sábado, 15 de febrero de 2014

Cuatro poemas de Pierre Reverdy



4 ET 9

Les quatre pieds des chevaux tremblent sur l'horizon
La même ligne me sert de couvercle
Le monde est éteint sous le couvre-feu
Les fenêtres brillent comme des yeux

On a des armes pour rire
Et un cœur pour mourir

Le général est un vieux monsieur

Sans habits civils

Une blague une bonne blague à faire

A un membre de la famille

C'est lui qui a pris tout l'héroïsme et le péril

La cour est une prison sans étage où l'on tourne sans

fin
Plus qu'une heure
On monte la soupe et les godillots
La figure d'un roi nègre décoré de la médaille de

sauvetage
C'est pour rien

Chez les sauvages

La musique est mieux

Nous sommes trois et je suis au milieu

Où allez-vous?

Le plaisir et la mort tournent autour de nous


4 Y 9

Las cuatro patas de los caballos tiemblan sobre el horizonte
La misma línea me sirve de tapa
El mundo está apagado bajo el toque de queda
Las ventanas brillan como ojos

Tenemos armas para reír
Y un corazón para morir

El general es un viejo señor

Sin ropa de civil

Una broma una buena broma para hacer

A un miembro de la familia

Es él quien ha asumido todo el heroísmo y el peligro

El patio es una prisión sin primer piso en la que damos vueltas sin

fin
Sólo falta una hora
Suben el rancho y las botas
La cara de un rey negro condecorado con la medalla de

salvamento
Para nada

Entre los salvajes

La música es mejor

Somos tres y yo estoy en el medio

¿Adónde van ustedes?

El placer y la muerte dan vueltas a nuestro alrededor.

***

ET LÀ

Quelqu'un parle et je suis debout
Je vais partir là-bas à l'autre bout

Les arbres pleurent
Parce qu'au loin d'autres choses meurent

Maintenant la tête a tout pris

Mais je ne t'ai pas encore compris
Je marche sur tes pas sans savoir qui je suis
Il faut passer par une porte où personne n'attend
Pour un impossible repos
Tout s'écarte et montre le dos

Un peu de vide reste autour
Et pour revivre d'anciens jours
Une âme détachée s'amuse
Et traîne encore un corps qui s'use
Le dernier temps d'une mesure
Plus tenace et plus déchirant
Un chagrin musical murmure


Y ALLÁ

Alguien habla y yo estoy de pie
Voy a ir allá a la otra punta

Los árboles lloran
Porque a lo lejos otras cosas mueren

Ahora la cabeza se ha apoderado de todo

Pero todavía no te he comprendido
Sigo tus pasos sin saber quién soy
Hay que pasar por una puerta en la que nadie espera
Para un imposible reposo
Todo se aparta y nos vuelve la espalda

Un poco de vacío queda en torno
Y para revivir días pasados
Un alma desapegada se entretiene
Y arrastra todavía un cuerpo que se gasta
El último tiempo de un compás
Más tenaz y más desgarrador
Un dolor musical murmura

***

ENVIE

Vision bariolée et délicate dans sa tête, tu fuis la mienne. Il possède les astres et les animaux de la terre, les paysans et les femmes pour s'en servir. L'Océan l'a bercé, moi la mer, et c'est lui qui a reçu toutes les images. Légèrement, il effleure les dépouilles qu'il relève, tout s'arrange et je sens ma tête lourde
qui écrase les frêles tiges.

Si tu as cru, destin, que je pouvais partir, il fallait me donner des ailes.


ENVIDIA

Visión multicolor y delicada en su cabeza, tú rehúyes la mía. Él posee los astros y los animales de la tierra, los campesinos y las mujeres para servirse de ellos. El Océano lo acunó, a mí el mar, y es él quien recibió todas las imágenes. Ligeramente, roza los despojos que levanta, todo se arregla y me siento la cabeza pesada
que aplasta los frágiles tallos.

Si creíste, destino, que yo podía partir, tendrías que haberme dado alas.

***

ENTRE DEUX MONDES

L'ombre danse
Il n'y a plus rien
Que le vent qui s'élance
Le mouvement s'étend du mur

Et se gonfle
Il y a des personnages qui naissent
Pour une minute ou pour l'Éternité
La nuit seule qui change

Et moi-même à côté
Quelqu'un que le remords tracasse
Sur la route où marque son pas

On ne voit rien de ce qu'il y a
Le mur seul fait une grimace

Un signe de mon cœur s'étend jusqu'à la mer
Personne d'assez grand pour arrêter la terre
Et ce mouvement qui nous lasse
Quand une étoile bleue là-haut tourne à l'envers


ENTRE DOS MUNDOS

La sombra baila
Ya no hay nada más
Que el viento que se precipita
El movimiento se extiende desde la pared

Y aumenta
Hay personajes que nacen
Por un minuto o por toda la Eternidad
La noche es la única que cambia

Y yo mismo al lado
Alguien a quien el remordimiento obsesiona
En el camino donde marca su paso

No se ve nada de lo que hay
Sólo la pared hace una mueca

Una seña de mi corazón se extiende hasta el mar
No hay nadie lo bastante grande para detener la tierra
Y ese movimiento que nos cansa
Cuando una estrella azul allá arriba da vueltas al revés



Traducción de Miguel Ángel Frontán.