viernes, 31 de julio de 2009

Francis Vielé-Griffin


Nocturne

Veillerons-nous ce soir ?
La lune est haute ;
Toutes les palmes de la nuit calme,
Voluptueuses, flottent,
Pour un épithalame...
Et l'air prie bas entre les feuilles noires ;
Une eau sanglote ;
On pourrait voir,
A travers le ciel résillé d'étoiles fines,
L'ombre de Dieu et Dieu qui se devine.

Serait-ce un sacrilège ?
La nuit est-elle à nous, spectres du jour,
Avec la honte au coeur des haines et des amours
Et tout ce poids d'humilié que rien n'allège ?
—Oh! dormons— clos les yeux : nos coeurs sont sourds,
Nos yeux aveugles et las ;

Et l'oeuvre de nos bras
Est telle qu'au jour suffit sa peine, à peine;
Et l'oeuvre de la veille
Ne nous vaut pas un lendemain où prendre haleine :
À chaque soir le vieux sommeil
Voici la longue nuit des songes
Dont le jour, trois fois bas, s'affuble et se prolonge
—Le rêve veille et peine
Près de nos corps inertes qui s'allongent
Mimant le beau jour las qui dort le front au coude—
Puis c'est l'aube, encore d'angoisse ! et telle
Qu'il semble que toute l'âme saigne, goutte à goutte,
Au néant, s'y dissoudre, l'immortelle !...

Dors— bonne nuit ! pourtant : ris, rêve et doute...
Ce baiser de ta bouche
Fut comme un peu de vin ;
Ta main fraîche à mon front est comme une pluie fine
—Ton doux bras que je touche
Est tiède comme la nuit de juin...

La lune au ras des peupliers se couche
...On mourrait bien...

FRANCIS VIELÉ-GRIFFIN


Nocturno

¿Permaneceremos esta noche en vela?
La luna está en lo alto:
Todas las palmas de la noche calma,
Voluptuosas, flotan,
Para un epitalamio...
Y en voz baja reza el aire entre las hojas negras;
Solloza el agua;
Podríamos ver,
A través del cielo tachonado de estrellas finas,
La sombra de Dios y Dios que se adivina.

¿Será acaso un sacrilegio?
A nosotros, espectros del día, ¿nos pertenece la luna
Con la vergüenza en el pecho de odios y de amores
Y ese peso entero de humillación que nada calma?
—Oh, durmamos —con los ojos cerrados: tenemos sordo el pecho,
Los ojos ciegos y cansados;

Y es tal la obra de nuestros brazos
Que a cada día le basta con su pena, apenas;
Y la obra de la víspera
No nos brinda siquiera un día futuro para tomar aliento:
En cada noche el viejo sueño
He aquí la noche larga de los sueños
Con la que el día, tres veces bajo, se disfraza y prolonga
—El sueño vela y pena
Cerca de nuestros cuerpos inertes que se estiran
Imitando al bello día cansado que duerme con la frente en el codo-
Luego de nuevo el alba, de angustia nuevamente, y tanta
Que pareciese que toda el alma sangra, gota a gota,
Para perderse, inmortal, en la nada!...

Duerme— buenas noches, sin embargo: sonríe, sueña y duda...
Fue el beso de tu boca
Como un poco de vino;
Tu mano, fresca sobre mi frente, es como lluvia fina
—Tu brazo, que yo toco, suave
Es tibio como la noche de junio...

La luna a la altura de los álamos se acuesta
...Morir sería tan fácil...

Traducción de Miguel Frontán Alfonso.

miércoles, 29 de julio de 2009

Baudelaire, López Narváez, y Arthur Symons


Le Balcon

Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
Ô toi, tous mes plaisirs! ô toi, tous mes devoirs!
Tu te rappelleras la beauté des caresses,
La douceur du foyer et le charme des soirs,
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses!

Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon,
Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.
Que ton sein m'était doux! que ton coeur m'était bon!
Nous avons dit souvent d'impérissables choses
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon.

Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!
Que l'espace est profond! que le coeur est puissant!
En me penchant vers toi, reine des adorées,
Je croyais respirer le parfum de ton sang.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!

La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison,
Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles,
Et je buvais ton souffle, ô douceur! ô poison!
Et tes pieds s'endormaient dans mes mains fraternelles.
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison.

Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses,
Et revis mon passé blotti dans tes genoux.
Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses
Ailleurs qu'en ton cher corps et qu'en ton coeur si doux?
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses!

Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,
Renaîtront-ils d'un gouffre interdit à nos sondes,
Comme montent au ciel les soleils rajeunis
Après s'être lavés au fond des mers profondes?
— Ô serments! ô parfums! ô baisers infinis!

CHARLES BAUDELAIRE

El balcón

¡Madre de los recuerdos! ¡Reina de los amantes!
Eres todo mi gozo, ¡todo mi yugo eres!
En tí revivirán los íntimos instantes
y el sabor del hogar en los atardeceres,
Madre de los recuerdos, ¡Reina de los Amantes!

Las noches que doraba la crepitante lumbre,
las noches del balcón entre un vaho de rosas,
cuán dulce tu regazo, de ardiente mansedumbre
y el frecuente decirnos inolvidables cosas
en noches que doraba la crepitante lumbre.

¡Oh cuán bellos los soles de las tibias veladas!
¡Qué profundo el espacio! ¡Qué cordial poderío¡
Inclinado hacia ti, Reina de las amadas,
respiraba el perfume de tu cuerpo bravío.
Oh cuán bellos los soles de las tibias veladas.

En redor espesaba la noche su negrura
y entre ella adivinaban mis ojos tus pupilas,
yo libaba tu aliento. ¡Oh veneno! ¡Oh dulzura!
Y tus pies dormitaban en mis manos tranquilas,
y en redor espesaba la noche su negrura.

¡Es de artistas fijar los minutos del gozo
remirando el ayer sumido en tus rodillas!
¿A qué vano buscar encanto langoroso,
de tu cuerpo y tu alma sino en las maravillas?
Es de artistas fijar los minutos del gozo.

Juramentos, aromas, besos innumerables:
renacerán del vórtice vedado a nuestras sondas
como soles que suben a cielos inefables
después de sumergidos en las amargas ondas?
¡Oh aromas, juramentos! ¡Oh besos incontables!

CARLOS LÓPEZ NARVÁEZ


The Balcony

Mother of memories, mother of mistresses,
O thou, in whom my pleasure bites and smites! —
Thou givest me the beauty of divine caresses,
The heart’s fire at the midnight of the nights,
Mother of memories, mother of mistresses!

The nights ignited by the fire’s fierce fashions,
The shadows of the unveiled Invisible,
How sweet thy breast, thy heart and all its passions!
We have often said strange things imperishable,
On the nights ignited by the fire’s fierce fashions.

Scents and heats of Hell’s Hallucinations!
Space, and the heart’s beating and our changing mood,
Thou canst give me, O queen of my Adorations,
The very perfume of thy most precious blood.
Scents and heats of Hell’s Hallucinations!

Night and the absolute horror of a Vision,
Mine eyes on thine in the dark one’s sense depresses,
When I drank thy blood, thy breath, poison, derision!
When thy feet slept, when slept thy dishevelled tresses!
Night and the absolute horror of a Vision.

I know the art of evoking invocation,
And I have dreamed deep hidden between thy knees
Of languorous beauties, of thy fascination,
Thy body’s beauty, the savage wind-swept Seas!
I know the art of evoking invocation!

These oaths, these perfumes, these kisses, mad, ferocious,
Shall these arise from a great gulf interdicted?
Some deep abyss, sombre, sunless, atrocious,
The depths of the illimitable seas by our Sins predicted?
— O oaths! O perfume! O kisses, mad, ferocious!

ARTHUR SYMONS

martes, 28 de julio de 2009

Manuel Machado en francés


Lejos de nosotros la peregrina idea de presentar aquí a Manuel Machado, uno de los mayores poetas de la lengua. Nuestro propósito es mucho más modesto: introducir con unas breves palabras estos poemas franceses que son algo así como un puente privilegiado entre Francia y las Españas. Son obra del autor mismo. Versiones francesas de dos de sus mejores poemas, entre ellos el inolvidable Caballero de la mano al pecho; testimonio del largo amor que el poeta no dejó de sentir nunca por la lengua de Verlaine.


"Las lanzas" de Velásquez

Es la guerra -humo y sangre- la que hizo
campo de pelear esta campaña,
la que abrió este sendero, la que baña
de rojo el holandés cielo plomizo.

Sobre este campo blanco en invernizo,
-ya no paisaje, fondo de la hazaña-
la gloria flota militar de España,
al viento de la suerte, tornadizo.

Arde en el fondo Breda... Su alegría
oculta el vencedor. Y el pecho fuerte
del vencido devora su amargura.

Humana flor de eterna lozanía,
por encima del odio y la Muerte
la sonrisa de Spínola fulgura.

"Les lances" de Velasquez

C'est elle, c'est la guerre —et fumante de sang—
Qui fait de cette plaine un grand champ de bataille,
C'est elle qui traça ces sillons, qui trempa
Dans la pourpre le ciel de plomb de la Hollande.

Et sur ce champ qui semble amolli par l'hiver
—Décor pour des héros plutôt que paysage—,
Le glorieux drapeau des soldats de l'Espagne
Flotte orgueuillesement au caprice du vent.

Là-bas, voici Breda qui brûle... Le vainqueur
Dissimule son allégresse. Et, taciturne,
Le vaincu courageux dévore son chagrin.

Comme une belle fleur qui ne peut se flétrir,
Au-dessus de la haine, au-dessus de la mort,
Le sourire de Spinola s'épanouit.


El caballero de la mano al pecho

Este desconocido es un cristiano
de serio porte y negra vestidura,
donde brilla no más la empuñadura,
de su admirable estoque toledano.

Severa faz de palidez de lirio
surge de la golilla escarolada,
por la luz interior, iluminada,
de un macilento y religioso cirio.

Aunque sólo de Dios temores sabe,
porque el vitando hervor no le apasione
del mundano placer perecedero,

en un gesto piadoso, y noble, y grave,
la mano abierta sobre el pecho pone,
como una disciplina, el caballero.

L'homme à la main sur le coeur

Cet inconnu que vous voyez est un chrétien,
Grave dans son maintien, et dont le noir costume
Ne s'orne d'autre éclat que celui d'un pommeau
Tolédan d'une épée au merveilleux travail.

Le visage sévère et pâle comme un lys
Surgit des plis gauffrés de la fraise espagnole.
Une lumière intérieure l'illumine,
Tel un cierge pieux aux flammes épuisées.

Quoiqu'il n'éprouve d'autre crainte que de Dieu,
Pour que le détestable feu du vain plaisir
Ne dévaste son coeur aux passions livré,

D'un geste noble et grave et plein de piété,
L'homme en noir a posé, à plat sur sa poitrine,
Grande ouverte sa main comme une discipline.

viernes, 24 de julio de 2009

Blaise Pascal y Basilio Boggiero 2


Veritable Religion prouvée par les contrarietez qui sont dans l'homme, & par le péché originel.

Les grandeurs & les miseres de l'homme sont tellement visibles, qu'il faut necessairement que la veritable Religion nous enseigne, qu'il y a en luy quelque grand principe de grandeur, & en mesme temps quelque grand principe de misere. Car il faut que la veritable Religion connoisse à font nostre nature, c'est-à-dire qu'elle connoisse tout ce qu'elle a de grand, & tout ce qu'elle a de miserable, & la raison de l'un & de l'autre.

Il faut encore qu'elle nous rende raison des étonnantes contrarietez qui s'y rencontrent. S'il y a un seul principe de tout, une seule fin de tout, il faut que la vraye Religion nous enseigne à n'adorer que luy, & a n'aimer que luy. Mais comme nous nous trouvons dans l'impuissance d'adorer ce que nous ne connoissons pas, & d'aimer autre chose que nous, il faut que la Religion qui instruit de ces devoirs nous instruise aussi de cette impuissance, & qu'elle nous en apprenne les remedes.

Il faut pour rendre l'homme heureux qu'elle luy monstre qu'il y a un Dieu, qu'on est obligé de l'aimer, que nostre veritable félicité est d'estre à luy, & nostre unique mal d'estre séparé de luy. Il faut qu'elle nous apprenne que nous sommes pleins de tenebres qui nous empéchent de le connoistre & de l'aimer, & qu'ainsi nos devoirs nous obligeant d'aimer Dieu, & nostre concupiscence nous en détournant, nous sommes pleins d'injustice. Il faut qu'elle nous rende raison de l'opposition que nous avons à Dieu & à nostre propre bien. Il faut qu'elle nous en enseigne les remedes, & les moyens d'obtenir ces remedes. Qu'on examine sur cela toutes les Religions du monde, & qu'on voye s'il y en a une autre que la Chrestïenne qui y satisfasse.

Sera-ce celle qu'enseignoient les Philosophes qui nous proposent pour tout bien un bien qui est en nous ? Est-ce là le vray bien ? Ont-ils trouvé le remede à nos maux ? Est-ce avoir guery la presomption de l'homme que de l'avoir égalé à Dieu ? Et ceux qui nous ont égalé aux bestes, & qui nous ont donné les plaisirs de la terre pour tout bien ont-ils apporté remede à nos concupiscences ? Levez vos yeux vers Dieu, disent les uns ; voyez celuy auquel vous ressemblez, & qui vous a fait pour l'adorer. Vous pouvez vous rendre semblable à luy ; la sagesse vous y égalera, si vous voulez la suivre. Et les autres disent : Baissez vos veux vers la terre, chetif ver que vous estes, & regardez les bestes dont vous estes le compagnon. Que deviendra donc l'homme ? Sera-t'il égal à Dieu ou aux bestes ? Quelle effroyable distance ! Que ferons nous donc ? Quelle Religion nous enseignera à guerir l'orgueüil, & la concupiscence ? Quelle Religion nous enseignera nostre bien, nos devoirs, les foiblesses qui nous en détournent, les remedes qui les peuvent guerir, & le moyen d'obtenir ces remedes ? Voyons ce que nous dit sur tout cela la Sagesse de Dieu, qui nous parle dans la Religion Chrestienne.

C'est en vain, ô homme, que vous cherchez dans vous-mesme le remede à vos miseres. Toutes vos lumieres ne peuvent arriver qu'à connoître que ce n'est point en vous que vous trouverez ny la verité ny le bien. Les Philosophes vous l'ont promis ; ils n'ont pû le faire. Ils ne sçavent ny quel est vostre veritable bien, ny quel est vostre veritable estat. Comment auroient-ils donné des remedes à vos maux, puis qu'ils ne les ont pas seulement connus ? Vos maladies principales sont l'orgueüil qui vous soustrait à Dieu, & la concupiscence qui vous attache à la terre ; & ils n'ont fait autre chose qu'entretenir au moins une de ces maladies. S'ils vous ont donné Dieu pour objet, ce n'a esté que pour exercer vostre orgueüil. Ils vous ont fait penser que vous luy estes semblable par vostre nature. Et ceux qui ont vû la vanité de cette prétention vous ont jetté dans l'autre précipice en vous faisant entendre que votre nature estoit pareille à celle des bestes, & vous ont porté à chercher vostre bien dans les concupiscences qui font le partage des animaux. Ce n'est pas là le moyen de vous instruire de vos injustices. N'attendez donc ny verité ny consolation des hommes. Je suis celle qui vous ay formé, & qui puis seule vous apprendre qui vous estes. Mais vous n'estes plus maintenant en l'estat où je vous ay formé. J'ay créé l'homme saint, innocent, parfait. Je l'ay remply de lumiere & d'intelligence. Je luy ay communiqué ma gloire & mes merveilles. L'oeil de l'homme voyoit alors la Majesté de Dieu. Il n'estoit pas dans les tenebres qui l'aveuglent, ny dans la mortalité, & dans les miseres qui l'affligent. Mais il n'a pû soutenir tant de gloire sans tomber dans la présomption. Il a voulu se rendre centre de luy-mesme, & indépendant de mon secours. Il s'est soustrait à ma domination : & s'égalant à moy par le desir de trouver sa félicité en luy-mesme, je l'ay abandonné à luy ; & révoltant toutes les creatures qui luy estoient soumises, je les luy ay rendu ennemies ; en sorte qu'aujourd'huy l'homme est devenu semblable aux bestes, & dans un tel éloignement de moy qu'à peine luy reste-t'il quelque lumiere confuse de son autheur, tant toutes ses connoissances ont esté éteintes ou troublées. Les sens indépendans de la raison & souvent maistres de la raison l'ont emporté à la recherche des plaisirs. Toutes les creatures ou l'affligent ou le tentent, & dominent sur luy ou en le soumettant par leur force, ou en le charmant par leurs douceurs, ce qui est encore une domination plus terrible & plus impérieuse.

Voylà l'estat où les hommes sont aujourd'huy. Il leur reste quelque instinct impuissant du bon-heur de leur premiere nature ; & ils sont plongez dans les miseres de leur aveuglement & de leur consupiscence qui est devenuë leur seconde nature.

De ces principes que je vous ouvre vous pouvez reconnoistre la cause de tant de contrarietez qui ont étonné tous les hommes, & qui les ont partagez.

Observez maintenant tous les mouvemens de grandeur & de gloire que ce sentiment de tant de miseres ne peut étoufer, & voyez s'il ne faut pas que la cause en soit une autre nature.

Connoissez donc, superbe, quel paradoxe vous estes à vous mesme. Humiliez vous, raison impuissante ; taisez vous, nature imbecille ; apprenez que l'homme passe infiniment l'homme ; & entendez de votre Maître votre condition veritable que vous ignorez.

Car enfin si l'homme n'avoit jamais esté corrompû il joüiroit de la verité & de la félicité avec assurance. Et si l'homme n'avoit jamais esté que corrompu il n'auroit aucune idée ny de la verité ny de la beatitude. Mais malheureux que nous sommes, & plus que s'il n'y avoit aucune grandeur dans nostre condition, nous avons une idée du bonheur, & ne pouvons y arriver ; nous sentons une image de la verité, & ne possedons que le mensonge ; incapables d'ignorer absolument, & de sçavoir certainement ; tant il est manifeste que nous avons esté dans un degré de perfection dont nous sommes malheureusement tombez.

Qu'est-ce donc que nous crie cette avidité & cette impuissance, sinon qu'il y a eu autrefois en l'homme un veritable bonheur dont il ne luy reste maintenant que la marque & la trace toute vuide, qu'il effaye inutilement de remplir de tout ce qui l'environne, en cherchant dans les choses absentes le secours qu'il n'obtient pas des presentes, & que les unes & les autres sont incapables de luy donner, parceque ce gouffre infiny ne peut estre remply que par un objet infiny & immuable ?

Chose étonnante cependant, que le mystere le plus éloigné de nôtre connoissance qui est celuy de la transmission du peché originel soit une chose sans laquelle nous ne pouvons avoir aucune connoissance de nous mesmes. Car il est sans doute qu'il n'y a rien qui choque plus nôtre raison que de dire que le péché du premier homme ait rendu coupables ceux qui estant si éloignez de cette source semblent incapables d'y participer. Cet écoulement ne nous paroist pas seulement impossible, il nous semble mesme tres-injuste. Car qu'y a-t'il de plus contraire aux regles de nostre miserable justice que de damner éternellement un enfant incapable de volonté pour un peché où il paroist avoir eu si peu de part qu'il est commis six mille ans avant qu'il fust en estre ? Certainement rien ne nous heurte plus rudement que cette doctrine. Et cependant sans ce mystere le plus incomprehensible de tous, nous sommes incomprehensibles à nous mesmes. Le noeud de nostre condition prend ses retours & ses plis dans cet abysme. De sorte que l'homme est plus inconcevable sans ce mystere, que ce mystere n'est inconcevable à l'homme.

Le péché originel est une folie devant les hommes ; mais on le donne pour tel. On ne doit donc pas reprocher le defaut de raison en cette doctrine, puis qu'on ne prétend pas que la raison y puisse atteindre. Mais cette folie est plus sage que toute la sagesse des hommes, Quod stultum est Dei sapientius est hominibus. Car sans cela que dira-t'on qu'est l'homme ? Tout son estat dépend de ce point imperceptible. Et comment s'en fust il apperceu par sa raison, puisque c'est une chose au dessus de sa raison ; & que sa raison bien loin de l'inventer par ses voyes, s'en éloigne quand on le luy presente ?

Ces deux estats d'innocence, & de corruption estant ouverts il est impossible que nous ne les reconnoissions pas.

Suivons nos mouvemens, observons nous nous mesmes, & voyons si nous n'y trouverons pas les caracteres vivans de ces deux natures.

Tant de contradictions se trouveroient elles dans un sujet simple ?

Cette duplicité de l'homme est si visible qu'il y en a qui ont pensé que nous avions deux ames, un sujet simple leur paroissant incapable de telles & si soudaines varietez, d'une présomption demesurée à un horrible abbatement de coeur.

Ainsi toutes ces contrarietez qui sembloient devoir le plus éloigner les hommes de la connoissance d'une Religion, sont ce qui les doit plûtost conduire à la veritable. Pour moy j'avoüe qu'aussitost que la Religion Chrestienne découvre ce principe que la nature des hommes est corrompüe & deschüe de Dieu, cela ouvre les yeux à voir par tout le caractere de cette verité. Car la nature est telle qu'elle marque par tout un Dieu perdu, & dans l'homme, & hors de l'homme. Sans ces divines connoissances qu'ont pû faire les hommes, sinon ou s'élever dans le sentiment interieur qui leur reste de leur grandeur passée, ou s'abbatre dans la veüe de foiblesse presente ? Car ne voyant pas la verité entiere ils n'ont pû arriver à une parfaite vertu ; les uns considérans la nature comme incorrompuë, les autres comme irreparable. Ils n'ont pu fuïr ou l'orgueil, ou la paresse qui sont les deux sources de tous les vices ; puisqu'ils ne pouvoient sinon ou s'y abandonner par lascheté, ou en sortir par l'orgueüil. Car s'ils connoissoient l'excellence de l'homme, ils en ignoroient la corruption ; de sorte qu'ils évitoient bien la paresse, mais ils se perdoient dans l'orgueüil. Et s'ils reconnoissoient l'infirmité de la nature, ils en ignoroient la dignité ; de sorte qu'ils pouvoient bien éviter la vanité, mais c'estoit en se precipitant dans le desespoir. De là viennent les diverses sectes des Stoïciens & des Epicuriens, des Dogmatistes & des Academiciens, &c. La seule Religion Chrétienne a pû guerir ces deux vices ; non pas en chassant l'un par l'autre par la sagesse de la terre ; mais en chassant l'un et l'autre par la simplicité de l'Evangile. Car elle apprend aux justes qu'elle éleve jusqu'aà la participation de la Divinité mesme, qu'en ce sublime estat ils portent encore la source de toute la corruption qui les rend durant toute leur vie sujets à l'erreur, à la misère, à la mort, au péché ; & elle crie aux plus impies qu'ils sont capables de la grace de leur Rédempteur. Ainsi donnant à trembler à ceux qu'elle justifie, & consolant ceux qu'elle condamne, elle tempere avec tant de justesse la crainte avec l'esperance par cette double capacité qui est commune à tous & de la grace & du peché, qu'elle abbaisse infiniment plus que la seule raison ne peut faire, mais sans desesperer ; & qu'elle éleve infiniment plus que l'orgueüil de la nature, mais sans enfler ; faisant bien voir par là qu'estant seule exempte d'erreur & de vice, il n'appartient qu'à elle & d'instruire & de corriger les hommes.

Le Christianisme est étrange. Il ordonne à l'homme de reconnoïtre qu'il est vil & mesme abominable ; & il luy ordonne en mesme temps de vouloir estre semblable à Dieu. Sans un tel contrepoids cette élevation le rendroit horriblement vain, ou cet abbaissement le rendroit horriblement abject.

L'Incarnation monstre à l'homme la grandeur de sa misere par la grandeur du remede qu'il a fallu.

On ne trouve pas dans la Religion Chrestienne un abbaissement qui nous rende incapable du bien, ny une sainteté exempte du mal.

Il n'y a point de doctrine plus propre à l'homme que celle-là, qui l'instruit de sa double capacité de recevoir & de perdre la grace, à cause du double peril où il est toûjours exposé de desespoir ou d'orgueüil.

Les Philosophes ne prescrivoient point des sentimens proportionnez aux deux estats. Ils inspiroient des mouvemens de grandeur pure, & ce n'est pas l'estat de l'homme. Ils inspiroient des mouvemens de bassesse pur, & c'est aussi peu l'estat de l'homme. Il faut des mouvemens de bassesse, non d'une bassesse de nature, mais de pénitence ; non pour y demeurer, mais pour aller à la grandeur. Il faut des mouvemens de grandeur, mais d'une grandeur qui vienne de la grace & non du merite, & après avoir passé par la bassesse.

Nul n'est heureux comme un vray Chrestien, ny raisonnable, ny vertueux, ny aimable. Avec combien peu d'orgueüil un Chrestien se croit-il uny à Dieu ? Avec combien peu d'abjection s'égale-t'il aux vers de la terre ?

Qui peur donc refuser à ces celestes lumieres de les croire, & de les adorer ? Car n'est-t'il pas plus clair que le jour que nous sentons en nous mesmes des caracteres ineffaçables d'excellence ? Et n'est-t'il pas aussi veritable que nous éprouvons à toute heure les effets de nostre déplorable condition ? Que nous crie donc ce cahos & cette confusion monstrueuse, sinon la verité de ces deux estats, avec une voix si puissante, qu'il est impossible d'y resister ?

(Texte de l´édition de 1670)


Verdad de la religión probada por las contrariedades que se hallan en el hombre, y por el pecado original.

Son tan patentes las grandezas y las miserias del hombre, que de necesidad debe enseñarnos la verdadera religión que hay en él algún principio de grandeza y, juntamente, algún gran principio de miseria. Porque forzoso es que la verdadera religión conozca a fondo nuestra naturaleza, quiero decir que conozca cuanto de grande y cuanto de miserable tiene, y la razón de uno y otro. Forzoso es asimismo que la religión nos dé razón de las espantosas cotradicciones que se hallan en la naturaleza. Si hay un solo principio de todo, un solo fin de todo, es fuerza que la verdadera religión nos enseñe a no adorar más que a él, ni a amar más que a él. Pero como nos hallamos en la impotencia de adorar al que no conocemos, ni de amar a otro que a nosotros mismos, es menester que la religión que nos enseña estas obligaciones, nos enseñe también esta impotencia y que nos advierta los remedios.

Para hacer al hombre feliz es menester que la religión le enseñe que hay un Dios a quien estamos obligados a amar, que nuestra verdadera felicidad consiste en ser de Dios y nuestro único mal en separarnos de Dios; es menester que nos enseñe que estamos llenos de tinieblas, las cuales nos embarazan conocerle y amarle y que, por tanto (estando por una parte obligados a amar a Dios y desviándonos, por otra parte, de este amor nuestra concupiscencia, nos hallamos llenos de injusticia. Menester es que la religión nos dé razón de la oposición que tenemos a Dios y a nuestro propio bien. Menester es que nos enseñe los remedios y la manera de lograrlos. Examínense acerca de esto todas las religiones del mundo, y véase si hay otra que la cristiana que dé salida a estas dificultades.

Si será la que enseñaban los filósofos que nos proponen por único bien un bien que se halla en nosotros, ¿es éste, pregunto, el verdadero bien? ¿Hallaron por ventura el remedio de nuestros males? ¿Es por ventura curar la presunción del hombre igualarle con Dios? Pues los que nos igualaron con las bestias y nos dieron los gustos de la tierra por único bien, ¿no os parece si dieron remedio a nuestras concupiscencias? Alzad los ojos a Dios, dicen los unos, mirad a aquel de quien sois retrato y que os crió para adorarle. En vuestra mano está asemejaros a él, la sabiduría os igualará con él si queréis seguirla. Y los otros dicen: bajad los ojos a la tierra, negro gusano, y mirad a las bestias vuestras hermanas. ¿En qué parará, pues, el hombre? ¿Si será igual a Dios o igual a las bestias? ¡Cuán asombrosa distancia! ¿Qué vendremos, pues, a ser según eso? ¿Qué religión nos enseñará a curar la soberbia y la concupiscencia? ¿Qué religión nos enseñará nuestro bien, nuestras obligaciones, las miserias que de ellas nos desvían, los remedios que nos pueden curar y la manera de alcanzar estos remedios? Veamos lo que acerca de esto nos dice la sabiduría de Dios que nos habla en la religión cristiana.

¡Ah, hombre, y cuán en vano buscas dentro de ti el remedio de tus miserias! Todas tus luces no alcanzan más que a conocer que no hallarás en ti ni la verdad ni la felicidad. Bien te lo han prometido los filósofos, pero no para ellos cumplirlo. Ni ellos saben cuál es tu verdadero bien ni cuál es tu verdadero estado. ¿Cómo habían de dar ellos remedio a tus males si no llegaron ni aun a conocerlos? Tus principales accidentes son la soberbia que te retrae de Dios y la concupiscencia que te pega a la tierra; y ellos no han hecho otra cosa que dar cebo, por lo menos, a una de estas dos enfermedades. Si te han puesto a los ojos a Dios sólo ha sido para dar pábulo a tu soberbia. Te han hecho creer que le eras semejante por tu naturaleza; pues los que han conocido la vanidad de esta pretensión te han arrojado al precipicio opuesto, haciéndote creer que tu naturaleza es igual a la de las bestias; y te han inducido a que buscases tu bien en los gustos, que son la hacienda de los brutos animales. No es éste, no, el modo de informarte de tus injusticias. No esperes, pues, ni verdad ni consuelo de los hombres. Yo soy quien te crié y soy la única que puedo enseñarte quién eres. Pero al presente no estás en el estado en que yo te formé. Yo crié al hombre santo, inocente, perfecto. Yo le llené de luz y de inteligencia. Yo le comuniqué mi gloria y mis maravillas. Entonces la majestad de Dios se dejaba ver de los ojos humanos. Ni entonces le cegaban las tinieblas que al presente le ciegan, ni se hallaba sujeto a la muerte y a las miserias que le aflijen. Pero no pudo resistir a tanta gloria sin caer en la presunción. Quiso hacerse centro de sí mismo e independiente de mis auxilios. Se rebeló a mi dominio e igualándose a mí, con el deseo de hallar su felicidad dentro de sí mismo, lo abandoné a su albedrío; y levantando contra él todas las criaturas que eran sus vasallos las hice enemigas suyas, en tanto grado que, al presente, el hombre ha venido a ser semejante a las bestias y a separarse tanto de mí que apenas le queda alguna luz confusa de su autor, tanto como esto se han apagado o turbado sus conocimientos. Los sentidos independientes de la razón, y a veces tiranos de la razón, le han arrastrado a buscar los deleites. Todas las criaturas o le afligen o le sirven de tentación, y dominan sobre él, ya sojuzgándole con su fuerza, ya encantándole con sus halagos, que es otra tiranía mucho más terrible y mucho más imperiosa.

He aquí el estado en que se hallan los hombres en el día. Quédales una flaca inclinación a la felicidad de su primitiva naturaleza, y están sumidos en las miserias de su ceguedad y concupiscencia, la cual se ha hecho una segunda naturaleza.

De estos principios que te descubro podrás sacar la causa de tantas contradicciones que han espantado a todos los hombres y los han dividido en sectas diferentes.

Observa ahora todos los movimientos de grandeza y de gloria que el sentimiento de tantas miserias no ha podido ahogar, y mira si es posible que procedan de otra causa que de una segunda naturaleza.

Conoce, pues, oh soberbio, cuán grande enigma eres para tí mismo. Humíllate tú, razón desvalida; calla tú, naturaleza flaca; sabe que el hombre aventaja infinitamente al hombre; y aprende de la boca de tu Señor el verdadero estado que ignoras.

Porque, en fin, si el hombre nunca se hubiera estragado, gozaría de la verdad y de la felicidad con sosiego. Y si nunca hubiera dejado de estar estragado el hombre, ninguna idea tendría ni de la verdad ni de la felicidad. Pero, malaventurados nosotros, y más malaventurados todavía que si nada de grandeza tuviéramos, tenemos la idea de la felicidad pero no podemos alcanzarla; sentimos una imagen de verdad y no poseemos sino la mentira: incapaces de ignorarlo todo y también incapaces de saber con toda certidumbre; tanto como esto es constante que hemos estado en un grado de perfección del que, desgraciadamente, caímos.

¿Qué viene a ser, pues, las voces que nos da esta sed y esta debilidad, sino que en el hombre hubo algún día verdadera dicha de la que no le queda, al presente, sino la señal y el rastro enteramente vacío, que procura él sin provecho llenar con todo lo que tiene a la mano, buscando en las cosas ausentes el alivio que no logra en las presentes, y que ni unas ni otras son capaces de darle, porque este inmenso tragadero no se puede llenar sino con un objeto infinito e inmutable?

¡Cosa espantosa es, sin embargo, que el misterio más desviado de nuestro conocimiento, que es el de la transmisión del pecado original, sea una cosa sin la que no podemos tener conocimiento ninguno de nosotros mismos! Porque, sin duda, no hay cosa que más eco haga a nuestra razón que el decir que el pecado del primer hombre ha hecho culpables a los que estando tan distantes de aquella raíz parece son incapaces de participar de ella. Esta trascendencia no sólo se nos figura imposible sino que nos parece del todo injusta. Porque, ¿qué cosa más contraria hay a las reglas de nuestra menguada justicia que el condenar para siempre a un niño incapaz de voluntad por un pecado en que parece tuvo tan poca parte, como que se cometió seis mil años antes de tener ser? Sin duda que nada nos hiere tanto como esta doctrina. Y sin embargo sin este misterio, el más incomprensible de todos, nosotros somos incomprensibles a nosotros mismos. Todas las vueltas y pliegues de nuestra naturaleza paran en el nudo de este abismo. De manera que el hombre es más incomprensible sin este misterio que no este misterio es incomprensible al hombre.

El pecado original parece una locura a los ojos de los hombres, pero por tal se enseña. No debe, pues, improperarse la falta de razón en esta doctrina puesto que no se pretende que la razón la pueda abarcar. Pero esta locura es más sabia que toda la sabiduría de los hombres: Quod stultum est Dei, sapientius est hominibus. Porque, sin esto, ¿díganme qué cosa es el hombre? Todo su estado depende de este punto imperceptible. Y, ¿cómo hubiera el hombre conocido el pecado original por medio de su razón, siendo superior a la razón y siendo verdad, como lo es, que la razón lejos de inventarlo con sus discursos se extraña de él cuando se le presenta?

Una vez descubiertos estos dos estados de inocencia y de corrupción, es imposible dejar de reconocerlos.

Sigamos nuestros movimientos, observémonos a nosotros mismos, y veamos si hallamos, o no, los caracteres de estas dos naturalezas.

¿Es posible que se hallasen tantas contradicciones en un ser sencillo?

Es tan notoria esta doblez del hombre que no faltó quien creyera que teníamos dos almas, por parecerle que un ser sencillo era incapaz de tales y tan continuas variedades, como es pasar de una presunción desenfrenada a un espantoso abatimiento de corazón.

De este modo todas aquellas contradicciones, que al parecer debían retraer más a los hombres del conocimiento de una religión, son lo que los debe llevar a la verdadera. De mí digo que así que la religión cristiana descubre este principio, a saber es, que la naturaleza humana está corrompida y desposeída de Dios, esto me abre los ojos para que por todas partes vean las señales de esta verdad. Porque la naturaleza es tal que en todas partes demuestra un Dios perdido, tanto en el hombre como fuera del hombre. Sin estos divinos conocimientos, ¿qué otra cosa han podido hacer los hombres más que, o engreírse con el concepto interior que les queda de su pasada grandeza, o abatirse con la consideración de su flaqueza presente? Porque no viendo la verdad por entero no pudieron llegar a una perfecta virtud; como los unos miraban a la naturaleza como incorrupta, los otros como irreparable, no pudieron evitar o el orgullo o la desidia, que son las dos fuentes de todos los vicios; porque no podían dejar de abandonarse de cobardía, o no podían salir de soberbia. Porque si conocían la excelencia del hombre, ignoraban su corrupción; de manera que dado caso que se librasen de la pereza se desvanecían con la soberbia. Y si reconocían la flaqueza de la naturaleza, ignoraban su dignidad; de modo que aunque pudieran escapar de la vanidad no era sino despeñándose a la desesperación. De aquí tuvieron principio las diversas sectas de estoicos y epicúreos, de dogmáticos y académicos, etc. Sólo la religión cristiana ha podido curar estos dos vicios; no desterrando un vicio con otro vicio por medio de la sabiduría terrena, sino desterrando uno y otro con la simplicidad del Evangelio. Porque ella enseña a los justos, a los cuales eleva hasta la participación de la misma divinidad, que en este sublime estado llevan todavía consigo la fuente de toda corrupción que los trae, toda la vida, sujetos al error, a la miseria, a la muerte, al pecado; y a los impíos les dice a voces que son capaces de la gracia de su Redentor. De este modo, dando motivo de temblar a los que justifica, y consolando a los que condena, pone tal equilibrio entre el temor y la esperanza por medio de esta doblada capacidad común a todos, ya de la gracia, ya del pecado, que humilla mucho más que la razón, pero sin desesperar; y levanta mucho más que la soberbia de la naturaleza, pero sin hinchar; manifestando con esto evidentemente que pues es la única que está exenta de error y de vicio, a ninguno otro que a ella toca instruir y corregir a los hombres. Nosotros no comprendemos ni el estado glorioso de Adán ni la naturaleza de su pecado, ni el cómo trascendió éste a nosotros. Son cosas estas que pasaron en un estado de naturaleza del todo diferente del nuestro, y que sobrepujan nuestra comprensión presente. Por tanto, para salir de nuestras miserias de nada nos sirve saber todo esto; y todo lo que nos importa conocer es que por Adán solamente somos miserables, corrompidos, separados de Dios, pero redimidos por Jesucristo, de lo que tenemos pruebas maravillosas sobre la tierra.

El cristianismo es cosa extraña. Ordena al hombre que se tenga por vil y aun por abominable y , al mismo tiempo, le ordena que procure asemejarse a Dios. Sin tal contrapeso, esta elevación le haría monstruosamente vano, o este abatimiento le haría monstruosamente ruin.

La encarnación muestra al hombre la grandeza de su miseria, por la grandeza del remedio que ha sido menester.

No halla en la religión abatimiento que nos haga incapaces de bien, ni santidad exenta de mal.

No hay doctrina más conforme al hombre que la que le instruye de las dos disposiciones que tiene de recibir y de perder la gracia, con motivo del doble peligro, a que está siempre expuesto, o de la desesperación o del orgullo.

Los filósofos no ordenaban sentimientos proporcionados a los dos estados. Inspiraban movimientos de pura grandeza, no siendo ése el estado del hombre. Inspiraban movimientos de pura bajeza, pero tampoco es ése el estado del hombre. Son menester movimientos de bajeza, no digo de bajeza de naturaleza sino de penitencia, no para perseverar en ella sino para caminar a la grandeza. Son menester movimientos de grandeza, pero de una grandeza que viene de la gracia y no del mérito, luego de haber pasado por la bajeza.

Nadie es dichoso sino un verdadero cristiano, ni tan racional, ni tan virtuoso, ni tan amable como él. ¡Con cuán poca soberbia cree un cristiano que está unido con Dios! ¡Con cuán poco abatimiento se iguala a los gusanos de la tierra!

Según esto, ¿quién podrá negarse a estas luces celestiales, quién dejará de creerlas, quién de adorarlas? Porque, ¿no es más claro que el mediodía que nosotros sentimos en nuestro interior señales indelebles de excelencia? ¿Y no es también verdad que experimentamos cada momento los resabios de nuestra deplorable condición? ¿Qué nos predica, pues, este caos, y esta monstruosa confusión, sino la verdad de los dos estados con tan altas voces que no hay potencia para resistirle?

Blaise Pascal y Basilio Boggiero 1

martes, 21 de julio de 2009

Émile Cioran y Joseph Joubert: Pensamientos

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Combien j’aime les esprits de second ordre (
Joubert, entre tous) qui, par délicatesse, vécurent à l’ombre du génie des autres et, craignant d’en avoir, se refusèrent au leur!

¡Cómo me gustan los espíritus de segundo orden, (sobre todo Joubert) que, por delicadeza, vivieron a la sombra del genio de los demás, y temiendo también ellos tenerlo, rechazaron el propio!


ÉMILE CIORAN









Dieu est né de Dieu, comme l´image naît de l´objet dans un miroir.


Dios nació de Dios, como la imagen nace del objeto en un espejo.


La foi empêche l´homme de livrer son esprit à beaucoup de soins inutiles : elle le détourne de tenter ce qui est impossible.


La fe impide que el hombre entregue su mente a una cantidad de preocupaciones inútiles: lo disuade de tentar lo que es imposible.


L´athéisme, s´il est conséquent, peut et doit croire à un prodige à chaque minute.


El ateísmo, si es coherente, puede y debe creer, a cada instante, en el milagro


La grande affaire de l´homme, c´est la vie ; et la grande affaire dans la vie, c´est la mort.


La gran cuestión del hombre es la vida; y la gran cuestión en la vida es la muerte.


Quand on a trouvé ce qu´on cherchait, on n´a pas le temps de le dire ; il faut mourir.


Cuando se ha hallado lo que se buscaba ya no hay tiempo para decirlo; hay que morir.


Il faut que les hommes soient, ou les esclaves du devoir, ou les esclaves de la force.


Es necesario que los hombres sean esclavos del deber o esclavos de la fuerza.


Dieu est le seul miroir dans lequel on puisse se connaître ; dans tous les autres on ne fait que se voir.


Dios es el único espejo en el que podamos conocernos; en todos los otros no hacemos sino vernos.


Dieu se sert de tout, même de nos illusions.


Dios se sirve de todo, incluso de nuestras ilusiones.


Le soir de la vie apporte avec soi ses lumières et sa lampe pour ainsi dire.


La noche de la vida trae consigo sus luces y, por así decirlo, su lámpara.


Chose effrayante et qui peut être vraie : les vieillards aiment à survivre.


Cosa aterradora y que puede ser cierta: a los viejos les gusta sobrevivir.


Les mots sont comme des verres, ils obscurcissent tout ce qu´il n´aident pas à mieux voir.


Las palabras son como cristales, oscuren todo aquello que no ayudan a ver mejor.


Concision ornée, beauté unique du style.


Concisión ornada, única belleza del estilo.


Que de gens, en littérature, ont l´oreille juste et chantent faux !


¡Cuánta gente, en literatura, tiene buen oído y desafina!


Toute belle poésie est semblable à celle d´Homère, et toute belle philosophie ressemble à celle de Platon.


Toda hermosa poesía es parecida a la de Homero, y toda hermosa filosofía se parece a la de Platón.


Voltaire a, comme le singe, les mouvements charmants et les traits hideux.


Voltaire, como el simio, tiene movimientos encantadores y rasgos horribles.


Voltaire avait l´âme d´un singe et l´esprit d´un ange.


Voltaire tenía el alma de un simio y el ingenio de un ángel.


Notre véritable Homère, l´Homère des Français, qui le croirait ? c´est La Fontaine.


Nuestro verdadero Homero, el Homero de los franceses, ¿quién lo creería?, es La Fontaine.


Il y a dans La Fontaine une plénitude de poésie qu´on ne trouve nulle part dans les autres auteurs français, pas même dans Boileau, pas même dans Racine.


En La Fontaine hay una plenitud de poesía que no se encuentra en ningún otro autor francés, ni siquiera en Boileau, ni siquiera en Racine.


Chacun est sa parque à lui-même, et se file son avenir.


Cada uno es su propia Parca, y se teje su futuro.


Notre vie est du vent tissu.


Nuestra vida es un tejido de viento.


JOSEPH JOUBERT


Selección y traducción de Miguel Ángel  Frontán.

lunes, 20 de julio de 2009

Dante, Antoine Rivarol y Ángel José Battistessa

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Canto V recittato da Vittorio Gassman

CANTO V

Così discesi del cerchio primaio
giù nel secondo, che men loco cinghia
e tanto più dolor, che punge a guaio.

Stavvi Minòs orribilmente, e ringhia:
essamina le colpe ne l'intrata;
giudica e manda secondo ch'avvinghia.

Dico che quando l'anima mal nata
li vien dinanzi, tutta si confessa;
e quel conoscitor de le peccata

vede qual loco d'inferno è da essa;
cignesi con la coda tante volte
quantunque gradi vuol che giù sia messa.

Sempre dinanzi a lui ne stanno molte:
vanno a vicenda ciascuna al giudizio,
dicono e odono e poi son giù volte.

«O tu che vieni al doloroso ospizio»,
disse Minòs a me quando mi vide,
lasciando l'atto di cotanto offizio,

«guarda com' entri e di cui tu ti fide;
non t'inganni l'ampiezza de l'intrare!».
E 'l duca mio a lui: «Perché pur gride?

Non impedir lo suo fatale andare:
vuolsi così colà dove si puote
ciò che si vuole, e più non dimandare».

Or incomincian le dolenti note
a farmisi sentire; or son venuto
là dove molto pianto mi percuote.

Io venni in loco d'ogne luce muto,
che mugghia come fa mar per tempesta,
se da contrari venti è combattuto.

La bufera infernal, che mai non resta,
mena li spirti con la sua rapina;
voltando e percotendo li molesta.

Quando giungon davanti a la ruina,
quivi le strida, il compianto, il lamento;
bestemmian quivi la virtù divina.

Intesi ch'a così fatto tormento
enno dannati i peccator carnali,
che la ragion sommettono al talento.

E come li stornei ne portan l'ali
nel freddo tempo, a schiera larga e piena,
così quel fiato li spiriti mali

di qua, di là, di giù, di sù li mena;
nulla speranza li conforta mai,
non che di posa, ma di minor pena.

E come i gru van cantando lor lai,
faccendo in aere di sé lunga riga,
così vid' io venir, traendo guai,

ombre portate da la detta briga;
per ch'i' dissi: «Maestro, chi son quelle
genti che l'aura nera sì gastiga?».

«La prima di color di cui novelle
tu vuo' saper», mi disse quelli allotta,
«fu imperadrice di molte favelle.

A vizio di lussuria fu sì rotta,
che libito fé licito in sua legge,
per tòrre il biasmo in che era condotta.

Ell' è Semiramìs, di cui si legge
che succedette a Nino e fu sua sposa:
tenne la terra che 'l Soldan corregge.

L'altra è colei che s'ancise amorosa,
e ruppe fede al cener di Sicheo;
poi è Cleopatràs lussurïosa.

Elena vedi, per cui tanto reo
tempo si volse, e vedi 'l grande Achille,
che con amore al fine combatteo.

Vedi Parìs, Tristano»; e più di mille
ombre mostrommi e nominommi a dito,
ch'amor di nostra vita dipartille.

Poscia ch'io ebbi 'l mio dottore udito
nomar le donne antiche e ' cavalieri,
pietà mi giunse, e fui quasi smarrito.

I' cominciai: «Poeta, volontieri
parlerei a quei due che 'nsieme vanno,
e paion sì al vento esser leggeri».

Ed elli a me: «Vedrai quando saranno
più presso a noi; e tu allor li priega
per quello amor che i mena, ed ei verranno».

Sì tosto come il vento a noi li piega,
mossi la voce: «O anime affannate,
venite a noi parlar, s'altri nol niega!».

Quali colombe dal disio chiamate
con l'ali alzate e ferme al dolce nido
vegnon per l'aere, dal voler portate;

cotali uscir de la schiera ov' è Dido,
a noi venendo per l'aere maligno,
sì forte fu l'affettüoso grido.

«O animal grazïoso e benigno
che visitando vai per l'aere perso
noi che tignemmo il mondo di sanguigno,

se fosse amico il re de l'universo,
noi pregheremmo lui de la tua pace,
poi c'hai pietà del nostro mal perverso.

Di quel che udire e che parlar vi piace,
noi udiremo e parleremo a voi,
mentre che 'l vento, come fa, ci tace.

Siede la terra dove nata fui
su la marina dove 'l Po discende
per aver pace co' seguaci sui.

Amor, ch'al cor gentil ratto s'apprende,
prese costui de la bella persona
che mi fu tolta; e 'l modo ancor m'offende.

Amor, ch'a nullo amato amar perdona,
mi prese del costui piacer sì forte,
che, come vedi, ancor non m'abbandona.

Amor condusse noi ad una morte.
Caina attende chi a vita ci spense».
Queste parole da lor ci fuor porte.

Quand' io intesi quell' anime offense,
china' il viso, e tanto il tenni basso,
fin che 'l poeta mi disse: «Che pense?».

Quando rispuosi, cominciai: «Oh lasso,
quanti dolci pensier, quanto disio
menò costoro al doloroso passo!».

Poi mi rivolsi a loro e parla' io,
e cominciai: «Francesca, i tuoi martìri
a lagrimar mi fanno tristo e pio.

Ma dimmi: al tempo d'i dolci sospiri,
a che e come concedette amore
che conosceste i dubbiosi disiri?».

E quella a me: «Nessun maggior dolore
che ricordarsi del tempo felice
ne la miseria; e ciò sa 'l tuo dottore.

Ma s'a conoscer la prima radice
del nostro amor tu hai cotanto affetto,
dirò come colui che piange e dice.

Noi leggiavamo un giorno per diletto
di Lancialotto come amor lo strinse;
soli eravamo e sanza alcun sospetto.

Per più fïate li occhi ci sospinse
quella lettura, e scolorocci il viso;
ma solo un punto fu quel che ci vinse.

Quando leggemmo il disïato riso
esser basciato da cotanto amante,
questi, che mai da me non fia diviso,

la bocca mi basciò tutto tremante.
Galeotto fu 'l libro e chi lo scrisse:
quel giorno più non vi leggemmo avante».

Mentre che l'uno spirto questo disse,
l'altro piangëa; sì che di pietade
io venni men così com' io morisse.

E caddi come corpo morto cade.


Chant V

On trouve le juge des Enfers à l'entrée de ce deuxième cercle, où sont punies les âmes que l'amour a perdues.--Description de leur supplice. Aventure de Françoise d'Arimino.


Déjà nous descendions à la seconde enceinte de l'abîme : de son contour plus resserré s'élevèrent des cris plus aigus. C'est là que gronde sans cesse le monstrueux juge des Enfers. Assis à la porte, il pèse les crimes, les juge, et les condamne d'un signal.

Quand une âme marquée du sceau de la colère arrive en sa présence, elle se dévoile tout entière ; et ce scrutateur des consciences, jetant autour de ses reins sa queue tortueuse, désigne par le nombre de ses replis quel sera le gouffre où doit tomber le coupable. Son tribunal est sans cesse entouré de criminels qui viennent en foule, s'accusent tour à tour, entendent la sentence, et sont précipités.

—Ô toi qui oses violer l'asile des douleurs, s'écria le juge en me voyant, et suspendant son redoutable office, tremble avant de t'engager sur la foi de ton guide, et méfie-toi du facile accès des Enfers.

—À quoi servent tes cris, lui dit mon guide ? tu ne peux retarder son fatal voyage : telle est la volonté qui de tout est la loi ; et nous descendîmes sans résistance.

Là commencèrent à se faire entendre des voix plaintives ; c'est là que mon oreille fut frappée de cris multipliés : me voilà enfin parvenu dans cette nuit que ne récréa jamais un léger crépuscule.

L'air y mugit comme une mer tempétueuse, irritée du combat des vents. L'ouragan infernal parcourt sans relâche ces noirs circuits, emportant les âmes dans sa course, et les froissant dans un choc éternel.

Souvent, le tourbillon les pousse vers les côtes escarpées de l'abîme ; et c'est alors qu'on entend les cris de la douleur et les hurlements du désespoir qui insulte le ciel.

J'appris que de tels tourments étaient réservés aux âmes charnelles dont l' amour enivra la raison.

Elles passaient rapidement devant nous, en prolongeant des sons lamentables, ainsi que les grues, dont les noires files attristent les cieux d'un chant lugubre ; et comme on voit de nombreux bataillons d'oiseaux fuir devant la froidure, ainsi le souffle impétueux chassait la foule des ombres toujours agitées dans le reflux convulsif de la tempête, toujours haletantes après une trêve passagère, qui ne leur fut pas promise.

—Maître, dis-je alors, daignez m'apprendre quels sont ces infortunés à jamais battus de la noire tourmente.

—La première des âmes que tu veux connaître, me dit-il, est cette reine fameuse, qui unit au même joug tant de peuples divers ; elle se plongea tout entière dans la volupté ; et, pour étouffer la voix du blâme, elle osa donner aux fougueux désirs du cœur la sanction des lois : c'est Sémiramis, veuve de Ninus, qui gouverna après lui les États qui tremblent aujourd'hui sous les califes. Celle qui la suit coupa la trame amoureuse de sa vie, après avoir rompu la foi jurée aux cendres de Sichée. Vois à présent la voluptueuse Cléopâtre ; Hélène, par qui s'écoulèrent des temps si cruels ; l'invulnérable Achille, à qui l'amour ouvrit enfin les portes du trépas. Vois, ajouta-t-il en les désignant de la main, vois Pâris, Tristan et tant d'autres encore, dont cette passion fatale hâta la dernière heure.

Pendant que mon guide rappelait ainsi les noms des femmes et des héros antiques, mes yeux se voilaient de tristesse, et je sentais mon cœur se fondre de pitié.

—Ô poëte! disais-je, je voudrais bien entretenir ces deux ombres qui, dans leur rapide vol, semblent inséparables.

—Quand elles seront plus près de nous, me répondit-il, appelle-les au nom de cet amour qui les enchaîne, et elles viendront à toi.

Sitôt que le tourbillon les porta vers nous :

—Âmes désolées! m'écriai-je, accourez à ma prière, si le ciel ne la rejette pas.

Telles que deux colombes qu'un amour égal ramène aux cris impatients de leur tendre famille, ainsi les deux ombres, traversant la nuit orageuse volèrent aux sons de ma voix.

—Être pitoyable et bienfaisant, dirent-elles, qui viens visiter ces noirs royaumes, puisque nos maux ont pu t'attendrir, si le ciel n'était à jamais sourd à nos vœux, nous élèverions pour toi nos supplications jusqu'à lui, du centre de cette terre où notre sang fume encore ; mais parle, ou daigne nous écouter, et nous répondrons à tes désirs, tandis que la tempête ne mugit plus autour de nous... Pour moi, j'ai vu le jour près des bords où le Pô vient reposer son onde au sein des mers. L'amour, qui porte des coups si sûrs aux cœurs sensibles, blessa cet infortuné par des charmes qu'une mort trop cruelle m'a ravis ; et cet amour, que ne brave pas longtemps un cœur aimé, m'attacha à mon amant d'un lien si durable, que la mort, comme tu vois, n'en a pas rompu l'étreinte. Enfin c'est dans les embrassements de l'amour qu'un même trépas nous a surpris tous deux : souvenir amer, dont s'irrite encore ma douleur ! mais c'est au fond de l'abîme, à côté de Caïn, qu'ira s'asseoir mon parricide époux.

Ainsi parlait cette ombre, d'une voix douloureuse ; et moi je baissai la tête avec tant de consternation, que le poëte me dit:

—À quoi penses-tu?

—Hélas, répondis-je, en quel moment et de quelle douce ivresse ils ontpassé aux angoisses de la mort !

Levant ensuite mes yeux sur eux :

—Ô Françoise, repris-je, le récit de vos malheurs m'invite à la pitié et aux larmes ; mais dites-moi, quand vos soupirs secrets se taisaient encore, comment l'amour a-t-il osé vous parler son coupable langage ?

—Tu as appris d'un sage, me répondit-elle, que le souvenir de la félicité passée aigrit encore la douleur présente ; et cependant, si tu aimes à contempler nos infortunes dans leur source, je vais, comme les malheureux, pleurer et te les raconter. Nous lisions un jour, dans un doux loisir, comment l'amour vainquit Lancelot. J'étais seule avec mon amant, et nous étions sans défiance : plus d'une fois nos visages pâlirent et nos yeux troublés se rencontrèrent ; mais un seul instant nous perdit tous deux. Lorsqu'enfin l'heureux Lancelot cueille le baiser désiré, alors celui qui ne me sera plus ravi colla sur ma bouche ses lèvres tremblantes, et nous laissâmes échapper ce livre par qui nous fut révélé le mystère d'amour.

Tandis que cette ombre parlait, l'autre pleurait si amèrement que je sentis mon cœur défaillir de compassion; et je tombai comme un corps que la vie abandonne.

Version en prose d´Antoine Rivarol



CANTO V

Segundo círculo: los lujuriosos. Minos, juez infernal. Los pecadores carnales. Francesca da Rímini y Paolo Malatesta. La compasión y el desmayo de Dante.


Descendí así del círculo primero
al segundo, que abarca menor sitio,
y tanto más dolor que arranca gritos.

Allí Minos horriblemente ulula:
examina las culpas en la entrada;
juzga y manda según como se enrosca.

Digo que cuando el alma mal nacida
se le pone delante, se confiesa;
y ese conocedor de los pecados

ve el sitio del Infierno que le toca;
cíñese con la cola tantas veces
cuanto el grado en que quiere se sitúe.

Siempre delante de él hay muchas almas;
por turno cada una va al juicio;
dicen y oyen y, después, se hunden.

«¡Oh tú que vienes al doliente hospicio»,
me dijo Minos cuando me hubo visto,
suspendiendo la acción de tal empeño,

«mira cómo entras y de quién te fías;
no te engañe la anchura de la entrada!»
Y mi guía le dijo: «¿Por qué gritas?

No hay que impedirle su fatal andanza:
tal lo quieren allá donde se puede
lo que se quiere, y más no nos preguntes.»

Ya comenzaban las dolientes notas
a ser oídas; me acerqué muy luego
donde repercutía mucho llanto.

Llegué a un lugar de toda lumbre mudo,
que muge como el mar en la tormenta,
si los vientos contrarios lo combaten.

La borrasca infernal, que nunca cesa,
a las almas arrastra en sus embates:
volteando y golpeando las molesta.

Cuando llegan delante a ese derrumbe,
allí el grito, el quejido y el lamento;
allí blasfeman la virtud divina.

Comprendí que tormento semejante
se les da a los carnales pecadores
que la razón someten al deseo.

Y como los estorninos van de vuelo
en el tiempo invernal, en gran bandada,
así esa racha a todos los malignos

aquí, allí, abajo, arriba empuja;
ya ninguna esperanza los conforta,
no de reposo, mas de menor pena.

Y cual las grullas cantan su lamento
trazando sobre el aire largas líneas,
así vi yo venir, dando sus quejas,

las sombras que traía esa tormenta;
dije por ello: «¿Quiénes, pues, son éstos
que el negro vendaval tanto castiga?»

«La primera de quien ahora deseas
tener noticias», dijo él entonces,
«fue emperatriz por sobre muchos pueblos.

En vicios de lujuria fue tan hábil,
que a la licencia licitó en sus leyes,
para quitar la culpa en que se hallaba.

Ella es Semíramis, de la cual se lee
que sucedió a Nino y fue su esposa:
rigió la tierra que el Sultán gobierna.

La otra suicidóse enamorada:
y rompió fe a los huesos de Siqueo;
después está Cleopatra lujuriosa.

Mira a Helena, por quien tanta desdicha
corrió en el tiempo, y mira al grande Aquiles,
que por Amor al fin volvió a la lucha.

Y a Paris y a Tristán»; y a más de mil
sombras mostróme, y me indicó su dedo,
a las que el Amor quitó de nuestra vida.

Después de oir así a mi maestro
nombrar damas de antaño y caballeros,
me condolí y sentí casi perplejo

Comencé, pues: «Poeta de buen grado,
yo hablaría a esos dos que van tan juntos,
y en el viento parecen tan livianos.»

Y él: «Ya los verás cuando se encuentren
junto a nosotros: ruégales entonces
por ese amor que sienten, y vendrán.»

Tan pronto como el viento nos los trae,
solté la voz: «¡Oh almas afanosas,
venid a hablarnos si alguien no lo impide!»

Como palomas que el deseo llama,
tendida el ala, y firme, al dulce nido
van por el aire del querer llevadas,

así del grupo donde se halla Dido
por el aire maligno se acercaron:
tan fuerte fue el afectuoso grito.

«¡Oh ser gracioso y benevolente
que así visitas entre el aire cárdeno
a los que en sangre hemos manchado el mundo,

si el rey del universo nos amase,
porque te diese paz le rogaríamos
pues compadeces nuestro mal perverso!

De lo que oir y conversar os place
lo oiremos y hablaremos con vosotros,
mientras el viento, como hace, calla.

Yace la tierra donde yo nací,
en la marina donde el Po desciende
para hallar paz unido a sus secuaces.

Amor, que en gentil pecho pronto prende,
a éste lo prendó del cuerpo hermoso
que quitáronme en forma que aún ofende.

Amor, que no consiente que no amemos,
me ciñó a éste con placer tan fuerte
que, como ves, aún no me abandona.

Amor nos trajo hasta una misma muerte;
Caína espera a quien quitó las vidas!»
Estas palabras de ellos nos vinieron.

Cuando oí a estas almas ofendidas,
incliné el rostro, y bajo lo mantuve
hasta que el vate dijo al fin: «¿Qué piensas?»

Al responder, yo comencé: «¡Oh pena,
cuánto grato pensar, cuánto deseo
los empujó al doloroso trance!»

Luego me volví a ellos para hablarles,
y comencé: «Francesca, tus martirios
me entristecen y apiadan hasta el llanto.

Dime: ¿en el tiempo del dulce suspiro,
en qué y cómo os concedió el amor
que conocieseis los deseos dudosos?»

Y ella a mí: «Ningún dolor más grande
que el recordar el tiempo venturoso
en la desdicha: tu doctor lo sabe.

Mas si por conocer la raíz primera
de nuestro amor tú muestras tanto anhelo,
haré como quien llora y habla a un tiempo.

Leíamos un día, por recreo,
cómo el amor lo atrajo a Lanzarote;
solos estábamos sin sospecha alguna.

Varias veces los ojos se encontraron
en la lectura, palideció el rostro,
pero nos dominó sólo un pasaje.

Al leer cómo la sonrisa ansiada
fuera besada por un tal amante,
éste, de quien yo nunca he de apartarme,

la boca me besó todo temblante.
Galeoto el libro fue y quien lo hizo:
desde ese día nunca más leímos.»

Mientras un alma esto me decía,
la otra lloraba tanto que, apiadado,
me sentí desmayar como quien muere,

Y caí como cuerpo muerto cae.

Versión de Ángel J. Battistessa

lunes, 13 de julio de 2009

Baudelaire y José Emilio Pacheco 3


A une passante

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

CHARLES BAUDELAIRE


A la que pasa

La avenida estridente en torno de mí aullaba.
Alta, esbelta, de luto, en pena majestuosa,
Pasó aquella muchacha. Con su mano fastuosa
Casi apartó las puntas del velo que llevaba.

Ágil y ennoblecida por sus piernas de diosa,
Me hizo beber crispado, con un gesto demente,
En sus ojos el cielo y el huracán latente,
El dulzor que fascina y el placer que destroza.

Relámpago en tinieblas, fugitiva belleza,
Por tu brusca mirada me siento renacido.
¿Volveré acaso a verte? ¿Serás eterno olvido?

¿Jamás, lejos, mañana?, pregunto con tristeza.
Nunca estaremos juntos. Ignoro adónde irías.
Sé que te hubiera amado. Tú también lo sabías.

JOSÉ EMILIO PACHECO

jueves, 9 de julio de 2009

Paul Verlaine: La esperanza


L´ESPOIR

L'espoir luit comme un brin de paille dans l'étable.
Que craint-tu de la guêpe ivre de son vol fou?
Vois, le soleil toujours poudroie à quelque trou.
Que ne t'endormais-tu, le coude sur la table?

Pauvre âme pâle, au moins cette eau du puits glâcé
Bois-la. Puis dort après. Allons, tu vois, je reste
Et je dorloterai les rêves de ta sieste,
Et tu chantonneras comme un enfant bercé.

Midi sonne. De grâce, éloignez-vous, madame.
Il dort. C'est étonnant comme les pas de femme
Résonnent au cervau des pauvres malheureux.

Midi sonne. J'ai fait arroser dans la chambre.
Va, dors! L'espoir luit comme un caillou dans un creux.
Ah! quand refleuriront les roses de septembre!


LA ESPERANZA

La esperanza en el establo brilla como una brizna.
¿Por qué temes la avispa que el loco vuelo embriaga?
Mira el polvo en el aire que el sol hace brillar.
Apoyado en la mesa, ¿por qué no te dormías?

Pobre alma pálida, del agua helada de este pozo
Al menos bebe. Y luego duerme. Vamos, a tu lado
Me quedaré hamacando los sueños de tu siesta
Y tú murmurarás como un niño en la cuna.

Es mediodía. Señora, por favor, alejaos.
Él duerme. Es increíble cómo los pasos femeninos
Resuenan en la mente de los desamparados.

Es mediodía. Anda, hago mojar el suelo, duerme.
Como una piedra en un hueco reluce la esperanza.
¡Cuándo florecerán de nuevo las rosas de septiembre!

Traducción de Miguel Ángel Frontán.

martes, 7 de julio de 2009

Cristina Campo: dos poemas


Una vida breve, discreta, alejada de las modas intelectuales de su tiempo, indiferente a toda vanidad literaria, tal fue la vida de Cristina Campo. Contados libros pero de una rara intensidad: ensayos, poemas y traducciones admirables.
"Scrisse poco, e vorrebbe aver scritto meno", decía de sí misma.


***


La neve era sospesa tra la notte e le strade
come il destino tra la mano e il fiore.


In un suono soave
di campane diletto sei venuto…
Come una verga è fiorita la vecchiezza di queste scale.
O tenera tempesta
notturna, volto umano!


(Ora tutta la vita è nel mio sguardo,
stella su te, sul mondo che il tuo passo richiude).


***


Flotaba la nieve entre la noche y las calles
como el destino entre la mano y la flor.


En un dilecto y dulce son
de campanas llegaste...
Como una vara ha florecido la vejez de estas escalas.
¡Oh tierna tempestad
nocturna, rostro humano!


(Toda la vida está ahora en mi mirada,
estrella sobre ti, sobre el mundo que vuelve a cerrar tu paso.)


***


Amore, oggi il tuo nome
al mio labbro è sfuggito
come al piede l’ultimo gradino…
Ora è sparsa l’acqua della vita
e tutta la lunga scala
è da ricominciare.


T’ho barattato, amore, con parole.


Buio miele che odori
dentro i diafani vasi
sotto mille e seicento anni di lava –


ti riconoscerò dall’immortale
silenzio.


***


Amor, hoy tu nombre
escapó de mis labios
como del pie el último peldaño...
Derramada está ahora el agua de la vida
y la larga escalera habrá
que subir otra vez.


Te he permutado, amor, por palabras.


Oscura miel aún fragante
en los diáfanos vasos
bajo mil seiscientos años de lava—


Te reconoceré por el inmortal
silencio.




Traducción de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán





lunes, 6 de julio de 2009

Joris-Karl Huysmans y Grünewald

http://www.wikio.es


La crucifixion de Grünewald


La révélation de ce naturalisme, Durtal l'avait eue, l'an passé, alors qu'il était moins qu'aujourd'hui pourtant excédé par l'ignominieux spectacle de cette fin de siècle. C'était en Allemagne, devant une crucifixion de Mathaeus Grünewald.


Et il frissonna dans son fauteuil et ferma presque douloureusement les yeux. Avec une extraordinaire lucidité, il revoyait ce tableau, là, devant lui, maintenant qu'il l'évoquait; et ce cri d'admiration qu'il avait poussé, en entrant dans la petite salle du Musée de Cassel, il le hurlait mentalement encore, alors que, dans sa chambre, le Christ se dressait, formidable, sur sa croix, dont le tronc était traversé, en guise de bras, par une branche d'arbre mal écorcée qui se courbait, ainsi qu'un arc sous le poids du corps.


Cette branche semblait prête à se redresser et à lancer par pitié, loin de ce terroir d'outrages et de crimes, cette pauvre chair que maintenaient, vers le sol, les énormes clous qui trouaient les pieds.


Démanchés, presque arrachés des épaules, les bras du Christ paraissaient garrottés dans toute leur longueur par les courroies enroulées des muscles. L'aisselle éclamée craquait; les mains grandes ouvertes brandissaient des doigts hagards qui bénissaient quand même, dans un geste confus de prières et de reproches; les pectoraux tremblaient, beurrés par les sueurs; le torse était rayé de cercles de douves par la cage divulguée des côtes; les chairs gonflaient, salpêtrées et bleuies, persillées de morsures de puces, mouchetées comme de coups d'aiguilles par les pointes des verges qui, brisées sous la peau, la dardaient encore, çà et là, d'échardes.


L'heure des sanies était venue; la plaie fluviale du flanc ruisselait plus épaisse, inondait la hanche d'un sang pareil au jus foncé des mûres; des sérosités rosâtres, des petits laits, des eaux semblables à des vins de Moselle gris, suintaient de la poitrine, trempaient le ventre au-dessous duquel ondulait le panneau bouillonné d'un linge; puis, les genoux rapprochés de force heurtaient leurs rotules, et les jambes tordues s'évidaient jusqu'aux pieds qui, ramenés l'un sur l'autre, s'allongeaient, poussaient en pleine putréfaction, verdissaient dans des flots de sang. Ces pieds spongieux et caillés étaient horribles; la chair bourgeonnait, remontait sur la tête du clou et leurs doigts crispés contredisaient le geste implorant des mains, maudissaient, griffaient presque, avec la corne bleue de leurs ongles, l'ocre du sol, chargé de fer, pareil aux terres empourprées de la Thuringe.


Au-dessus de ce cadavre en éruption, la tête apparaissait, tumultueuse et énorme; cerclée d'une couronne désordonnée d'épines, elle pendait, exténuée, entr'ouvrait à peine un oeil hâve où frissonnait encore un regard de douleur et d'effroi; la face était montueuse, le front démantelé, les joues taries; tous les traits renversés pleuraient, tandis que la bouche descellée riait avec sa mâchoire contractée par des secousses tétaniques, atroces.


Le supplice avait été épouvantable, l'agonie avait terrifié l'allégresse des bourreaux en fuite.


Maintenant, dans le ciel d'un bleu de nuit, la croix paraissait se tasser, très basse, presque au ras du sol, veillée par deux figures qui se tenaient de chaque côté du Christ: - l'une, la Vierge, coiffée d'un capuce d'un rose de sang séreux, tombant en des ondes pressées sur une robe d'azur las à longs plis, la Vierge rigide et pâle, bouffie de larmes qui, les yeux fixes, sanglote, en s'enfonçant les ongles dans les doigts des mains; -l'autre, saint Jean, une sorte de vagabond, de rustre basané de la Souabe, à la haute stature, à la barbe frisottée en de petits copeaux, vêtu d'étoffes à larges pans, comme taillées dans de l'écorce d'arbre, d'une robe écarlate, d'un manteau jaune chamoisé, dont la doublure, retroussée près des manches, tournait au vert fiévreux des citrons pas mûrs. Epuisé de pleurs, mais plus résistant que Marie brisée et rejetée quand même debout, il joint les mains en un élan, s'exhausse vers ce cadavre qu'il contemple de ses yeux rouges et fumeux et il suffoque et crie, en silence, dans le tumulte de sa gorge sourde.


Ah! devant ce Calvaire barbouillé de sang et brouillé de larmes, l'on était loin de ces débonnaires Golgotha que, depuis la Renaissance, l'Eglise adopte! Ce Christ au tétanos n'était pas le Christ des riches, l'Adonis de Galilée, le bellâtre bien portant, le joli garçon aux mèches rousses, à la barbe divisée, aux traits chevalins et fades, que depuis quatre cents ans les fidèles adorent. Celui-là, c'était le Christ de saint Justin, de saint Basile, de saint Cyrille, de Tertullien, le Christ des premiers siècles de l'Eglise, le Christ vulgaire, laid, parce qu'il assuma toute la somme des péchés et qu'il revêtit, par humilité, les formes les plus abjectes.


C'était le Christ des pauvres, Celui qui s'était assimilé aux plus misérables de ceux qu'il venait racheter, aux disgraciés et aux mendiants, à tous ceux sur la laideur ou l'indigence desquels s'acharne la lâcheté de l'homme; et c'était aussi le plus humain des Christ, un Christ à la chair triste et faible, abandonné par le Père qui n'était intervenu que lorsque aucune douleur nouvelle n'était possible, le Christ assisté seulement de sa Mère qu'il avait dû, ainsi que tous ceux que l'on torture, appeler dans des cris d'enfant, de sa Mère, impuissante alors et inutile.


Par une dernière humilité sans doute, il avait supporté que la Passion ne dépassât point l'envergure permise aux sens; et, obéissant à d'incompréhensibles ordres, il avait accepté que sa Divinité fût comme interrompue depuis les soufflets et les coups de verges, les insultes et les crachats, depuis toutes ces maraudes de la souffrance, jusqu'aux effroyables douleurs d'une agonie sans fin. Il avait ainsi pu mieux souffrir, râler, crever ainsi qu'un bandit, ainsi qu'un chien, salement, bassement, en allant dans cette déchéance jusqu'au bout, jusqu'à l'ignominie de la pourriture, jusqu'à la dernière avanie du pus!


Certes, jamais le naturalisme ne s'était encore évadé dans des sujets pareils; jamais peintre n'avait brassé de la sorte le charnier divin et si brutalement trempé son pinceau dans les plaques des humeurs et dans les godets sanguinolents des trous. C'était excessif et c'était terrible. Grünewald était le plus forcené des réalistes; mais à regarder de ce Rédempteur de vadrouille, ce Dieu de morgue, cela changeait. De cette tête ulcérée filtraient des lueurs; une expression surhumaine illuminait l'effervescence des chairs, l'éclampsie des traits. Cette charogne éployée était celle d'un Dieu, et, sans auréole, sans nimbe, dans le simple accoutrement de cette couronne ébouriffée, semée de grains rouges par des points de sang, Jésus apparaissait, dans sa céleste Superessence, entre la Vierge, foudroyée, ivre de pleurs, et le Saint Jean dont les yeux calcinés ne parvenaient plus à fondre des larmes.


Ces visages d'abord si vulgaires resplendissaient, transfigurés par des excès d'âmes inouïes. Il n'y avait plus de brigand, plus de pauvresse, plus de rustre, mais des êtres supraterrestres auprès d'un Dieu.


Grünewald était le plus forcené des idéalistes. Jamais peintre n'avait si magnifiquement exalté l'altitude et si résolument bondi de la cime de l'âme dans l'orbe éperdu d'un ciel. Il était allé aux deux extrêmes et il avait, d'une triomphale ordure, extrait les menthes les plus fines des dilections, les essences les plus acérées des pleurs. Dans cette toile, se révélait le chef-d'œuvre de l'art acculé, sommé de rendre l'invisible et le tangible, de manifester l'immondice éplorée du corps, de sublimer la détresse infinie de l'âme.


Non, cela n'avait d'équivalent dans aucune langue. En littérature, certaines pages d'Anne Emmerich sur la Passion se rapprochaient, mais atténuées, de cet idéal de réalisme surnaturel et de vie véridique et exsurgée. Peut-être aussi certaines effusions de Ruysbroeck s'élançant en des jets géminés de flammes blanches et noires, rappelaient-elles, pour certains détails, la divine abjection de Grünewald et encore non, cela restait unique, car c'était tout à la fois hors de portée et à ras de terre.


Joris-Karl Huysmans

Là-bas, 1891




The Crucifixion


Durtal's introduction to this naturalism had come as a revelation the year before, although he had not then been so weary as now of fin de siècle silliness. In Germany, before a Crucifixion by Matthæus Grünewald, he had found what he was seeking.


He shuddered in his armchair and closed his eyes as if in pain. With extraordinary lucidity he revisualized the picture, and the cry of admiration wrung from him when he had entered the little room of the Cassel museum was reechoing in his mind as here, in his study, the Christ rose before him, formidable, on a rude cross of barky wood, the arm an untrimmed branch bending like a bow under the weight of the body.


This branch seemed about to spring back and mercifully hurl afar from our cruel, sinful world the suffering flesh held to earth by the enormous spike piercing the feet.


Dislocated, almost ripped out of their sockets, the arms of the Christ seemed trammelled by the knotty cords of the straining muscles. The laboured tendons of the armpits seemed ready to snap. The fingers, wide apart, were contorted in an arrested gesture in which were supplication and reproach but also benediction. The trembling thighs were greasy with sweat. The ribs were like staves, or like the bars of a cage, the flesh swollen, blue, mottled with flea-bites, specked as with pin-pricks by spines broken off from the rods of the scourging and now festering beneath the skin where they had penetrated.


Purulence was at hand. The fluvial wound in the side dripped thickly, inundating the thigh with blood that was like congealing mulberry juice. Milky pus, which yet was somewhat reddish, something like the colour of grey Moselle, oozed from the chest and ran down over the abdomen and the loin cloth. The knees had been forced together and the rotulæ touched, but the lower legs were held wide apart, though the feet were placed one on top of the other. These, beginning to putrefy, were turning green beneath a river of blood. Spongy and blistered, they were horrible, the flesh tumefied, swollen over the head of the spike, and the gripping toes, with the horny blue nails, contradicted the imploring gesture of the hands, turning that benediction into a curse; and as the hands pointed heavenward, so the feet seemed to cling to earth, to that ochre ground, ferruginous like the purple soil of Thuringia.


Above this eruptive cadaver, the head, tumultuous, enormous, encircled by a disordered crown of thorns, hung down lifeless. One lacklustre eye half opened as a shudder of terror or of sorrow traversed the expiring figure. The face was furrowed, the brow seamed, the cheeks blanched; all the drooping features wept, while the mouth, unnerved, its under jaw racked by tetanic contractions, laughed atrociously.


The torture had been terrific, and the agony had frightened the mockingexecutioners into flight.


Against a dark blue night-sky the cross seemed to bow down, almost to touch the ground with its tip, while two figures, one on each side, kept watch over the Christ. One was the Virgin, wearing a hood the colour of mucous blood over a robe of wan blue. Her face was pale and swollen with weeping, and she stood rigid, as one who buries his fingernails deep into his palms and sobs. The other figure was that of Saint John, like a gipsy or sunburnt Swabian peasant, very tall, his beard matted and tangled, his robe of a scarlet stuff cut in wide strips like slabs of bark. His mantle was a chamois yellow; the lining, caught up at the sleeves, showed a feverish yellow as of unripe lemons. Spent with weeping, but possessed of more endurance than Mary, who was yet erect but broken and exhausted, he had joined his hands and in an access obf outraged loyalty had drawn himself up before the corpse, which he
contemplated with his red and smoky eyes while he choked back the cry which threatened to rend his quivering throat.


Ah, this coarse, tear-compelling Calvary was at the opposite pole from those debonair Golgothas adopted by the Church ever since the Renaissance. This lockjaw Christ was not the Christ of the rich, the Adonis of Galilee, the exquisite dandy, the handsome youth with the curly brown tresses, divided beard, and insipid doll-like features, whom the faithful have adored for four centuries. This was the Christ of Justin, Basil, Cyril, Tertullian, the Christ of the apostolic church, the vulgar Christ, ugly with the assumption of the whole burden of our sins and clothed, through humility, in the most abject of forms.


It was the Christ of the poor, the Christ incarnate in the image of the most miserable of us He came to save; the Christ of the afflicted, of the beggar, of all those on whose indigence and helplessness the greed of their brother battens; the human Christ, frail of flesh, abandoned by the Father until such time as no further torture was possible; the Christ with no recourse but His Mother, to Whom —then powerless to aid Him— He had, like every man in torment, cried out with an infant's cry.


In an unsparing humility, doubtless, He had willed to suffer the Passion with all the suffering permitted to the human senses, and, obeying an incomprehensible ordination, He, in the time of the scourging and of the blows and of the insults spat in His face, had put off divinity, nor had He resumed it when, after these preliminary mockeries, He entered upon the unspeakable torment of the unceasing agony. Thus, dying like a thief, like a dog, basely, vilely, physically, He had sunk himself to the deepest depth of fallen humanity and had not spared Himself the last ignominy of putrefaction.


Never before had naturalism transfigured itself by such a conception and execution. Never before had a painter so charnally envisaged divinity nor so brutally dipped his brush into the wounds and running sores and bleeding nail holes of the Saviour. Grünewald had passed all measure. He was the most uncompromising of realists, but his morgue Redeemer, his sewer Deity, let the observer know that realism could be truly transcendent. A divine light played about that ulcerated head, a superhuman expression illuminated the fermenting skin of the epileptic features. This crucified corpse was a very God, and, without aureole, without nimbus, with none of the stock accoutrements except the blood-sprinkled crown of thorns, Jesus appeared in His celestial super-essence, between the stunned, grief-torn Virgin and a Saint John whose calcined eyes were beyond the shedding of tears.


These faces, by nature vulgar, were resplendent, transfigured with the expression of the sublime grief of those souls whose plaint is not heard. Thief, pauper, and peasant had vanished and given place to supraterrestial creatures in the presence of their God.


Grünewald was the most uncompromising of idealists. Never had artist known such magnificent exaltation, none had ever so resolutely bounded from the summit of spiritual altitude to the rapt orb of heaven. He had gone to the two extremes. From the rankest weeds of the pit he had extracted the finest essence of charity, the mordant liquor of tears. In this canvas was revealed the masterpiece of an art obeying the unopposable urge to render the tangible and the invisible, to make manifest the crying impurity of the flesh and to make sublime the infinite distress of the soul.


It was without its equivalent in literature. A few pages of Anne Emmerich upon the Passion, though comparatively attenuated, approached this ideal of supernatural realism and of veridic and exsurrected life. Perhaps, too, certain effusions of Ruysbroeck, seeming to spurt forth in twin jets of black and white flame, were worthy of comparison with the divine befoulment of Grünewald. Hardly, either. Grünewald's masterpiece remained unique. It was at the same time infinite and of earth earthy.




Traducción de Keene Wallace.



La crucifixión de Grünewald


La revelación de ese naturalismo Durtal la había tenido, el año pasado, en un momento en que se hallaba sin embargo menos disgustado que hoy por el ignominioso espectáculo de este fin de siglo. Fue en Alemania, delante de una crucifixión de Mathaeus Grünewald.


Y sintió escalofríos en su sillón y cerró casi dolorosamente los ojos. Con una extraordinaria lucidez, volvía a ver ese cuadro, allí, frente a él, ahora que lo evocaba; y ese grito de admiración que había proferido, al entrar en la pequeña sala del Museo de Cassel, seguía siendo mentalmente un aullido, ahora que, en su habitación, ese Cristo se levantaba, formidable, en su cruz, cuyo tronco atravesaba, como si fuese un brazo, una rama de árbol mal desbastada y que se doblaba, como un arco, con el peso del cuerpo.


Esa rama parecía lista ya a enderezarse y a arrojar por piedad, lejos de esta tierra de ultrajes y de crímenes, esa pobre carne que tiraban hacia el suelo los clavos enormes que agujereaban los pies.


Desencajados, casi arrancados de los hombros, los brazos de Cristo parecían agarrotados todo a lo largo por las correas enroscadas de los músculos. Se oía el ruido de los huesos dislocados bajo las axilas; las manos muy abiertas blandían dedos hoscos que bendecían sin embargo, con un gesto confuso de plegarias y reproches; los pectorales temblaban, grasientos de sudores; el torso parecía un tonel con el entramado visible de las costillas; la carne se hinchaba, azulada y como si exudase salitre, sembrada de picaduras de pulga, pinchada como con agujas por las puntas de las varas que a pesar de haberse quebrado sobre la piel la llenaban aún de tajos por todas partes.


La hora del pus había llegado; la llaga fluvial del flanco dejaba escapar su arroyo espeso, inundaba la cintura con una sangre parecida al jugo oscuro de las moras; serosidades rosadas, algo así como leche, aguas parecidas a vinos grises de Mosela, brotaban del pecho, empapaban el vientre bajo el cual ondulaba la franja arrugada de un lienzo; además, las rodillas juntadas a la fuerza entrechocaban sus rótulas, y las piernas torcidas se vaciaban hasta los pies que, puestos uno sobre otro, se alargaban, crecían en plena putrefacción, se ponían verdes con las oleadas de sangre. Esos pies esponjosos y callosos eran horribles; la carne brotaba, subía hasta la cabeza del clavo y los dedos crispados contradecían el gesto implorante de las manos, maldecían, arañaban casi, con el cuerno azul de las uñas, el ocre del suelo, cargado de hierro, semejante a las tierras púrpuras de Turingia.


Por encima de ese cadáver en erupción aparecía la cabeza, tumultuosa y enorme; ceñida con una corona desordenada de espinas, caía, extenuada, entreabría apenas un ojo lívido en el que palpitaba aún una mirada de dolor y de espanto; la cara llena de bultos, la frente destrozada, las mejillas secas; todos los rasgos trastocados lloraban, mientras que la boca abierta reía con la mandíbula contraída por sacudidas tetánicas, atroces.


El suplicio había sido horrendo, la agonía había aterrado el regocijo de los verdugos que huían.


Ahora, en el cielo de un azul de noche, la cruz parecía achicarse, hacerse muy baja, casi a ras del suelo, custodiada por dos figuras que permanecían a cada lado de Cristo: - una, la Virgen, tocada con un capucho de un rosa sangre seroso, que caía en ondas apretadas sobre un vestido de azul cansado de largos pliegues, la Virgen rígida y pálida, hinchada por las lágrimas y que, con la mirada fija, solloza, hundiéndose las uñas en los dedos de las manos; -la otra, San Juan, una especie de vagabundo, de pardo patán de Suabia, de alta estatura, con la barba rizada con pequeños rulos, vestido con las largas telas, como si hubiesen sido talladas en la corteza de un árbol, de una túnica escarlata, de un manto amarillo semejante al cuero curtido, cuyo forro, visible cerca de las mangas, se transformaba en el verde afiebrado de los limones no maduros. Exhausto de llantos, pero más resistente que María doblegada y sin embargo arrojada allí de pie, junta las manos en un impulso, se levanta hacia ese cadáver que contempla con los ojos rojos y humosos y se sofoca y grita, en silencio, en el tumulto de su garganta sorda.


Delante, ay, de ese Calvario manchado de sangre y borroneado de lágrimas, uno se hallaba lejos de los Gólgotas bonachones que, desde el Renacimiento, la Iglesia adopta. Ese Cristo del tétanos no era el Cristo de los ricos, el Adonis de Galilea, el tonto bonito de buena salud, el lindo muchacho de los rizos rojizos, con la barba dividida, con rasgos caballunos y sosos, que desde hace cuatrocientos años adoran los fieles. Ese era el Cristo de San Justino, de San Basilio, de San Cirilo, de Tertuliano, el Cristo de los primeros siglos de la Iglesia, el Cristo vulgar, feo, porque asumió la suma entera de los pecados y revistió, por humildad, las formas más abyectas.


Era el Cristo de los pobres, Aquel que se había hecho semejante a los más miserables de los que venía a salvar, a los físicamente desfavorecidos y a los mendigos, a todos esos con cuya fealdad o indigencia se encarniza la cobardía del hombre; y era también el más humano de los Cristos, un Cristo con la carne triste y débil, abandonado por el Padre que sólo había intervenido cuando ningún nuevo dolor era posible, el Cristo únicamente asistido por su Madre a la que, como ocurre con todos los que son torturados, había tenido que llamar con gritos de niño, por su Madre, inútil entonces e impotente.


Por una última humildad sin duda, había soportado que la Pasión no sobrepasase la envergadura permitida a los sentidos; y, obedeciendo a incomprensibles órdenes, había aceptado que su Divinidad fuese como interrumpida desde las bofetadas y los latigazos, los insultos y los escupitajos, desde todos los pequeños merodeos del sufrimiento, hasta los espantosos dolores de una agonía sin fin. Así había podido sufrir mejor, agonizar, reventar como si se tratase de un bandido, como si se tratase de un perro, suciamente, bajamente, yendo hasta el fondo de su caída, hasta la ignominia de la putrefacción, hasta el ultraje postrero del pus.


Por cierto, jamás el naturalismo se había evadido todavía hacia temas semejantes; jamás ningún pintor había manejado de tal forma el osario divino ni empapado el pincel de manera tan brutal en las placas de los humores y en los frascos sangrientos de los agujeros. Era algo excesivo y terrible. Grünewald era el más furioso de los realistas; pero al mirar a ese Redentor de mala vida, a ese Dios de morgue, la cosa cambiaba. De esa cabeza ulcerada se desprendían fulgores; una expresión sobrehumana iluminaba la efervescencia de la carne, el desencajamiento de los rasgos. Esa carroña abierta era la de un Dios, y, sin aureola, sin nimbo, con el simple tocado gotesco de esa corona desordenada, sembrada de granos rojos por las gotas de sangre, Jesús aparecía, en su celeste Superesencia, entre la Virgen, aniquilada, ebria de llantos, y el San Juan cuyos ojos calcinados ya no lograban derramar lágrimas.


Esos rostros tan vulgares al principio resplandecían, transfigurados por los excesos de almas inauditas. Ya no había bandido, ni mujer pobre ni patán, solamente seres supraterrestres al lado de un Dios.


Grünewald era el más furioso de los realistas. Jamás ningún pintor había tan magníficamente exaltado la alteza ni tan resueltamente brincado desde la cima del alma al orbe desamparado de un Cielo. Había ido a ambos extremos y había extraído, de una triunfal basura, las más finas mentas de las dilecciones, las más aceradas esencias de los llantos. En ese cuadro se revelaba la obra maestra del arte arrinconado, conminado a expresar lo invisible y lo tangible, a manifestar la inmundicia lacrimosa del cuerpo, a sublimar la angustia infinita del alma.


No, aquello no tenía equivalente en lengua alguna. En literatura, ciertas páginas de Anna Katherina Emmerich sobre la Pasión se aproximaban, pero atenuadas, a ese ideal de realismo sobrenatural y de vida verídica y exaltada. Quizás, también, ciertas efusiones de Ruysbroeck lanzándose en chorros gemelos de llamas blancas y negras, hacían pensar, debido a ciertos detalles, en la divina abyección de Grünewald; y, a pesar de todo, no, aquello seguía siendo único, ya que se hallaba al mismo tiempo fuera de alcance y a ras del suelo.


Traducción de Miguel Ángel Frontán.