jueves, 30 de abril de 2009

Jean Racine y Gaspar Melchor de Jovellanos: Ifigenia


En mayo de 2007 el padre Juan Bautista Olarte, bibliotecario de San Millán de la Cogolla, descubrió, en la biblioteca del célebre monasterio, el manuscrito, ignorado hasta entonces, de una traducción de la Iphigénie de Jean Racine. Se trataba, en realidad, de una muy lograda obra de juventud de Gaspar Melchor de Jovellanos.


IPHIGENIE
Acte I Scène I

AGAMEMNON
Oui, c'est Agamemnon, c'est ton Roi qui t'éveille.
Viens, reconnais la voix qui frappe ton oreille.

ARCAS
C'est vous-même, Seigneur ! Quel important besoin
Vous a fait devancer l'aurore de si loin ?
A peine un faible jour vous éclaire et me guide,
Vos yeux seuls et les miens sont ouverts dans l'Aulide.
Avez-vous dans les airs entendu quelque bruit ?
Les vents nous auraient-ils exaucés cette nuit ?
Mais tout dort, et l'armée, et les vents, et Neptune.

AGAMEMNON
Heureux qui satisfait de son humble fortune,
Libre du joug superbe où je suis attaché,
Vit dans l'état obscur où les Dieux l'ont caché !

ARCAS
Et depuis quand, Seigneur, tenez-vous ce langage ?
Comblé de tant d'honneurs, par quel secret outrage
Les Dieux, à vos désirs toujours si complaisants,
Vous font-ils méconnaître et haïr leurs présents ?
Roi, père, époux heureux, fils du puissant Atrée,
Vous possédez des Grecs la plus riche contrée.
Du sang de Jupiter issu de tous côtés,
L'hymen vous lie encore aux Dieux dont vous sortez.
Le jeune Achille enfin, vanté par tant d'oracles,
Achille à qui le ciel promet tant de miracles,
Recherche votre fille, et d'un hymen si beau
Veut dans Troie embrasée allumer le flambeau.
Quelle gloire, Seigneur, quels triomphes égalent
Le spectacle pompeux que ces bords vous étalent,
Tous ces mille vaisseaux, qui chargés de vingt Rois,
N'attendent que les vents pour partir sous vos lois ?
Ce long calme, il est vrai, retarde vos conquêtes,
Ces vents depuis trois mois enchaînés sur nos têtes
D'Ilion trop longtemps vous ferment le chemin.
Mais parmi tant d'honneurs, vous êtes homme enfin :
Tandis que vous vivrez, le sort, qui toujours change,
Ne vous a point promis un bonheur sans mélange.
Bientôt... Mais quels malheurs dans ce billet tracés
Vous arrachent, Seigneur, les pleurs que vous versez ?
Votre Oreste au berceau va-t-il finir sa vie ?
Pleurez-vous Clytemnestre, ou bien Iphigénie ?
Qu'est-ce qu'on vous écrit ? Daignez m'en avertir.

AGAMEMNON
Non, tu ne mourras point, je n'y puis consentir.

ARCAS
Seigneur ...

AGAMEMNON
Tu vois mon trouble ; apprends ce qui le cause,
Et juge s'il est temps, ami, que je repose.
Tu te souviens du jour qu'en Aulide assemblés
Nos vaisseaux par les vents semblaient être appelés.
Nous partions. Et déjà par mille cris de joie,
Nous menacions de loin les rivages de Troie.
Un prodige étonnant fit taire ce transport.
Le vent qui nous flattait nous laissa dans le port.
Il fallut s'arrêter, et la rame inutile
Fatigua vainement une mer immobile.
Ce miracle inouï me fit tourner les yeux
Vers la divinité qu'on adore en ces lieux.
Suivi de Ménélas, de Nestor, et d'Ulysse,
J'offris sur ses autels un secret sacrifice.
Quelle fut sa réponse ! Et quel devins-je, Arcas,
Quand j'entendis ces mots prononcés par Calchas !
Vous armez contre Troie une puissance vaine,
Si, dans un sacrifice auguste et solennel,
Une fille du sang d'Hélène
De Diane en ces lieux n'ensanglante l'autel.
Pour obtenir les vents que le ciel vous dénie,
Sacrifiez Iphigénie.

ARCAS
Votre fille !

AGAMEMNON
Surpris, comme tu peux penser,
Je sentis dans mon corps tout mon sang se glacer.
Je demeurai sans voix, et n'en repris l'usage
Que par mille sanglots qui se firent passage.
Je condamnai les Dieux, et sans plus rien ouïr,
Fis voeu sur leurs autels de leur désobéir.
Que n'en croyais-je alors ma tendresse alarmée ?
Je voulais sur-le-champ congédier l'armée.
Ulysse, en apparence approuvant mes discours,
De ce premier torrent laissa passer le cours.
Mais bientôt, rappelant sa cruelle industrie,
Il me représenta l'honneur et la patrie,
Tout ce peuple, ces rois à mes ordres soumis,
Et l'empire d'Asie à la Grèce promis :
De quel front immolant tout l'État à ma fille,
Roi sans gloire, j'irais vieillir dans ma famille !
Moi-même (je l'avoue avec quelque pudeur),
Charmé de mon pouvoir et plein de ma grandeur,
Ces noms de Roi des Rois et de chef de la Grèce
Chatouillaient de mon cœur l'orgueilleuse faiblesse.
Pour comble de malheur, les Dieux toutes les nuits,
Dès qu'un léger sommeil suspendait mes ennuis,
Vengeant de leurs autels le sanglant privilège,
Me venaient reprocher ma pitié sacrilège,
Et présentant la foudre à mon esprit confus,
Le bras déjà levé, menaçaient mes refus.
Je me rendis, Arcas ; et, vaincu par Ulysse,
De ma fille, en pleurant j'ordonnai le supplice.
Mais des bras d'une mère il fallait l'arracher.
Quel funeste artifice il me fallut chercher !
D'Achille, qui l'aimait, j'empruntai le langage.
J'écrivis en Argos, pour hâter ce voyage,
Que ce guerrier, pressé de partir avec nous,
Voulait revoir ma fille, et partir son époux.

ARCAS
Et ne craignez-vous point l'impatient Achille ?
Avez-vous prétendu que, muet et tranquille,
Ce héros, qu'armera l'amour et la raison,
Vous laisse pour ce meurtre abuser de son nom ?
Verra-t-il à ses yeux son amante immolée ?

AGAMEMNON
Achille était absent. Et son père Pélée,
D'un voisin ennemi redoutant les efforts,
L'avait, tu t'en souviens, rappelé de ces bords ;
Et cette guerre, Arcas, selon toute apparence,
Aurait dû plus longtemps prolonger son absence.
Mais qui peut dans sa course arrêter ce torrent ?
Achille va combattre, et triomphe en courant.
Et ce vainqueur, suivant de près sa renommée,
Hier avec la nuit arriva dans l'armée.
Mais des nœuds plus puissants me retiennent le bras ;
Ma fille qui s'approche et court à son trépas,
Qui loin de soupçonner un arrêt si sévère,
Peut- être s'applaudit des bontés de son père ;
Ma fille... Ce nom seul, dont les droits sont si saints,
Sa jeunesse, mon sang, n'est pas ce que je plains.
Je plains mille vertus, une amour mutuelle,
Sa piété pour moi, ma tendresse pour elle,
Un respect qu'en son cœur rien ne peut balancer,
Et que j'avais promis de mieux récompenser.
Non, je ne croirai point, ô Ciel, que ta justice
Approuve la fureur de ce noir sacrifice.
Tes oracles sans doute ont voulu m'éprouver,
Et tu me punirais si j'osais l'achever.
Arcas, je t'ai choisi pour cette confidence :
Il faut montrer ici ton zèle et ta prudence.
La Reine, qui dans Sparte avait connu ta foi,
T'a placé dans le rang que tu tiens près de moi.
Prends cette lettre. Cours au-devant de la Reine ;
Et suis sans t'arrêter le chemin de Mycène.
Dès que tu la verras, défends-lui d'avancer ;
Et rends-lui ce billet que je viens de tracer.
Mais ne t'écarte point. Prends un fidèle guide.
Si ma fille une fois met le pied dans l'Aulide,
Elle est morte. Calchas, qui l'attend en ces lieux,
Fera taire nos pleurs, fera parler les Dieux ;
Et la religion, contre nous irritée,
Par les timides Grecs sera seule écoutée.
Ceux mêmes dont ma gloire aigrit l'ambition
Réveilleront leur brigue et leur prétention,
M'arracheront peut-être un pouvoir qui les blesse...
Va, dis-je, sauve-la de ma propre faiblesse.
Mais surtout ne va point, par un zèle indiscret,
Découvrir à ses yeux mon funeste secret.
Que s'il se peut, ma fille, à jamais abusée,
Ignore à quel péril je l'avais exposée.
D'une mère en fureur épargne-moi les cris,
Et que ta voix s'accorde avec ce que j'écris.
Pour renvoyer la fille et la mère offensée,
Je leur écris qu'Achille a changé de pensée,
Et qu'il veut désormais jusques à son retour
Différer cet hymen que pressait son amour.
Ajoute, tu le peux, que des froideurs d'Achille
On accuse en secret cette jeune Ériphile,
Que lui-même captive amena de Lesbos,
Et qu'auprès de ma fille on garde dans Argos.
C'est leur en dire assez. Le reste, il le faut taire.
Déjà le jour plus grand nous frappe et nous éclaire ;
Déjà même l'on entre, et j'entends quelque bruit.
C'est Achille. Va, pars. Dieux ! Ulysse le suit.



IFIGENIA
Acto I Escena I

AGAMENÓN
Sí, el mismo Agamenón, tu soberano
es quien te ha despertado y quien te habla.

ARCAS
¿Vos sois, Señor? ¿Qué súbito cuidado
os conduce hasta aquí tan de mañana?
La luz del día apenas nos alumbra,
Todo duerme en Aulide, en esta playa
sólo están en vigilia nuestros ojos.
¿Oís algún rumor? ¿Os sobresalta
la esperanza del viento? Pero el viento,
el ejército, el mar ... : todo está en calma.

AGAMENÓN
¡Feliz aquel que en la fortuna humilde
vive sin los cuidados de un monarca,
contento y escondido en su miseria!

ARCAS
¿Desde cuándo, Señor, o por qué causa
habláis de esta manera? ¿Por qué golpes
las Deidades que os fueron siempre gratas,
os hacen olvidar sus beneficios?
Nada, Señor, a vuestra dicha falta:
rey, esposo feliz e hijo de Atreo
poseéis en la Grecia la más vasta
y más fértil provincia. Descendiente
del mismo Jove, unís vuestra prosapia
a los Dioses también por Clitemnestra.
El valeroso Aquiles, de quien tantas
maravillas anuncia el mismo Cielo,
os pide a vuestra hija, y con las llamas
que producen las teas de Himeneo
va a poner fuego a Troya. ¿En estas playas
no miráis el más grande, el más pomposo
espectáculo? Ved esos monarcas,
ved esas tropas, ved esos bajeles
que, prontos e impacientes, sólo aguardan
para partir vuestra orden y los vientos.
Yo conozco, Señor, que una gran calma
retarda la conquista: hace tres meses
que esperamos el viento y que, cerrada
está la ruta que conduce a Troya;
pero nunca una dicha bien colmada
ofrece la Fortuna a los mortales:
todo cambia en un día y nuestra armada
bien presto ...
Pero, ¡oh Dios!, ¿qué triste aviso
os hace suspirar? ¿Pues qué? Esa carta ...
¿Acaso el tierno Orestes ha expirado?
¿Lloráis a Clitemnestra? ¿A vuestra amada
Ifigenia ...? Señor, ¿qué os han escrito?

AGAMENÓN
¡No! Tú no morirás. ¡Ah, desdichada!
Yo no consentiré ...

ARCAS
¡Señor!

AGAMENÓN
Amigo,
tú ves mi turbación: oye la causa
y juzgarás si con razón me aflijo.
Tú te acuerdas del día en que aprestaban
su partida en Aulide nuestras naves:
la conmoción y gritos que en la playa
produjo la alegría; desde lejos
las riberas de Troya amenazaban.
Un prodigio turbó nuestro alborozo:
nos paró el viento, y la tranquila calma
nos detuvo en el puerto: en vano el remo
fatigaba del mar las quietas aguas.
Éste, súbito, acaso nos condujo
al templo, a la Deidad que nos ampara.
Junto con Menelao, con Ulises
y con Néstor, ensangrenté sus aras.
¿Mas cual fue su respuesta? ¡Cruel momento!
Oye las voces que nos dijo Calcas:
“En tanto que de Diana no se aplaque
recibiendo la sangre de la raza
de Elena derramada en sus altares
la empresa contra Troya será vana.
Para obtener el viento de los cielos
debe Ifigenia ser sacrificada”.

ARCAS
¿Vuestra hija?

AGAMENÓN
Yo entonces, sorprendido,
sentí un hielo en mi sangre, en la garganta,
se detuvo la voz y los suspiros
estorbaron el paso a las palabras.
Baldonando a los Dioses de crueles,
no obedecerles prometí en sus aras
y quedé al fin tan ciego, tan furioso
que despedir las tropas intentaba.
Astuto, Ulises permitió al principio
libre curso al torrente de mis ansias,
pero dentro de poco su destreza
me hace presente el lustre de la patria:
un pueblo altivo, veinte ilustres reyes
sujetos a mi orden; la palabra
me recordó del cielo que a los griegos
el imperio ofreció de toda el Asia.
Suponía que mi desobediencia
a los ojos del mundo me mostraba
como un rey sin honor y un rey cobarde.
Yo mismo, envanecido con mi fama,
con el nombre de rey de veinte reyes
y caudillo de Grecia, me culpaba
la resistencia al gusto de los Dioses.
Y estos Dioses, vengando de sus aras
el ultraje, colmaron mis angustias,
pues apenas del sueño en las calladas
tinieblas de la noche, alguna tregua
imponía al dolor cuando miraba
que venían, crueles, a argüirme
mi sacrílego error y me mostraban
en su brazo tremendo preparados
los rayos que en su cólera vibraban.
Al fin, aunque a pesar de mi ternura,
el respeto a los Dioses y la instancia
de Ulises me arrancaron la sentencia:
yo condené a Ifigenia, ¡ah, desgraciada!
¿Más quién podrá arrancarla de los brazos
de una madre que, tierna, la idolatra
en esta turbación? Arcas querido,
yo acudí al artificio. La fiel llama
de Aquiles dio el pretexto: a Clitemnestra
escribí que en el punto abandonara
a Argos y viniese a estas orillas;
que Aquiles impaciente deseaba
unirse a nuestra hija y que este héroe
sólo vería de Troya las murallas
después de ser su esposo.

ARCAS
Pero Aquiles
al ver, Señor, que en esta odiosa trama
se abusa de su nombre, ¿en su defensa
no armará la razón? ¿Y la constancia
de este héroe mirará tranquilo y mudo
que va su amante a ser sacrificada?

AGAMENÓN
Él no estaba en Aulide. Tú no ignoras
que a la sazón Peleo recelaba
la invasión de un contrario harto temible;
hizo llamar a este hijo, cuya espada
voló en socorro suyo. En aquel tiempo
creímos que su ausencia fuera larga.
Pero ¿quién detendrá de este torrente
el impetuoso curso? Sus hazañas
le ganaron bien pronto una victoria
y, lleno al fin de gloria soberana,
este ilustre guerrero volvió a Aulide.
Ayer llegó al ejército. Pero, Arcas,
no es éste solo estorbo que detiene
el brazo de tu rey: la desdichada
triste Ifigenia que ahora mismo ignora
el funesto recibo que prepara
a su inocente amor un padre ingrato,
esta hija dulce, esta desventurada
hija, su tierna edad, su amor, su ilustre
conocida virtud, son la tirana
causa de la zozobra en que me miras.
No. Yo no creeré que tu venganza
exige este holocausto, ¡oh justo cielo!,
tu oráculo examina la constancia
de mi pecho infeliz, mas tus piedades
le vieran con horror si consumara
tan negro sacrificio.
Al fin, amigo,
yo la quiero librar, y a tu confianza
voy a encargar ahora que asegures
tan piadosa intención: toma esta carta,
ve a encontrar a la reina en el camino
de Micenas. La orden soberana
de Agamenón le intima. Haz que se vuelva
y entrégale ese pliego. Cuida, Arcas,
de llevar quien te guíe en el camino:
no equivoques la ruta.
Si sus plantas
pone en Aulide esta infelice hija
es forzoso que muera. El fiero Calcas
usurpará la voz de las Deidades
y en desprecio de nuestras tiernas ansias
inspirará a los griegos el recelo
de la ira divina; los que afanan
por adquirir el mando de las tropas
encubriendo su envidia con la capa
de celo insultarán a mi familia.
Con que, amigo, cuidado, corre, marcha:
libra a Ifigenia de su mismo padre.
Pero de esta secreta confianza
nada sepa la reina ni su hija:
vivan siempre ignorando la desgracia
a que un rey infeliz las había expuesto.
Ve en un todo conforme con mi carta.
Sólo porque se vuelvan ofendidas
les digo que de Aquiles la inconstancia
ha variado de idea y que pretende
no encender de Himeneo las sagradas
teas hasta que vuelva victorioso;
y añade tú que acaso esta mudanza
nace de que a la joven Erifile
que hizo en Lesbos cautiva alguna llama
conservará en secreto. Esto es bastante.
Parte al punto: ya es tiempo, la mañana
ya nos anuncia el lleno de las luces
y alguno llega:
¡el mismo Aquiles!
Marcha.



miércoles, 29 de abril de 2009

Joachim du Bellay, Quevedo y Andrés Holguín 1


El poeta colombiano Andrés Holguín publicó en 1954 su célebre Antología de la poesía francesa. ¿Qué duda cabe de que Andrés Holguín recibió el don de darnos algunas de las mejores versiones castellanas de muchos poemas franceses?
Su versión de uno de los más memorables sonetos de Joachim du Bellay bien merece figurar al lado de la que hiciera el gran Quevedo.



Nouveau venu...

Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n'aperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois,
Et ces vieux murs, c'est ce que Rome on nomme.

Vois quel orgueil, quelle ruine : et comme
Celle qui mit le monde sous ses lois,
Pour dompter tout, se dompta quelquefois,
Et devint proie au temps, qui tout consomme.

Rome de Rome est le seul monument,
Et Rome Rome a vaincu seulement.
Le Tibre seul, qui vers la mer s'enfuit,

Reste de Rome. O mondaine inconstance!
Ce qui est ferme, est par le temps détruit,
Et ce qui fuit, au temps fait résistance.


A Roma sepultada en sus ruinas

Buscas en Roma a Roma, ¡oh peregrino!,
y en Roma misma a Roma no la hallas:
cadáver son las que ostentó murallas
y tumba de sí propio el Aventino.

Yace, donde reinaba, el Palatino;
y limadas del tiempo las medallas
más se muestran destrozo a las batallas
de las edades que blasón latino.

Sólo el Tibre quedó, cuya corriente
si ciudad la regó, ya sepultura
la llora con funesto son doliente.

¡Oh Roma! En tu grandeza, en tu hermosura,
huyó lo que era firme y solamente
lo fugitivo permanece y dura.


A Roma en Roma buscas...

A Roma en Roma buscas, oh extranjero,
Mas ya nada de Roma en Roma existe,
Los viejos muros que entre escombros viste
Es lo que llama Roma el mundo entero.

Cuánto orgullo entre ruinas prisionero,
Tú, que al mundo tus leyes impusiste,
Para vencerlo todo, te venciste,
Y el tiempo te consume en su brasero.

Túmulo es Roma, a Roma misma alzado,
A Roma sólo Roma ha sojuzgado,
Y, oh vaivén mundanal, sólo subsiste

De Roma, el Tíber que a lo lejos huye,
El tiempo lo que es firme lo destruye,
Y sólo lo que huye le resiste.


martes, 28 de abril de 2009

Valery Larbaud: Los borborigmos


Si hay un escritor que haya actuado, en la primera mitad del siglo XX, como un admirable « passeur » entre la lengua castellana y la francesa, éste es, sin lugar a dudas, Valery Larbaud. Amigo de Ricardo Güiraldes, hizo traducir a Ramón Gómez de la Serna y fue el primer escritor francés en hablar del joven Borges.

La obra de Larbaud, poesía, ensayo, narrativa, está lejos aún de ocupar el lugar que le corresponde.

Vaya aquí, pues, este pequeño homenaje.

El inventor de la literatura mundial.

LES BORBORYGMES

Borborygmes ! borborygmes !...
Grognements sourds de l'estomac et des entrailles,
Plaintes de la chair sans cesse modifiée,
Voix, chuchotements irrépressibles des organes,
Voix, la seule voix humaine qui ne mente pas,
Et qui persiste même quelque temps après la mort physiologique...

Amie, bien souvent nous nous sommes interrompus dans nos caresses
Pour écouter cette chanson de nous-mêmes ;
Qu'elle en disait long, parfois,
Tandis que nous nous efforcions de ne pas rire !
Cela montait du fond de nous,
Ridicule et impérieux,
Plus haut que tous nos serments d'amour,
Plus inattendu, plus irrémissible, plus sérieux -
Oh l'inévitable chanson de l'oesophage !...
Gloussement étouffé, bruit de carafe qu'on vide,
Phrase très longuement, infiniment, modulée ;
Voilà pourtant la chose incompréhensible
Que je ne pourrai jamais plus nier ;
Voilà pourtant la dernière parole que je dirai
Quand, tiède encore, je serai un pauvre mort "qui se vide" !
Borborygmes ! borborygmes !...
Y en a-t-il aussi dans les organes de la pensée,
Qu'on n'entend pas, à travers l'épaisseur de la boîte crânienne ?
Du moins, voici des poèmes à leur image...


LOS BORBORIGMOS

¡Borborigmos!, ¡borborigmos! ...
Gruñidos sordos del estómago y las entrañas,
Lamentos de la carne que cambia sin cesar,
Voces, susurros incontenibles de los órganos,
Voces, la única voz humana que no miente,
Y que persiste, incluso, durante un tiempo después de la muerte fisiológica...

Amiga, muy a menudo nos detuvimos en medio de nuestras caricias
Para escuchar esa canción de nosotros mismos;
Cuánto decía, a veces,
Mientras nos esforzábamos para no reírnos.
Era algo que subía de lo más recóndito de nosotros,
Ridículo e imperioso,
Más alto que todos nuestros juramentos de amor,
Más inesperado, más irremediable, más serio —
¡Oh la inevitable canción del esófago! ...
Cloqueo ahogado, ruido de jarra al vaciarse,
Frase muy largamente, infinitamente modulada;
Es ésa, sin embargo, la cosa incomprensible
Que nunca ya podré negar;
Es ésa, sin embargo, la última palabra que diré
Cuando, tibio áun, sea un pobre muerto “que se vacía”.
¡Borborigmos!, ¡borborigmos! ...
¿También los hay en los órganos del pensamiento,
Y no los oímos a través del espesor de la caja craneana?
He aquí, al menos, poemas que se les parecen...

Traducción de Miguel Ángel Frontán

domingo, 26 de abril de 2009

Robert Arnauld d´Andilly y Teresa de Jesús 1


Robert Arnauld d´Andilly (1589-1674) fue el mayor de los veinte hijos de Antoine Arnauld, consejero de Estado de Enrique IV de Francia, y de Catherine Millot. Entre sus hermanas figuran las célebres Madres Angélique y Agnès del monasterio de Port-Royal des Champs. Su hermano, Antoine Arnauld d´Andilly, fue, junto con Pascal, la pluma más brillante, acerada y temida del jansenismo. La hija de Robert Arnauld d´Andilly también profesó en el famoso monasterio con el nombre de Angélique de Saint-Jean. De ella nos queda un estupendo Relato de cautiverio, que ha inspirado el Port-Royal de Montherlant.

Sin la “elocuente familia”, como se conoce a los Arnauld desde hace más de tres siglos, muchos aspectos del siglo XVII francés habrían sido radicalmente diferentes.

Robert Arnauld d´Andilly recibió la educación humanista de su tiempo, y al perfecto conocimiento de las lenguas clásicas aunó el dominio del castellano. No era poco común hablar español en el París del siglo XVII: Luis XIV lo hablaba desde su infancia y esa era, a menudo, la lengua que usaba delante de los cortesanos para conversar con su españolísima madre. ¿No escribió, acaso, Cervantes en su "Persiles y Sigismunda": en Francia, ni varón ni mujer dejan de aprender la lengua castellana?

Como su padre, Robert Arnauld d´Andilly fue consejero de Estado y llegó a ser experto en cuestiones financieras.

Los avatares de la política le depararon varios alejamientos de los asuntos de Estado. Fue durante esos períodos cuando se dedicó, con pasión y virtuosismo iguales, a la poesía, a la traducción y a la horticultura.

Dos veces rechazó entrar en la Academia Francesa. Caso, si no único, en extremo inusual.

Fue uno de los hombres más cabales de su tiempo, en un siglo que no fue avaro de ellos: cortesano y anacoreta, traductor admirable, hombre político, poeta refinado y experto jardinero —son célebres sus más de trescientas variedades de peras, por más que Tallemant de Réaux, esa lengua viperina, dijese que la mayoría de esos frutos eran incomibles...

Traductor de San Agustín, de Flavio Josefo, de los padres del desierto, Robert Arnauld d´Andilly llevó la obra completa de Teresa de Ahumada y Cepeda a la lengua admirable del Gran Siglo francés.

Hay que decir que desde Arnauld d´Andilly, pasando por Cyprien de la Nativité de la Vierge, hasta Marcelle Auclair, la obra genial de la carmelita de Ávila ha tenido la suerte de contar con los mejores traductores franceses de cada época.

Si la traducción de las Confesiones de San Agustín es un clásico que sigue estando disponible para el lector francés de hoy en día, no ocurre lo mismo con la de las obras de la Santa, solamente accesible para los especialistas en las ediciones del siglo XVII.

En la presente transcripción del texto francés se ha modernizado la ortografía y la puntuación pero se han respetado algunas particularidades como el uso de las mayúsculas.

Miguel Frontán Alfonso.




Libro de la Vida

Quisiera yo, que como me han mandado, y dado larga licencia, para que escriba el modo de Oración y las mercedes que el Señor me ha hecho, me la dieran, para que muy por menudo y con claridad dijera mis grandes pecados y ruin vida. Diérame gran consuelo; mas no han querido, antes atádome mucho en este caso.

Y por esto pido por amor del Señor, tenga delante de los ojos, quien este discurso de mi vida leyere, que ha sido tan ruin que no he hallado santo, de los que se tornaron a Dios, con quien me consolar. Porque considero, que después que el Señor los llamaba, no le tornaban a ofender. Yo no sólo tornaba a ser peor sino que parece traía estudio a resistir las mercedes que su Majestad me hacía, como quien se vía obligar a servir más, y entendía de sí no podía pagar lo menos de lo que devía.

Sea bendito por siempre, que tanto me esperó. A quien con todo mi corazón suplico, me dé gracia, para que con toda claridad y verdad yo haga esta relación que mis confesores me mandan; y aun el Señor sé yo lo quiere muchos días ha, sino que yo no me he atrevido; y que sea para gloria y alabanza suya, y para que de aquí adelante, conociéndome ellos mijor, ayuden a mi flaqueza, para que pueda servir algo de lo que devo a el Señor, a quien siempre alaben todas las cosas, amén.

Avant-propos de la Sainte.

Je souhaiterais que comme l´on m´a ordonné d´écrire très particulièrement la manière de mon oraison et les grâces que j´ai reçues de Dieu, on m´eût permis de faire connaître avec la même exactitude la grandeur de mes péchés et la vie imparfaite que j´ai menée. Ce me serait beaucoup de consolation. Mais au lieu de me l´accorder on m´a lié les mains sur ce sujet.

Ainsi il ne me reste qu´à conjurer au nom de Dieu ceux qui liront ce discours de ma vie de se souvenir toujours que j´ai été si méchante, que je ne remarque un seul de tous les Saints qui se sont convertis à Dieu dont l´exemple puisse me consoler. Car je vois que depuis qu´il lui a plu de les toucher ils n´ont point continué à l´offenser ; au lieu que non seulement je devenais toujours plus mauvaise, mais il semblait que je prisse plaisir à résister aux grâces que Notre Seigneur me faisait, quoique je comprisse assez qu´elles m´obligeaient à le mieux servir et que je ne les pouvais trop reconnaître.

Qu´il soit béni à jamais de m´avoir attendue avec tant de patience ; je ne saurais trop le remercier, et j´implore de tout mon cœur son secours pour pouvoir écrire avec autant de clarté que de vérité cette relation que mes confesseurs m´ont ordonné de faire, et que je n´avais jusques ici osé entreprendre, quoique Dieu m´eût il y a longtemps donné la pensée d´y travailler. Je souhaite qu´elle réussisse à sa gloire, et que me faisant encore mieux connaître à ceux qui m´y ont engagée ils me fortifient dans ma faiblesse, afin que je puisse faire un bon usage des grâces que j´ai reçues de Dieu à qui toutes les créatures doivent donner de continuelles louanges.

Capítulo primero

En que trata cómo comenzó el Señor a despertar esta alma en su niñez a cosas virtuosas, y la ayuda, que es para esto, serlo los padres.

El tener padres virtuosos y temeroso de Dios, me bastará, si yo no fuera tan ruin, con lo que el Señor me favorecía para ser buena. Era mi padre aficionado a leer buenos libros, y ansí los tenía de romance, para que leyesen sus hijos. Esto, con el cuidado que mi madre tenía de hacernos rezar y ponernos en ser devotos de Nuestra Señora y de algunos Santos, comenzó a despertarme de edad (a mi parecer) de seis, u siete años.

Ayudávame no ver en mis padres favor sino para la virtud. Tenían muchas. Era mi padre hombre de mucha caridad con los pobres, y piadad con los enfermos, y aún con los criados; tanta, que jamás se pudo acabar con él tuviese esclavos, porque los había gran piadad; y estando una vez en casa una de un su hermano, la regalaba como a sus hijos. Decía que, de que no era libre, no lo podía sufrir de piadad. Era de gran verdad. Jamás nadie le vio jurar, ni murmurar. Muy honesto en gran manera.

Mi madre también tenía muchas virtudes y pasó la vida con grandes enfermedades. Grandísima honestidad. Con ser de harta hermosura, jamás se entendió que diese ocasión a que ella hacía caso de ella; porque con morir de treinta y tres años, ya su traje era como de persona de mucha edad. Muy apacible y de harto entendimiento. Fueron grandes los trabajos que pasaron el tiempo que vivió. Murió muy cristianamente.

Eramos tres hermanas, y nueve hermanos. Todos parecieron a sus padres (por la bondad de Dios) en ser virtuosos, sino fui yo, anque era la más querida de mi padre. Y antes que comenzase a ofender a Dios, parece tenía alguna razón; porque, yo he lástima, cuando me acuerdo las buenas inclinaciones que el Señor me había dado y cuán mal me supe aprovechar dellas.

Pues mis hermanos ninguna cosa me desayudaban a servir a Dios. Tenía uno casi de mi edad (juntábamonos entramos a leer vidas de Santos), que era el que yo más quería, anque a todos tenía gran amor y ellos a mí. Como veía los martirios que por Dios las santas pasavan, parecíame compravan muy barato el ir a gozar de Dios, y deseava yo mucho morir ansí, no por amor que yo entendiese tenerle, sino por gozar tan en breve de los grandes bienes que leía haver en el cielo, y juntábame con este mi hermano a tratar qué medio havría para esto. Concertábamos irnos a tierra de moros, pidiendo por amor de Dios, para que allá nos descabezasen; y paréceme, que nos daba el Señor ánimo en tan tierna edad, si viéramos algún medio, sino que el tener padres, nos parecía el mayor embarazo. Espantávanos mucho el decir que pena y gloria era para siempre, en lo que leíamos. Acaecíanos estar muchos ratos tratando desto y gustávamos de decir muchas veces: ¡para siempre, siempre, siempre! En pronunciar esto mucho rato era el Señor servido me quedase en esta niñez imprimido e camino de la verdad.

De que vi, que era imposible ir a donde me matasen por Dios, ordenávamos ser ermitaños; y en una huerta que havía en casa procurávamos, como podíamos, hacer ermitas, puniendo unas pedrecillas, que luego se nos caían, y ansí no hallávamos remedio en nada para nuestro deseo; que ahora me pone devoción ver como me dava Dios tan presto lo que yo perdí por mi culpa. Hacía limosna como podía, y podía poco. Procuraba soledad para rezar mis devociones, que eran hartas, en especial el rosario, de que mi madre era muy devota, y ansí nos hacía serlo. Gustaba mucho, cuando jugava con otras niñas, hacer monesterios, como que éramos monjas; y yo me parece deseava serlo, anque no tanto como las cosas que he dicho.

Acuérdome que cuando murió mi madre quedé yo de edad de doce años, poco menos. Como yo comencé a entender lo que havía perdido, afligida fuime a una imagen de Nuestra Señora y supliquela fuese mi madre, con muchas lágrimas. Paréceme que, anque se hizo con simpleza, que me ha valido; porque conocidamente he hallado a esta Virgen soberana en cuanto me he encomendado a ella, y en fin, me ha tornado a sí. Fatígame ahora ver y pensar en qué estuvo el no haver estado yo entera en los buenos deseos que comencé.

¡Oh Señor mío! Pues parece tenéis determinado que me salve, plega a vuestra Majestad sea ansí; y de hacerme tantas mercedes como me havéis hecho, ¿no tuviérades por bien, no por mi ganancia, sino por vuestro acatamiento, que no se ensuciara tanto posada adonde tan contino havíades de morar? Fatígame, Señor, an decir esto, porque sé que fue mía toda la culpa, porque no me parece os quedó a Vos nada por hacer, para que desde esta edad no fuera toda vuestra. Cuando voy a quejarme de mis padres, tampoco puedo; porque no vía en ellos sino todo bien y cuidado de mi bien.

Pues pasando de esta edad, que comencé a entender las gracias de naturaleza que el Señor me había dado (que sigún decían eran muchas) cuando por ellas le havía de dar gracias, de todas me comencé a ayudar para ofenderle, como ahora diré.

Chapitre premier.

Vertus du père et de la mère de la Sainte. Soin qu´ils prenaient de l´éducation de leurs enfants. La Sainte n´étant âgée que de six ou sept ans entre avec un de ses frères dans le désir de souffrir le martyre.

Les faveurs que j´ai reçues de Dieu et la manière dont j´ai été élevée auraient dû suffire pour me rendre bonne si ma malice n´y eût point apporté d´obstacle. Mon père était fort affectionné à la lecture des bons livres, et en avait plusieurs en langue vulgaire afin que ses enfant les pussent entendre. Ma mère secondait ses bonnes intentions pour nous, et le soin qu´elle prenait de nous faire prier Dieu et de nous porter à concevoir de la dévotion pour la Sainte Vierge et pour quelques Saints, commença à m´y exciter à l´âge de six ou sept ans.

J´y étais, aussi, poussée parce que je ne voyais en mon père et en ma mère que des exemples de vertu. Mon père était très charitable envers les pauvres et les malades, et avait une si grande bonté pour les serviteurs qu´il ne put jamais se résoudre d´avoir des esclaves, tant ils lui faisaient de compassion. Ainsi ayant eu, durant quelques jours chez lui, une esclave qui appartenait à l´un de ses frères, il la traitait comme si elle eût été sa propre fille, et disait qu´il ne pouvait sans douleur voir qu´elle ne fût pas libre. Il était très véritable dans ses paroles : on ne l´entendit jamais jurer ni médire de personne, et li n´y avait rien dans toute sa conduite que fort honnête et fort louable.

Ma mère était aussi très vertueuse, et son peu de santé la fit tomber dans de grandes infirmités. Quoiqu´elle fut extrêmement belle, elle faisait si peu de cas de cet avantage qu´elle avait reçu de la nature, qu´encore qu´elle n´eût que trente-trois ans lors de qu´elle mourut, une personne fort âgée n´aurait pu vivre d´une autre manière qu´elle faisait. Son humeur était extrêmement douce ; elle avait beaucoup d´esprit ; sa vie fut traversée de par de grandes peines, et elle la finit très chrétiennement.


Nous étions douze enfants, neuf fils et trois filles ; et tous par la miséricorde de Dieu ont imité les vertus de mon père, excepté moi, quoique je fusse celle de tous ses enfants qu´il aimait le mieux. Je paraissais, avant que d´avoir offensé Dieu, avoir de l´esprit ; et je ne saurais me souvenir qu´avec douleur du mauvais usage que j´ai fait de bonnes inclinations que Notre Seigneur m´avait données.

J´étais en cela d´autant plus coupable que je ne voyais rien faire à mes frères qui m´empêchât d´en profiter. Quoique je les aimasse tous extrêmement, et que j´en fusse fort aimée, il y en avait un pour qui j´avais une affection encore plus particulière. Il était environ de mon âge et nous lisions ensemble les vies des Saints. Il me parut en voyant le martyre que quelques-uns d´eux ont souffert pour l´amour de Dieu qu´ils avaient acheté à bon marché le bonheur de jouir éternellement de sa présence ; et il me prit un grand désir de mourir de la même sorte, non par un violent mouvement d´amour que je me sentisse avoir pour lui, mais afin de ne point différer à jouir d´une aussi grande félicité que celle que je lisais que l´on possède dans le ciel. Mon frère entra dans le même sentiment, et nous délibérions ensemble du moyen que nous pourrions tenir pour venir à bout de notre dessein. Nous proposâmes de passer dans le pays occupé par les Maures, en demandant l´aumône, afin d´y mourir par leurs mains. Et quoi que nous ne fussions encore que des enfants, il me semble qu´il nous donnait assez de courage pour exécuter cette résolution si nous en pouvions trouver le moyen ; et ce que nous étions sous la puissance d´un père et d´une mère était la plus grande difficulté que nous y voyions. Cette éternité de gloire et de peines que ces livres nous faisaient connaître frapait notre esprit d´un étrange étonnement ; nous répétions sans cesse : Quoi ! pour toujours !, toujours !, toujours ! Et bien que je fusse dans une aussi grande jeunesse Dieu me faisait la grâce en prononçant ces paroles qu´elles imprimaient dans mon cœur le désir d´entrer et de marcher dans le chemin de la vérité.

Lorsque nous vîmes, mon frère et moi, qu´il nous serait impossible de réussir dans notre desseins de souffrir le martyre, nous résolûmes de vivre comme des ermites ; et nous travaillâmes ensuite à faire des ermitages dans le jardin, mais les pierres que nous mettions pour cela, les unes sur les autres, venant à tomber parce qu´elles n´avaient point de liaison, nous ne pûmes en venir à bout. Je ne saurais encore maintenant penser sans en être beaucoup touchée que Dieu me faisait dès lors des grâces dont j´ai si peu profité. Je donnais l´aumône autant que je le pouvais, et mon pouvoir était petit. Je me retirais en solitude pour faire mes prières qui étaient en grand nombre, avec le rosaire pour lequel ma mère avait une grande dévotion et nous l’avait inspirée. Lors que je me jouais avec les petites filles de mon âge mon grand plaisir était de faire des monastères et d’imiter les religieuses ; et il me semble que désirais de l’être, quoique non pas avec tant d’ardeur que les autres choses dont j’ai parlé.

J’avais environs douze ans quand ma mère mourut, et connaissant la perte que j’avais faite je me jetai toute fondante en larmes aux pieds d’une image de la Sainte Vierge et la suppliai de vouloir être ma mère. Quoique je fisse cette action avec une grande simplicité il m’a paru qu’elle me fut fort avantageuse. Car j’ai reconnu manifestement que je ne me suis jamais recommandée à cette bienheureuse Mère de Dieu qu’elle ne m’ait assistée. Elle m’a, enfin, appelée à son service, et je ne puis penser qu’avec douleur que je ne persévérai pas aussi fidèlement que je devais dans les bons désirs que j’avais alors.

Seigneur mon Dieu, puisque j’ai sujet de croire que me faisant tant de grâces vous aviez dessein de me sauver, n’aurait-il pas fallu qui par le respect qui vous est dû encore plus que pour mon intérêt, mon âme dans laquelle vous vouliez habiter n’eût point été profanée par tant de péchés ? Je ne saurais en parler sans en être vivement touchée parce que je n’en puis attribuer la cause qu’à moi seule, étant obligée de reconnaître qu’il n’y a rien que vous n’ayez fait pour me porter dès cet âge à être absolument toute à vous, et que mon père et ma mère ont pris tant de soin de m’élever dans la vertu et m’ont donné de si bons exemples, qu’au lieu de me pouvoir plaindre d’eux j’ai tous les sujets du monde de m’en louer.

Lorsque je fus un peu plus avancée en âge, je commençai à connaître les dons de la nature dont Dieu m’avait favorisée et que l’on disait être grands. Mais au lieu d’en rendre grâces à Dieu je m’en servis pour l’offenser, ainsi que je le dirai par la suite.





viernes, 24 de abril de 2009

Victor Hugo: Mañana, al alba...


Demain, dès l'aube...

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Mañana, al alba...

Mañana, al alba, cuando esté blanco el campo
Saldré. Ya ves, bien sé que tú me esperas.
Cruzaré por los bosques, cruzaré la montaña.
No puedo estar más tiempo alejado de ti.

Llevaré la mirada fija en el pensamiento
Sin ver nada exterior, sin oír ruido alguno.
Ignorado, doblado, solo, las manos juntas,
Triste, y para mí el día será como la noche.

No he de mirar el oro de la tarde que cae,
Ni las velas lejanas que bajan hacia Harfleur,
Y cuando llegue allí pondré sobre tu tumba
Ramas de verde acebo y de brezos en flor.


Traducción, para Literatura & Traducciones, de  Miguel Ángel Frontán.




miércoles, 22 de abril de 2009

Mallarmé y Alfonso Reyes 2



Ese gigante de la literatura en lengua castellana que fue Alfonso Reyes sintió, a lo largo de su extensa obra, una auténtica fascinación por Mallarmé, poeta al que tradujo con incansable devoción.


Éventail de Mme Mallarmé -Audio

Éventail de Madame Mallarmé

Avec comme pour langage
Rien qu'un battement aux cieux
Le futur vers se dégage
Du logis très précieux

Aile tout bas la courrière
Cet éventail si c'est lui
Le même par qui derrière
Toi quelque miroir a lui

Limpide (où va redescendre
Pourchassée en chaque grain
Un peu d'invisible cendre
Seule à me rendre chagrin)

Toujours tel il apparaisse
Entre tes mains sans paresse.


Abanico de Madame Mallarmé

Como sin otra expresión
Que un latir que al cielo anhela
El verso futuro vuela
De la exquisita mansión

Ala baja mensajera
Es el abanico si
El mismo es que tras de ti
A sí propio espejo fuera

Tan límpido (donde cede
Pues brizna a brizna la amaga
La poca ceniza vaga
Sola que afligirme puede)

Siempre así palpite y siga
En tus manos sin fatiga.


lunes, 20 de abril de 2009

Voltaire y el abate Marchena: Los dos consolados


De José Marchena Ruiz, ese gran polígrafo, nos queda algo más que "el recuerdo de la novela de su vida", como lo dijo con frase inolvidable Menéndez y Pelayo. El célebre abate dedicó años de su vida tumultuosa de "buscarruidos" y de republicano ferviente al arte de la traducción. Traducciones que, por mucho que le pese a Don Marcelino, son algo más que de pane lucrando. Nos quedan, pues, ese monumento de la poesía española que es su traducción de Lucrecio y una cantidad considerable de libros de Rousseau, de Montesquieu, de Voltaire. Es a éste último a quien pertenece el siguiente cuento, tan filosófico como delicioso.


LES DEUX CONSOLÉS

Le grand philosophe Citophile disait un jour à une femme désolée, et qui avait juste sujet de l'être : « Madame la reine d'Angleterre, fille du grand Henri IV, a été aussi malheureuse que vous : on la chassa de ses royaumes ; elle fut prête à périr sur l'Océan par les tempêtes ; elle vit mourir son royal époux sur l'échafaud.

— J'en suis fâchée pour elle, dit la dame; » et elle se mit à pleurer ses propres infortunes.

« Mais, dit Citophile, souvenez-vous de Marie Stuart : elle aimait fort honnêtement un brave musicien qui avait une très-belle basse-taille. Son mari tua son musicien à ses yeux ; et ensuite sa bonne amie et sa bonne parente, la reine Élisabeth, qui se disait pucelle, lui fit couper le cou sur un échafaud tendu de noir, après l'avoir tenue en prison dix-huit années.

— Cela est fort cruel, répondit la dame ; » et elle se replongea dans sa mélancolie.

« Vous avez peut-être entendu parler, dit le consolateur, de la belle Jeanne de Naples, qui fut prise et étranglée ?

— Je m'en souviens confusément, » dit l'affligée.

« Il faut que je vous conte, ajouta l'autre, l'aventure d'une souveraine qui fut détrônée de mon temps après souper, et qui est morte dans une île déserte.

— Je sais toute cette histoire, » répondit la dame.

« Eh bien donc, je vais vous apprendre ce qui est arrivé à une autre grande princesse à qui j'ai montré la philosophie. Elle avait un amant, comme en ont toutes les grandes et belles princesses. Son père entra dans sa chambre, et surprit l'amant, qui avait le visage tout en feu et l'œil étincelant comme un escarboucle ; la dame aussi avait le teint fort animé. Le visage du jeune homme déplut tellement au père qu'il lui appliqua le plus énorme soufflet qu'on eût jamais donné dans sa province. L'amant prit une paire de pincettes et cassa la tête au beau-père, qui guérit à peine, et qui porte encore la cicatrice de cette blessure. L'amante, éperdue, sauta par la fenêtre et se démit le pied ; de manière qu'aujourd'hui elle boite visiblement, quoique d'ailleurs elle ait la taille admirable. L'amant fut condamné à la mort pour avoir cassé la tête à un très grand prince. Vous pouvez juger de l'état où était la princesse quand on menait pendre l'amant. Je l'ai vue longtemps lorsqu'elle était en prison ; elle ne me parlait jamais que de ses malheurs.

— Pourquoi ne voulez-vous donc pas que je songe aux miens? lui dit la dame.

— C'est, dit le philosophe, parce qu'il n'y faut pas songer, et que, tant de grandes dames ayant été si infortunées, il vous sied mal de vous désespérer. Songez à Hécube, songez à Niobé.

— Ah! dit la dame, si j'avais vécu de leur temps, ou de celui de tant de belles princesses, et si pour les consoler vous leur aviez conté mes malheurs, pensez-vous qu'elles vous eussent écouté ? »

Le lendemain, le philosophe perdit son fils unique, et fut sur le point d'en mourir de douleur. La dame fit dresser une liste de tous les rois qui avaient perdu leurs enfants, et la porta au philosophe ; il la lut, la trouva fort exacte, et n'en pleura pas moins. Trois mois après il se revirent, et furent étonnés de se retrouver d'une humeur très gaie. Ils firent ériger une belle statue au Temps, avec cette inscription :

À CELUI QUI CONSOLE.



LOS DOS CONSOLADOS

Decía un día el gran filósofo Citofilo a un dama desconsolada, y que tenía sobrado motivo para estarlo: Señora, la reina de Inglaterra, hija del gran Enrique IV, no fue menos desgraciada que vos; la echaron de su reino, se vió a punto de perecer en el Océano en un naufragio, y presenció la muerte del rey su esposo en un patíbulo. Mucho lo siento, dijo la dama, y volvió a llorar sus desventuras propias.

Acordaos, dijo Citofilo, de María Estuardo, que estaba honradamente prendada de un guapo músico que tenía excelente voz de sochantre. Su marido mató al músico, y luego su buena amiga y parienta, la reina Isabel, que se decía doncella, le mandó cortar la cabeza en un cadalso colgado de luto, después de haberla tenido dieciocho años presa. ¡Cruel suceso! respondió la señora, y se entregó de nuevo a su aflicción.

Bien habréis oído mentar, siguió el consolador, la hermosa Juana de Nápoles, que fue presa y ahorcada. Una idea confusa tengo de eso, dijo la afligida.

Os contaré, añadió el otro, la aventura sucedida en mi tiempo de una soberana destronada después de cenar, y que ha muerto en una isla desierta. Toda esa historia la sé, respondió la dama.

Pués os diré lo sucedido a otra gran princesa, mi discípula de filosofía. Tenía su amante, como le tiene toda hermosa y gran princesa: entró un día su padre en su aposento y cogió al amante con el rostro encendido y los ojos que como dos carbunclos resplandecían, y la princesa también con la cara muy encarnada. Disgustó tanto al padre el rostro del mancebo, que le sacudió la más enorme bofetada que hasta el día se ha pegado en toda su provincia. Cogió el amante las tenazas y rompió la cabeza al padre de la dama, que estuvo mucho tiempo a la muerte, y aún tiene la señal de la herida; la princesa desalentada se tiró por la ventana y se estropeó una pierna, de modo que aún el día de hoy se le conoce que cojea, aunque tiene hermoso cuerpo. Su amante fue condenado a muerte por haber roto la cabeza a tan alto príncipe. Ya podéis pensar en qué estado estaría la princesa cuando sacaban a ahorcar a su amante; yo la iba a ver con frecuencia cuando estaba ella en la cárcel, y siempre me hablaba de sus desdichas.

¿Pués por qué no queréis que me duela yo de las mías? le dijo la dama. Porque no es acertado dolerse de sus desgracias, y porque habiendo habido tantas principales señoras tan desventuradas, no parece bien que os desesperéis. Contemplad a Hécuba, contemplad a Niobe. ¡Ah! dijo la señora, si hubiese vivido yo en aquel tiempo o en el de tantas hermosas princesas, y para su consuelo les hubiérais contado mis desdichas, ¿os habrían acaso escuchado?

Al día siguiente perdió el filósofo a su hijo único, y faltó poco para que muriese de sentimiento. Mandó la señora hacer una lista de todos los monarcas que habían perdido a sus hijos y se la llevó al filósofo, el cual la leyó, la encontró muy puntual y siguió llorando. Al cabo de tres meses se volvieron a ver, y se pasmaron de hallarse muy contentos. Levantaron entonces una hermosa estatua al Tiempo con este rótulo:

AL CONSOLADOR