle du morceau. Et le beau mouvement, le beau balancement lamartinien, n'est-ce pas ? dans ces quelques vers qui semblent se prolonger dans du rêve et de la musique ! Racinien même, oserions-nous ajouter, et pourquoi ne pas alller jusqu'à cette juste confession, virgilien ?

Bien d'autres exemples de grâce exquisement perverse ou chaste à vous ravir en extase nous tentent, mais les imites normales de ce second essai déjà long nous font une loi de passer outre à tant de délicats miracles et nous entrerons sans plus de retard dans l'empire de la Force splendide où nous convie le magicien avec son



Bateau ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'œil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et, dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs, et les courants : je sais le soir,
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets!

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baisers montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant au fleurs des yeux de panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux!

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
— Des écumes de fleurs ont béni mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds,
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et des Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
— Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,
Millions d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j'ai trop pleuré! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où, vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi, plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons !


Maintenant quel avis formuler sur les Premières communions, poème trop long pour prendre place ici, surtout après nos excès de citations, et dont d'ailleurs nous détestonsbien haut l'esprit, qui nous paraît dériver d'une rencontre malheureuse avec le Michelet de dessous les linges sales de femmes et de derrière Parny (l'autre Michelet, nul plus que nous ne l'adore), oui, quel avis émettre sur ce morceau colossal, sinon que nous en aimons la profonde ordonnance et tous les vers sans exception ? Il y en a d'ainsi :

Adonaô ! Dans les terminaisons latines
Des cieux moirés de vert baignent les Fronts vermeils
Et tachés du sang pur des célestes poitrines,
De grands linges neigeux tombent sur les soleils !

Paris se repeuple, écrit au lendemain de la "Semaine sanglante", fourmille de beautés.



................................................
Cachez les palais morts dans des niches de planches;
L'ancien jour effaré rafraîchit vos regards;
Voici le troupeau roux des tordeuses de hanches !

.................................................
Quand tes pieds ont dansé si fort dans les colères,
Paris ! quand tu reçus tant de coups de couteau,
Quand tu gis, retenant dans tes prunelles claires
Un peu de la bonté du fauve renouveau.
.................................................

Dans cet ordre d'idées, Les Veilleurs, poème qui n'est plus, hélas ! en notre possession, et que notre mémoire ne saurait reconstituer, nous ont laissé l'impression la plus forte que jamais vers nous aient causée. C'est d'une vibration, d'une largeur, d'une tristesse sacrée ! et d'un tel accent de sublime désolation, qu'en vérité nous osons croire que c'est ce queM. Arthur Rimbaud a écrit de plus beau, de beaucoup !

Maintes autres pièces de premier ordre nous ont ainsi passé par les mains, qu'un hasard malveillant et le tourbillon de voyages passablement accidentés nous ont fait perdre. Aussi adjurons-nous ici tous nos amis connus ou inconnus qui posséderaient Les Veilleurs, Accroupissements, Le coeur volé, Douaniers, Les mains de Jeanne-Marie, Soeurs de charité, et toutes choses signées du nom prestigieux, de bien vouloir nous les faire parvenir pour le cas probable où le présent travail dû se voir complété. Au nom de l'honneur des Lettres, nous leur réitérons notre prière. Les manuscrits seront religieusement rendus, dès copie prise, à leurs généreux propriétaires.

Il est temps de songer à terminer ceci qui a pris de telles proportions pour ces raisons excellentes.

Le nom et l'oeuvre de Corbière, de Mallarmé, sont assurés pour la suite des temps; les uns retentirons sur la lèvre des hommes, les autres dans toutes les mémoires dignes d'eux. Corbière et Mallarmé ont imprimé, - cette petite chose immense. M. Rimbaud trop dédaigneux, plus dédaigneux même que Corbière qui du moins a jeté son volume au nez du Siècle, n'a rien voulu faire paraître en fait de vers.

Une seule pièce, d'ailleurs sinon reniée ou désavouée par lui, a été insérée à son insu, et ce fut bien fait, dans la seconde année de la Renaissance, vers 1873. Cela s'appelait Les Corbeaux. Les curieux pourront se régaler de cette chose patriotique, mais patriotique bien, mais ce n'est pas encore ça. Nous sommes fier d'offrir le premier à nos contemporains intelligents bonne part de ce riche gâteau, du Rimbaud !

Eussions-nous consulté M. Rimbaud (dont nous ignorons l'adresse, aussi bien vague imensément) il nous aurait, c'est probable, déconseillé d'entreprendre ce travail pour ce qui le concerne.

Ainsi, maudit par lui-même, ce Poète Maudit ! Mais l'amitié, la dévotion littéraire que nous lui porterons toujours nous ont dicté ces lignes, nous ont fait indiscret. Tant pis pour lui ! Tant mieux, n'est-ce pas ? pour vous. Tout ne sera pas perdu du trésor oublié par ce plus qu'insouciant possesseur, et si c'est un crime que nous commettons, felix cupa, alors !

Après quelque séjour à Paris, puis diverses pérégrinations plus ou moins effrayantes, M. Rimbaud vira de bord et travailla (lui!) dans le neuf, le très et le trop simple, n'usant que d'assonances, de mots vagues, de phrases enfantines ou populaires. Il accomplit ainsi des prodiges de ténuité, de flou vrai, de charmant presque inappréciable à force d'être grêle et fluet.



Elle est retrouvée
Quoi ? l'éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil...


Mais le poète disparaissait. - Nous entendons parler du poète correct.

Un prosateur étonnant s'ensuivit. Un manuscrit dont le titre nous échappe et qui contenait d'étranges mysticités et les plus aigus aperçus psychologiques tomba dans des mains qui l'égarèrent sans savoir ce qu'elles faisaient.

La saison en Enfer, parue à Bruxelles, 1873, chez Poot et Cie, 37 rue aux Choux, sombra corps et biens dans un oubli monstrueux, l'auteur ne l'ayant pas "lancée" du tout. Il avait bien autre chose à faire.

Il courut tous les Continents, tous les Océans, pauvrement, fièrement (riche d'ailleurs, s'il l'eût voulu, de famille et de position ) après avoir écrit, en prose encore, une série de superbes fragments, les Illuminations, à tout jamais perdus, nous le craignons bien.

Il disait dans sa Saison en Enfer : "Ma journée est faite. Je quitte l'Europe. L'air marin brûlera mes poumons, les climats perdus me tanneront."

Tout cela est très bien et l'homme a tenu parole.

L'homme en M. Rimbaud est libre, cela est trop clair et nous le lui avons concédé en commençant, avec une réserve bien légitime que nous allons accentuer pour conclure. Mais n'avons-nous pas eu raison, nous fou du poète, de le prendre, cet aigle, et de le tenir dans cette cage-ci, sous cette étiquette-ci, et ne pourrions-nous point par surcroît et surérogation (si la Littérature devait voir se consommer une telle perte) nous écrier avec Corbière, son frêre aîné, non pas son grand frère, ironiquement ? Non. Mélancoliquement ? O oui ! Furieusement ? Ah qu'oui ! - :

Elle est éteinte
L'église sainte,
Il est éteint
Le sacristain !


Los poetas malditos: Arthur Rimbaud.

Con gozo hubimos de conocer a Arthur Rimbaud. Hoy, muchas cosas nos separan, sin que, claro está, haya nunca faltado o disminuido nuestra profunda admiración por su genio y su carácter.

En aquella época, relativamente lejana, de nuestra intimidad, Arthur Rimbaud era un niño de dieciséis o diecisiete años, ya por entonces afianzado a todo el caudal poético, que sería menester que el público conociera, y del cual ensayaremos un análisis al tiempo que citemos cuanto nos sea posible.

Físicamente era alto, bien conformado, casi atlético; su rostro tenía el óvalo del de un ángel desterrado; los despeinados cabellos eran de un color castaño claro y los ojos de un azul pálido inquietante. Como era de las Ardenas, además de un lindo dejo del terruño, pronto perdido, poseía el don de la asimilación rápida, propio de sus paisanos, y esto puede explicar la pronta desecación de su numen (veine) bajo el sol insulso de París (hablemos como nuestros antepasados, cuyo lenguaje directo y pulcro, al fin y a la postre, no estaba tan mal).

Empezaremos por la primera parte de la obra de Arthur Rimbaud, producto de la más tierna adolescencia –¡sublime erupción, maravillosa pubertad!– y luego, examinaremos las diversas evoluciones de este espíritu impetuoso, hasta su literario fin.

Abramos aquí un paréntesis y, por si estas líneas caen casualmente bajo su mirada, sepa Arthur Rimbaud que nosotros no juzgamos los móviles de los hombres, y tenga por segura nuestra aprobación (y nuestra negra tristeza también) de su abandono de la poesía, supuesto que este abandono haya sido para él lógico, honesto y necesario, lo cual no dudamos.

La obra de Rimbaud, remontándose al periodo de su extrema juventud, es decir, a 1869, 70 y 71, es asaz abundante y formaría un respetable volumen. Se compone de poemas generalmente cortos, letrillas, sonetos, o composiciones de cuatro, cinco o seis versos. El poeta nunca emplea el pareado heroico (rime plate). Su verso, firmemente encajado, usa de pocos artificios; hay en él pocas cesuras literarias y no cabalga. La selección de palabras es siempre exquisita, a veces pedante adrede. El lenguaje es preciso y permanece claro aun cuando la idea suba de color o el sentido se oscurezca. Las rimas son muy honorables.

No podríamos justificar mejor lo que decimos sino presentando al lector el soneto de las



Vocales

A negra, E blanca, I roja, U verde, O azul: vocales,
diré algún día vuestros latentes nacimientos.
Negra A, jubón velludo de moscones hambrientos
que zumban en las crueles hediondeces letales.

E, candor de neblinas, de tiendas, de reales
lanzas de glaciar fiero y de estremecimientos
de umbrelas; I, las púrpuras, los esputos sangrientos,
las risas de los labios furiosos y sensuales.

U, temblores divinos del mar inmenso y verde.
Paz de las heces. Paz con que la alquimia muerde
la sabia frente y deja más arrugas que enojos.

O, supremo clarín de estridores profundos,
silencios perturbados por ángeles y mundos.
¡Oh, la Omega, reflejo violeta de sus ojos!

La Musa (¡vivan nuestros padres!), la Musa, decimos, de Arthur Rimbaud toma todos los tonos, pulsa todas las cuerdas del harpa, rasguea en las de la guitarra y acaricia el rabel con el más ágil de los arcos.

Arthur Rimbaud es zumbón y maligno socarronamente como nadie cuando le conviene, sin dejar de ser por ello ese gran poeta que es por la gracia de Dios.

Pruebas son la Oración de la tarde y Los sentados, dignos de que nos arrodillemos.



Oración de la tarde

Como a un ángel que afeitan, vivo siempre sentado,
empuñando algún vaso de profundas estrías;
doblado el hipogastrio, miro cómo han zarpado
del puerto de mi pipa tenues escampavías...

Cual cálida inmundicia que un palomar ha hollado,
me abrasan dulcemente múltiples fantasías
y es mi corazón triste, árbol ensangrentado
por los jaldes resinas doradas y sombrías.

Cuando agoto mis sueños de bebedor asiduo
de cuarenta cuartillos, sin ningún sobresalto
me recojo y expulso el ácido residuo.

Tierno como el Señor del cedro y los hisopos,
meo hacia el cielo oscuro, muy lejos y muy alto,
con venia y beneplácito de los heliotropos.

Necesita la composición Los sentados, para su perfecta comprensión, que refiramos un hecho explicativo.

Arthur Rimbaud era por entonces alumno “de segunda” en el liceo de... y era muy aficionado a hacer novillos, fumándose las clases. Cuando –al fin– se cansaba de zancajear día y noche por montes, bosques y llanos –¡vaya un andarín!–, llegaba a la biblioteca de la ciudad que callo y pedía obras malsonantes para los oídos del jefe bibliotecario, cuyo nombre, poco requerido por la posteridad, baila en la punta de mi pluma. Mas ¿para qué nombraría yo a semejante metemuertos en este trabajo maledictino?

El excelente burócrata, que estaba obligado por sus funciones a servir los pedidos de Rimbaud, consistentes en numerosos cuentos orientales y libretti de Favart, alternados con mamotretos científicos raros y antiguos, renegaba al tener que “levantarse” por semejante chicuelo y le recomendaba se atuviera a Cicerón, Horacio y también a algunos griegos. El muchacho, que conocía y, sobre todo, apreciaba a los clásicos mejor que el mismo carcamal, acabó por incomodarse, y así hizo la obra maestra en cuestión:



Los sentados

Picados de viruelas, cubiertos de verrugas,
con sus verdes ojeras, sus dedos sarmentosos,
la coronilla ornada de costras y de arrugas
cual las eflorescencias de los muros ruinosos.

En idilio epiléptico han logrado injertar
su osamenta a los grandes esqueletos oscuros
de las sillas; ni un día han podido apartar
los pies de los barrotes raquíticos y duros.

Con el temblor doliente de sapos que tiritan,
los vejetes están al asiento trenzados,
junto al balcón en donde las nieves se marchitan
o entra el sol que los pone tan apergaminados.

Y con ellos los sórdidos sillones condescienden;
cede la paja sucia cuando alguno se sienta;
las almas de los idos días de sol se encienden
en las trenzas de espigas donde el grano fermenta.

Y sus dedos pianistas van ensayando a solas,
debajo del asiento, redobles de tambor,
mientras oyen gotear las tristes barcarolas
y sus chollas oscilan con balances de amor.

¡No hagáis que se levanten! Sucede algo espantoso;
se yerguen y enfurruñan cual gatos acosados,
y entreabre sus omóplatos el berrinche rabioso
que infla sus pantalones con frunces ahuecados.

En la paredes dan son sus cabezas mondas
y arrastran los torcidos monstruosos piececillos.
Llevan unos botones como pupilas hondas
que fascinan las nuestras en los negros pasillos.

Invisible, su mano se complace, homicida.
Se filtra en su mirada el veneno feroz
de los ojos pacientes de la perra tundida,
y trasudamos, víctimas en el aprieto atroz.

Se vuelven a sentar; con los puños crispados
piensan en los que llegan y el reposo les quitan,
y bajo los mentones secos y desmedrados
los racimos de amígdalas se inflaman y se agitan.

Y al cerrar sus viseras el austero letargo,
en el ensueño abrasan sillas embarazadas
y ven proles o crías de asientos a lo largo
de mesas de despacho por ellas rodeadas.

Flores de tinta escupen comas igual que células
de polen, y los mecen tiernas y acurrucadas,
cual fila de gladiolos a un vuelo de libélulas
- y excítanles el pene espigas aristadas.

Teníamos afán de reproducir este poema, tan sabia y fríamente extremado, con toda integridad, hasta el último verso, tan lógico y de un atrevimiento tan feliz. Así, el lector puede darse cuenta del poder de ironía, del terrible numen del poeta, cuyos dones más elevados aún no hemos considerado, dones supremos, magnífico testimonio de la Inteligencia, prueba arrogante y francesa, muy francesa –insistimos en ello en estos días de cobarde internacionalismo–, de superioridad natural y mística de raza y casta, incontestables afirmaciones del poderío inmortal del Espíritu, del Alma y del Corazón humanos; a saber: la Gracia, la Fuerza y la gran Retórica, negada por nuestros interesantes, sutiles y pintorescos (estrechos y más que estrechos) Naturalistas limitados de 1883.

En cuanto a Fuerza, he aquí una muestra en las composiciones insertas; pero está todavía tan revestida de paradoja y de temible buen humor, que más bien parece disfrazada. Volveremos a topar con ella al final del presente trabajo y la hallaremos completamente bella y pura. Por ahora, nos halaga la Gracia, una gracia particular, hasta hoy desconocida, en la que lo extraño y lo insólito salan y encienden con especias la extremada dulzura, o sea la simplicidad divina del pensamiento y del estilo.

En ninguna parte, en literatura alguna, hemos hallado algo tan tierno y tan bravío a la vez, tan amablemente caricaturesco y cordial, tan bueno como el raudal franco, sonoro, magistral de



Los boquiabiertos

Niños mendigos. Ha nevado.
Al tragaluz iluminado
los pobres van

porque les trae al retortero
el ver cómo hace el panadero
el rubio pan.

Miran la masa gris en torno
del brazo blanco que del horno
es auxiliar.

El panadero el buen pan cuece,
la sonrisa en su boca mece
algún cantar.

Apretaditos, ni uno alienta
junto al ventano que calienta
como un regazo.

Cuando al hacer una ensaimada
saca el pan áureo de la hornada
el fuerte brazo,

cuando al cobijo del ahumado
techo, el cuscurro perfumado
canta muy bajo

y a ellos les llega la vaharada
está su alma deslumbrada
bajo el andrajo.

Sienten que aquello da la vida
bajo la escarcha a su aterida
faz de angelotes;

sus hociquitos como rosas
entre las rejas dicen cosas
a los barrotes.

Y tanto rezan sus plegarias
al entrever las luminarias
del cielo abierto,

que desgarran sus pantalones
y hace que tiemblen sus faldones
el aire yerto.

¿Qué me decís de esto? Nosotros, al encontrar en otro arte las analogías que la originalidad de este pequeño cuadro nos prohíbe buscar entre todos los posibles poetas, afirmamos que es algo –mejor y peor a un tiempo– como lo que Goya hizo. No os quepa la más leve duda de que, si Goya y Murillo fueran consultados, me darían la razón.

Arte y lienzo y alma de Goya son también Las Espulgadoras, pero de una grotesca luz exasperada, blanco sobre blanco, con efectos azules o rosados y de una pincelada singular rayana en lo fantástico. ¡Mas cuán superior es siempre al pintor el poeta que cuenta con la alta emoción y el canto de las buenas rimas!



Las espulgadoras

Cuando la infantil frente en su roja tormenta
implora el blanco enjambre de los sueños borrosos,
sus dos hermanas llegan y cada una ostenta
las uñas argentinas de sus dedos graciosos.

Sientan al niño enfrente de una ventana abierta,
al aire azul que baña las abundantes flores
y por su pelamesa de rocío cubierta
pasan sus dedos crueles, finos, encantadores.

Y sus respiraciones furiosas y furtivas
con la miel de sus rosas le rozan sin cesar.
Solamente su soplo interrumpen salivas
chupadas por los labios o ganas de besar.

De las negras pestañas escucha las cadencias
en las pausas fragantes y, eléctricos y flojos,
siente que dan los dedos con grises indolencias
entre las regias uñas la muerte a los piojos.

Da el vino de la dulce Pereza su delicia
con acordes de harmónica que puede delirar
y el niño siente, al lento compás de la caricia,
cómo nacen y mueren las ganas de llorar.

Hasta la irregularidad de rima de la primera estrofa, hasta la última oración que queda suspendida y cortada a pico, sin conjunción con la anterior y rematada con el punto final, todo contribuye por la ligereza de bosquejo y el temblor de factura al delicado encanto de este trozo. Sobre todo en algunos versos que parecen prolongarse en ensueño y música, ¿no es cierto que su balanceo rítmico es de estirpe lamartiniana? Hasta propia de Racine –osaríamos decir– y también ¿por qué no habríamos de confesar que es a veces virgiliana?

Muchos otros ejemplos de ese donaire exquisitamente perverso o casto con que nos enajenamos y arrobamos nos tientan ahora, pero los límites normales del siguiente ensayo, de por sí extenso, nos obligan a pasar por alto muchos milagros de delicadeza, y de ese modo entraremos en el imperio de la Fuerza esplendida desde donde nos requiere el mágico



Barco ebrio

Yo sentí al descender los impasibles Ríos
que ya no me sirgaban mis conductores rudos;
de blanco a pieles-rojas chillones y bravíos
sirvieron en los postes, clavados y desnudos.

Por las tripulaciones nunca tuve interés
y cuando terminó la cruel algarabía,
a mí, barco de trigo y de algodón inglés,
me dejaron los Ríos ir adonde quería.

Bogué en un cabrilleante furor de marejadas
más sordo e insensible que meollo de infantes
y las viejas Penínsulas por el mar desgajadas
no han sufrido vaivenes más recios y triunfantes.

La tempestad bendijo mi despertar marino.
Diez noches he bailado más leve que un tapón
sobre olas que a las víctimas abrían el camino,
sin lamentar la necia mirada de un farón.

Cual para el niño poma modorra, regodeo
fue para el agua verde este casco de pino;
dispersando el timón y perdiendo el arpeo
me lavó de inmundicias y de manchas de vino.

Desde entonces me baña el poema del mar
lactascente, infundido de astros; muchas veces,
devorando lo azul, en él se va pasar
un pensativo ahogado de turbias palideces.

Algo tiñe la azul inmensidad y delira
en ritmos lentos, bajo el diurno resplandor.
Más fuerte que el alcohol, más vasta que una lira
fermenta la amargura de las pecas de amor.

He visto las resacas, la tormenta sonora,
las corrientes, las mangas -y de todo sé el nombre-;
cual vuelo de palomas a la exaltada aurora,
y alguna vez he visto lo que cree ver el hombre.

Yo he visto al sol manchado de místicos horrores,
alumbrando cuajados violáceos sedimentos.
Cual en dramas remotos los reflujos actores
lanzaban en un vuelo sus estremecimientos.

Soñé en la noche verde de espuma y nieve ahita
-en los ojos del mar, lentos besos de amor-
y en la circulación de la savia inaudita
que arrastra áureo y azul, al fósforo cantor.

Asaltando arrecifes, un mes tras otro mes,
seguí a la marejada histérica y vesánica,
sin creer que las Marías con sus fúlgidos pies
cortaran el resuello a la jeta oceánica.

¡No sabéis... ! Dí con muchas increíbles Floridas,
con ojos de panteras y con pieles humanas
mezclábanse arcos-iris, tendidos como bridas,
al rebaño marino de las verdosas lanas.

He visto fermentar las enormes lagunas
en cuyas espadañas se pudre un Leviathán
y he visto, con bonanza, desplomándose algunas
cataratas remotas que a los abismos van...

Vi el sol de plata, el nácar del mar, el cielo ardiente,
horrores encallados en las pardas bahías
y mucha retorcida y gigante serpiente
cayendo de los árboles, con fragancias sombrías.

Quisiera yo enseñar a un niño esas doradas
de la onda azul. pescados cantores, rutilantes...
Me bandijo la espuma al salir de las radas
y el inefable viento me elevó por instantes...

Fui mártir de los polos y las zonas hastiado,
el sollozo del mar dulcificó mi arfada;
con flores amarillas ventosas fui obsequiado,
y me quedé como una mujer arrodillada.

Igual que una península llevaba las disputas
y el fimo de chillonas aves de ojos melados,
y mientras yo bogaba, de entre jarcias enjutas
bajaban a dormir, de espaldas, los ahogados.

Y yo, barco perdido entre la cabellera
de ensenadas, al éter echado por la racha,
no merecí el remolque de anseáticas veleras
ni de los monitores, nave de agua borracha.

Humeante, libre, ornado de neblinas violetas
segué el cielo rojizo con brío de segur
llevando -almíbar grato a los buenos poetas-
mis líquenes de sol y mis mocos de azur.

Las lúnulas eléctricas me fueron recubriendo,
almadía, escoltada por negros hipocampos.
Las ardientes canículas golpearon abatiendo
en trombas, a los cielos de ultramarinos lampos.

Yo que temblé al oír a través latitudes
el rugir de los Behemots y los Maelstroms en celo,
eterno navegante de azuladas quietudes,
por los muelles de Europa ahora estoy sin consuelo.

Yo vi los archipiélagos siderales que el hondo
y delirante cielo abren al bogador.
¿Te recoges tú y duermes en las noches sin fondo,
millón de aves de oro, venidero Vigor?

El acre amor me ha henchido de embriagador letargo.
Lloré mucho. Las albas son siempre lacerantes.
Toda luna es atroz y todo sol amargo.
¡Que se rompa mi quilla y vaya al mar cuanto antes!

Si yo ansío algún agua de Europa es la del charco
negro y frío en el cual, al caer la tarde rosa,
en cuclillas y triste, un niño suelta un barco
endeble y delicado como una mariposa.

Ya nunca más podré, olas acariciantes,
aventajar a otros transportes de algodón,
ni cruzando el orgullo de banderas flameantes
nadar junto a los ojos horribles de un pontón.

¿Y qué opinión formularíamos acerca de Las primeras comuniones, poema demasiado largo para tener lugar aquí, sobre todo después de tanto exceso en las citas, y del cual, por otra parte, detestamos el fondo por parecernos que deriva de un malhadado contacto con el Michelet senil e impío, aquel Michelet de debajo de la ropa sucia de las mujeres, ínfimo Parny (al otro Michelet nadie le adora como nosotros)? Sí, ciertamente, ¿qué parecer emitiríamos acerca de este trozo colosal que no fuera confesar que en él nos placen la sabia disposición y todos los versos sin excepción alguna? Los hay como éstos:

Los cielos veteados de verde, en los finales
latinos, de las Frentes bañan el arrebol
y manchados con sangres de pechos celestiales
los grandes velos níveos caen sobre cada sol.

París se repuebla, composición escrita después de la “Semana sangrienta”, es un hervidero de bellezas:



.............................................
¡Tapad palacios muertos con vallas maderas!
Los viejos días vuelven ofreciendo a los ojos
el rebano de las que retuercen las caderas.
............................................

Cuando tan rudamente en las iras danzaras,
París, y te asestara tanta herida el puñal;
cuando yaces, guardando en tus pupilas claras
algo de la bondad de un retoño vernal.
...........................................

En este orden de ideas, Los que velan, poema que –¡ay!– ya no está en nuestro poder ni nuestra memoria podría reconstituir, nos dejó la impresión más fuerte que en la vida unos versos puedan habernos causado. ¡En ellos hay tanta vibración, amplitud y tristeza sacrosanta! ¡Persiste tal acento de desolación sublime, que nos atrevemos a creer que es lo mejor –y con mucho– de lo que ha escrito Arthur Rimbaud!

Muchas otras composiciones de primer orden han estado en nuestras manos, mas un avieso azar y un torbellino de viajes un tanto accidentados han hecho que las perdamos. Así es que, requerimos es estas líneas a todos los amigos conocidos o desconocidos que poseyeran Los que velan, En cuclillas, Los pobres en la Iglesia, Los despertadores de la noche, Los aduaneros, Las manos de Juana María, Hermanas de la Caridad, y cuantas cosas fueron firmadas por el prestigioso nombre, para que tengan la bondad de proporcionárnoslas por si llegara el caso probable de que el presente trabajo debiera completarse. En nombre del decoro de las Letras les reiteramos nuestra súplica. Los manuscritos serán devueltos religiosamente a sus generosos propietarios, en cuanto se haya tomado copia de ellos.

Y ya es hora de pensar en terminar esto que sólo por las excelentes razones que siguen ha tomado tales proporciones.

El nombre y la obra, tanto de Corbière como de Mallarmé, están asegurados por los siglos de los siglos; el nombre sonará en los labios de los hombres y en la memoria de los que sean dignos de ello también cantará su obra. Corbière y Mallarmé publicaron pequeña cosa inmensa. Rimbaud, harto desdeñoso, más desdeñoso aún que Corbière, quien por lo menos le dio al siglo con su volumen en las narices, nada ha querido publicar de sus versos.

Tan sólo una composición, reprobada y desautorizada por él mismo, fue inserta sin que él lo supiera –cosa bien hecha– en el primer año del Renacimiento, hacia 1873. Se titulaba Los cuervos. Los curiosos podrán saborear algo patriótico, pero con patriotismo del bueno, aunque aquello no es todo. Por nuestra parte nos enorgullecemos de ofrecer a nuestros contemporáneos inteligentes buena ración de una dulce golosina: versos de Rimbaud.

Si le hubiéramos consultado a él (sépase que ignoramos su dirección, inmensamente vaga, además) probablemente nos hubiera desaconsejado de emprender esta tarea por lo que a él le atañe. ¡Así, se maldijo a sí mismo este Poeta Maldito! Pero la amistad y la devoción literarias que siempre le otorgaremos nos han dictado estas líneas induciéndonos a indiscreción. ¡Peor para él! Tanto mejor –¿no es cierto?– para vosotros. Del tesoro olvidado por su poseedor más que frívolo, no se habrá perdido todo, y si es que cometemos en ello un crimen, entonces felix culpa!

Después de alguna permanencia en París y de diversas peregrinaciones más o menos aterradoras, Rimbaud cambió de rumbo y trabajó (él) en lo ingenuo, y ya en el plano de lo muy sencillo adrede, no usó más que asonancias, palabras vagas, frases infantiles o populares. Así consiguió prodigios de tenuidad, de verdadero matiz débil, de encanto inapreciable, a fuerza de ser delgado y sutil.



¡Ha reaparecido!
¿Qué? La eternidad.
Con todos los soles
se ha marchado el mar.

Pero el poeta desaparecía –nos referimos al poeta correcto, en el sentido un poco especial del vocablo.

Se convertía en un prosista sorprendente. Un manuscrito cuyo título no recordamos y que contenía extraños misticismos y agudísimos atisbos psicológicos, cayó en unas manos que le extraviaron sin darse cuenta de lo que hacían.

Una temporada en el Infierno, publicada en Bruselas, en 1873, por la casa Poot y C., calle de las Berzas, num. 37, se hundió totalmente en un monstruoso olvido, por no haber preparado el autor el más insignificante bombo. Tenía que hacer más y mejores cosas.

Recorrió todos los continentes, todos los océanos, pobre y altivamente (rico, además, si hubiera querido, por su familia y su posición) después de haber escrito, también en prosa, una serie de soberbios trozos con el título de Las Iluminaciones, creo que para siempre perdidos.

Dijo en su Temporada en el Infierno: “Ya he hecho mi jornada. Me voy de Europa. El aire marino quemará mis pulmones; me tostarán los perdidos climas.”

Esto está muy bien, y el hombre cumplió su palabra. El hombre que Rimbaud lleva dentro es libre, bien claro está, y ya se lo concedimos al empezar con una reserva legitima que acentuaremos al resumir. Pero en cuanto a este loco poeta, ¿no tuvo razón al aprisionar a esa águila y ponerla en esta jaula, con la presente etiqueta? ¿Y no podríamos, por añadidura, y supererogación (si es que la Literatura ha de ver consumarse semejante pérdida) exclamar con Corbière, su hermano mayor, no el mayor de sus hermanos, irónicamente?, no; ¿melancólicamente?, sí; ¿furiosamente?, ya lo creo; aquellos versos:

El óleo santo
se apagó ya,
¿ya se ha apagado
el sacristán?

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