domingo, 13 de junio de 2010

Leopoldo Lugones: Dos sonetos y un romance

ALMA VENTUROSA

Al promediar la tarde de aquel día,
cuando iba mi habitual adiós a darte,
fue una vaga congoja de dejarte
lo que me hizo saber que te quería.

Tu alma, sin comprenderlo, ya sabia. . .
con tu rubor me iluminó al hablarte,
y al separarnos te pusiste aparte
del grupo, amedrentada todavía.

Fue silencio y temblor nuestra sorpresa,
mas ya la plenitud de la promesa
nos infundía un júbilo tan blando,

que nuestros labios suspiraron quedos . . .
y tu alma estremecíase en tus dedos
como si se estuviera deshojando.

ÂME HEUREUSE

J’allais, à l’heure pâle, ce jour-là,
te dire l’au-revoir habituel,
quand une vague angoisse en te quittant
soudainement, m’apprit que je t’aimais.

Ton âme qui, sans comprendre, savait
m’éclaira par le feu de ton visage ;
et, m’éloignant, je te vis t’écarter
de ton groupe, harcelée par une crainte.

En silence, en frisson, vint la surprise,
mais déjà le beau poids de ta promesse
nous inspirait si délicate joie

que nous en soupirâmes sans murmure
et ton âme tremblait entre tes doigts
comme si elle était en train de s’effeuiller.

Traducción de ÉMILIE NOULET.
(Anthologie de la poésie ibéro-américaine, Nagel, 1956.)

ANDANTE

Al diáfano candor de un cielo vago,
Cobra el parque selvática espesura.
En el azul silencio de su hondura,
Límpidas teclas profundiza el lago.

El implacable amor pone en su halago
Una anticipación de noche obscura,
Y en la morada ojera prefigura
El lóbrego beleño de su estrago.

Con un romanticismo de cautivas,
Perfuman azucenas excesivas.
La senda de volver se borra incierta..

Y entre los labios dulcemente presos.
Se nos deshoja el corazón en besos
Como una rosa demasiado abierta.

ANDANTE

Dans la candeur diaphane d‘un azur vague
le parc reprend l’aspect d’un sauvage fourré,
dans le silence bleu de son hallier secret
et du lac qu’élargit l’arpège d’une vague.

Mais l’implacable amour glisse dans sa douceur
une anticipation d’ombre et de nuit obscure.
Le cerne violet de tes yeux préfigure
l’insidieux poison de ton filtre obsesseur.

Avec un romantisme aigu d’âmes captives,
les grands lis se défont en odeurs excessives.
Sous nos pas les sentiers du retour sont usés.

Tandis que sur l’étau de tes lèvres offertes
notre cœur s’effeuille en baisers
comme des roses trop ouvertes.

Traducción de JEAN CAMP.
(La guirlande espagnole. México, Le Coq français,1947.)

LAS FATALES

Las tres hermanas de negro
se empiezan a marchitar
al soplo de una desgracia
que no se han dicho jamás.

De negro que visten siempre,
tal vez porque sentará
a su cabello castaño
y a su esbeltez natural;

pero en el mudo designio
de aquella felicidad,
un vago pavor de duelo
parece a ratos flotar.

Cada una calla, aunque sabe
con certidumbre total
que cuando venga el amado
las tres juntas lo han de amar.

Cada una sabe, aunque calla
como un secreto mortal,
que si una alcanza la dicha
las otras dos morirán.

Pero bien comprenden todas
que si un día ha de llegar,
cada una querrá alcanzarla
con inexorable afán.

La dicha en tanto no llega,
acaso no venga ya...
El amado que esperaban
era una sombra quizás.

Mas, en el luto que llevan
sin querérselo explicar,
pasa la sombra del crimen
que nunca cometerán.

LE FATALI

Le tre suore in veste nera
a sfiorir comincian già
sotto il soffio di ria sorte
di cui mai voller parlar.

Sempre a nero son vestite.
Forse per far risaltar
i capelli lor castani
e la snella venustà;

ma nel tacito disegno
che c'è in quella fedeltà,
un timor vago di lutto
sembra a volte galleggiar.

Tace ognuna, benchè sappia
senza tema di sbagliar
che se un di venga l'amato
le tre insieme lo ameran.

Sa ciascuna, benchè taccia
come un segreto mortal,
che se una avrà ventura
le altre due ne moriran.

E le tre comprendon bene:
se la sorte giungerà,
afferrarla vorrà ognuna
con spietata volontà.

Non ancora la ventura
venne, e forse non verrà...
e forse era solo un'ombra
quello amato atteso invan.

Ma in quel lutto ch'esse portano,
e il perchè vonno ignorar,
passa l'ombra di un delito
ch'essse mai perpetreran.

Traducción de FOLCO TESTENA.
(Antologia della poesia argentina moderna. Milán, Alpes, 1927).

martes, 1 de junio de 2010

Arthur Rimbaud y Ángel José Battistessa


Le bateau ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

ARTHUR RIMBAUD


El barco ebrio

Cuando yo descendía por Ríos impasibles,
Dejaron de guiarme mis buenos sirgadores:
Chillones Pieles Rojas, como a blancos sensibles,
Los habían saetado en postes de colores.

Poco me preocuparon esas tripulaciones;
Una vez terminadas sus crueles bataholas,
Yo, transporte de trigo flamenco o de algodones
Ingleses, a mi gusto proseguí por las olas.

Corrí en el chapoteo de fuertes marejadas,
Aún más imperturbable que cerebros de infantes,
Y las mismas Penínsulas desamarradas
No soportaron nunca vaivenes más triunfantes.

La tempestad bendijo mi despertar marino.
Más liviano que un corcho, sobre el agua agitada
Diez noches he bailado en revuelto destino
Sin recordar los faros de estúpida mirada.

Grata como a los niños la manzana jugosa
Penetró el agua verde en mi casco de pino
Y, arrastrando el arpeo y el timón, presurosa
Lavó manchas y vómitos azulosos de vino.

¡Me bañé, desde entonces, en el vasto poema
Del mar, del mar infuso de astros y lactescente,
Donde en azules verdes, a veces, la suprema
Sombra de algún ahogado se hunde, pálidamente;

Donde tiñendo, raudos, los fondos azulinos,
delirios, ritmos lentos bajo el diurno fulgor,
Más vastos que las liras y más fuertes que finos
Alcoholes se fermentan las pecas del amor!

Yo conozco los cielos que estallan, sé las lomas
Acuosas, las resacas, las trombas; sé la tarde,
Toda el alba exaltada cual pueblo de palomas,
Y he visto lo que el hombre sospecha en vano alarde.

He visto el sol manchado de místicos horrores
Iluminando larga coagulación violeta,
De dramas muy antiguos al parecer actores,
Contemplé los oleajes de lontananza inquieta.

He soñado con besos en ojos de los mares,
He soñado la noche verde con resplandores
Níveos, el fluir de savias, los bruscos despertares
Azules y amarillos de fósforos cantores.

Mes tras mes he seguido, igual que a vaquerías,
Histéricas, las olas en su asalto pujante,
Sin pensar que en su marcha fulgente las Marías
Llevasen del hocico al Océano jadeante.

¿Sabéis?, he descubierto increíbles Floridas:
Los ojos de panteras son flores entre humanas
Epidermis, los iris se tienden como bridas,
Bajo el cielo marino, a glaucas caravanas.

¡He visto fermentando los pantanos enormes,
Cestas en cuyos juncos se pudre un Leviatán;
En medio de las calmas cataclismos informes,
Lejanas cataratas que a los abismos van!

¡Cielos de brasa, heleros, oleaje nacarado,
Restos de encalladuras en los golfos brumosos
Donde el pie de los árboles de ramaje enroscado
Ruedan grandes serpientes de aromas tenebrosos!

¡Oh yo hubiese mostrado a un niño esas doradas
De la gran ola azul, esos peces cantantes!
Yo florecí de espumas al partir de las radas
Y, en vientos inefables, tuve alas por instantes.

Mártir, algunas veces, de zonas fatigosas,
El mar cuyo sollozo suavizaba mi arfada,
Me aplicaba sus flores de amarillas ventosas
Y quedaba como una mujer arrodillada.

Península que mece en sus bordes querellas
De aves estrepitosas con ojuelos dorados,
Fui a pique; entre mis cuerdas, sumidos tras mis huellas,
A dormir descendían, de espalda, los ahogados...

¡Y yo, barco enredado entre las cabelleras
Profundas, en el éter sin pájaros perdido,
Yo, esqueleto embriagado que hanseáticas veleras
Nunca hubiesen pescado, con desdeñoso olvido.

Yo que flotaba loco, con los flancos cubiertos
De lúnulas eléctricas e hipocampos crinudos,
Cuando cálidos Julios volcaban los abiertos
Cielos ultramarinos en ardientes embudos,

Yo que trémulo oía el mugir encelado
De Behemots y de Malstroms, retumbantes tifones,
Perenne navegante de un azul serenado,
Como añoro la Europa de viejos malecones!

Yo vi los archipiélagos siderales, las islas
Con sus cielos abiertos a todo bogador:
¿Es allí donde duermes, allí donde te aíslas
Áureo millón de pájaros, oh futuro Vigor?

Sí, ya he llorado mucho. Las albas son dolientes.
Atroz es toda luna, triste la luz solar.
Ya el amor me ha colmado de torpezas fervientes.
¡Oh, que mi quilla estalle! ¡Oh, que me arrastre el mar!

Yo deseo de Europa la oscura lagunita
Donde, al caer la tarde que se muere olorosa,
Suelta un niño en cuclillas, con tristeza infinita,
Un barquichuelo frágil como una mariposa.

¡Ya no es posible, oh baño de olas, como antes
Adelantarse a otros transportes de algodones,
Ni cruzar el orgullo de enseñas tremolantes,
Ni nadar bajo el duro mirar de los pontones!

Traducción de ÁNGEL JOSÉ BATTISTESSA

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