miércoles, 10 de febrero de 2016

Ricardo Güiraldes y Valery Larbaud


Poemas místicos

24 de Diciembre 1926


Hoy, hace mil novecientos veintiséis años que naciste.
Es decir, hoy, la humanidad nació a ti.
¡Que habías de nacer en fecha alguna, tú que eras nacido desde siempre!
Habías venido a un cuerpo sufridor como el nuestro para estar más presente en sangre y en dolor.
Y tu cuerpo entonces era tan pequeño, que no podía saber de ti sino un mandato de hacerte digno de sobrellevar la cruz de liberación.
Hoy naciste y fue una gran mancha de luz sobre el mundo.
La fecha es un bien para nosotros y sentimos que algo como un pulso de Dios latió y late en el día periódicamente.
Todo es más bueno hoy.
Y te sentimos venir al mundo en el hoy de entonces con pasos lejanos en el transcurso de los años, y esa lejanía te vuelve a nuestro sentir, más niño y más nuestro.
Hace mil novecientos veintiséis años, que el mundo tuvo la extraordinaria dicha de saberte.

*

Algunos habían seguido tu martirio.
La pequeña Jerusalén inquieta de harapos y discusiones, seguía picoteando sus migajas de ideas y nada supo de los siglos por venir y de tu advenimiento en el hombre.
La pequeña Jerusalén inquieta como un sarpullido y piojosa y mugrienta seguía tirada en sus calles.
-Te doy tres por veinte.
-No, te doy veinte por cuatro.
-¡Me arruinas!
-¡Me robas!
Tu serenidad no tocaba siquiera las cúpulas de sus templos.
Así pasaste y viniste hacia nosotros.


*

Tenías los brazos abiertos y en tu pecho cabía el mundo.
Las estrellas andaban siempre a pesar de tu dolor reducido a la estatura del hombre.
Y había una palabra en todas partes. Y los que en torno tuyo no comprendían eran un cuadro pequeño de carne ignorante y egoísta.
Al fin abriste los brazos definitivamente para sobrevolar tu imagen humana.
Y hubo un pensamiento obscuro, obscuro en las cosas y los hombres tuvieron miedo.
Tres días esperaste para surgir.


*

Mi cuerpo sabe el dolor de la herida y el dolor del placer.
Mi corazón conoce sus propios engaños y la impotencia de los otros.
Mi inteligencia ha caído tantas veces que prefiere quedar de rodillas.
Estoy desnudo como una médula dolorida de encontrarse en contacto descubierto con la vida.
¡Que mis brazos levantados sean la plegaria fuerte que eleva al que pide!
¡Que sobre mi soledad caiga una astilla de iluminación como sobre el campo un rayo de aurora noble!



Fe

Me he perdido a mí mismo.
A veces tomo entre mis manos los recuerdos con cariño y busco largamente mi infancia, mi fe y mi fuerza. Las veo allá, detrás de una infranqueable transparencia de años, señalando con desprecio mi actual desvío y admiro su firmeza de brújula.
Me he perdido a mí mismo cuando más hondo me buscaba, como si a fuerza de vivir hubiese muerto.
Tiendo adelante mis brazos y todo es adelante ¿Cómo saber?
Espero.
Una voz más grande me dirá: ¡Ven!
Y desde entonces caminaré con la vista de mi frente abierta, de rodillas, en un campo de heridas, llevando en la garganta el trago de la victoria.
Y una cesación de dolores precederá la hoz de mi paso con salutación de trigo unísono ante la segadora.
Me he perdido a mí mismo y espero.
Señor, yo tiendo arriba los brazos.
El hombre sufre su vergüenza en mi carne.
Las palabras de hostilidad y de daño me parecen dichas en complicidad conmigo.
La culpa de cada uno es de nosotros todos. ¿Por qué no sufrirla? Tengo que aprender:
Resistencia a los dolores que tu mano me impone.
Serenidad invencible ante lo que me ultraja.
Y, más bien que juzgar a los otros, limpiarme de mis propias inmundicias.
Si tiendo arriba las manos, cuanto bajo mi gesto suceda, debe ser olvidado.


Infinito

Mi Dios bajo tu amparo escribo.
Por mi boca tan chica se empequeñece tu amor por las cosas que están en ti sin disminuirte.
Tu palabra en mí se reduce, y yo de ti me agrando.
Pobre cosa tuya sufro de sobrarme a mí mismo y mi alma camina en la frase como un ciego lleno de luz.
Dame tu ley para que así crezca hasta merecer nombrarte.



24 décembre 1926

Il y a aujourd’hui mille neuf cent vingt-six ans que tu naquis.
Ou plutôt aujourd’hui l’humanité naquit à toi.
Comment pouvais-tu naître à une date quelconque, Toi qui étais né depuis toujours !
Tu étais venu à un corps douloureux comme le nôtre pour être plus présent par le sang et la souffrance.
Et ton corps était alors si petit qu’il ne pouvait de toi rien savoir, sinon l’ordre par toi donné de se faire digne de supporter la croix libératrice.
Aujourd’hui tu naquis et ce fut une grande tache de lumière sur le inonde.
Cette date est un bien pour nous autres et nous sentons que quelque chose comme une pulsation de Dieu battit et bat encore périodiquement dans ce jour. Aujourd’hui tout a plus de bonté.
Et nous te sentons venir dans l’aujourd’hui d’alors avec des pas lointains dans le recul des années ; et cet éloignement te fait, pour notre sentiment, plus enfant et plus à nous.
Il y a mille neuf cent vingt-six ans que le monde eut l’extraordinaire bonheur de te savoir.


*


Quelques-uns avaient suivi ton supplice.
La petite Jérusalem, agitée de haillons et de disputes, continuait à picorer ses miettes d’idées, et elle ne sut rien des siècles à venir et de ton avènement dans l’homme.
La petite Jérusalem remuante comme une démangeaison et pouilleuse et crasseuse, durait, jetée au long de ses rues.
– Je te donne trois pour vingt.
– Non, je te donne vingt pour quatre.
– Tu me ruines !
– Tu me voles !
Ta sérénité ne touchait même pas les coupoles de leurs temples.
Ainsi tu passas et tu vins jusqu’à nous.


*


Tu tenais tes bras ouverts et dans ta poitrine le monde était contenu.
Les étoiles continuait leurs cycles malgré ta souffrance réduite à la stature de l’homme.
Et il y avait en tous lieux une parole. Et ceux qui, autour de toi, ne comprenaient pas, formaient un petit tableau de chair ignorante et égoïste.

À la fin tu ouvris les bras définitivement pour survoler ton image humaine.
Et il y eut une pensée très obscure dans les choses, et les hommes furent saisis de crainte.
Tu attendis trois jours pour te lever.

*

Mon corps sait la souffrance de la blessure et la souffrance du plaisir.
Mon cœur connaît ses propres tromperies et l’impuissance des autres.
Mon intelligence est si souvent tombée qu’elle aime mieux rester agenouillée.
Je me sens nu comme une moelle endolorie de se trouver en contact immédiat avec la vie.
Que mes bras levés soient la, supplication puissante qui élève celui qui demande !
Que sur ma solitude tombe une étincelle d’illumination comme sur la campagne un éclair d’aurore noble !


Foi

Je me suis perdu moi-même.
Parfois je prends entre mes mains mes souvenirs avec tendresse, et je cherche longuement mon enfance, ma foi et ma force. Je les vois là-bas, derrière une infranchissable transparence d’années, montrant du doigt avec mépris mon égarement d’à présent, et j’admire leur constance de boussole.
Je me suis perdu moi-même alors que je me cherchais le plus profondément, comme si à force de vivre je fusse mort.
Je tends mes bras en avant, et tout est en avant. Comment savoir ?
J’attends.
Une voix plus grande me dira : Viens !
Et alors je m’avancerai avec la vue de mon front ouvert, à genoux, à travers un champ de blessures, portant dans ma gorge la gorgée de la victoire.
Et une trêve des souffrances précédera la faux de mon pas avec le salut unanime des blés devant la faucheuse.
Je me suis perdu moi-même, et j’attends.


*

Seigneur, je tends en haut mes bras.
L’homme souffre sa honte en ma chair.
Les paroles d’inimitié et de dénigrement me semblent dites en complicité avec moi-même.
La faute de chacun est celle de nous tous. Pourquoi ne pas en souffrir ? Il faut que j’apprenne :
La résistance aux douleurs dont ta main me charge ;
La sérénité invincible en face de ce qui m’outrage ;
Et, plutôt qu’à juger autrui, à me laver de mes propres impuretés.
Si j’élève mes mains vers la hauteur, ne considère pas la bassesse de mon geste.


Infini

Mon Dieu
Sous ta protection j’écris.
Par ma bouche si petite se rapetisse ton amour pour les choses passagères qui sont en toi sans te diminuer.
Ta parole en moi se réduit, et je m’agrandis de toi.
Pauvre chose à toi, je souffre de me déborder moi-même, et mon âme marche dans la phrase comme un aveugle plein de lumière.
Donne-moi ta loi pour qu’ainsi je grandisse jusqu’à mériter de te nommer.

Traducción de VALERY LARBAUD
http://delamirandola.com/