LA LIMITE DE LA PAROLE : LES INTENTIONS DU SILENCE
S’il est vrai que l’homme ne sait le tout de rien, il est vrai aussi qu’il ne peut dire le tout de rien, même dans la mesure où il le sait, ou plutôt où il le sent. L’âme voudrait comprendre Dieu parce qu’elle est infinie en puissance. Elle ne comprend pas Dieu parce qu’il est infini en acte, mais la parole humaine voudrait au moins exprimer complètement l’âme humaine ; elle ne le peut pas non plus, parce que l’âme est infinie en puissance.
Quelle ressource reste-t-il aux vaincus : à l’âme pour toucher Dieu, à la parole pour exprimer l’âme ? Le silence.
Le silence est la parole suprême qui exprime l’inexprimable, très incomplètement mais autant que possible.
Quand chacune des paroles humaines passées en revue par un coup d’œil de l’âme lui dit : « Ce n’est pas moi, ce n’est pas moi, ce n’est pas moi qui suis ton expression », le silence arrive et, à genoux sur le bord de l'abîme, déclare que l’homme se tait, et laisse la parole à la parole de Dieu. La parole de Dieu, voyant l’homme réduit au silence, lui dit : Tu as bien fait de te taire, car de toutes tes paroles, ton silence est la plus haute : c’est elle qui déclare que tu ne me comprends pas, que tu ne comprends pas, et qu’il y a un médiateur. Tais-toi, toi qui fus néant. Moi, qui suis l’Être, entre le Père et toi, je rendrai compte et je rendrai grâce. Ne te préoccupe de rien. J’entends ce que tu ne dis pas, et j’exprime ce que tu ignores.
Ce que l’homme dit de plus beau ne laisse pas de trace dans le monde visible : ce sont des paroles inarticulées, des prières inexprimables que les anges entendent et portent aux pieds du trône. Ce que l'homme fait et dit d’accessible aux hommes, est l’écho affaibli d’un cri immense, c’est la monnaie du grand trésor.
LA PORTÉE DU SILENCE
Dans les moments solennels où l’homme nage en pleine lumière, dans le sentiment de l'infini, s’il éprouve le besoin du silence, ce n’est pas parce qu’il n’a rien à dire, c’est parce qu’il a tout à dire ; ce n’est pas l’objet qui fait défaut à la parole, c’est la parole qui fait défaut à l’objet. Il a peur d’employer des mots qui s’appellent aussi des termes, et de circonscrire et d’anéantir, en la déterminant, cette joie immense et timide qui se lève du fond de son âme et plane sur le monde sans se poser sur lui, le sentant trop petit pour elle. Il a peur d’éteindre la flamme s’il l’emprisonne. Il a peur de retomber dans l’esclavage,à l’instant même où il essaierait d’exprimer l’inexprimable et de raconter la délivrance.
EL LÍMITE DE LA PALABRA: LAS
INTENCIONES DEL SILENCIO
Si bien es cierto que el hombre no lo sabe todo sobre nada, también es cierto que no puede decirlo todo sobre nada, incluso en la medida en que lo sabe, o más bien lo siente. El alma querría comprender a Dios porque es infinita en potencia. No comprende a Dios porque es infinito en acto, pero la palabra humana querría al menos expresar completamente el alma humana; tampoco puede hacerlo, porque el alma es infinita en potencia.
¿Qué recurso les queda a los vencidos: al alma para tocar a Dios, a la palabra para expresar el alma? El silencio.
El silencio es la palabra suprema que expresa lo inexpresable, muy incompletamente, pero en la medida de lo posible.
Cuando cada una de las palabras humanas examinadas por una rápida mirada del alma le dice: «No soy yo, no soy yo, no soy yo quien te expresa», llega el silencio y, de rodillas al borde del abismo, declara que el hombre calla y le deja la palabra a la palabra de Dios. La palabra de Dios, al ver al hombre reducido al silencio, le dice: Has hecho bien en callar, porque de todas tus palabras, tu silencio es la más elevada: es la que declara que no me comprendes, que no comprendes, y que hay un mediador. Cállate, tú que fuiste nada. Yo, que soy el Ser, entre el Padre y tú, daré cuenta y daré gracias. No te preocupes por nada. Yo oigo lo que tú no dices y expreso lo que tú ignoras.
Lo más hermoso que dice el hombre no deja huella en el mundo visible: son palabras inarticuladas, plegarias inexpresables que los ángeles oyen y llevan a los pies del trono. Lo que el hombre hace y dice, accesible a los hombres, es el eco debilitado de un grito inmenso, es la moneda del gran tesoro.
EL ALCANCE DEL SILENCIO
En los momentos solemnes en los que el hombre nada en plena luz, en la sensación del infinito, si siente la necesidad del silencio, no es porque no tenga nada que decir, sino porque tiene todo que decir; no es el objeto el que falta a la palabra, es la palabra la que falta al objeto. Teme emplear palabras, también llamadas términos, y circunscribir y aniquilar, al determinarla, esa alegría inmensa y tímida que surge del fondo de su alma y se cierne sobre el mundo sin posarse en él, sintiéndolo demasiado pequeño para ella. Teme apagar la llama si la aprisiona. Teme volver a caer en la esclavitud, en el mismo instante en que intentase expresar lo inexpresable y contar la liberación.
Traducción, para Literatura & Traducciones, de Miguel Ángel Frontán