Tristesse des bêtes
Le soleil est tombé derrière la forêt.
Dans le ciel, qu'un couchant rose et vert décorait,
Brille encore un grenat au faîte d'une branche.
La lune, à l'opposé, montre sa corne blanche.
Vers les puits, dont l'eau coule aux rigoles de bois,
C'est l'heure où les barbets avec de grands abois
Font, devant le berger lourd sous sa gibecière,
Se hâter les brebis dans des flots de poussière.
Les bêtes, les oiseaux des champs, sont au repos.
Seuls, le long du chemin, compagnons des troupeaux,
Sautant de motte en motte après la mouche bleue,
On entend pépier les brusques hoche-queue.
Puis ils s'en vont aussi. La nuit de plus en plus
Monte, noyant dans l'ombre épaisse le talus
Où les grillons plaintifs chantent leur bucolique
En couplets alternés d'un ton mélancolique.
Sous la brise du soir les herbes, les buissons,
Palpitent, secoués de douloureux frissons,
Et semblent chuchoter de noires confidences.
A ce ronron lugubre accordant ses cadences,
Le vieux berger, qui souffle en ses pipeaux faussés,
Fait pâmer les crapauds râlant dans les fossés.
Or, le bélier pensif baisse plus bas ses cornes ;
Les brebis, se serrant, ouvrent de grands yeux mornes ;
Et les chiens en hurlant s'arrêtent pour s'asseoir.
Oh ! vous avez raison d'être tristes, le soir !
Elle a raison, berger, ta chanson monotone
Qui pleure. Il a raison, l'animal qui s'étonne
De l'ombre épouvantable et de la nuit sans fond.
Hélas ! l'ombre et la nuit, sait-on ce qu'elles font ?
Sait-on quel oeil vous guette et quel bras vous menace
Dans cette chose noire ? Ah ! la nuit ! C'est la nasse
Que la Mort tous les soirs tend par où nous passons,
Et qui tous les matins est pleine de poissons.
Vive le bon soleil ! Sa lumière est sacrée.
Vive le clair soleil ! Car c'est lui seul qui crée.
C'est lui qui verse l'or au calice des fleurs,
Et fait les diamants de la rosée en pleurs ;
C'est lui qui donne à mars ses bourgeons d'émeraude,
A mai son frais parfum qui par les brises rôde,
A juin son souffle ardent qui chante dans les blés,
A l'automne jauni ses cieux roux et troublés ;
C'est lui qui pour chauffer nos corps froids en décembre
Unit au bois flambant les vins de pourpre et d'ambre ;
C'est lui l'ami magique au sourire enchanté
Qui rend la joie à ceux qui pleurent, la santé
Aux malades ; c'est lui, vainqueur des défaillances,
Qui nourrit les espoirs, ranime les vaillances ;
C'est lui qui met du sang dans nos veines ; c'est lui
Qui dans les yeux charmants des femmes dort et luit ;
C'est lui qui de ses feux par l'amour nous enivre ;
Et quand il n'est pas là, j'ai peur de ne plus vivre.
Vous comprenez cela, vous, bêtes, n'est-ce pas ?
Puisque, le soir venu, ralentissant le pas,
Dans votre âme, par l'homme oublieux abolie,
Vous sentez je ne sais quelle mélancolie.
Jean Richepin
Jean Richepin y Miguel de Unamuno
Tristeza de los animales
El sol detrás del bosque, moribundo, se pierde.
Los cielos el ocaso tiñe de rosa y verde.
Muestra sus blancos cuernos la luna. En el remate
De una rama, reluce todavía un granate.
A los pozos que colman del bosque los regueros
Entre nubes de polvo regresan los corderos;
Les azuzan los canes con sus fuertes ladridos,
Y tras ellos caminan los pastores rendidos.
En el campo reposan las bestias y las aves.
Solamente acompañan a los rebaños graves,
De la senda a lo largo marchando a saltos breves
En busca de insectillos, bruscos aguzanieves.
Luego también se ocultan. La noche avanza, avanza
Y sus espesas sombras a los taludes lanza
Donde el grillo se queja con su cantar bucólico
En estrofas alternas de ritmo melancólico.
Por la brisa nocturna sacudidos, se agitan
Hierbas y matorrales que, trémulos, palpitan
Y murmurar parecen obscuras confidencias.
A este concierto lúgubre juntando sus cadencias,
La flauta del anciano pastor, turbando el eco,
Viene a asustar al sapo que resuella en su hueco.
Temeroso el carnero la armada frente humilla,
Sus grandes ojos abre la débil ovejilla
Y el perro se detiene y a aullar siniestro empieza.
¡Oh, qué justo motivo tiene vuestra tristeza!
¡Con qué razón solloza, pastor, tu triste canto!
¡Con qué razón la bestia ve llegar con espanto
lo negro y lo insondable de la noche que asombra!
¿Quién sabe lo que guardan, unidas, noche y sombra?
¿Qué brazo nos amaga, qué vista nos acecha
En sus hondas negruras? ... ¡La noche! ... red estrecha
Que a nuestros pies la Muerte deja siempre extendida
Y todas las mañanas de peces saca henchida.
¡Viva el sol bueno, viva! Su destello es sagrado.
¡Viva el sol claro, viva! Por él todo es creado.
Él deja llenos de oro los cálices fragantes,
Él forma del rocío los líquidos diamantes,
Él da, pródigo, a marzo, sus brotes de esmeralda,
A mayo de perfumes fresquísima guirnalda,
A junio, de las eras el abrasado aliento,
Sus revueltos celajes a otoño amarillento,
Y en diciembre restaura nuestro cuerpo aterido
Con el vino de púrpura y el hogar encendido.
Es el amigo mágico de sonrisa encantada
Que devuelve al que llora la alegría anhelada,
Que retorna al enfermo la salud. Él ahuyenta
Recelos y zozobras, y la esperanza alienta.
Él da sangre a las venas; él en los seductores
Ojos de las mujeres se trueca en resplandores;
Por él en sus transportes el amor nos embriaga;
Yo siento que mi vida se va cuando él se apaga.
Y vosotras, ¡oh bestias!, sentís lo mismo acaso.
¿No es verdad? Y de noche tenéis, por eso, el paso,
Y en el alma, que os niega del hombre la porfía,
Sentís yo no sé que vaga melancolía.
Enrique Díez Canedo y la poesía extranjera
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