jueves, 26 de mayo de 2011

Louise Labé: Yo vivo y muero...




Je vis, je meurs...

 Je vis, je meurs : je me brule et me noye.
 J'ay chaut estreme en endurant froidure:
 La vie m'est et trop molle et trop dure.
 J'ai grans ennuis entremeslez de joye

 Tout à un coup je ris et je larmoye,
 Et en plaisir maint grief tourment j'endure
 Mon bien s'en va, et à jamais il dure:
 Tout en un coup je seiche et je verdoye.

 Ainsi Amour inconstamment me meine:
 Et, quand je pense avoir plus de douleur,
 Sans y penser je me treuve hors de peine.

 Puis, quand je croy ma joy estre certeine,
 Et estre au haut de mon désiré heur,
 Il me remet en mon premier malheur.




Yo vivo y muero...

 Yo vivo y muero; yo me quemo y me ahogo
 Calor extremo siento al padecer el frío.
 La vida me es en demasía dulce, en demasía dura;
 Entremezcladas tengo penas con alegrías.

 De pronto río y lagrimeo de pronto,
 Y en medio del placer sufro muchos dolores
 Mi bien se va y dura para siempre:
 A un tiempo mismo me seco y reverdezco,

 Así el amor sin constancia me lleva
 Y cuando creo que es mayor el dolor.
 Sin que lo piense me encuentro ya sin pena.

 Después, cuando creo mi alegría segura
 Y encontrarme en lo alto de la dicha que ansío,
 Una vez más me arroja en la primera pena.

Traducción de Miguel Ángel Frontán.

lunes, 23 de mayo de 2011

Natalie Clifford Barney : El doctor Mardrus


Le docteur Jésus-Christ Mardrus

Le docteur Jésus-Christ Mardrus est le seul homme que je tutoie, parce que depuis vint-cinq ans il ne m’a pas un seul instant manqué de respect, et mérite, par conséquent, à ce titre et à bien d’autres, cette distinction.
Mon père, homme d’un seul monde — le sien — mon père moins perspicace, m’ayant voituré jusqu’au Point-du-Jour où habitaient alors les Mardrus, en voyant le docteur m’accueillir, ses yeux orientaux comme soulignés de khôl derrière son pince-nez, hésita à me laisser à la « Roseraie », ne fût-ce que le temps de son tour au Bois. Il me retrouva les bras pleins de livres et de roses, contente de lui montrer mes dédicaces, et mue d’un tel entrain littéraire qu’il fut rassuré, quoique dépité que pusse préférer ces gens-là à ceux des fêtes mondaines où il tâchait encore de m’entrainer.
Toute à mes nouveaux amis, je luis fis faux bond sur un yacht où un fiancé en perspective m’attendait, ayant à eux deux arrangé ma présentation à la cour d’Angleterre. Mais il comptait sans ma nature qui lui tint tête, parfois avec trop de rigueur, jusqu’au bout.
Le docteur et Mme Mardrus m’ouvraient le mondes des Mille et une nuits et celui des lettres. Et aucune pensée ambiguë, intéressée ou vicieuse ne s’y glissait. Et si le docteur une fois me proposa, devant son épouse, de me soumettre au devoir d’enfanter pour eux, c’était pour repartir avec plus de justice le travail entre nous. Que je portasse son enfant à la place de sa femme, à qui son œuvre littéraire n’en laissait pas le temps, lui semblait la chose la plus naturelle du monde. Mais ma nature encore une fois s’opposa et, malgré mon oisiveté et l’honneur qu’il me faisait, j’ai dû refuser.
C’est sans doute dans des circonstances d’une originalité semblable que le docteur Mardrus choque le commun des hommes.
Ne faut-il pas être un pur pour oser outrepasser aussi candidement les convenances, qui sont parfois fondées sur des complications bien moins honnêtes ? Et si, comme Candide, il enfreint les usages, c’est qu’ils en ont souvent besoin.
À d’autres moments, n’agit-il pas, tel François Villon, par joyeuse nécessité ? D’ailleurs la morale est faite pour ceux qui n’ont pas assez de santé morale pour la mépriser au besoin, et ne faut-il pas être doué d’un  bien autre courage pour refuser de s’y conformer ?
Les méfaits et maléfices du docteur Jésus-Christ Mardrus sont tellement cousus de fil blanc qu’il arrivent à lui faire comme un manteau d’innocence !
Et les demi-impurs, les trois-quarts-impurs, les impurs tout à fait s’en plaignent, eux qui se cachent sous toute une confection au rabais prise à l’étalage des mœurs en pleine faillite.
Par une espièglerie d’André Germain, le docteur Mardrus se trouva le voisin de table de Mme L. M… qu’il croyait son ennemie. Et, dès le potage, se sentant en eau trouble, il la menaça de son autre voisine, qui était moi. « Cette amie de toujours, lui dit-il, arracherait les yeux à qui oserait me regarder sans bienveillance ». Mme L. M…, amusée de se sentir visée, me questionna. Et je lui avouai que, n’aimant pas le gaspillage, je m’efforcerais d’abord, avant d’arracher des yeux, de les éclairer.
Une autre dame expliquait à mon ami qu’elle le craignait à cause du mal qu’il disait.
— Moi, dire du mal, madame, perdre mon temps à dire du mal ? Si j’en veux à quelqu’un, je lui en fais.
Lui parlant d’un confrère que je m’évertuais à mettre dans une situation plus en rapport avec ses besoins et aptitudes, le docteur Jésus-Christ affirma que c’était sa moitié italienne qui poussait mon protégé à ce quémandage qui veut que tout le monde s’occupe de lui.
— Et dis-moi en quoi, blonde, il est plus intéressant qu’un autre qui ne demande rien ?
Le docteur Mardrus ne réagit en aucune circonstance d’une façon prévue — c’est sans doute ceci qui le rend à certains si inquiétant.
La préface de sa Reine de Saba expose éloquemment son malaise d’exilé : On veut savoir où exactement commence l’Orient ?
Là où finit la vulgarité.
J’abrège de mémoire, mais voici le texte de Mardrus (préface à la Reine de Saba) dans son intégrité et sa splendeur :

Mais cet Orient,  cette Asie, quels en sont, enfin, les frontières réelles ?
Ces frontières sont d’une netteté qui ne permet aucune erreur. L’Asie est là où cesse la vulgarité et où commence l’élégance intellectuelle. Et l’Orient est là où sont les sources débordantes de poésie.

À l’instar de Mahomet, ce coléreux ne profère que malédictions uniques : dans ses différentes difficultés avec les étrangers d’ici, il y mêle quelques violences bien parisiennes, afin qu’ils comprennent quelque chose aux injures qu’il leur adresse.
La France savait ce qu’elle faisait en lui demandant une traduction du Koran.
La mission de Jouvenel savait moins bien ce qu’elle négligeait en ne profitant pas des connaissances de cet écrivain et orientaliste en Syrie et en Égypte, où, depuis, une mission privée l’a commandité pour que puissent paraître, de sa plume trempée dans l’âme de plusieurs races, les Mille et une nuits égyptiennes.
Il a fait une traduction de la Bible en un français qui semble égaler le texte des érudits de la Bible d’Oxford, écrite du temps du Roi James. Si la noblesse de la langue semble parfois se réfugier chez certains, c’est qu’ils ne l’ont pas trop vulgarisée par leur quotidien.
Je n’ai jamais vu Mardrus se servir d’un cliché, à plus forte raison l’écrire. Il s’exprime en « sourates », avec une force affirmative bien à lui, et rien n’est plus franc que son rire qui joue sur un parfait petit clavier, sur lequel parfois sa bouche se referme subitement en bouton de rose offensé…
Le livre de la Vérité de parole — ce livre des morts où chaque momie arrive, tenant son cœur dans la paume de sa main, devant le tribunal suprême, en attestant un bien d’elle-même tel que même les Très-Hauts sont gagnés à sa cause et laissent passer — est peut-être plus digne de foi que les excès contraires d’une humilité chrétienne. Car qui vaut plus la peine d’un mensonge que Dieu ? La réalité est la pauvresse qu’il faut cacher ou renier en vue des vérités divines. Et plus rien ne sépare un bienheureux de ce que, sur la terre, il eût voulut paraître. Pour ces peuples à mirages, la vie, cette matière ingrate, se taille moins à leur ressemblance qu’à ses reflets renversés.
L’on connaît plus un pays par un être que par un voyage.
Et je suis reconnaissante au docteur J.-C. Mardrus de cette longue, amusante ou parfois orageuse amitié, qui me mit si intimement en présence de l’Orient !


(Aventures de l'esprit. Éditions Émile-Paul Frères, 1929) 


NATALIE CLIFFORD BARNEY









El doctor Jesucristo Mardrus

El doctor Jesucristo Mardrus es el único hombre al que tuteo, porque en veinticinco años no me ha faltado el respeto ni un solo momento, y merece, en consecuencia, por tal razón y por muchas otras, esta distinción.
Mi padre, hombre de un solo mundo —el suyo—, mi padre, menos perspicaz, cuando me llevó en coche hasta el Point-du-jour, donde vivían los Mardrus por aquel entonces, al ver al doctor que salió a recibirme, con sus ojos orientales como delineados con khôl detrás de sus quevedos, dudó en dejarme en el “Rosedal”, aunque más no fuese que por el tiempo que durase su paseo por el Bosque. Al volver me encontró con los brazos llenos de libros y de rosas, contenta de mostrarle mis dedicatorias, y animada por un tal entusiasmo literario que se quedó más tranquilo, aunque contrariado al ver que yo prefería esas personas a las de las fiestas mundanas a las que aún trataba de llevarme.
Entregada por entero a mis nuevos amigos, lo dejé plantado en un yate en el que me esperaba un novio en ciernes, que había arreglado junto con él mi presentación en la corte de Inglaterra. Pero no contaba con mi naturaleza, que le hizo frente, a veces con demasiado rigor, hasta el final.
El doctor y la señora Mardrus me abrían el mundo de las Mil y una noches y el de las letras. Y no se colaba en todo ello ningún pensamiento ambiguo, interesado o vicioso. Y si el doctor me propuso una vez, delante de su esposa, que me sometiese al deber de dar a luz por ellos, fue para repartir de manera más pareja el trabajo entre nosotros. Que yo llevase su hijo en lugar de su mujer, a la que su obra literaria no le dejaba tiempo para hacerlo, le parecía la cosa más natural del mundo. Pero mi naturaleza se opuso una vez más y, a pesar de mi disponibilidad y del honor que me hacía, tuve que negarme.
Es sin duda en circunstancias de una originalidad semejante en las que el doctor Mardrus escandaliza al común de los hombres.
¿No hay que ser un puro para atreverse a violar con tanta candidez las reglas del decoro, que a veces están fundadas en complicaciones mucho menos honestas? Y si, como Cándido, El infringe los usos, es porque estos a menudo lo necesitan.
En otros momentos, ¿no actúa, como Francisco, por alegre necesidad? Por otra parte, la moral está hecha para los que no tienen suficiente salud moral para despreciarla cuando es necesario, y ¿no hace falta estar dotado de un coraje muy superior para negarse a conformarse a ella?
¡Las maldades y maleficios del doctor Jesucristo Mardrus están tan a la vista que llegan a hacerle algo así como un manto de inocencia!
Y los medio impuros, los casi del todo impuros, los impuros por completo se lamentan de ello, ellos, que se esconden bajo un vestuario de confección a precio rebajado tomado del escaparate de las buenas costumbres en plena bancarrota.
Por una travesura de André Germain, el doctor Mardrus se encontró sentado a la mesa junto a la señora L. M…, de quien él creía que era su enemiga. Y, ya desde la sopa, sintiéndose en terreno movedizo, la amenazó con la mujer que tenía del otro lado, es decir, yo. “está amiga de toda la vida”, le dijo él, “le arrancaría los ojos a quien se atreviese a mirarme sin amabilidad”. La señora L. M…, divertida al sentirse aludida, me preguntó si era cierto. Y yo le confesé que, como no me gustaba el derroche, me esforzaría primero, antes de arrancar ojos, en iluminarlos.
Otra señora le explicaba a mi amigo que ella le temía a causa de las maldades que decía.
—¿Yo, decir maldades, señora, perder mi tiempo en decir maldades? Si le tengo ojeriza a alguien, se las hago.
Hablándole de un colega a quien yo trataba por todos los medios de encontrarle una situación más acorde con sus necesidades y aptitudes, el doctor Jesucristo afirmó que era su mitad italiana la que inducía a mi protegido a especie de mendicidad que pretende que todo el mundo se ocupe de uno.
—Y dime, rubia, ¿en qué es él más interesante que otro que no pide nada?
El doctor Mardrus no reacciona en ninguna circunstancia de una manera prevista — es eso tal vez lo que lo hace tan inquietante para algunos.
El prefacio de su Reina de Saba expone elocuentemente su malestar de exiliado: ¿Quiere saberse donde comienza exactamente el Oriente?
Allí donde acaba la vulgaridad.
Abrevio de memoria, pero éste es el texto de Mardrus (prefacio a la Reina de Saba) en su integridad y su esplendor:
Pero ¿cuáles son, al fin de cuentas, las fronteras reales de este Oriente, de esta Asia?
Esas fronteras tienen una precisión que no permite ningún error. El Asia está allí donde termina la vulgaridad y comienza la elegancia intelectual. Y el Oriente está allí donde están las fuentes desbordantes de poesía.
A semejanza de Mahoma, éste colérico sólo profiere maldiciones únicas: en sus distintas dificultades con los extranjeros de aquí, mezcla algunas violencias muy parisinas, para que comprendan algo de las injurias que les dirige.
Francia sabía lo que estaba haciendo cuando le pidió una traducción del Corán.
La misión de Jouvenel no sabía tan bien lo que dejaba de lado cuando no sacó provecho de los conocimientos de este escritor y orientalista en Siria y en Egipto, a donde después lo envió una misión privada para que puedan brotar de su pluma empapada en el alma de varias razas las Mil y una noches egipcias.
Ha hecho una traducción de la Biblia en un francés que parece igualar al texto de los eruditos de la Biblia de Oxford, escrita en tiempos del Rey James. Si la nobleza de la lengua parece refugiarse a veces en algunos, es porque no la han vulgarizado demasiado en su vida cotidiana.
Nunca he visto a Mardrus usar un lugar común, y mucho menos describirlo. Se expresa en “suratas”, con una fuerza afirmativa muy suya, y nada es más franco que su risa, que sale de un perfecto tecladito sobre el que a veces se cierra súbitamente su boca, parecida un pimpollo ofendido…
El libro de la Verdad de palabra —ese libro de los muertos en que cada momia, sosteniendo su corazón en la palma de la mano, llega delante del tribunal supremo, dando prueba de un bien hecho por ella tal que incluso los Altísimos se ponen de su parte y la dejan pasar— es quizás más digno de fe que los excesos contrarios de una humildad cristiana. Ya que ¿por quién vale más la pena mentir, si no es por Dios? La realidad es la pordiosera que hay que ocultar o de la que hay que renegar en vista de las verdades divinas. Y ya nada separa a un bienaventurado de lo que, en la tierra, éste hubiera querido parecer. Para esos pueblos afectos a los espejismos, la vida, esta materia ingrata, está menos echa a su semejanza que con sus propios reflejos invertidos.
Conocemos más un país gracias a un ser que gracias a un viaje.
Y yo le estoy agradecida al doctor J.-C. Mardrus por esta larga, divertida y a veces tormentosa amistad que me puso tan íntimamente en presencia del Oriente.

martes, 17 de mayo de 2011

Miguel de Cervantes Saavedra y Louis Viardot



EL INGENIOSO HIDALGO DON QUIJOTE DE LA MANCHA

CAPÍTULO I

Audio

En un lugar de la Mancha, de cuyo nombre no quiero acordarme, no ha mucho tiempo que vivía un hidalgo de los de lanza en astillero, adarga antigua, rocín flaco y galgo corredor. Una olla de algo más vaca que carnero, salpicón las más noches, duelos y quebrantos los sábados, lantejas los viernes, algún palomino de añadidura los domingos, consumían las tres partes de su hacienda. El resto della concluían sayo de velarte, calzas de velludo para las fiestas, con sus pantuflos de lo mesmo, y los días de entresemana se honraba con su vellorí de lo más fino. Tenía en su casa una ama que pasaba de los cuarenta, y una sobrina que no llegaba a los veinte, y un mozo de campo y plaza, que así ensillaba el rocín como tomaba la podadera. Frisaba la edad de nuestro hidalgo con los cincuenta años; era de complexión recia, seco de carnes, enjuto de rostro, gran madrugador y amigo de la caza. Quieren decir que tenía el sobrenombre de Quijada, o Quesada, que en esto hay alguna diferencia en los autores que deste caso escriben; aunque, por conjeturas verosímiles, se deja entender que se llamaba Quejana. Pero esto importa poco a nuestro cuento; basta que en la narración dél no se salga un punto de la verdad.

Es, pues, de saber que este sobredicho hidalgo, los ratos que estaba ocioso, que eran los más del año, se daba a leer libros de caballerías, con tanta afición y gusto, que olvidó casi de todo punto el ejercicio de la caza, y aun la administración de su hacienda. Y llegó a tanto su curiosidad y desatino en esto, que vendió muchas hanegas de tierra de sembradura para comprar libros de caballerías en que leer, y así, llevó a su casa todos cuantos pudo haber dellos; y de todos, ningunos le parecían tan bien como los que compuso el famoso Feliciano de Silva, porque la claridad de su prosa y aquellas entricadas razones suyas le parecían de perlas, y más cuando llegaba a leer aquellos requiebros y cartas de desafíos, donde en muchas partes hallaba escrito: La razón de la sinrazón que a mi razón se hace, de tal manera mi razón enflaquece, que con razón me quejo de la vuestra fermosura. Y también cuando leía: ...los altos cielos que de vuestra divinidad divinamente con las estrellas os fortifican, y os hacen merecedora del merecimiento que merece la vuestra grandeza.

Con estas razones perdía el pobre caballero el juicio, y desvelábase por entenderlas y desentrañarles el sentido, que no se lo sacara ni las entendiera el mesmo Aristóteles, si resucitara para sólo ello. No estaba muy bien con las heridas que don Belianís daba y recebía, porque se imaginaba que, por grandes maestros que le hubiesen curado, no dejaría de tener el rostro y todo el cuerpo lleno de cicatrices y señales. Pero, con todo, alababa en su autor aquel acabar su libro con la promesa de aquella inacabable aventura, y muchas veces le vino deseo de tomar la pluma y dalle fin al pie de la letra, como allí se promete; y sin duda alguna lo hiciera, y aun saliera con ello, si otros mayores y continuos pensamientos no se lo estorbaran. Tuvo muchas veces competencia con el cura de su lugar -que era hombre docto, graduado en Sigüenza-, sobre cuál había sido mejor caballero: Palmerín de Ingalaterra o Amadís de Gaula; mas maese Nicolás, barbero del mesmo pueblo, decía que ninguno llegaba al Caballero del Febo, y que si alguno se le podía comparar, era don Galaor, hermano de Amadís de Gaula, porque tenía muy acomodada condición para todo; que no era caballero melindroso, ni tan llorón como su hermano, y que en lo de la valentía no le iba en zaga.

En resolución, él se enfrascó tanto en su lectura, que se le pasaban las noches leyendo de claro en claro, y los días de turbio en turbio; y así, del poco dormir y del mucho leer, se le secó el celebro, de manera que vino a perder el juicio. Llenósele la fantasía de todo aquello que leía en los libros, así de encantamentos como de pendencias, batallas, desafíos, heridas, requiebros, amores, tormentas y disparates imposibles; y asentósele de tal modo en la imaginación que era verdad toda aquella máquina de aquellas sonadas soñadas invenciones que leía, que para él no había otra historia más cierta en el mundo. Decía él que el Cid Ruy Díaz había sido muy buen caballero, pero que no tenía que ver con el Caballero de la Ardiente Espada, que de sólo un revés había partido por medio dos fieros y descomunales gigantes. Mejor estaba con Bernardo del Carpio, porque en Roncesvalles había muerto a Roldán el encantado, valiéndose de la industria de Hércules, cuando ahogó a Anteo, el hijo de la Tierra, entre los brazos. Decía mucho bien del gigante Morgante, porque, con ser de aquella generación gigantea, que todos son soberbios y descomedidos, él solo era afable y bien criado. Pero, sobre todos, estaba bien con Reinaldos de Montalbán, y más cuando le veía salir de su castillo y robar cuantos topaba, y cuando en allende robó aquel ídolo de Mahoma que era todo de oro, según dice su historia. Diera él, por dar una mano de coces al traidor de Galalón, al ama que tenía, y aun a su sobrina de añadidura.

En efeto, rematado ya su juicio, vino a dar en el más estraño pensamiento que jamás dio loco en el mundo; y fue que le pareció convenible y necesario, así para el aumento de su honra como para el servicio de su república, hacerse caballero andante, y irse por todo el mundo con sus armas y caballo a buscar las aventuras y a ejercitarse en todo aquello que él había leído que los caballeros andantes se ejercitaban, deshaciendo todo género de agravio, y poniéndose en ocasiones y peligros donde, acabándolos, cobrase eterno nombre y fama. Imaginábase el pobre ya coronado por el valor de su brazo, por lo menos, del imperio de Trapisonda; y así, con estos tan agradables pensamientos, llevado del estraño gusto que en ellos sentía, se dio priesa a poner en efeto lo que deseaba.

Y lo primero que hizo fue limpiar unas armas que habían sido de sus bisabuelos, que, tomadas de orín y llenas de moho, luengos siglos había que estaban puestas y olvidadas en un rincón. Limpiólas y aderezólas lo mejor que pudo, pero vio que tenían una gran falta, y era que no tenían celada de encaje, sino morrión simple; mas a esto suplió su industria, porque de cartones hizo un modo de media celada, que, encajada con el morrión, hacían una apariencia de celada entera. Es verdad que para probar si era fuerte y podía estar al riesgo de una cuchillada, sacó su espada y le dio dos golpes, y con el primero y en un punto deshizo lo que había hecho en una semana; y no dejó de parecerle mal la facilidad con que la había hecho pedazos, y, por asegurarse deste peligro, la tornó a hacer de nuevo, poniéndole unas barras de hierro por de dentro, de tal manera que él quedó satisfecho de su fortaleza; y, sin querer hacer nueva experiencia della, la diputó y tuvo por celada finísima de encaje.

Fue luego a ver su rocín, y, aunque tenía más cuartos que un real y más tachas que el caballo de Gonela, que tantum pellis et ossa fuit, le pareció que ni el Bucéfalo de Alejandro ni Babieca el del Cid con él se igualaban.

Cuatro días se le pasaron en imaginar qué nombre le pondría; porque, según se decía él a sí mesmo, no era razón que caballo de caballero tan famoso, y tan bueno él por sí, estuviese sin nombre conocido; y ansí, procuraba acomodársele de manera que declarase quién había sido, antes que fuese de caballero andante, y lo que era entonces; pues estaba muy puesto en razón que, mudando su señor estado, mudase él también el nombre, y le cobrase famoso y de estruendo, como convenía a la nueva orden y al nuevo ejercicio que ya profesaba. Y así, después de muchos nombres que formó, borró y quitó, añadió, deshizo y tornó a hacer en su memoria e imaginación, al fin le vino a llamar Rocinante: nombre, a su parecer, alto, sonoro y significativo de lo que había sido cuando fue rocín, antes de lo que ahora era, que era antes y primero de todos los rocines del mundo.

Puesto nombre, y tan a su gusto, a su caballo, quiso ponérsele a sí mismo, y en este pensamiento duró otros ocho días, y al cabo se vino a llamar don Quijote; de donde -como queda dicho- tomaron ocasión los autores desta tan verdadera historia que, sin duda, se debía de llamar Quijada, y no Quesada, como otros quisieron decir. Pero, acordándose que el valeroso Amadís no sólo se había contentado con llamarse Amadís a secas, sino que añadió el nombre de su reino y patria, por Hepila famosa, y se llamó Amadís de Gaula, así quiso, como buen caballero, añadir al suyo el nombre de la suya y llamarse don Quijote de la Mancha, con que, a su parecer, declaraba muy al vivo su linaje y patria, y la honraba con tomar el sobrenombre della.

Limpias, pues, sus armas, hecho del morrión celada, puesto nombre a su rocín y confirmándose a sí mismo, se dio a entender que no le faltaba otra cosa sino buscar una dama de quien enamorarse; porque el caballero andante sin amores era árbol sin hojas y sin fruto y cuerpo sin alma. Decíase él a sí:

-Si yo, por malos de mis pecados, o por mi buena suerte, me encuentro por ahí con algún gigante, como de ordinario les acontece a los caballeros andantes, y le derribo de un encuentro, o le parto por mitad del cuerpo, o, finalmente, le venzo y le rindo, ¿no será bien tener a quien enviarle presentado y que entre y se hinque de rodillas ante mi dulce señora, y diga con voz humilde y rendido: Yo, señora, soy el gigante Caraculiambro, señor de la ínsula Malindrania, a quien venció en singular batalla el jamás como se debe alabado caballero don Quijote de la Mancha, el cual me mandó que me presentase ante vuestra merced, para que la vuestra grandeza disponga de mí a su talante?

¡Oh, cómo se holgó nuestro buen caballero cuando hubo hecho este discurso, y más cuando halló a quien dar nombre de su dama! Y fue, a lo que se cree, que en un lugar cerca del suyo había una moza labradora de muy buen parecer, de quien él un tiempo anduvo enamorado, aunque, según se entiende, ella jamás lo supo, ni le dio cata dello. Llamábase Aldonza Lorenzo, y a ésta le pareció ser bien darle título de señora de sus pensamientos; y, buscándole nombre que no desdijese mucho del suyo, y que tirase y se encaminase al de princesa y gran señora, vino a llamarla Dulcinea del Toboso, porque era natural del Toboso; nombre, a su parecer, músico y peregrino y significativo, como todos los demás que a él y a sus cosas había puesto.


MIGUEL DE CERVANTES SAAVEDRA



CHAPITRE I

Qui traite de la qualité et des occupations du fameux hidalgo don Quichotte de la Manche.


Lu par CHRISTOPHE de - Audiocite.net


Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un hidalgo, de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, bidet maigre et lévrier de chasse. Un pot-au-feu, plus souvent de mouton que de bœuf, une vinaigrette presque tous les soirs, des abatis de bétail le samedi, le vendredi des lentilles, et le dimanche quelque pigeonneau outre l’ordinaire, consumaient les trois quarts de son revenu. Le reste se dépensait en un pourpoint de drap fin et des chausses de panne avec leurs pantoufles de même étoffe, pour les jours de fête, et un habit de la meilleure serge du pays, dont il se faisait honneur les jours de la semaine. Il avait chez lui une gouvernante qui passait les quarante ans, une nièce qui n’atteignait pas les vingt, et de plus un garçon de ville et de campagne, qui sellait le bidet aussi bien qu’il maniait la serpette. L’âge de notre hidalgo frisait la cinquantaine ; il était de complexion robuste, maigre de corps, sec de visage, fort matineux et grand ami de la chasse. On a dit qu’il avait le surnom de Quixada ou Quesada, car il y a sur ce point quelque divergence entre les auteurs qui en ont écrit, bien que les conjectures les plus vraisemblables fassent entendre qu’il s’appelait Quijana. Mais cela importe peu à notre histoire ; il suffit que, dans le récit des faits, on ne s’écarte pas d’un atome de la vérité.

Or, il faut savoir que cet hidalgo, dans les moments où il restait oisif, c’est-à-dire à peu près toute l’année, s’adonnait à lire des livres de chevalerie, avec tant de goût et de plaisir, qu’il en oublia presque entièrement l’exercice de la chasse et même l’administration de son bien. Sa curiosité et son extravagance arrivèrent à ce point qu’il vendit plusieurs arpents de bonnes terres à labourer pour acheter des livres de chevalerie à lire. Aussi en amassa-t-il dans sa maison autant qu’il put s’en procurer. Mais, de tous ces livres, nul ne lui paraissait aussi parfait que ceux composés par le fameux Feliciano de Silva. En effet, l’extrême clarté de sa prose le ravissait, et ses propos si bien entortillés lui semblaient d’or ; surtout quand il venait à lire ces lettres de galanterie et de défi, où il trouvait écrit en plus d’un endroit : « La raison de la déraison qu’à ma raison vous faites, affaiblit tellement ma raison, qu’avec raison je me plains de votre beauté ; » et de même quand il lisait : « Les hauts cieux qui de votre divinité divinement par le secours des étoiles vous fortifient, et vous font méritante des mérites que mérite votre grandeur. »

Avec ces propos et d’autres semblables, le pauvre gentilhomme perdait le jugement. Il passait les nuits et se donnait la torture pour les comprendre, pour les approfondir, pour leur tirer le sens des entrailles, ce qu’Aristote lui-même n’aurait pu faire, s’il fût ressuscité tout exprès pour cela. Il ne s’accommodait pas autant des blessures que don Bélianis donnait ou recevait, se figurant que, par quelques excellents docteurs qu’il fût pansé, il ne pouvait manquer d’avoir le corps couvert de cicatrices, et le visage de balafres. Mais, néanmoins, il louait dans l’auteur cette façon galante de terminer son livre par la promesse de cette interminable aventure ; souvent même il lui vint envie de prendre la plume, et de le finir au pied de la lettre, comme il y est annoncé. Sans doute il l’aurait fait, et s’en serait même tiré à son honneur, si d’autres pensées, plus continuelles et plus grandes, ne l’en eussent détourné. Maintes fois il avait discuté avec le curé du pays, homme docte et gradué à Sigüenza, sur la question de savoir lequel avait été meilleur chevalier, de Palmérin d’Angleterre ou d’Amadis de Gaule. Pour maître Nicolas, barbier du même village, il assurait que nul n’approchait du chevalier de Phébus, et que si quelqu’un pouvait lui être comparé, c’était le seul don Galaor, frère d’Amadis de Gaule ; car celui-là était propre à tout, sans minauderie, sans grimaces, non point un pleurnicheur comme son frère, et pour le courage, ne lui cédant pas d’un pouce.

Enfin, notre hidalgo s’acharna tellement à sa lecture, que ses nuits se passaient en lisant du soir au matin, et ses jours, du matin au soir. Si bien qu’à force de dormir peu et de lire beaucoup, il se dessécha le cerveau, de manière qu’il vint à perdre l’esprit. Son imagination se remplit de tout ce qu’il avait lu dans les livres, enchantements, querelles, défis, batailles, blessures, galanteries, amours, tempêtes et extravagances impossibles ; et il se fourra si bien dans la tête que tout ce magasin d’inventions rêvées était la vérité pure, qu’il n’y eut pour lui nulle autre histoire plus certaine dans le monde. Il disait que le Cid Ruy Diaz avait sans doute été bon chevalier, mais qu’il n’approchait pas du chevalier de l’Ardente-Épée, lequel, d’un seul revers, avait coupé par la moitié deux farouches et démesurés géants. Il faisait plus de cas de Bernard del Carpio, parce que, dans la gorge de Roncevaux, il avait mis à mort Roland l’enchanté, s’aidant de l’adresse d’Hercule quand il étouffa Antée, le fils de la Terre, entre ses bras. Il disait grand bien du géant Morgant, qui, bien qu’issu de cette race géante, où tous sont arrogants et discourtois, était lui seul affable et bien élevé. Mais celui qu’il préférait à tous les autres, c’était Renaud de Montauban, surtout quand il le voyait sortir de son château, et détrousser autant de gens qu’il en rencontrait, ou voler, par delà le détroit, cette idole de Mahomet, qui était toute d’or, à ce que dit son histoire. Quant au traître Ganelon, pour lui administrer une volée de coups de pied dans les côtes, il aurait volontiers donné sa gouvernante et même sa nièce pardessus le marché.

Finalement, ayant perdu l’esprit sans ressource, il vint à donner dans la plus étrange pensée dont jamais fou se fût avisé dans le monde. Il lui parut convenable et nécessaire, aussi bien pour l’éclat de sa gloire que pour le service de son pays, de se faire chevalier errant, de s’en aller par le monde, avec son cheval et ses armes, chercher les aventures, et de pratiquer tout ce qu’il avait lu que pratiquaient les chevaliers errants, redressant toutes sortes de torts, et s’exposant à tant de rencontres, à tant de périls, qu’il acquît, en les surmontant, une éternelle renommée. Il s’imaginait déjà, le pauvre rêveur, voir couronner la valeur de son bras au moins par l’empire de Trébizonde. Ainsi emporté par de si douces pensées et par l’ineffable attrait qu’il y trouvait, il se hâta de mettre son désir en pratique. La première chose qu’il fit fut de nettoyer les pièces d’une armure qui avait appartenu à ses bisaïeux, et qui, moisie et rongée de rouille, gisait depuis des siècles oubliée dans un coin. Il les lava, les frotta, les raccommoda du mieux qu’il put. Mais il s’aperçut qu’il manquait à cette armure une chose importante, et qu’au lieu d’un heaume complet elle n’avait qu’un simple morion. Alors son industrie suppléa à ce défaut : avec du carton, il fit une manière de demi-salade, qui, emboîtée avec le morion, formait une apparence de salade entière. Il est vrai que, pour essayer si elle était forte et à l’épreuve d’estoc et de taille, il tira son épée, et lui porta deux coups du tranchant, dont le premier détruisit en un instant l’ouvrage d’une semaine. Cette facilité de la mettre en pièces ne laissa pas de lui déplaire, et, pour s’assurer contre un tel péril il se mit à refaire son armet, le garnissant en dedans de légères bandes de fer, de façon qu’il demeurât satisfait de sa solidité ; et, sans vouloir faire sur lui de nouvelles expériences, il le tint pour un casque à visière de la plus fine trempe.

Cela fait, il alla visiter sa monture ; et quoique l’animal eût plus de tares que de membres, et plus triste apparence que le cheval de Gonéla, qui tantum pellis et ossa fuit, il lui sembla que ni le Bucéphale d’Alexandre, ni le Babiéca du Cid, ne lui étaient comparables. Quatre jours se passèrent à ruminer dans sa tête quel nom il lui donnerait : « Car, se disait-il, il n’est pas juste que cheval d’aussi fameux chevalier, et si bon par lui-même, reste sans nom connu. » Aussi essayait-il de lui en accommoder un qui désignât ce qu’il avait été avant d’entrer dans la chevalerie errante, et ce qu’il était alors. La raison voulait d’ailleurs que son maître changeant d’état, il changeât aussi de nom, et qu’il en prît un pompeux et éclatant, tel que l’exigeaient le nouvel ordre et la nouvelle profession qu’il embrassait. Ainsi, après une quantité de noms qu’il composa, effaça, rogna, augmenta, défit et refit dans sa mémoire et son imagination, à la fin il vint à l’appeler Rossinante, nom, à son idée, majestueux et sonore, qui signifiait ce qu’il avait été et ce qu’il était devenu, la première de toutes les rosses du monde.

Ayant donné à son cheval un nom, et si à sa fantaisie, il voulut s’en donner un à lui-même ; et cette pensée lui prit huit autres jours, au bout desquels il décida de s’appeler don Quichotte. C’est de là, comme on l’a dit, que les auteurs de cette véridique histoire prirent occasion d’affirmer qu’il devait se nommer Quixada, et non Quesada comme d’autres ont voulu le faire accroire. Se rappelant alors que le valeureux Amadis ne s’était pas contenté de s’appeler Amadis tout court, mais qu’il avait ajouté à son nom celui de sa patrie, pour la rendre fameuse, et s’était appelé Amadis de Gaule, il voulut aussi, en bon chevalier, ajouter au sien le nom de la sienne, et s’appeler don Quichotte de la Manche, s’imaginant qu’il désignait clairement par là sa race et sa patrie, et qu’il honorait celle-ci en prenant d’elle son surnom.

Ayant donc nettoyé ses armes, fait du morion une salade, donné un nom à son bidet et à lui-même la confirmation, il se persuada qu’il ne lui manquait plus rien, sinon de chercher une dame de qui tomber amoureux, car, pour lui, le chevalier errant sans amour était un arbre sans feuilles et sans fruits, un corps sans âme. Il se disait : « Si, pour la punition de mes péchés, ou plutôt par faveur de ma bonne étoile, je rencontre par là quelque géant, comme il arrive d’ordinaire aux chevaliers errants, que je le renverse du premier choc ou que je le fende par le milieu du corps, qu’enfin je le vainque et le réduise à merci, ne serait-il pas bon d’avoir à qui l’envoyer en présent, pour qu’il entre et se mette à genoux devant ma douce maîtresse, et lui dise d’une voix humble et soumise : « Je suis, madame, le géant Caraculiambro, seigneur de l’île Malindrania, qu’a vaincu en combat singulier le jamais dignement loué chevalier don Quichotte de la Manche, lequel m’a ordonné de me présenter devant Votre Grâce, pour que Votre Grandeur dispose de moi tout à son aise ? » Oh ! combien se réjouit notre bon chevalier quand il eut fait ce discours, et surtout quand il eut trouvé à qui donner le nom de sa dame ! Ce fut, à ce que l’on croit, une jeune paysanne de bonne mine, qui demeurait dans un village voisin du sien, et dont il avait été quelque temps amoureux, bien que la belle n’en eût jamais rien su, et ne s’en fût pas souciée davantage. Elle s’appelait Aldonza Lorenzo, et ce fut à elle qu’il lui sembla bon d’accorder le titre de dame suzeraine de ses pensées. Lui cherchant alors un nom qui ne s’écartât pas trop du sien, qui sentît et représentât la grande dame et la princesse, il vint à l’appeler Dulcinée du Toboso, parce qu’elle était native de ce village : nom harmonieux à son avis, rare et distingué, et non moins expressif que tous ceux qu’il avait donnés à son équipage et à lui-même.


LOUIS VIARDOT

domingo, 8 de mayo de 2011

El número 1 de A Rascal Rat, nuestra revista literaria, en versión para e-reader

Estimados amigos: ya se encuentra disponible en Scribd y en Calaméo la EDICIÓN PARA E-READERS del número 1 de la revista. Para llevarlo consigo a todas partes, ¡incluso al salón de lectura que no falta en ninguna casa, ni siquiera en aquellas en las que no hay libros! Cuentos de MAX BEERBOHM, LÉON BLOY, ALPHONSE ALLAIS, SEI SHONAGÔN, URABÉ KENKÔ y CARLOS CÁMARA.



miércoles, 4 de mayo de 2011

Charles-Joseph Mardrus y Vicente Blasco Ibáñez



Préface aux Mille et Une Nuits
(1899)

UN MOT DU TRADUCTEUR À SES AMIS 

J'OFFRE, toutes nues, vierges, intactes, naïves, pour mes délices et le plaisir de mes amis,
CES NUITS ARABES vécues, rêvées et traduites sur leur terre natale et sur l'eau.


Elles me furent douces durant les loisirs des longues mers, sous le ciel du loin.
C'est pourquoi je les donne.
Naïves elles sont, et souriantes, et pleines d'ingénuité, à l'égal de la musulmane Schahrazade, leur succulente mère, qui les enfanta dans le mystère en fermentant avec émoi dans le sien d'un prince sublime —lubrique et farouche— sous l'œil attendrie d'Allah Clément et Miséricordieux.
 Dès leur venue elles furent délicatement dorlotées par les mains de la lustrale Doniazade, leur tante, qui grava leurs noms sur des feuilles d'or colorées d'humides pierreries, et les soigna sous le velours de ses prunelles jusqu'à l'adolescence dure, pour les épandre, voluptueuses et libres, sur le Monde Oriental éternisé de leur sourire.
Je les juge et les donne telles, en leur fraîcheur de chair et de roche.
Car... une méthode, seule, existe, honnête et logique, de traduction : la littéralité, impersonnelle, à peine atténuée pour juste le rapide pli de paupière et savourer longuement... Elle produit, suggestive, la plus grande puissance littéraire. Elle fait le plaisir évocatoire. Elle recrée en indiquant. Elle est le plus sûr garant de vérité. Elle plonge, ferme, en sa nudité de pierre. Elle fleure l'arôme primitif et le cristallise. Elle dévide et délie... Elle fixe.
Certes, si la littéralité enchaîne l'esprit divaguant et le dompte, elle arrête l'infernale facilité de la plume. Je ne m'en plaindrai pas. Car où trouver chez un traducteur le génie simple, anonyme ! et libéré de la niaise manie de son nom ?... Mais pour les difficultés du terroir originel, si dures au professionnel en thème, elles ne sauraient, aux doigts de l'amoureux de l'oriental babil, se concentrer en plus de spires qu'il ne faut à la joie de les dénouer.
Quant à l'accueil... L'Occident maniéré, pâli dans l'étouffoir des conventions verbales, peut-être simulera-t-il l'ahurissement à l'audition du franc langage —gazouillant et simple et sonore de tout le rire— de ces brunes filles saines, natives des tentes abolies.
Or...
Elles n'y entendent point malice, les houries !
 Et les peuples primitifs, dit le Sage, appellent les choses par leurs noms, —et ne trouvent guère condamnable ce qui est naturel, ni licencieuse l'expression du naturel. (J'entends par peuples primitifs ceux sans encore nulle tare en la chair ou l'esprit, et nés au monde sous le sourire de la Beauté...)
D'ailleurs, il est totalement ignoré de la littérature arabe, ce produit hideux de la vieillesse spirituelle : l'intention pornographique. Les Arabes voient toute chose sous l'aspect hilarant.  Leur sens érotique ne mène qu'à la gaîté. Et ils  rient de tout cœur, là où le puritain palperait du scandale. 
Quiconque, artiste, a vagabondé et connu les voyages et cultivé amoureusement les bancs ajourés des adorables cafés populaires dans les vraies villes musulmanes et arabes, le vieux Caire aux rues pleines d'ombre et si fraîches, les souks de Damas, Sana du Yémen, Mascate ou Baghdad ; dormi sur la natte immaculée du Bédouin de Palmyre ; rompu le pain et goûté le sel fraternellement, dans là gloire du désert, avec Ibn-Rachid somptueux, ce type net de l'Arabe authentique ; savouré tout l'exquis d'une causerie de simplicité antique avec le pur descendant du Prophète, le chérif Hussein ben Ali ben Aoun, émir de la Mecque Sainte, — a pu noter l'expression des physionomies pittoresques réunies. Unique, un sentiment tient toute l'assistance : une hilarité folle. Elle flambe par saccades vitales aux sorties les plus libres de l'héroïque conteur public gesticulant, mimant sourtout et bondissant entre les spectateurs épanouis... El la griserie vous saisit, suscitée par les mots, par les sons, par la fumée ou l'aphrodisie de l'air, par la subodeur discrète du haschich, don dernier d'Allah !... Et l'on est navigateur aérien dans la nuit...
Là, on n'applaudit point : ce geste barbare, in-harmonique et féroce, ce vestige indéniable des races caraïbes ancestrales dansant autour du poteau de couleurs, et dont l'Europe a fait le symbole de l'horrible jouissance bourgeoise lassée sous le gaz, est essentiellement inconnu. 
L'Arabe — à une musique, notes de roseaux et de flûtes, à une plainte de kânoun ou d'oûd, à un rythme de darabouka profonde, à un chant de muezzin ou d'almée, à un conte coloré, à un poème d'allitérations en cascade, à une odeur subtile de jasmin, à une danse de fleur ou vol d'oiseau, à la nudité d'ambre ou de perle d'une solide courtisane onduleuse aux yeux étoilés, répond en sourdine ou de toute la voix par un ah !... long, savant, modulé, extatique, architectural.
C'est que l'Arabe est un instinctif, mais affiné et exquis. Il aime la ligne pure et la devine, irréalisée.
Mais... il étreint, sans paroles, infiniment...
Et maintenant,
Je puis promettre, sans crainte de mentir, que le rideau ne se relèvera que sur la plus étonnante, la plus compliquée et la plus splendide vision qu'ait jamais allumée, sur la neige du papier, le fragile outil du conteur. 



 

UNAS PALABRAS DEL TRADUCTOR A SUS AMIGOS


YO OFREZCO, desnudas vírgenes, intactas y sencillas, para mis delicias y el placer de mis amigos,
ESTAS NOCHES ÁRABES vividas, soñadas y traducidas sobre su tierra natal y sobre el agua.


Ellas me fueron dulces durante los ocios en remotos mares, bajo un cielo ahora lejano.
Por eso las doy.
Sencillas, sonrientes y llenas de ingenuidad, como la musulmana Schehrazada, su madre suculenta que las dio a luz en el misterio; fermentando con emoción en los brazos de un príncipe sublime —lúbrico y feroz—, bajo la mirada enternecida de Aláh, clemente y misericordioso. Al venir al mundo fueron delicadamente mecidas por las manos de la lustral Doniazada, su buena tía, que grabó sus nombres sobre hojas de oro coloreadas de húmedas pedrerías y las cuidó bajo el terciopelo de sus pupilas hasta la adolescencia dura, para esparcirlas después, voluptuosas y libres, sobre el mundo oriental, eternizado por su sonrisa.
Yo os las entrego tales como son, en su frescor de carne y de rosa. Sólo existe un método honrado y lógico de traducción: la literalidad, una literalidad impersonal, apenas atenuada por un leve parpadeo y una ligera sonrisa del traductor. Ella crea, sugestiva, la más grande potencia literaria. Ella produce el placer de la evocación. Ella es la garantía de la verdad. Ella es firme e inmutable, en su desnudez de piedra. Ella cautiva el aroma primitivo y lo cristaliza. Ella separa y desata... Ella fija.
La literalidad encadena el espíritu divagador y lo doma, al mismo tiempo que detiene la infernal facilidad de la pluma. Yo me felicito de que así sea; porque ¿dónde encontrar un traductor de genio simple, anónimo, libre de la necia manía de su renombre?...
Las dificultades del idioma original, tan duras para el traductor académico, que ve en las obras la letra antes que el espíritu, se convierten entre los dedos del amoroso balbuceo oriental en espirales tan bellas que, muchas veces, no se atreve a desenlazarlas por miedo a que pierdan su originalidad.
En cuanto a la acogida que tendrán estas joyas orientales... El Occidente, amanerado y empalidecido por la asfixia de sus convencionalismos verbales, tal vez fingirá susto y asombro al oír el franco lenguaje —gorjeo simple, sonoro y juvenil— de estas muchachas sanas y morenas, nacidas en las tiendas del desierto, que ya no existen. 
Entienden poco de malicia las huríes.
Y los pueblos primitivos, dice el Sabio, llaman las cosas por su nombre y no encuentran nunca condenable lo que es natural. (Entiendo por pueblos primitivos todos aquellos que aún no tienen una mancha en la carne o en el espíritu, y que vinieron al mundo bajo la sonrisa de la Belleza).
Además la literatura árabe ignora totalmente ese producto odioso de la vejez espiritual: la intención pornográfica. Los árabes ven todas las cosas bajo el aspecto hilarante. Su sentido erótico sólo conduce a la alegría. Y ríen de todo corazón, como niños, allí donde un puritano gemiría de escándalo.
Todo artista que ha vagabundeado por Oriente y cultivado con amor los bancos calados de los adorables cafés populares en las verdaderas ciudades musulmanas y árabes; el viejo Cairo con sus calles llenas de sombra, siempre frescas; los zocos de Damasco, Sana del Yemen, Mascata o Bagdad; todo aquel que ha dormido en la estera inmaculada del beduino de Palmira, que ha partido el pan  y saboreado la sal fraternalmente en la soledad gloriosa del desierto, con Ibn Rachid, el suntuoso, tipo neto del árabe auténtico. o que ha gustado la exquisitez de una charla de simplicidad antigua con el puro descendiente del Profeta, el cherif Hussein ben Alí ben Aoun, emir de la Meca santa, ha podido notar la expresión de las pintorescas fisonomías reunidas. Un sentimiento único domina a toda la asistencia: una hilaridad loca. Ella flamea con vitales estallidos ante las palabras gruesas y libres del heroico cuentista público que en el centro del café o de la plaza gesticula, mima, se pasea o brinca para dar mayor expresión a su relato en medio de los espectadores risueños... Y se apodera de vosotros la general embriaguez suscitada por las palabras y los sonidos imitativos, el humo del tabaco que hace soñar, la esencia afrodisíaca que parece flotante en el espacio, el sub-olor discreto del haschich, último regalo de Aláh a los hombres... Y os sentís navegantes aéreos en la frescura de la noche.
Allí nadie aplaude. Ese gesto bárbaro, inarmónico y feroz, vestigio indiscutible de razas ancestrales y antropófagas que danzaban en torno del poste de colores de la víctima y del cual ha hecho Europa un signo de la horrible alegría burguesa amontonada bajo el gas o la electricidad de las salas públicas, es completamente desconocido.
El árabe, ante una música compuesta de notas de cañas y flautas, ante un lamento de kanoun, un canto de muezzin o de almea, un cuento subido de color, un poema de aliteraciones en cascadas, un perfume sutil de jazmín, una danza de flor movida por la brisa, un vuelo de pájaro, o la desnudez de ámbar y perla de una abultada cortesana de formas ondulosas y ojos de estrella, responde en sordina o a toda voz con un ¡ah!... largo, sabiamente modulado, extático, arquitectónico.
 Y esto se debe a que el árabe no es más que un instintivo; pero afinado, exquisito. Ama la línea pura y la adivina con su imaginación cuando es irreal.
Pero es parco en palabras y sueña... sueña. Y ahora, amigos míos...
Yo os prometo, sin miedo de mentir, que el telón va a levantarse sobre la más asombrosa, la más complicada y la más espléndida visión que haya alumbrado jamás sobre la nieve del papel el frágil útil del cuentista.