lunes, 18 de abril de 2011

Oscar Wladislas de Lubicz Milosz: Cuatro poemas



Le vieux jour

Le vieux jour qui n’a pas de but veut que l’on vive
Et que l’on pleure et se baigne avec sa pluie et son vent.
Pourquoi ne veut-il pas dormir toujours à l’auberge des nuits
Le jour qui menace les heures de son bâton de mendiant ?

La lumière est tiède aux dortoirs de l’hôpital de la vie ;
La blancheur patiente des murs est faite de chères pensées.
Et la pitié qui voit que le bonheur s’ennuie
Fait neiger le ciel vide sur les pauvres oiseaux blessés.

Ne réveille pas la lampe, ce crépuscule est notre ami,
Il ne vient jamais sans nous apporter un peu de bon vieux temps.
Si tu le chassais de notre chambre, la pluie et le vent
Se moqueraient de son triste manteau gris.

Ah ! certes, s’il existe une douceur ici-bas
Ce ne peut être qu’aux vieux cimetières graves et bons
Où la faiblesse ne dit plus oui, où l’orgueil ne dit plus non,
Où l’espoir ne tourmente plus les hommes las.

Ah ! certes, là-bas, sous les croix, près de la mer indifférente
Qui ne songe qu’au temps jadis, tous les chercheurs
Trouveront enfin leurs âmes aux sourires anxieux d’attente
Et les consolations sûres des nuits meilleures.

Verse cet alcool dans le feu, ferme bien la porte,
Il y a dans mon cœur des abandonnés qui grelottent.
On dirait vraiment que toute la musique est morte
Et les heures sont si longues !

Non, je ne veux pas plus voir en toi l’amie :
Ne sois qu’une chose extrêmement douce, crois-moi,
Une fumée au toit d’une chaumière, dans le soir :
Tu as le visage de la bonne journée de ta vie.

Pose ta douce tête d’automne sur mes genoux, raconte-moi
Qu’il y a un grand navire, tout seul, tout seul, sur la mer ;
N’oublie pas de me dire que ses lumières ont froid
Et que ses vêtements de toile font rire l’hiver.

Parle-moi des amis qui sont morts il y a longtemps.
Ils dorment dans des tombeaux que nous ne verrons jamais,
Là-bas bien loin, dans un pays couleur de silence et de temps.
S’ils revenaient comme nous saurions les aimer !

Dans le cabaret près du fleuve il y a de vieux orphelins
Qui chantent parce que le silence de leurs âmes leur fait peur.
Debout sur le seuil d’or de la maison des heures
L’ombre fait le signe de la croix sur le pain et le vin.

(Les sept solitudes)


El viejo día

El viejo día sin meta quiere que vivamos
Y que lloremos y nos empapemos con su lluvia y su viento.
¿Por qué no quiere dormir siempre en el albergue de las noches
El día que amenaza las horas con su palo de mendigo?

Tibia es la luz en los dormitorios del hospital de la vida;
Queridos pensamientos forman el paciente blancor de los muros.
Y la piedad que ve que la dicha se aburre
Hace nevar el cielo vacío sobre los pobres pájaros heridos.

No despiertes la lámpara, el crepúsculo es nuestro amigo,
Nunca viene sin traernos un poco de buen viejo tiempo.
Si lo echases de nuestra habitación, la lluvia y el viento
Se burlarían de su triste manto gris.

Por cierto, ah, si existe dulzura aquí abajo
Sólo puede estar en los viejos cementerios graves y buenos
Donde ya no dice sí la debilidad, donde el orgullo ya no dice no,
Donde la esperanza no atormenta más a los hombres cansados.

Por cierto, ah, allá, bajo las cruces, cerca del mar indiferente
Que sólo piensa en el tiempo pasado, los que buscan
Hallarán por fin sus almas de sonrisas ansiosas por la espera
Y los seguros consuelos de las noches mejores.

Echa al fuego este alcohol, cierra bien la puerta,
Hay en mí pecho seres abandonados que tiritan de frío.
Se diría realmente que toda la música está muerta
Y las horas son tan largas.

No, no quiero verte más como mi amiga:
Sólo debes ser algo, créeme, sumamente grato,
Humo en el techo de una choza, en el ocaso:
Tienes el rostro de la buena jornada de tu vida.

Posa tu dulce cabeza otoñal en mis rodillas, cuéntame
Que hay un gran navío, muy solo, muy solo, mar adentro;
No olvides decirme que sus luces tienen frío
Y que sus ropajes de tela le dan risa al invierno.

Háblame de los amigos muertos desde hace largo tiempo.
Duermen en tumbas que no veremos nunca jamás,
Allá muy lejos, en un país color de silencio y de tiempo.
Si volviesen, ¡cómo sabríamos amarlos!

En la taverna junto al río hay viejos huérfanos
Que cantan porque el silencio de sus almas les da miedo.
De pie en el umbral de oro de la casa de las horas
La sombra hace el signo de la cruz sobre el vino y el pan.


Dans un pays d’enfance...

Dans un pays d’enfance retrouvée en larmes,
Dans une ville de battements de cœurs morts,
(De battements d’essor tout un berceur vacarme,
De battements d’ailes des oiseaux de la mort,
De clapotis d’ailes noires sur l’eau de mort).
Dans un passé hors du temps, malade de charme,
Les chers yeux de deuil de l’amour brûlent encore
D’un doux feu de minéral roux, d’un triste charme ;
Dans un pays d’enfance retrouvée en larmes…
—Mais le jour pleut sur le vide de tout.

Pourquoi m’as-tu souri dans la vieille lumière
Et pourquoi, et comment m’avez-vous reconnu
Etrange fille aux archangéliques paupières,
Aux riantes, bleuies, soupirantes paupières,
Lierre de nuit d’été sur la lune des pierres ;
Et pourquoi et comment, n’ayant jamais connu
Ni mon visage, ni mon deuil, ni la misère
Des jours, m’as-tu si soudainement reconnu
Tiède, musicale, brumeuse, pâle, chère,
Pour qui mourir dans la nuit grande de tes paupières ?
—Mais le jour pleut sur le vide de tout.

Quels mots, quelles musiques terriblement vieilles
Frissonnent en moi de ta présence irréelle,
Sombre colombe des jours loin, tiède, belle,
Quelles musiques en écho dans le sommeil ?
Sous quels feuillages de solitude très vieille,
Dans quel silence, quelle mélodie ou quelle
Voix d’enfant malade vous retrouver, ô belle,
O chaste, ô musique entendue dans le sommeil ?
—Mais le jour pleut sur le vide de tout.

(Les sept solitudes)


En un país de infancia...

En un país de infancia vuelta a encontrar, llorando,
En una ciudad de latidos de corazones muertos,
(Arrullador estrépito de vuelos que comienzan
De aleteos de los pájaros de la muerte,
Chapotear de alas negras en el agua de muerte).
En un pasado fuera del tiempo, enfermo de encanto,
Los queridos ojos de luto del amor arden aún
Con suave fuego de mineral rojizo, con triste encanto;
En un país de infancia vuelta a encontrar, llorando...
-Pero sobre el vacío de todo llueve el día.

¿Por qué, por qué me sonreíste en la luz vieja
Y por qué y cómo me reconociste,
Extraña joven de arcangélicos párpados,
De risueños, azulados, suspirantes párpados,
Hiedra de noche de estío en la luna de las piedras;
Y por qué y cómo, sin haber conocido nunca
Ni mi cara, ni mi duelo, ni la miseria
De los días, me reconociste tan repentinamente
Tibia, musical, brumosa, pálida, querible,
Por quien morir en la noche grande de tus párpados?
-Pero sobre el vacío de todo llueve el día.

¿Qué palabras, qué músicas terriblemente viejas
Con tu presencia irreal tiemblan en mí,
Paloma obscura de los días lejos, tibia, bella,
Qué ecos de músicas en el sueño?
¿Debajo de qué frondas de soledad muy vieja,
En qué silencio, en qué melodía, en qué
Voz de niño enfermo volver a hallarte, oh bella,
Oh casta, oh música oída en sueños?
-Pero sobre el vacío de todo llueve el día.


Les terrains vagues

Comment m’es-tu venu, ô toi si humble, si chagrin ? Je ne sais plus.
Sans doute comme la pensée de la mort, avec la vie même.
Mais de ma Lithuanie cendreuse aux gorges d’enfer du Rummel,
De Bow-Street au Marais et de l’enfance à la vieillesse

J’aime (comme j’aime les hommes, d’un vieil amour
Usé par la pitié, la colère et la solitude) ces terrains oubliés
Où pousse, ici trop lentement et là trop vite,
Comme les enfants blancs dans les rues sans soleil, une herbe

De ville, froide et sale, sans sommeil, comme l’idée fixe,
Venue avec le vent du cimetière, peut-être
Dans un de ces ballots d’étoffe noire, lisse et lustrée, oreillers
Des vieilles dormeuses des berges, dans les terribles crépuscules.

De toute ma jeunesse consumée dans le sud
Et dans le nord, j’ai surtout retenu ceci : mon âme
Est malade, passante, comme l’herbe altérée des murs,
Et on l’a oubliée, et on la laisse ici.

J’en sais un qu’obscurcit un cèdre du Liban ! Vestige
De quelque beau jardin de l’amour virginal. Et je sais, moi, que le saint arbre
Fut planté là, jadis, en son doux temps, afin
De porter témoignage ; et le serment tomba dans la muette éternité,

Et l’homme et la femme sans nom sont morts, et leur amour
Est mort, et qui donc se souvient ? Qui ? Toi peut-être
Toi, triste, triste bruit de la pluie sur la pluie,
Ou vous, mon âme. Mais bientôt vous oublierez cela et le reste.

Quand venait l’hiver des faubourgs ; quand le chaland
Voyageait dans la brume de France, qu’il m’était doux,
Saint-Julien-le-Pauvre, de faire le tour

De ton jardin ! Je vivais dans la dissipation
La plus amère ; mais le cœur de la terre m’attirait
Déjà ; et je savais qu’il bat non sous la roseraie
Choyée, mais là où croît ma sœur ortie, obscure, délaissée.

Ainsi donc, si tu veux me plaire —après ! loin d’ici ! toi
Murmurant, ruisselant de fleurs ressuscitées, toi jardin
Où toute solitude aura un visage et un nom
Et sera une épouse,

Réserve au pied du mur moussu dont les lézardes
Montrent la ville Ariel dans les chastes vapeurs,
Pour mon amour amer un coin ami du froid et de la moisissure
Et du silence ; et quand la vierge au sein de Thumîm et d’Urîm

Me prendra par la main et me conduira là, que les tristes terrestres
Se ressouviennent, me reconnaissent, me saluent : le chardon et la haute
Ortie et l’ennemie d’enfance belladone.
 Eux, ils savent, ils savent.

(Adramandoni)
 
 
Los terrenos baldíos 

¿Cómo llegaste a mí, tú, tan humilde, tan doliente? Ya no lo sé.
Sin duda como el pensamiento de la muerte, con la vida misma.
Pero, de mi cenicienta Lituania a las gargantas infernales del Rummel,
De Bow-Street al Marais y de la infancia a la vejez,

Amo (como amo a los hombres, con un viejo amor
Gastado por la compasión, el enojo y la soledad) esos terrenos olvidados
Donde crece, muy despacio aquí y allí muy rápido,
Como los niños blancos en las calles sin sol, una hierba

De ciudad, fría y sucia, sin sueño, como la idea fija,
Traída por el viento del cementerio, quizás
En uno de esos bultos de tela negra, lisa y lustrosa, almohadas
De las viejas durmientes de los muelles, en los terribles ocasos.

De toda mi juventud consumida en el sur
Y en el norte, retuve esto sobre todo: mi alma
Está enferma, de paso, como la hierba sedienta de los muros,
Y la olvidaron, y la dejaron aquí.

Sé de uno al que da sombra un cedro del Líbano. Vestigio
De algún hermoso jardín del amor virginal. Y yo sé que el arbol santo
Fue plantado allí, antaño, en su tiempo justo, a fin
De dar testimonio; y el juramento cayó en la muda eternidad,

Y el hombre y la mujer sin nombre están muertos, y su amor
Está muerto, ¿y quién se acuerda acaso? ¿Quién? Tú, quizás,
Tú, triste, triste ruido de la lluvia sobre la lluvia,
O tú, alma mía. Pero pronto olvidarás eso y el resto.

Y ese otro donde el fuerte viento, la lluvia y la niebla tienen su iglesia.
Cuando llegaba el invierno de los suburbios; cuando la barcaza
Viajaba en la bruma de Francia, ¡qué grato me era,
San Julián el Pobre, pasearme

Por tu jardín! Yo vivía en la disipación
Más amarga; pero ya el corazón de la tierra
Me atraía; y yo sabía que late no debajo del rosal
Mimado, sino allí donde crece mi hermana la ortiga, obscura, abandonada.

Así pues, si quieres serme agradable —¡después! ¡lejos de aquí! Tú
Susurrante, desbordante de flores resucitadas, tú, jardín
En el que toda soledad tendrá un rostro y un nombre
Y será una esposa,

Reserva al pie del muro cubierto de musgo cuyas rajaduras
Dejan ver la ciudad Ariel en los castos vapores,
Para mi amor amargo un rincón amigo del frío y del moho
Y del silencio; y cuando la virgen de pechos de Tumím y de Urím

Me tome de la mano y me lleve allí, que los tristes terrestres
Recuerden otra vez, me reconozcan, me saluden: el cardo y la alta
Ortiga, y la enemiga de infancia belladona.
Ellos saben, saben.


Le pont 

 Les feuilles mortes tombent dans l’air dormant.
Vois, mon cœur, ce que l’automne a fait à ta chère île :
Comme elle est pâle !
Quelle orpheline au cœur tranquille !
Les cloches sonnent, sonnent à Saint-Louis-en-l’Isle
Pour le fuchsia mort de la patronne du chaland.

Tête basse, deux vieux chevaux très humbles, somnolents, prennent
leur dernier bain.
Un gros chien noir aboie et menace de loin.
Sur le pont, il n’y a que moi et mon enfant :
Robe fanée, faibles épaules, visage blanc,
Un bouquet dans les mains.

O mon enfant ! Ce temps qui vient !
Pour eux ! Pour nous ! O mon enfant !
 Ce temps qui vient !

(Adramandoni)


El puente

Las hojas secas caen en el aire dormido.
Mira, corazón mío, lo que el otoño le ha hecho a tu isla querida:
¡Qué pálida está! ¡Qué huérfana de corazón tranquilo!
Suenan las campanas, suenan en San Luis de la Isla
Para la fucsia muerta del ama de la barcaza.

Con la cabeza gacha dos viejos caballos muy humildes, soñolientos toman
su último baño.
Un perrazo negro ladra y amenaza de lejos.
En el puente sólo estamos yo y mi niña:
Vestido desteñido, hombros endebles, rostro blanco,
Un ramo de flores en las manos

¡Oh mi niña! ¡Ese tiempo que viene!
¡Para ellos! ¡Para nosotros! ¡Oh mi niña!
¡Ese tiempo que viene!



Traducción de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán
(Traducciones publicadas por primera vez en EOM nº 37, noviembre de 2005)


domingo, 17 de abril de 2011

Paul Claudel: Diecisiete frases para abanico



Tu
m'appelles la Rose
dit la Rose
mais si tu savais
mon vrai nom
je m'effeuillerais
aussitôt




me llamas la Rosa
dice la Rosa
mas si supieses
mi verdadero nombre
me deshojaría
de inmediato

***

Au
cœur
de la pivoine blanche
ce n'est pas une couleur
mais le souvenir d'une
couleur
ce n'est pas une odeur
mais le souvenir d'une
odeu r


En
el corazón
de la peonia blanca
no hay un color
sino el recuerdo de un
color
no hay una fragancia
sino el recuerdo de una
fraganci a

*** 

Glycines
il n'y aura jamais
assez de
fleurs pour nous empê
chez de comprendre ce
solides nœuds de s
erpents



Glicinas
no habrá jamás
bastantes
flores para impe
dirnos comprender ese
sólido nudo de s
erpientes
***

 Je
suis
venu
du bout du monde
pour savoir ce qui se
cache de rose au fond
des pivoines blanches
de Hasédéra



Yo
he
venido
desde el fin del mundo
para saber lo que se
esconde de rosa en el fondo
de las peonias blancas
de Hasedera

***

Voyageur!
approche
et respire enfin
cette odeu r
qui guérit de tout
mouvement


¡Viajero!
acércate
y respira por fin
este olo r
que cura de todo
movimiento

***

La
rose
n'est
que
la forme un instant tout
haut de ce que le coeur
tout bas appelle ses
délices



La
rosa
no es más
que
la forma por un instante en alto
de lo que el corazón
llama por lo bajo sus
delicias
***

Une
rose
d'un rouge si fort
qu'elle tache
l'
â me
comme du vin



Una
rosa
de un rojo tan intenso
que mancha
el
al ma
como el vino
***

La
neige
sur
toute la terre
pour la neige
étend
un tapis de
neige



La
nieve
en
toda la tierra
para la nieve
extiende
un tapiz de
nieve
***

Comment
vous
parler
de
l'
automne
quand j'ai encore
dans l'oreille cette
aigre flûte du printemps
qui me remplit la bouche
d'eau




Cómo
hablaros
del
otoño
cuando tengo todavía
en el oído esa
agria flauta de la primavera
que me llena la boca
de agua

***

L'
encen
s
comme ce vers
que j'écris
m
oitié cendre et moitié f
umé e



El
incien
so
como este verso
que escribo
m
itad ceniza y mitad h
u mo
***

Ah
le monde est si beau
qu'il fait poster ici que
lqu'un qui du matin au
soir soit capable de ne
pas remue
r



Ay
es tan hermoso el mundo
que hay que apostar aquí
a alguien que de la mañana a la
noche sea capaz de no
movers
 e

***

Pas
mes
épines
qui me défendent
dit la Rose
c'est
mon parfu
m



No son
mis
espinas
las que me defienden
dice la Rosa
es
mi perfum
e

***

Le
vieux
poète
sent
peu à peu
un vers
qui le gagne
comme
un éternuement



El
viejo
poeta
siente
poco a poco
que un verso
se apodera
de él como
un estornudo
***

L'
étoffe
du monde
depuis le temps qu'
elle sert comme c'est
curieux qu'il n'y ait pas
de
trou



La
tela
del mundo
con tanto tiempo que
hace que se usa qué
curioso que no
tenga
agujeros
 ***

Chut!
si nous
faisons du bruit
le temps
va recommencer



Shhhh
si hacemos
ruido
el tiempo
volverá a empezar
***

Tout autour
du poème
d'autres petits poèmes
à moitié nés
dont il n'est sorti qu'
un adjectif ou une
m
ajuscule



Alrededor
del poema
otros pequeños poemas
a medio nacer
de los que no salió más que
un adjetivo o una
m
ayúscula
***

Comprends
cette parole
à l'oreille
de ton âme
qui ne résonne
que parce qu'elle a
cessé



Comprende
esta palabra
en el oído
de tu alma
que sólo resuena
porque ha
cesado




Traducción de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán


(Traducciones publicadas por primera vez en EOM nº 29, abril-mayo de 2004)


jueves, 14 de abril de 2011

Renée Vivien: La Sed se burla



La Soif ricane

Conté par Jim Nicholls.

« Quel étrange coucher de soleil ! » dis-je à Polly.
Nous cheminions sur nos mulets accablés de lassitude et de chaleur.
« Imbécile ! grommela ma compagne. Tu ne vois donc pas que la lueur est à l’est.
—Ce serait l’aurore, dans ce cas-là. Je dois être saoul. Et pourtant, je n’ai pas bu de la journée. »
La marche somnolente des mulets berçait agréablement mes songes.
Nous étions en pleine prairie… Devant nous, un désert d’herbe pâle. Derrière nous, un océan d’herbe pâle. Autour de nous rôdait la Soif. Je voyais remuer ses lèvres sèches. J’entendais ses grelotements de fièvre. Polly, la garce aux cheveux de paille, ne la voyait point, ce qui, d’ailleurs, n’a rien d’étonnant. Polly n’a jamais pu voir plus loin que le bout de son nez rouge de grand air et de soleil.
Je me retournai sur ma selle, en tirant avec force les rênes.
« Pourquoi t’arrêtes-tu ?
—Je regarde la Soif. Sa robe est grise comme l’herbe sèche là-bas. Elle grimace. Elle ricane. Les contorsions de sa carcasse me font peur. Elle est bien laide, la Soif. »
Polly haussa lourdement ses lourdes épaules.
« Tu es fou, Jim. Il n’y a que les nigauds de ton espèce pour avoir comme ça des cauchemars en plein jour. »
Je l’aurais volontiers fait taire d’un coup de pied ou de poing, mais des expériences réitérées et douloureuses m’avaient persuadé que la vigueur physique de Polly surpassait de beaucoup la mienne. Je n’avais sur elle qu’une vague supériorité mentale. Et encore ! Le bon sens de ma compagne m’a souvent tiré d’un mauvais pas, ce que n’auraient pu faire mes divagations de songe-creux.
J’ai reçu de l’instruction, c’est vrai ; mais à quoi sert l’instruction dans les prairies ! Un bon revolver vaut mieux là-bas.
Les cheveux de Polly flamboyaient implacablement sous la lumière. J’eus envie de la scalper, comme font mes amis et adversaires les indiens, afin d’éclabousser de sang cette tignasse blonde. Pourquoi ? Je ne sais pas. Ce sont des idées qui vous viennent, comme cela, dans les prairies.
Je regardai ses joues brunies, qui ressemblaient à deux pommes cuites. J’ignore pourquoi je me souvins à ce moment d’un mince visage très pâle que j’avais aimé autrefois. J’évoquai l’ombre d’une maisonnette, la fraîcheur des persiennes closes et les belles paupières de celle qui lisait. Comme elle était charmante, les paupières baissées ! J’adorais l’ombre des cils sur les joues blanches. Ah !...
Je ne connaissais point alors le métier de coureur de prairie. Je n’avais point rencontré la garce aux cheveux de paille.
Pourquoi ai-je quitté la maisonnette pleine d’ombre et de la lumière verte des volets clos ? Je ne sais pas.
Je ne sais pas non plus si l’étrange petite fille qui lisait pendant de longues heures est vivante ou morte. Je crois qu’elle doit être morte parce que j’ai parfois un si grand vide au cœur !
Mais je ne suis sûr de rien.
Ça vous dérange un peu les idées, d’avoir vu de près la Soif qui rôde dans les prairies.
J’ai choisi pour ma compagne de route cette Polly que j’exècre, ou plutôt elle m’a choisi pour compagnon. Je finirai par la tuer un jour. Cela, je le sais. Je la hais parce qu’elle est vigoureusement saine, et que je suis, moi, un fiévreux débile. Elle est plus hardie et plus solide qu’un mâle. Elle m’enverrait rouler à dix mètres d’une chiquenaude. C’est d’ailleurs une bonne géante, quand elle n’a pas trop bu. Mais, voilà ! Elle se saoule volontiers. Peut-être a-t-elle peur, elle aussi, de la Soif qui nous guette tous les deux.
Je hasardai une réflexion au cours du chemin.
« Il y aura sûrement de l’orage avant peu, Polly, ma fée, ma chimère.
—Idiot ! souffla-t-elle avec conviction. Laisse-moi donc tranquille. Tu ne dis jamais que des choses sottes. Bien sûr qu’il y aura de l’orage avant peu. Ça se voit et ça se sent, et je n’aime pas les mots inutiles.
—Ô ma douceur admirable, ta sagesse est aussi bienveillante que profonde. »
Elle ne daigna point me répondre. Je finirai sûrement par la tuer un jour. Je n’aurai jamais la force de l’étrangler ; mais je lui tirerai dans le dos un bon coup de revolver. Comme ça, ce sera fini et je ne penserai plus à elle. Peut-être que la Soif s’éloignera de moi, quand je l’aurai abreuvée de sang. Qui sait ?
…L’aurore surnaturelle augmentait d’intensité… Nous nous arrêtâmes, le soir venu. Polly me versa, de sa gourde à la panse rebondie, une goutte d’eau de feu. Je bus à sa mort prochaine. Tout à coup la garce s’arrêta de boire. Cela m’étonna un peu. Seule, une chose extraordinaire pouvait ainsi distraire Polly de l’extrême satisfaction que lui procurait sa boisson favorite.
« Que-ce que tu as ? » lui demandai-je avec un affectueux intérêt.
Polly n’aime point en effet les mots inutiles. Je lui rends volontiers cette justice. Les longues marches au soleil l’ont rendue taciturne. C’est bien la compagne qu’il faut à un homme de la prairie… Elle me montra simplement quelques cendres mêlées à l’herbe grise.
Je compris sa pensée. Mes yeux se tournèrent instinctivement vers l’aube étrange qui rougeoyait à l’est. Mais une petite colline m’empêchait de voir ce qui se passait là-bas.
Pollly mâcha un sourd juron… Mes genoux fléchirent sous moi. Elle me toisa de son regard dédaigneux, et, me quittant sans une parole, elle se mit en devoir de gravir la colline.
Je la suivis, par crainte de la solitude, plus odieuse encore que la présence de cette compagne détestée.
Arrivés au sommet, nous haletâmes…
Du nord au sud, l’horizon n’était qu’un brasier…
Le feu dans la prairie ! Un vent de flamme, qui arrive sur vous avec la vélocité du simoun et du sirocco, qui balaie en un clin d’œil le désert d’herbes sèches. Et rien sur son passage qui puisse l’arrêter !
Je grelottais comme un malade qui meurt de la fièvre… Polly, elle, n’avait point peur.
J’oubliai un peu mon angoisse, dans la rage de ne pas la voir claquer des dents. Sa terreur aurait presque rasséréné mon propre effroi. Mais elle est brave, beaucoup plus brave que je ne le suis. Elle ne pâlissait point, parce que rien au monde, ni la mort, ni la trompette du Jugement dernier ne la ferait pâlir… Elle est, d’ailleurs, de complexion rougeaude. Moi, j’étais plus jaune qu’une guinée.
Nous retournâmes en toute hâte vers notre camp improvisé où nous avions laissé paître nos mules, qu’une crainte rendait ombrageuses.
La brise du soir poussait vers nous l’ouragan de flamme.
Je ne crains pas la mort, mais la douleur m’épouvante. La perspective d’être rôti vivant me tenaillait de façon suraigüe. Polly elle-même avait l’air grave, quoique ses nerfs soient plus robustes que des tendons de bœuf.
…Rôti vivant dans la prairie !...
Le feu s’avançait, comme un immense éclair. Je m’étonnai de la rapidité de sa course. Encore quelques minutes et nous serions calcinés tous les deux. Encore quelques minutes, et…
…C’était beau quand-même, cette trombe de flammes. C’était plus beau que le soleil. Jamais je n’ai vu quelque chose d’aussi magnifique… C’était si merveilleusement splendide que je tombai à genoux, et que je tendis mes deux bras vers le Feu, en riant comme les petits enfants et les idiots.
Je vous répète que c’était aussi effroyable que superbe, et que j’en devins presque fou. C’était trop beau pour les yeux d’un homme. Dieu seul pouvait regarder cet embrasement en face sans en mourir ou en perdre la raison.
Mais Polly, qui n’a pas plus d’âme que mes mules ne comprit point et regarda sans voir. Elle ne s’étonne de rien, elle n’admire rien…
Je la haïssais de ne point avoir peur. Oh ! comme je la haïssais !... Je la hais férocement, parce qu’elle est plus forte et plus vaillante que moi… Je la hais, comme une femme exècre l’homme qui la domine. Je finirai certes par la tuer un jour, pour le plaisir de la vaincre, tout simplement…
« Ne perdons point de temps », dit avec résolution Polly. Elle avait sa voix de tous les jours, ni plus haute ni plus basse d’un demi ton. (Oh ! comme je la haïssais d’être si calme !) Elle s’accroupit, et, en un cil d’œil, elle mit le feu à l’herbe devant elle.
Je crus pendant une seconde qu’elle était devenue folle, elle aussi. Et je hurlai de joie, semblable à un indien qui se venge.
Elle ne se troubla point. Elle était habituée à mon humeur fantasque. Elle me méprisait trop pour me craindre.
« Le feu combattra le feu, Jim. »
Nous nous reculâmes. Notre feu brillait posément, tel le bon feu des foyers paisibles. L’autre feu, nourri de milliers de lieues d’herbe dévorée, s’avançait pareil à une vague océanique de lumière et de bruit.
…Je fermai les yeux, ivre de fumée… Quand je les rouvris, deux heures après, tout était noir autour de nous. C’était des ruines d’incendie. La fournaise s’était miraculeusement éteinte.
Le Feu avait vaincu le Feu.
Polly s’était campée fièrement devant moi, les poings aux hanches. Ce qui me rendait furieux, c’est qu’elle n’avait pas eu peur pendant une seule seconde.
Elle n’aura pas peur davantage le jour où je la tuerai, parce qu’elle ne craint pas la mort. Elle ne craint pas Dieu non plus…
Elle me regardait sans broncher.
« Comme tu es lâche ! » dit-elle dédaigneusement.

RENÉE VIVIEN




La Sed se burla

Narrado por Jim Nicholls.

—¡Qué extraña puesta de sol! —le dije a Polly.
Avanzábamos en nuestros mulos agobiados por el cansancio y el calor.
—¡Imbécil! —masculló mi compañera—. Ni siquiera ves que el resplandor viene del este.
—En ese caso será la aurora. Debo de estar borracho. Y sin embargo no he bebido en todo el día.
El paso soñoliento de los mulos mecía agradablemente mis sueños.
Estábamos en plena pradera… Delante de nosotros, un desierto de hierba pálida. Detrás de nosotros, un océano de hierba pálida. En torno a nosotros rondaba la Sed. Yo veía cómo se agitaban sus labios resecos. Oía sus castañeteos de fiebre. Polly, la zorra de pelo pajizo, no la veía, lo que, por otra parte, no tiene nada de asombroso. Polly nunca pudo ver más allá de la punta de su nariz enrojecida por la intemperie y por el sol.
Me volví en la silla, tirando con fuerza de las riendas.
—¿Por qué te detienes?
—Miro a la Sed. Su vestido es gris como la hierba seca que está allá a lo lejos. Hace muecas. Se ríe con sorna. Las contorsiones de su osamenta me dan miedo. Es muy fea la Sed.
Polly, con gesto pesado y desdeñoso, se encogió de hombros.
—Estás loco, Jim. Sólo los tontos como tú tienen pesadillas así, en pleno día.
Con gusto la hubiera hecho callar dándole una patada o un puñetazo, pero algunas experiencias repetidas y dolorosas me habían persuadido de que la fuerza física de Polly superaba con mucho a la mía. Yo sólo tenía sobre ella una vaga superioridad mental. ¡Y ni eso! El sentido común de mi compañera a menudo me sacó de un apuro, cosa que no hubieran podido hacer mis divagaciones de soñador.
Tengo alguna instrucción, es cierto; pero ¿de qué sirve la instrucción en las praderas? Allá es más útil un buen revólver.
El pelo de Polly resplandecía implacablemente bajo la luz. Tuve ganas de arrancarle el cuero cabelludo, como hacen mis amigos y adversarios los indios, para salpicar de sangre esas greñas rubias. ¿Por qué? No lo sé. Son ideas que se le ocurren a uno porque sí, en las praderas.
Miré sus mejillas tostadas, que parecían dos manzanas cocidas. Ignoro por qué, en ese momento, recordé un rostro delgado y muy pálido que yo había amado hacía tiempo. Me vino a la memoria la sombra de una casita, la frescura de las persianas cerradas y los bellos párpados de la que estaba leyendo. ¡Qué encantadora era con los párpados entornados! Me encantaba la sombra de las pestañas en las mejillas blancas. ¡Ah!...
En ese entonces no conocía el oficio de aventurero de las praderas. No había conocido a la zorra de pelo pajizo.
¿Por qué dejé la casita llena de sombra y de la luz verde de los postigos cerrados? No lo sé. Tampoco sé si la extraña muchachita que leía durante largas horas está viva o muerta. ¡Creo que debe estar muerta, porque a veces siento un vacío tan grande en el corazón!
Pero no estoy seguro de nada.
Haber visto de cerca a la Sed que ronda por las praderas es algo que a uno le trastorna un poco las ideas.
Elegí por compañera de ruta a esta Polly a la que aborrezco, o mejor dicho es ella la que me eligió por compañero. Un día acabaré matándola. Eso sí que lo sé. La odio porque es vigorosamente sana y yo en cambio soy un febril debilucho. Es más atrevida y más sólida que un varón. De un papirotazo me mandaría rodando a diez metros de distancia. Por los demás es una buena giganta, cuando no ha bebido mucho. ¡Pero esa es la cuestión! No pierde ocasión de emborracharse. Quizás también ella le tiene miedo a la Sed que nos acecha a ambos.
Me aventuré a hacer una reflexión durante el camino.
—Seguramente pronto tendremos tormenta, Polly, hada mía, quimera mía.
—¡Idiota! —dijo resoplando, con convicción—. Hazme el favor de dejarme en paz. Siempre estás diciendo tonterías. Por supuesto que pronto tendremos tormenta. Es algo que se ve y se siente, y a mí no me gustan las palabras inútiles.
—¡Oh mi dulzura admirable, tu sabiduría es tan bondadosa como profunda!
No se dignó contestarme. Seguramente acabaré matándola algún día. Nunca tendré fuerzas para estrangularla, pero le pegaré un buen tiro por la espalda. Así todo habrá terminado y ya no pensaré más en ella. A lo mejor la Sed se alejará de mí cuando le haya a dado a beber sangre. ¿Quién puede saberlo?
…La aurora sobrenatural se iba haciendo más y más intensa… Al caer la tarde nos detuvimos. Polly me sirvió, de su cantimplora de panza abultada, una gota de quemante aguardiente. Brindé por su muerte próxima. De pronto, la zorra dejó de beber. Eso me sorprendió un poco. Sólo algo extraordinario podía distraer así a Polly de la extrema satisfacción que le producía su bebida favorita.
—¿Qué te pasa? —le pregunté con afectuoso interés.
A Polly, en efecto, no le gustan las palabras inútiles. Es algo que de buena gana le reconozco. De tanto andar al sol se ha vuelto taciturna. Es realmente la compañera que necesita un hombre de las praderas… Se limitó a mostrarme algunas cenizas mezcladas con la hierba gris.
Le adiviné el pensamiento. Mis ojos se volvieron instintivamente hacia el extraño amanecer que teñía de rojo el este. Pero una pequeña colina me impedía ver lo que estaba ocurriendo allá.
Polly maldijo entre dientes… Me flaquearon las piernas. Me miró desdeñosamente de arriba abajo y, alejándose de mí sin decir palabra, se dispuso a trepar la colina.
La seguí por temor a la soledad, más odiosa aún que la presencia de esa detestada compañera.
Al llegar a la cima estábamos sin aliento…
De norte a sur el horizonte no era más que una hoguera…
¡El fuego en la pradera! Un viento de llamas que le cae a uno encima con la velocidad del simún y del siroco, que barre en un abrir y cerrar de ojos el desierto de hierbas secas. ¡Y no hay nada a su paso capaz de detenerlo!
Yo tiritaba como un enfermo que se muere de fiebre… Polly, en cambio, no tenía nada de miedo.
Olvidé un poco mi angustia, rabioso porque no veía que le castañeteasen los dientes. Su terror hubiera casi calmado mi propio espanto. Pero ella es valiente, mucho más valiente que yo. No palidecía porque nada en el mundo, ni la muerte ni la trompeta del Juicio Final, podrían hacerla palidecer… Por lo demás, es de tez rojiza, mientras que yo me había puesto más amarillo que una guinea.
Volvimos apresuradamente a nuestro campamento improvisado, donde habíamos dejado pastando a los mulos que, con el miedo, se ponían asustadizos.
La brisa de la tarde empujaba hacia nosotros el huracán de llamas.
No le temo a la muerte, pero el dolor me espanta. La perspectiva de asarme vivo me atenazaba del modo más intenso. La misma Polly estaba seria, aunque tiene nervios más robustos que tendones de buey.
…¡Asados vivos en la pradera!...
El fuego avanzaba como un inmenso relámpago. Me sorprendió la rapidez de su progreso. Unos minutos más y ambos quedaríamos calcinados. Unos minutos más y…
…Era hermosa, pese a todo, esa tromba de llamas. Era algo más hermoso que el sol. Nunca he visto nada tan magnífico… Era algo tan maravillosamente espléndido que caí de rodillas y tendí ambos brazos hacia el Fuego, riéndome como se ríen los chiquillos y los idiotas.
Repito que era algo tan aterrador como soberbio y que casi me volvió loco. Era algo demasiado hermoso para los ojos de un hombre. Únicamente Dios podía mirar de frente aquel incendio sin por eso morir o perder la razón.
Pero Polly que tiene tan poca alma como mis mulos no comprendió y miró sin ver. No se sorprende por nada, no admira nada…
Yo la odiaba porque ella no tenía miedo. ¡Ah, cómo la odiaba!... La odio ferozmente porque es más fuerte y más valiente que yo… La odio así como una mujer aborrece al hombre que la domina. Sin duda un día acabaré matándola, nada más que por darme el gusto de vencerla…
—No perdamos tiempo —dijo Polly con resolución. Tenía la voz de todos los días, ni un semitono más alta o más baja. (¡Ah, cómo la odiaba yo por estar tan tranquila!). Se puso en cuclillas y, en un abrir y cerrar de ojos, prendió fuego a la hierba que tenía delante de ella.
Durante un segundo creí que también ella se había vuelto loca. Y grité de alegría, como un indio que se venga.
No se inmutó. Estaba acostumbrada a mi temperamento caprichoso. Me despreciaba demasiado como para temerme.
—El fuego combatirá al fuego, Jim.
Nos echamos atrás. Nuestro fuego brillaba serenamente, como el buen fuego de los hogares apacibles. El otro fuego, alimentado por miles de leguas de hierba devorada, avanzaba semejante a una ola oceánica de luz y ruido.
…Cerré los ojos, ebrio de humo… Cuando volví a abrirlos, dos horas después, todo estaba negro a nuestro alrededor. Eran ruinas de incendio. La hoguera se había apagado milagrosamente.
El Fuego había derrotado al Fuego.
Polly estaba erguida altivamente frente a mí, con los brazos en jarras. Lo que me ponía furioso era que no había tenido miedo ni por un segundo.
Tampoco tendrá miedo el día que la mate, porque no le teme a la muerte. Ni siquiera le teme a Dios…
Estaba ahí quieta, mirándome.
—¡Qué cobarde eres! —dijo con desdén.