domingo, 27 de diciembre de 2009

Paul Verlaine: Lucien Létinois


LUCIEN LÉTINOIS

Il patinait merveilleusement,
S'élançant, qu'impétueusement !
R'arrivant si joliment vraiment !

Fin comme une grande jeune fille
Brillant, vif et fort, telle une aiguille,
La souplesse, l'élan d'une anguille.

Des jeux d'optique prestigieux,
Un tourment délicieux des yeux,
Un éclair qui serait gracieux.

Parfois il restait comme invisible,
Vitesse en route vers une cible
Si lointaine, elle-même invisible...

Invisible de même aujourd'hui.
Que sera-t-il advenu de lui ?
Que sera-t-il advenu de lui ?

PAUL VERLAINE


LUCIEN LÉTINOIS

Maravillosamente patinaba,
Lanzándose tan impetuosamente,
Volviendo con donaire igual, por cierto.

Esbelto como una alta joven, como
Una aguja, vivaz, brillante y fuerte,
La ligereza y el ímpetu de una anguila.

Juegos de óptica prestigiosos,
Para los ojos delicioso tormento,
Un relámpago que la gracia tuviese.

A veces se volvía invisible,
Rapidez en vuelo hacia un blanco
Tan lejano, asimismo invisible...

Invisible hoy también.
¿Dónde estará ahora?
¿Dónde estará ahora?

Traducción de Miguel Ángel Frontán.

domingo, 20 de diciembre de 2009

Francisco de Sales y Francisco de Quevedo

La literatura mística es, quizás, una de las partes más ignoradas de la literatura francesa. Quizás el esplendor del vecino siglo de oro español haya opacado, en Europa y en la misma Francia, los nombres del cardenal de Bérulle, de Jean-Jacques Olier, incluso del gran Bossuet. La obrita de San Francisco de Sales, Introducción a la vida devota, conoció, sin embargo, un éxito particular que ha perdurado casi hasta nuestros días. Su prosa llena de encanto, a caballo entre la lengua de Montaigne y el clasicismo del reino de Luis XIV, tuvo la dicha de contar con un lujoso traductor al español: Francisco de Quevedo. Podemos imaginar aquellas horas serenas en la Torre de Juan Abad que empleó nuestro don Francisco para brindarle al dulce obispo de Ginebra esta magnífica lengua castellana.




Introduction à la vie dévote
Chapitre I


Vous aspirez à la dévotion, très chère Philothée, parce qu’étant chrétienne, vous savez que c’est une vertu extrêmement agréable à la divine Majesté : mais, d’autant que les petites fautes que l’on commet au commencement de quelque affaire s’agrandissent infiniment au progrès et sont presque irréparables à la fin, il faut avant toutes choses que vous sachiez que c’est que la vertu de dévotion; car, d’autant qu’il n’y en a qu’une vraie, et qu’il y en a une quantité de fausses et vaines, si vous ne connaissiez quelle est la vraie, vous pourriez vous tromper et vous amuser à suivre quelque dévotion impertinente et superstitieuse.


Arélius peignait toutes les faces des images qu’il faisait, à l’air et ressemblance des femmes qu’il aimait, et chacun peint la dévotion selon sa passion et fantaisie. Celui qui est adonné au jeûne se tiendra pour bien dévot pourvu qu’il jeûne, quoique son coeur soit plein de rancune; et n’osant point tremper sa langue dedans le vin ni même dans l’eau, par sobriété, ne se feindra point de la plonger dedans le sang du prochain par la médisance et calomnie. Un autre s’estimera dévot parce qu’il dit une grande multitude d’oraisons tous les jours, quoiqu’après cela sa langue se fonde toute en paroles fâcheuses, arrogantes et injurieuses parmi ses domestiques et voisins. L’autre tire fort volontiers l’aumône de sa bourse pour la donner aux pauvres, mais il ne peut tirer la douceur de son coeur pour pardonner à ses ennemis; l’autre pardonnera à ses ennemis, mais de tenir raison à ses créanciers, jamais qu’à vive force de justice. Tous ces gens-là sont vulgairement tenus pour dévots, et ne le sont pourtant nullement. Les gens de Saül cherchaient David en sa maison; Michol ayant mis une statue dedans un lit et l’ayant couverte des habillements de David, leur fit accroire que c’était David même qui dormait malade : ainsi beaucoup de personnes se couvrent de certaines actions extérieures appartenant à la sainte dévotion, et le monde croit que ce soient gens vraiment dévots et spirituels; mais en vérité ce ne sont que des statues et fantômes de dévotion.


La vraie et vivante dévotion, o Philothée, présuppose l’amour de Dieu, ains elle n’est autre chose qu’un vrai amour de Dieu; mais non pas toutefois un amour tel quel: car, en tant que l’amour divin embellit notre âme, il s’appelle grâce, nous rendant agréables à sa divine Majesté; en tant qu’il nous donne la force de bien faire, il s’appelle charité; mais quand il est parvenu jusques au degré de perfection auquel il ne nous fait pas seulement bien faire, ains nous fait opérer soigneusement, fréquemment et promptement, alors il s’appelle dévotion. Les autruches ne volent jamais; les poules volent, pesamment toutefois, bassement et rarement; mais les ,aigles, les colombes et les arondelles volent souvent, vitement et hautement. Ainsi les pécheurs ne volent point en Dieu, ains font toutes leurs courses en la terre et pour la terre; les gens de bien qui n’ont pas encore atteint la dévotion volent en Dieu par leurs bonnes actions, mais rarement, lentement et pesamment; les personnes dévotes volent en Dieu fréquemment, promptement et hautement. Bref, la dévotion n’est autre chose qu’une agilité et vivacité spirituelle par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous, ou nous par elle, promptement et affectionnément; et comme il appartient à la charité de nous faire généralement et universellement pratiquer tous les commandements de Dieu, il appartient aussi à la dévotion de les nous faire faire promptement et diligemment. C’est pourquoi celui qui n’observe tous les commandements de Dieu, ne peut être estimé ni bon ni dévot, puisque pour être bon il faut avoir la charité, et pour être dévot il faut avoir, outre la charité, une grande vivacité et promptitude aux actions charitables.


Et d’autant que la dévotion gît en certain degré d’excellente charité, non seulement elle nous rend prompts et actifs et diligents à l’observation de tous les commandements de Dieu; mais outre cela, elle nous provoque à faire promptement et affectionnément le plus de bonnes oeuvres que nous pouvons, encore quelles ne soient aucunement commandées, ains seulement conseillées ou inspirées. Car tout ainsi qu’un homme qui est nouvellement guéri de quelque maladie chemine autant qu’il lui est nécessaire, mais lentement et pesamment, de même le pécheur étant guéri de son iniquité, il chemine autant que Dieu lui commande, pesamment néanmoins et lentement jusques à tant qu’il ait atteint à la dévotion; car alors, comme un homme bien sain, non seulement il chemine, mais il court et saute « en la voie des commandements de Dieu », et, de plus, il passe et court dans les sentiers des conseils et inspirations célestes. Enfin, la charité et la dévotion ne sont non plus différentes l’une de l’autre que la flamme l’est du feu, d’autant que la charité étant un feu spirituel, quand elle est fort enflammée elle s’appelle dévotion : si que la dévotion n’ajoute rien au feu de la charité, sinon la flamme qui rend la charité prompte, active et diligente, non seulement à l’observation des commandements de Dieu, mais à l’exercice des conseils et inspirations célestes.


SAN FRANCISCO DE SALES




Intrducción a la vida devota
Capítulo I
Descripción de la verdadera devoción.


Querida Filotea, siendo cristiana bien sé que aspiras a la devoción, por ser ésta una virtud en extremo agradable a la Majestad Divina. Mas por cuanto las faltas pequeñas en que se cae al principio de cualquier obra, se refuerzan y crecen en el progreso de ella, y son a la fin casi irreparables, es necesario ante todas cosas sepas lo que es esta virtud de devoción, porque no hay sino una verdadera y gran cantidad de falsas y vanas, sino conoces la cierta y segura podrías fácilmente engañarte y seguir alguna devoción impertinente y supersticiosa.


Aurelio pintaba todas las caras de las imágenes que hacía, a semejanza con el aire de las mujeres que amaba, y cada uno pinta la devoción según su pasión y fantasía; el que se da al ayuno se tendrá por muy devoto sólo porque ayuna, aunque por otra parte tenga el corazón lleno de rencor y malicia, y sin osar tocar su lengua a vino ni agua, por templanza, no se le dará nada de meterla y cebarla en la sangre de su prójimo, a fuerza de murmuración y calumnia. Otro se tendrá por muy devoto porque cada día dice una gran multitud de oraciones, aunque después de esto deshaga su lengua en palabras enojosas, arrogantes y injuriosas, así con sus domésticos como con sus vecinos. Otro sacará de buena gana limosna de la bolsa para dar a los pobres, y no podrá sacar del corazón dulzura y piedad para perdonar a sus enemigos, y no querrá componerse con sus deudores sino a fuerza de justicia. Todos estos son tenidos vulgarmente por devotos, nombre que de ninguna manera le merecen. Buscando la gente de Saúl a David en su casa, puso Micol en una cama una estatua, cubierta y adornada de los vestidos del mismo que buscaba, con que hizo creer a la gente de Saúl que el que al parecer dormía era David, que estaba enfermo. Así muchas personas se cubren de ciertas acciones exteriores aparentes a la santa devoción, con que el mundo las tiene por verdaderamente devotas y espirituales, no siendo en suma sino estatuas y fantasmas de devoción.


La verdadera y viva devoción, oh Filotea, presupone amor de Dios, y antes no es otra cosa sino un verdadero amor divino y no amor como quiera, porque en cuanto el amor divino hermosea nuestra alma se llama gracia, haciéndonos agradables a su Divina Majestad, en cuanto nos da fuerza de bien hacer se llama caridad, mas cuando llega al grado de perfección en cual no solamente nos hace bien hacer sino obrar cuidándola, frecuente y prontamente, entonces se llama devoción. Los avestruces no vuelan jamás, las gallinas vuelan poco aunque pesada y raramente, mas las águilas, palomas y golondrinas vuelan a menudo, apriesa y alto; así los pecadores no vuelan en Dios, antes hacen todos sus cursos en la tierra y para la tierra; la buena gente, que aún no ha llegado a la devoción, vuela en Dios por medio de sus buenas acciones, pero rara y pesadamente. Las personas devotas vuelan en Dios frecuente, pronta y altamente; en fin, la devoción no es otra cosa sino una agilidad y vivacidad espiritual, y vivacidad espiritual por medio de la cual la caridad ejercita sus acciones en nosotros, y nosotros por ella obramos, pronta y aficionadamente; y como pertenece a la caridad el hacernos guardar los mandamientos de Dios, general y universalmente, pertenece también a la devoción el hacer que los guardemos pronta y diligentemente, causa por que el que no guarda todos los mandamientos de Dios no puede ser tenido por bueno ni devoto, porque para ser bueno es necesaria la caridad, y para ser devoto es necesaria, además de la caridad, una grande vivacidad y prontitud en las acciones caritativas.


Y como la devoción consiste en cierto grado de excelente caridad, no solamente nos hacemos prontos, activos y diligentes en la observación de todos los mandamientos de Dios, sino que fuera de esto nos provoca a hacer pronta y aficionadamente las más de las buenas obras que podemos, aunque las tales no sean, de ninguna manera, de precepto sino solamente aconsejadas o inspiradas. Porque de la misma manera que un hombre que acaba de sanar de alguna enfermedad camina aquello que le es necesario, pero lenta y pesadamente, así el pecador, habiendo sanado de su iniquidad, camina aquello que Dios le manda, pero también lenta y pesadamente, hasta que llega a alcanzar la devoción, porque entonces, como un hombre bien sano y dispuesto, no solamente camina pero corre y salta en el camino de los mandamientos de Dios, y de mejor en mejor va corriendo en las sendas de los consejos e inspiraciones celestiales. En fin, la caridad y la devoción no son más diferentes la una de la otra que la llama lo es del fuego, por cuanto la caridad, siendo un fuego espiritual, cuando está muy inflamada se llama devoción; de manera que la devoción no junta nada al fuego de la caridad sino la llama, con la cual se hace la caridad pronta, activa y diligente, no solamente en la observación de los mandamientos de Dios sino en el ejercicio de los consejos y inspiraciones celestes.


FRANCISCO DE QUEVEDO VILLEGAS

lunes, 14 de diciembre de 2009

Jean de La Fontaine: La mosca y la hormiga



LA MOUCHE ET LA FOURMI

La Mouche et la Fourmi contestaient de leur prix. 
Ô Jupiter! dit la première,
Faut-il que l'amour propre aveugle les esprits
D'une si terrible manière,
Qu'un vil et rampant animal
A la fille de l'air ose se dire égal?
Je hante les Palais, je m'assieds à ta table:
Si l'on t'immole un boeuf, j'en goûte devant toi;
Pendant que celle-ci, chétive et misérable,
Vit trois jours d'un fétu qu'elle a traîné chez soi.
Mais, ma mignonne, dites-moi,
Vous campez-vous jamais sur la tête d'un Roi,
D'un Empereur, ou d'une Belle?
Je le fais; et je baise un beau sein quand je veux:
Je me joue entre des cheveux;
Je rehausse d'un teint la blancheur naturelle;
Et la dernière main que met à sa beauté
Une femme allant en conquête,
C'est un ajustement des Mouches emprunté.
Puis allez-moi rompre la tête
De vos greniers. - Avez-vous dit?
Lui répliqua la ménagère.
Vous hantez les Palais; mais on vous y maudit.
Et quant à goûter la première
De ce qu'on sert devant les Dieux,
Croyez-vous qu'il en vaille mieux?
Si vous entrez partout, aussi font les profanes.
Sur la tête des Rois et sur celle des Anes
Vous allez vous planter; je n'en disconviens pas;
Et je sais que d'un prompt trépas
Cette importunité bien souvent est punie.
Certain ajustement, dites-vous, rend jolie.
J'en conviens: il est noir ainsi que vous et moi.
Je veux qu'il ait nom Mouche: est-ce un sujet pourquoi
Vous fassiez sonner vos mérites?
Nomme-t-on pas aussi Mouches les parasites?
Cessez donc de tenir un langage si vain:
N'ayez plus ces hautes pensées.
Les Mouches de cour sont chassées;
Les Mouchards sont pendus; et vous mourrez de faim,
De froid, de langueur, de misère,
Quand Phébus régnera sur un autre hémisphère.
Alors je jouirai du fruit de mes travaux.
Je n'irai, par monts ni par vaux,
M'exposer au vent, à la pluie;
Je vivrai sans mélancolie.
Le soin que j'aurai pris, de soin m'exemptera.
Je vous enseignerai par là
Ce que c'est qu'une fausse ou véritable gloire.
Adieu: je perds le temps: laissez-moi travailler;
Ni mon grenier, ni mon armoire
Ne se remplit à babiller.




LA MOSCA Y LA HORMIGA
 

La mosca y la hormiga discutían sobre sus méritos.
¡Oh, Júpiter, decía la mosca,
Cómo el amor propio enceguece la mente
De terrible manera,
Que hasta un vil y rampante animal
De la hija del aire pretende ser la igual!
Yo entro en los palacios, a tu mesa me siento,
Si te inmolan un buey lo pruebo en tu presencia,
En tanto que esta otra, débil y miserable,
Del palito que arrastra come tres días enteros,
Pero, querida mía, decidme, ¿acaso
Os paráis en la cabeza de los reyes,
De los emperadores, de las bellas mujeres?
La piel blanca yo adorno
Y el último detalle que pone a su hermosura
Una beldad conquistadora
Es un toque que de las moscas viene.
¡Acabad pues de aturdirme los oídos
Con vuestros graneros! — ¿Habéis ya dicho todo?
Le respondió la hacendosa.
Frecuentáis los palacios, pero allí se os maldice, y por lo que respecta
A ser en probar la primera
Aquello que se sirve en la mesa divina,
¿pensáis que tiene, acaso, por eso más valor?
Si entráis por todas partes, también los importunos.
En la cabeza de los reyes y también de los asnos
Os paráis. No lo niego,
Y yo sé que a menudo
Una temprana muerte es el justo castigo.
Cierto detalle, decís, vuelve hermosa.
De acuerdo: como vos ese detalle es negro y como yo.
Admito que como vos se llama. ¿Es una razón, acaso,
Para pregonar tan alto vuestros méritos?
¿No se llaman, también, los parásitos moscas?
Terminad, pues, con tan vano lenguaje,
Abandonad tan altos pensamientos.
A las moscas como vos de la Corte se las echa,
A los moscardones se los cuelga, y vos moriréis de hambre,
De enfermedad, de miseria, de frío,
Cuando Febo esté en el otro hemisferio.
Del fruto de mi esfuerzo disfrutaré yo entonces.
No iré por montes ni por valles
A exponerme al viento y a la lluvia.
Viviré sin tristeza;
Exenta de inquietud gracias a mis trabajos.
Entonces podréis ver toda la diferencia
Entre un falso y un auténtico orgullo,
Adiós: mi tiempo pierdo; dejadme trabajar,
Ni mis cofres ni me granero
Con charlas se llenarán.


miércoles, 9 de diciembre de 2009

Oscar Vladislas de Lubicz Milosz: Karomama


KAROMAMA

Mes pensées sont à toi, reine Karomama du très vieux temps,
Enfant dolente aux jambes trop longues, aux mains si faibles,
Karomama, fille de Thèbes,
Qui buvais du blé rouge et mangeais du blé blanc
Comme les justes, dans le soir des tamaris.
Petite reine Karomama du temps jadis.

Mes pensées sont à toi, reine Karomama
Dont le nom oublié chante comme un choeur de plaintes
Dans le demi-rire et le demi-sanglot de ma voix ;
Car il est ridicule et triste d'aimer la reine Karomama
Qui vécut environnée d'étranges figures peintes
Dans un palais ouvert, tellement autrefois,
Petite reine Karomama.

Que faisais-tu de tes matins perdus, dame Karomama?
Vers la raideur de quelque dieu chétif à tête d'animal
Tu allongeais tes bras maigres et maladroits
Tandis que des feux doux couraient sur le fleuve matinal.
Ô Karomama aux yeux las, aux longs pieds alignés,
Aux cheveux torturés, morte du berceau des années...
Ma pauvre, pauvre reine Karomama.

Et de tes journées, qu'en faisais-tu, prêtresse savante?
Tu taquinais sans doute tes petites servantes
Dociles comme les couleuvres, mais comme elles indolentes ;
Tu comptais les bijoux, tu rêvais des fils de rois
Sinistres et parfumés, arrivant de très loin,
De par delà les mers couleur de toujours et de loin
Pour dire: "Salut à la glorieuse Karomama."

Et les soirs d'éternel été tu chantais sous les sycomores
Sacrés, Karomama, fleur bleue des lunes consumées ;
Tu chantais la vieille histoire des pauvres morts
Qui se nourrissaient en cachette de choses prohibées
Et tu sentais monter dans les grands soupirs tes seins bas
D'enfant noire et ton âme chancelait d'effroi.
Les soirs d'éternel été, n'est-ce pas, Karomama ?

-Un jour (a-t-elle vraiment existé, Karomama ?),
On entoura ton corps de jaunes bandelettes,
On l'enferma dans un cercueil grotesque et doux en bois de cèdre.
La saison du silence effeuilla la fleur de ta voix.
Les scribes confièrent ton nom aux papyrus
Et c'est si triste et c'est si vieux et c'est si perdu...
C'est comme l'infini des eaux dans la nuit et dans le froid.

Tu sais sans doute, ô legendaire Karomama,
Que mon âme est vieillie comme le chant de la mer
Et solitaire comme un sphinx dans le désert,
Mon âme malade de jamais et d'autrefois.
Et tu sais mieux encore, princesse iniciée,
Que la destinée a gravé un signe étrange dans mon coeur,
Symbole de joie idéale et de réel malheur.

Oui, tu sais tout cela, lointaine Karomama,
Malgré tes airs d'enfant que sut éterniser
L'auteur de ta statue polie par les baisers
Des siècles étrangers qui languirent loin de toi.
Je te sens près de moi, j'entends ton long sourire
Chuchoter dans la nuit : "Frère, il ne faut pas rire."
-Mes pensées sont à toi, reine Karomama.


KAROMAMA

Mis pensamientos te pertenecen, reina Karomama del tiempo antiguo,
Niña doliente con piernas demasiado largas, con manos tán débiles,
Karomama, hija de Tebas,
Que bebías el trigo rojo y comías el trigo blanco
Como los justos en la tarde de los tamariscos.
Pequeña reina Karomama del tiempo pasado.

Mis pensamientos te pertenecen, reina Karomama
Cuyo nombre olvidado canta como un coro de quejas
En la sonrisa a medias y en el sollozo a medias de mi voz;
Ya que es triste y ridículo amar a la reina Karomama
Que vivió rodeada de extrañas figuras pintadas
En un palacio abierto, hace tanto tiempo,
Pequeña reina Karomama.

¿Qué hacías con tus mañanas perdidas, dama Karomama?
Hacia la rigidez de algún dios debilucho con cabeza animal
Gravemente estirabas tus brazos torpes y delgados
Mientras suaves fuegos corrían sobre el río matinal.
Oh Karomama, con tus ojos cansados, tus largos pies alineados,
Con tus cabellos torturados, muerta de la cuna de los años...
Mi pobre, pobre reina Karomama.

¿Y con tus días qué hacías, sacerdotisa sabia?
Sin duda aguijoneabas a tus pequeñas sirvientas
Dóciles como culebras, pero como culebras indolentes;
Contabas tus joyas, soñabas con hijos de reyes
Siniestros y perfumados, llegando de muy lejos,
De más allá de los mares color de siempre y lejos
Para decir: "Salud a la gloriosa Karomama".

Y las noches de verano eterno cantabas bajo los sicomoros
Sagrados, Karomama, flor azul de las lunas consumidas;
Cantabas la vieja historia de los pobres muertos
Que a escondidas se alimentaban con manjares prohibidos
Y en tus grandes suspiros sentías subir tus caídos senos
De niña negra y tu alma titubeaba de espanto.
Las noches de verano eterno, ¿no es cierto, Karomama?

-Un día (¿Karomama ha realmente existido?),
Con vendas amarillas envolvieron tu cuerpo,
En un féretro grotesco y suave de madera de cedro lo encerraron.
La estación del silencio deshojó la flor de tu voz.
Los escribas confiaron tu nombre a los papiros
Y todo es tan triste y tan antiguo y tan perdido...
Es como el infinito de las aguas en la noche y el frío.

Quizás tú sabes, oh legendaria Karomama,
Que mi alma está envejecida como el canto del mar
Y solitaria como una esfinge en el desierto,
Mi alma enferma de nunca y de otro tiempo.
Y mucho mejor sabes, princesa iniciada,
Que en mi corazón el destino grabó un signo extraño,
Símbolo de alegría ideal y de real desgracia.

Sí, todo esto lo sabes, lejana Karomama,
A pesar del aire infantil que supo eternizar
El creador de tu estatua pulida por los besos
De los siglos extranjeros que han languidecido lejos de ti.
Te siento cerca de mí, oigo tu larga sonrisa
Susurrar en la noche: "Hermano, no hay que reír."
-Mis pensamientos te pertenecen, reina Karomama.

Traducción de Miguel Ángel Frontán 

viernes, 4 de diciembre de 2009

Jean Lorrain: Historia de la buena Gudule


Histoire de la bonne Gudule

Mme de Lautréamont habitait la plus belle maison de la ville : c'était l'ancien hôtel de la Recette générale, bâti sous Louis XV (excusez du peu !) et dont les hautes fenêtres, ornementées d'attributs et de coquilles, faisaient l'admiration de quiconque passait sur la grande place les jours de marché. C'était un grand corps de logis, flanqué de deux ailes en retour réunies par une large grille : la cour d'honneur avec, derrière le bâtiment principal, le plus beau jardin du monde. Il descendait de terrasse en terrasse, jusqu'aux bords des remparts, dominait trente lieues de campagne et, de la plus belle ordonnance Louis XV, abritait dans ses bosquets des statues licencieuses, toutes plus ou moins lutinées par les Ris et l'Amour.

Quant aux appartements, ils étaient lambrissés de panneaux sculptés du plus charmant effet, ornementés de trumeaux et de glaces, et les parquets de tout le rez-de-chaussée, curieusement incrustés de bois des Iles, luisaient comme des miroirs. Mme de Lautréamont n'habitait que le corps principal, elle avait loué des pavillons des ailes à de solides locataires et s'en faisait de bonnes rentes ; il n'était personne qui n'enviât d'habiter l'hôtel de Lautréamont, et c'était le sempiternel sujet des conversations de la ville.

Cette Mme de Lautréamont ! Elle était née les mains pleines et avait toujours eu toutes les chances : un mari bâti comme Hercule tout à ses volontés, et qui la laissait s'habiller à Paris, chez le grand faiseur ; deux enfants qu'elle avait bien établis, la fille mariée à un procureur du roi, et le fils déjà capitaine d'artillerie ou en passe de l'être ; le plus beau logis du département, une santé qui la faisait encore fraîche et, ma foi, désirable à plus de quarante-cinq ans et, pour entretenir cette demeure princière et cette santé presque indécente, une domestique comme on n'en fait plus, le phénix, la perle rare des servantes, tous les dévouements, toutes les attentions, toutes les honnêtetés incarnés dans la bonne Gudule.

Grâce à cette fille merveilleuse, Mme de Lautréamont arrivait avec trois domestiques, un jardinier, un valet de chambre et une cuisinière, à entretenir son immense maison sur un pied de soixante mille livres de rentes. C'était, sans contredit, la demeure la mieux tenue de la ville : pas un grain de poussière sur le marbre des consoles, des parquets dangereux à force d'être cirés, de vieilles glaces devenues plus claires que l'eau des fontaines et partout, dans tous les appartements, un ordre, une symétrie qui faisaient citer l'ancien hôtel de la Recette comme la première maison de province, avec cette phrase désormais consacrée pour désigner un logis très soigné : "C'est à se croire chez les Lautréamont".

L'âme de cette demeure étonnante se trouvait être une bonne vieille fille aux joues encore fraîche, aux petits yeux naïfs et bleuâtres, et qui du matin au soir, le plumeau ou le balai à la main, sérieuse, silencieuse, active, n'arrêtait pas de frotter, de brosser, d'épousseter, de faire briller et reluire, ennemie déclarée de tout atome de poussière. Les autres domestiques la redoutaient un peu : c'était une terrible surveillance que celle de la bonne Gudule. Dévouée tout entière aux intérêts des maîtres, rien n'échappait à son petit oeil bleu ; toujours au logis avec cela, car la vieille fille ne sortait que pour assister aux offices des jours de fête et des dimanches, assez peu dévote, ma foi, et nullement assidue à la messe de six heures, ce prétexte de sortie journalière de toutes les vieilles servantes.

Dans la ville, on ne tarissait pas d'éloges sur ce modèle des femmes de charge et on enviait fort sa domestique à Mme de Lautréamont. Quelques âmes peu délicates ne se firent même pas scrupule d'essayer de la lui souffler. On offrit des ponts d'or à Gudule, car la vanité s'en mêla et, dans la société, des paris s'étaient même ouverts pour enlever la pauvre fille à sa maîtresse ; mais ce fut peine perdue. Gudule, d'une fidélité d'un autre âge, fit la sourde oreille à toute proposition, et le bonheur insolent de Mme de Lautréamont continua jusqu'au jour où la vieille servante usée, exténuée de travail, s'éteignit comme une lampe sans huile, dans sa froide petite mansarde, sous les combles, où Mme de Lautréamont, il faut le dire à sa louange, demeura installée trois jours.

La bonne Gudule eut cette joie de mourir avec sa chère maîtresse à son chevet. Les Lautréamont firent à leur servante un convoi convenable. M. de Lautréamont conduisit le deuil, Gudule eut sa concession au cimetière, des fleurs fraîches sur sa tombe pendant au moins huit jours, puis il fallut bien la remplacer.

La remplacer, non, car c'était là chose impossible, mais du moins introduire à l'hôtel une femme qui tînt son emploi. Des femmes de charge, cela se trouve et, après quelques essais malheureux, Mme de Lautréamont crut pouvoir enfin se féliciter d'avoir mis la main sur une fille de confiance et de haute probité ; Mlle Agathe régna désormais à l'ancien hôtel de la Recette. C'était une personne un peu forte, le corsage en bastion, qui, affairée, gesticulante, s'effarait dans tous les coins, un trousseau de clefs à la ceinture, un tablier de soie changeante à la taille, avec des airs de Mlle Rodomont. Son service n'était pas précisément silencieux, ce n'étaient du matin au soir que criailleries après les autres domestiques ; et la vieille demeure, si calme et si muette du temps de Gudule, en était comme assourdie. Mais Mlle Agathe savait se faire valoir, tout est là ; ce n'étaient que rapports quotidiens sur l'antichambre et sur l'office, débats intéressés avec la cuisinière : et Mme de Lautréamont finissait par se laisser prendre à toutes ces manifestations d'un bruyant dévouement.

Ah ! ce n'était plus le service de Gudule, ce service invisible et silencieux qu'on eût dit exécuté par une ombre, ces attentions délicates et comme effarouchées d'un dévouement qui se cachait, cette vigilance de toutes les secondes, et ces minuties de vieille fille en adoration du logis de ses maîtres, ce culte de dévote pour sa paroisse, et toute cette ferveur domestique, qui mettait naguère chez les Lautréamont comme un parfum d'autel.

Il y avait maintenant des grains de poussière sur le marbre des consoles ; les vieilles glaces des salons ne jouaient plus l'eau transparente des fontaines, pas plus que les parquets n'eussent joué les miroirs ; mais l'habitude est une telle force et Gudule avait créé une telle légende, qu'on citait toujours le vieil hôtel de la Recette générale avec les réflexions en cours sur la maison la mieux tenue du département.

Or, à quelque six mois de là (on était à la mi-novembre et Gudule s'était éteinte en mars), une nuit, Mme de Lautréamont éveillait brusquement M. de Lautréamont et d'une voix un peu changée, sans même allumer la bougie : "Hector, lui disait-elle, c'est singulier ! Ecoutez donc ! on dirait le coup de balai de Gudule". M. de Lautréamont, de fort méchante humeur, en homme à moitié endormi, lui ronchonnait qu'elle était folle ; mais une grande émotion étreignait Mme de Lautréamont et la secouait d'un tel tremblement, que ce modèle des maris consentait à s'éveiller et à prêter l'oreille aux divagations de sa femme. "Je vous assure que quelqu'un est là, reprenait celle-ci, là, sur le palier du premier, à la porte de notre chambre. J'entends les pas, mais pourquoi ce bruit de balai ? Tenez, on s'éloigne maintenant, on balaye au fond du vestibule et je vous assure que c'est sa façon de balayer. Vous pensez si je la connais". Mme de Lautréamont n'osait même plus prononcer le nom de la vieille servante, et M. de Lautréamont la comprenant : "En vérité, cette fille vous trotte par la tête ! Vous rêvez tout éveillée, chère amie, je vous assure qu'il n'y a rien ; l'air est si calme que l'on n'entend même pas remuer une feuille. C'est votre dîner qui ne passe pas. Voulez-vous que je vous fasse une tasse de thé ?" Mais, comme mue par un ressort, Mme de Lautréamont, toute frissonnante, s'était jetée à bas du lit et, courant pieds nus par la chambre, allait entrebâiller la porte. Elle la refermait avec un cri affreux. D'un bond M. de Lautréamont était auprès d'elle, ne comprenant rien à ce coup de folie, la ramenait presque inanimée dans une grande bergère où elle se laissait tomber et suffoquait quelque temps sans pouvoir parler ; elle retrouvait enfin sa voix, et, dans la chambre maintenant éclairée : "C'est elle ! je l'ai vue comme je vous vois ; elle était là, balayant et frottant le parquet de ce vestibule, dans la robe de bure que vous lui avez connue, en bonnet comme de son vivant, mais si pâle, si blême ! Ah ! quelle figure de cimetière ! Il faudra lui faire dire des messes, mon ami".

M. de Lautréamont calmait sa femme comme il pouvait et n'en demeurait pas moins inquiet et pensif : on a vu des choses encore plus mystérieuses.

La nuit suivante, l'hallucination de Mme de Lautréamont la reprenait. Frissonnnante, les dents serrées de terreur, elle entendait cette fois la servante trépassée cirer, frotter le grand palier désert en se démenant sur ses pieds chaussés de brosses. La peur serait-elle contagieuse ? Dans le silence de la grande maison endormie, M. de Lautréamont entendait le bruit cette fois et, malgré sa femme cramponnée d'épouvante à son bras, il allait crânement ouvrir la porte et regardait.

Tout son poil se hérissait sur sa chair moite : la silhouette démantibulée de la servante défunte s'agitait et se trémoussait, marionnette funèbre, au milieu du vestibule désert ; la fenêtre qui éclairait l'escalier la baignait d'une lueur de lune et, dans le rayon lumineux et bleu, la morte passait et repassait, brossant, frottant, en proie à une agitation fébrile ; on eût dit l'oeuvre d'une damnée, et M. de Lautréamont, comme elle passait devant lui, vit distinctement des gouttes de sueur sur son crâne déjà poli. Il refermait brusquement la porte terrifié et convaincu. "Tu as raison, faisait-il simplement en revenant auprès de sa femme : il faudra faire dire quelques messes pour cette fille".

Dix messes furent dites pour la défunte, dix messes basses auxquelles assistèrent M. et Mme de Lautréamont et toute leur maison, et la bonne Gudule ne revint plus faire l'ouvrage de Mlle Agathe par les claires nuits de novembre.


JEAN LORRAIN


Historia de la buena Gudule

Madame de Lautréamont vivía en la casa más bella de la ciudad, edificada en épocas de Luis XV (¡disculpen cosa de tan poca monta!), la misma que fuera, bajo el Antiguo Régimen, sede de la Dirección General de Impuestos, y cuyas altas ventanas, adornadas con escudos y conchas, llenaban de admiración a quienquiera acertase a cruzar por la plaza mayor los días de mercado. El inmueble estaba compuesto por un gran cuerpo que sobresalía flanqueado por dos alas laterales, el todo unido por una alta reja; el gran patio de honor y, detrás del edificio principal, el jardín más bonito del mundo. Éste, que terraplén tras terraplén descendía hasta el borde mismo de las murallas de la ciudad, ofrecía una vista sobre treinta leguas a la redonda y, en el más esmerado orden Luis XV, cobijaba en sus boscajes licenciosas estatuas, acariciadas todas, cual más, cual menos, por las Risas y el Amor.

Con respecto a las habitaciones, tenían todos los muros recubiertos de planchas de madera del más encantador efecto, adornadas con paneles decorativos y cristales; y los pisos de toda la planta baja, llamativamente incrustados con maderas exóticas, brillaban como espejos. Madame de Lautréamont sólo ocupaba el edificio principal; los pabellones los había alquilado a sólidos inquilinos, lo que le daba una buena renta; no había nadie que no deseara vivir en la residencia de los Lautréamont y ése era el sempiterno tema de las conversaciones de la ciudad. ¡Ah, Madame de Lautréamont! Había nacido con las manos llenas y toda la suerte del mundo: un marido con el cuerpo de Hércules sometido por entero a la voluntad de su mujer y que le permitía vestirse en París con el mejor modista; dos hijos a los que les había procurado una muy buena situación —la hija casada con un procurador del Rey, y el hijo ya capitán de artillería o a punto de serlo— ; la mejor casa del departamento, una salud que la mantenía todavía lozana y, habiendo pasado los cuarenta y cinco años, atractiva, por cierto; y, para ocuparse de aquella mansión principesca y de aquella salud casi indecente, una empleada doméstica de las que ya no existen, el fénix, la perla única de las sirvientas, todos los grados de devoción, todos los cuidados, toda la lealtad juntos encarnados en la buena Gudule.

Gracias a esta maravillosa mujer, a Madame de Lautréamont le bastaba con tres empleados domésticos —un jardinero, un ayuda de cámara y una cocinera— para mantener su inmensa casa con sólo sesenta mil libras de gasto. Era, nadie podía dudarlo, el hogar más cuidado de la ciudad: ni una mota de polvo en el mármol de las consolas, pisos que se habían vuelto peligrosos de tan encerados, viejos espejos más claros que el agua de las fuentes, y en todas partes, en cada uno de los aposentos, un orden, una simetría que hacían decir que la antigua sede de la Dirección General de Impuestos ocupaba el primer rango entre los hogares de provincia, con esta frase ya tradicional para designar una casa muy cuidada: "¡Ni que estuviésemos en casa de los Lautréamont!"

El alma de esta sorprendente mansión resultaba ser una buena solterona de mejillas aún frescas y ojitos ingenuos y azulados que, de la mañana a la noche, plumero o escoba en mano, silenciosa, seria, activa, no paraba de frotar, cepillar, plumerear, hacer brillar y relucir, enemiga declarada de cualquier partícula de polvo. Los demás empleados le tenían un poco de miedo: la vigilancia de la buena Gudule era terrible. Consagrada por entero a los intereses de sus patrones, nada escapaba a sus ojitos azules; además, siempre estaba en la casa, ya que aquella solterona solamente salía para asistir a los oficios los domingos y fiestas de guardar; realmente muy poco devota, y nunca asidua asistente a la misa de las seis de la tarde, ese pretexto de todas las viejas sirvientas para salir a diario.
En la ciudad no había elogios suficientes para aquel modelo de criada, y eran muchos los que le envidiaban a Madame de Lautréamont su empleada doméstica. No faltaron almas poco delicadas que, sin escrúpulo alguno, trataron de birlársela. Le tendieron puentes de oro, ya que la vanidad tomó cartas en el asunto; y, en la buena sociedad, se hicieron incluso apuestas para ver quién sería capaz de sacarle aquella buena mujer a su patrona: pura pérdida de tiempo. Gudule, de una fidelidad de otras épocas, hizo oídos sordos a toda proposición, y la insolente felicidad de Madame de Lautréamont siguió su rumbo hasta el día en que la vieja sirvienta, gastada, extenuada por el trabajo, se apagó como una lámpara sin aceite en su fría y pequeña buhardilla, en la que Madame de Lautréamont, hay que confesarlo en su honor, permaneció instalada durante tres días.

La buena Gudule tuvo la dicha de morir con su patrona querida al pie del lecho. Los Lautréamont le brindaron a su sirvienta un digno entierro. Monsieur de Lautréamont encabezó el cortejo fúnebre; Gudule tuvo su concesión en el cementerio, flores frescas en la tumba durante, al menos, ocho meses; luego fue inevitable ponerse a buscarle reemplazante.

No, reemplazante no (la cosa era imposible), sino al menos una mujer que ocupase su puesto. Una simple criada no es algo difícil de encontrar y, luego de algunos desgraciados ensayos, Madame de Lautréamont creyó al fin poder felicitarse de haber hallado una mujer digna de confianza y de una elevada honestidad; la señorita Agathe reinó desde entonces en la antigua sede de la Dirección General de Impuestos. Era una mujer algo robusta, con el pecho en forma de bastión, que, ocupadísima, haciendo grandes gestos, se atareaba por todos los rincones, llevando el delantal de seda tornasolada atado a la cintura y el llavero colgando, con aires de señorita fanfarrona. Su desempeño no era precisamente silencioso; no había, desde la mañana hasta la noche, más que gritos e improperios contra los otros empleados; y la antigua mansión, tan calma y tan muda en tiempos de Gudule, estaba como aturdida. Pero la señorita Agathe sabía hacerse valer, ahí estaba el secreto; todo eran chismes cotidianos sobre las actividades de la despensa y la cocina, disputas malintencionadas con la cocinera: y Madame de Lautréamont, con todas aquellas manifestaciones de una ruidosa abnegación, terminaba dejándose engañar.

¡Ay! No era ya el servicio de Gudule, aquel servicio tan invisible y silencioso que se hubiese dicho ejecutado por una sombra; aquellas delicadas atenciones, casi asustadizas, de una abnegación que se escondía; aquella vigilancia de cada segundo, y las minucias aquellas de solterona que vivía en estado de adoración por el hogar de sus patrones; aquel culto como el de una devota por su parroquia, y todo aquel doméstico fervor que, antaño, esparcía en casa de los Lautréamont algo así como el perfume de los altares.
Ahora, sobre el mármol de las consolas, había motas de polvo, los viejos cristales de los salones ya no imitaban el agua clara de las fuentes, ni habrían podido los pisos pasar por espejos; pero la costumbre es una fuerza tan grande y Gudule había edificado una leyenda tal, que la antigua sede de la Dirección General de Impuestos seguía citándose, con la reflexiones de costumbre, como el hogar que ocupaba el primer rango en todo el departamento.

Ahora bien, unos meses después (los hechos ocurrieron a mediados de noviembre y Gudule había fallecido en marzo), una noche, Madame de Lautréamont, sin encender ni siquiera una vela, despertó bruscamente a su marido: "Héctor,” —le dijo—, “¡qué cosa tan rara! ¡Presta atención! Si parece la manera de barrer de Gudule." Monsieur de Lautréamont, de muy mal humor, como todo hombre aún a medias dormido, la increpó tratándola de loca; pero tan grande era la emoción que embargaba a Madame de Lautréamont y tan grandes eran los temblores que tal emoción le producía, que aquel modelo de maridos accedió a despertarse del todo y a prestar atención a las divagaciones de su mujer. "Te aseguro que hay alguien allí. Allí, en el corredor, junto a la puerta. Oigo los pasos. Pero, ¿a qué se debe que esté barriendo? ¡Escucha! Ahora se aleja, está barriendo el fondo del corredor, y te aseguro que es su manera de barrer. ¡Imagínate si yo la conozco! " Madame de Lautréamont ya no osaba siquiera pronunciar el nombre de la vieja sirvienta, y Monsieur de Lautréamont, que la comprendía, dijo: "Realmente, esa mujer te da vueltas en la cabeza. Querida mía, ¡estás soñando despierta! Te aseguro que no pasa nada; la noche está tan tranquila que no se oye mover ni una hoja. Debe ser la cena que te cayó pesada. ¿No quieres que te prepare una taza de té?” Pero, como movida por un resorte, Madame de Lautréamont, toda temblorosa, abandonó la cama, corrió, descalza, a abrir la puerta y, lanzando un grito atroz, volvió a cerrarla. De un salto, Monsieur de Lautréamont se encontró a su lado, sin entender nada de tanta locura, y la transportó hasta un sillón en el que ella se dejo caer sofocada y sin poder hablar. Al fin, recuperó la voz y dijo, en la habitación cuyas luces estaban ahora plenamente encendidas: "Es ella. La vi como te estoy viendo a ti; estaba allí, barriendo y frotando el piso del corredor, con aquella falda de sayal que le conocías, con el mismo gorro que usaba estando viva, ¡pero tan blanca, tan pálida! ¡Ay, qué aspecto de cementerio! Habrá que hacer decir algunas misas por ella, querido."

Monsieur de Lautréamont trató de calmar a su mujer como pudo, pero no por eso estaba menos inquieto y pensativo: ¡tantas cosas se han visto aún más misteriosas!

La noche siguiente, la alucinación de Madame de Lautréamont volvió a apoderarse de ella. Llena de escalofríos, con los dientes apretados por el terror, esta vez oyó a la difunta sirvienta encerar y sacar brillo en el gran corredor desierto, arrastrando los pies sobre patines de fieltro. ¿Será el miedo algo contagioso? En el silencio de la vasta mansión adormecida, Monsieur de Lautréamont, esta vez, oyó el ruido y, a pesar de la manera en que su mujer se aferraba a él, fue gallardamente a abrir la puerta y echó un vistazo.

Todos los pelos se le erizaron en la piel cubierta de sudor: la silueta dislocada de la difunta sirvienta se movía y se agitaba, fúnebre marioneta, en medio del corredor desierto; la ventana que iluminaba la escalera la bañaba en un lunar resplandor y, a la luz de aquel rayo azul, la muerta pasaba y volvía a pasar, cepillando, frotando, presa de febril agitación; se hubiera dicho la labor de una condenada; y Monsieur de Lautréamont, al verla pasar a su lado, vio claramente gotas de sudor sobre el cráneo ya desnudo. Violentamente cerró la puerta, aterrado y convencido. "Tienes razón," —dijo simplemente al regresar junto a su mujer— "tenemos que hacer decir algunas misas por esta muchacha".

Diez misas se dijeron por la difunta, diez misas rezadas a las cuales asistieron Monsieur y Madame de Lautréamont y todos los miembros de su casa, y la buena Gudule ya no volvió a hacer el trabajo de la señorita Agathe en las noches de luna llena de noviembre.


Traducción de Miguel Frontán Alfonso.

jueves, 3 de diciembre de 2009

Jean Racine, Mujica Lainez y Robert Bruce Boswell


Manuel Mujica Láinez no es sólo uno de los mejores narradores que ha dado la Argentina, fue el poeta de su ciudad natal con su inolvidable Canto a Buenos Aires, y un traductor ejemplar de Skakespeare, John Keats, William Butler Yeats, Molière, Racine, Sully Prudhomme, Mallarmé...

Entre todas esas páginas, su traducción de la Phèdre de Racine se destaca por la tersura y la nobleza de la lengua: un castellano cristalino digno del prístino francés de Jean Racine.


PHÈDRE, de Jean Racine. Acte II, scène V

Personnages: Phèdre, Hippolyte, Œnone

Phèdre, à Œnone.

Le voici: vers mon cœur tout mon sang se retire.
J'oublie, en le voyant, ce que je viens lui dire.

Œnone.

Souvenez-vous d'un fils qui n'espère qu'en vous.

Phèdre.

On dit qu'un prompt départ vous éloigne de nous,
Seigneur. A vos douleurs je viens joindre mes larmes;
Je vous viens pour un fils expliquer mes alarmes.
Mon fils n'a plus de père; et le jour n'est pas loin
Qui de ma mort encor doit le rendre témoin.
Déjà mille ennemis attaquent son enfance:
Vous seul pouvez contre eux embrasser sa défense.
Mais un secret remords agite mes esprits:
Je crains d'avoir fermé votre oreille à ses cris.
Je tremble que sur lui votre juste colère
Ne poursuive bientôt une odieuse mère.


Hippolyte.

Madame, je n'ai point des sentiments si bas.


Phèdre.

Quand vous me haïriez, je ne m'en plaindrais pas,
Seigneur: vous m'avez vue attachée à vous nuire;
Dans le fond de mon cœur vous ne pouviez pas lire.
A votre inimitié j'ai pris soin de m'offrir:
Aux bords que j'habitais je n'ai pu vous souffrir;
En public, en secret, contre vous déclarée,
J'ai voulu par des mers en être séparée;
J'ai même défendu, par une expresse loi,
Qu'on osât prononcer votre nom devant moi.
Si pourtant à l'offense on mesure la peine,
Si la haine peut seule attirer votre haine,
Jamais femme ne fut plus digne de pitié,
Et moins digne, seigneur, de votre inimitié.


Hippolyte.

Des droits de ses enfants une mère jalouse
Pardonne rarement au fils d'une autre épouse;
Madame, je le sais; Les soupcons importuns
Sont d'un second hymen les fruits les plus communs.
Tout autre aurait pour moi pris les mêmes ombrages.
Et j'en aurais peut-être essuyé plus d'outrages.


Phèdre.

Ah! seigneur! que le ciel, j'ose ici l'attester
De cette loi commune a voulu m'excepter!
Qu'un soin bien différent me trouble et me dévore!


Hippolyte.

Madame, il n'est pas temps de vous troubler encore:
Peut-être votre époux voit encore le jour.
Le ciel peut à nos pleurs accorder son retour.
Neptune le protège, et ce dieu tutélaire
Ne sera pas en vain imploré par mon père.


Phèdre.

On ne voit point deux fois le rivage des morts,
Seigneur; puisque Thésée a vu les sombres bords,
En vain vous espérez qu'un dieu vous le renvoie;
Et l'avare Achéron ne lâche point sa proie.
Que dis-je? Il n'est point mort, puisqu'il respire en vous.
Toujours devant mes yeux je crois voir mon époux:
Je le vois, je lui parle; et mon cœur... je m'égare,
Seigneur; ma folle ardeur malgré moi se déclare.


Hippolyte.

Je vois de votre amour l'effet prodigieux:
Tout mort qu'il est, Thésée est présent à vos yeux;
Toujours de son amour votre âme est embrasée.


Phèdre.

Oui, prince, je languis, je brûle pour Thésée:
Je l'aime, non point tel que l'ont vu les enfers,
Volage adorateur de mille objets divers,
Qui va du dieu des morts déshonorer la couche;
Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche,
Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi,
Tel qu'on dépeint nos dieux, ou tel que je vous voi.
Il avait votre port, vos yeux, votre langage;
Cette noble pudeur colorait son visage,
Lorsque de notre Crète il traversa les flots,
Digne sujet des vœux des filles de Minos.
Que faisiez-vous alors? Pourquoi, sans Hippolyte,
Des héros de la Grèce assembla-t-il l'élite?
Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors
Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords?
Par vous aurait péri le monstre de la Crète,
Malgré tous les détours de sa vaste retraite:
Pour en développer l'embarras incertain,
Ma sœur du fil fatal eût armé votre main.
Mais non: dans ce dessein je l'aurais devancée;
L'amour m'en eût d'abord inspiré la pensée;
C'est moi, prince, c'est moi, dont l'utile secours
Vous eût du labyrinthe enseigné les détours:
Que de soins m'eût coûtés cette tête charmante!
Un fil n'eût point assez rassuré votre amante:
Compagne du péril qu'il vous fallait chercher,
Moi-même devant vous j'aurais voulu marcher;
Et Phèdre au labyrinthe avec vous descendue
Se serait avec vous retrouvée ou perdue.

Hippolyte.

Dieux! qu'est-ce que j'entends? Madame, oubliez-vous
Que Thésée est mon père, et qu'il est votre époux?


Phèdre.

Et sur quoi jugez-vous que j'en perds la mémoire,
Prince? Aurais-je perdu tout le soin de ma gloire?


Hippolyte.

Madame, pardonnez; j'avoue, en rougissant,
Que j'accusais à tort un discours innocent.
Ma honte ne peut plus soutenir votre vue;
Et je vais...


Phèdre.

Ah! cruel! tu m'as trop entendue!
Je t'en ai dit assez pour te tirer d'erreur.
Eh bien! connais donc Phèdre et toute sa fureur:
J'aime. Ne pense pas qu'au moment que je t'aime,
Innocente à mes yeux, je m'approuve moi-même,
Ni que du fol amour qui trouble ma raison,
Ma lâche complaisance ait nourri le poison;
Objet infortuné des vengeances célestes,
Je m'abhorre encor plus que tu ne me détestes.
Les dieux m'en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc
Ont allumé le feu fatal à tout mon sang;
Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle
De séduire le cœur d'une faible mortelle.
Toi-même en ton esprit rappelle le passé:
C'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chassé;
J'ai voulu te paraître odieuse, inhumaine;
Pour mieux te résister, j'ai recherché ta haine.
De quoi m'ont profité mes inutiles soins?
Tu me haïssais plus, je ne t'aimais pas moins;
Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes.
J'ai langui, j'ai séché dans les feux, dans les larmes:
Il suffit de tes yeux pour t'en persuader,
Si tes yeux un moment pouvaient me regarder.
Que dis-je? Cet aveu que je te viens de faire,
Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire?
Tremblante pour un fils que je n'osais trahir,
Je te venais prier de ne le point haïr:
Faibles projets d'un cœur trop plein de ce qu'il aime!
Hélas! je ne t'ai pu parler que de toi-même!
Venge-toi, punis-moi d'un odieux amour:
Digne fils du héros qui t'a donné le jour,
Délivre l'univers d'un monstre qui t'irrite.
La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte!
Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t'échapper;
Voilà mon cœur: c'est là que ta main doit frapper.
Impatient déjà d'expier son offense,
Au-devant de ton bras je le sens qui s'avance.
Frappe: ou si tu le crois indigne de tes coups,
Si ta haine m'envie un supplice si doux,
Ou si d'un sang trop vil ta main serait trempée,
Au défaut de ton bras prete-moi ton épée;
Donne !


Œnone.

Que faites-vous, madame! Justes dieux!
Mais on vient: évitez des témoins odieux.
Venez, rentrez, fuyez une honte certaine.


Fedra. Acto II, escena V.

Fedra, Hipólito, Enona.

Fedra.

Hacia mi corazón mi sangre se retira.
Hele aquí. Olvido ya lo que vine a decirle.

Enona.

Acordaos de un hijo que sólo en vos espera.

Fedra.

Dicen, señor, que en breve de aquí os alejaréis.
A vuestras amarguras vengo a sumar mis lágrimas.
Vengo, en favor de un hijo, mi inquietud a explicaros.
Mi hijo perdió a su padre y el día no está lejos
Que también de mi muerte deba hacerlo testigo.
Ya miles de enemigos atacan a su infancia;
Tan sólo vos podéis asumir su defensa.
Pero un remordimiento secreto me perturba.
Tiemblo de haber cerrado vuestro oído a sus quejas.
Tiemblo de que sobre él vuestro justo rencor
A una madre execrable persiga prestamente.

Hipólito.

Señora, yo no tengo tan bajos sentimientos.

Fedra.

No me lamentaría aunque me detestarais,
Señor, vos me habéis visto consagrada a dañaros,
Mas en mi corazón no podíais leer.
A vuestra enemistad me ocupé de ofrecerme.
Allí donde habitaba soportaros no pude.
En público, en secreto, contra vos decidida,
Quise que a vos y a mí nos separase el mar.
Hasta llegué a prohibir, por una ley expresa,
Que osaran pronunciar ante mí vuestro nombre.
Empero, si en la ofensa se mide la sanción,
Si el odio sólo puede vuestro odio atraer,
Jamás hubo mujer más digna de piedad
Y también menos digna de que la aborrecierais.

Hipólito.

Una madre celosa del bien de sus pequeños
Al hijo de otra esposa perdona raramente.
Señora, yo lo sé. La importuna sospecha
Es el fruto común de un segundo himeneo.
Otra cualquiera hubiese sentido igual zozobra
Y yo hubiera sufrido más ultrajes tal vez.

Fedra.

¡Ay, Señor, ante vos me atrevo a atestiguarlo,
el Cielo, de esa ley ha querido exceptuarme!
¡Qué desazón distinta me turba y me devora!

Hipólito.

Señora, no es aún la ocasión de turbaros.
Vuestro esposo quizás ve aún la luz del día;
El Cielo a nuestras lágrimas puede otorgar su vuelta.
Lo protege Neptuno, y ese Dios tutelar
No será estérilmente por mi padre implorado.

Fedra.

No se ve la ribera de los muertos dos veces,
Señor. Y si Teseo vio las sombrías márgenes,
Vanamente esperáis que un Dios os lo devuelva.
No se arranca la presa del avaro Aqueronte.
¿Qué digo? No murió, puesto que en vos respira.
Ante mis ojos, siempre creo ver a mi esposo.
Yo lo veo... le hablo... mi corazón... me pierdo,
Señor, mi pasión loca pese a mí se declara.

Hipólito.

Veo de vuestro amor el prodigioso efecto.
Aunque muerto, Teseo se presenta ante vos;
Vuestra alma por su amor sigue siempre encendida.

Fedra.

Sí, languidezco y ardo, Príncipe, por Teseo.
Lo amo, mas no tal cual los infiernos lo han visto,
Adorador versatil de mil enamoradas,
Que del Dios de los muertos va a deshonrar el tálamo,
Sino fiel, orgulloso y hasta un poco bravío,
Joven, encantador, dueño de corazones,
Como a los dioses pintan o como os veo a vos.
Tenía vuestro porte, vuestro hablar, vuestros ojos,
Vuestro noble pudor coloreaba sus rasgos,
Cuando de nuestra Creta cruzó los oleajes,
Digno de ser amado por las hijas de Minos.
¿Qué hacíais vos entonces? ¿Y por qué, sin Hipólito,
a la flor convocó de los héroes de Grecia?
¿Por qué, en exceso joven, entonces no pudisteis
entrar en el navío que lo dejó en mis playas?
Hubierais dado muerte vos al monstruo de Creta,
Pese a los escondrijos de su vasto refugio.
Para desenredar su camino complejo,
Mi hermana os armaría con el hilo fatal.
Mas no, pues yo la hubiese con tal fin precedido;
El amor me lo hubiera sugerido en seguida.
Soy, Príncipe, yo, la que debió ayudaros
A aprender los recodos dentro del Laberinto.
¡Cómo hubiera cuidado vuestra dulce cabeza!
Poco sería un hilo para quien os amaba,
Compañera del riesgo que debíais buscar,
Yo, delante de vos hubiera caminado,
Y Fedra, al laberinto descendida con vos,
Habríase con vos encontrado o perdido.

Hipólito.

¡Oh Dioses! Pero ¿qué oigo? ¿Qué, Señora! ¿olvidáis
Que Teseo es mi padre y además vuestro esposo?

Fedra.

¿Y sobre qué juzgáis que yo no lo recuerdo,
Príncipe? ¿Ya mi honor dejó de preocuparme?

Hipólito.

Señora, perdonad. Confieso, confundido,
Que acusé por error a un discurso inocente.
Mi vergüenza no puede prolongar el miraros
Y voy ...

Fedra.

¡Ah, no, cruel, demasiado entendiste!
Demasiado te dije, para que te equivoques.
Conoce, pues, a Fedra y a su amor delirante.
Amo, pero no pienses que mientras que te amo,
Sin culpa ante mis ojos, me apruebo yo a mí misma.
Ni que del amor loco que turba mi razón,
Mi complacencia vil alimentó el veneno.
Objeto infortunado de celestes venganzas,
Me aborrezo yo más de lo que me detestas.
Los Dioses lo atestiguan, los Dioses que en mi entraña
Encendieron el fuego fatal para mi estirpe;
Los Dioses engreídos por el triunfo cruel
De haber desorientado a una pobre mortal.
Evoca tú al pasado, y llámalo a tu espíritu.
Fue poco huir de ti, cruel, yo te expulsé.
Odiosa, quise yo parecerte, inhumana,
Y para resistirte, solicité tu odio.
¿Y de qué me sirvieron mis esfuerzos inútiles?
Por más que tú me odiases yo no te amaba menos.
Te daba tu desdicha renovados encantos.
Me extenué, me agosté, en el fuego, en las lágrimas.
Persuadido estarías, tan sólo con mirarme,
Si tus ojos pudieran mirarme fugazmente.
¿Qué hablo? ¿A la confesión que te acabo de hacer
Y que tanto me humilla, voluntaria la crees?
Temblando por un hijo que traicionar no pude,
Venía a suplicarte que no lo detestaras.
Débil plan de una mente que lo que quiere llena,
¡Ay! no conseguí hablarte de más que de ti mismo.
Véngate, pues, de mí, castiga un amor que odias.
Hijo digno del héroe que la vida te dio,
Libera al universo de un monstruo que te irrita.
¡La viuda de Teseo se atreve a amar a Hipólito!
Sí, ese monstruo terrible no te debe escapar.
He aquí mi corazón. Debes herir aquí.
Desesperado ya por expiar su ofensa,
Siento que se adelanta para enfrentar tu brazo.
Hiere. O si lo juzgaras indigno de tus golpes,
Si tu odio me rehusa tan deseable suplicio,
O si con él tu mano sangre vil rezumase,
A falta de tu brazo, concédeme tu espada.
Dame.

Enona.

¿Qué hacéis, Señora, ? ¡Oh, Dioses justicieros!
Pero vienen. Salvaos de testigos odiosos;
Venid, entrad, huid de una vergüenza cierta.


SCENE V
PHAEDRA, HIPPOLYTUS, OENONE


PHAEDRA (to OENONE)
There I see him!
My blood forgets to flow, my tongue to speak
What I am come to say.

OENONE
Think of your son,
How all his hopes depend on you.

PHAEDRA
I hear
You leave us, and in haste. I come to add
My tears to your distress, and for a son
Plead my alarm. No more has he a father,
And at no distant day my son must witness
My death. Already do a thousand foes
Threaten his youth. You only can defend him
But in my secret heart remorse awakes,
And fear lest I have shut your ears against
His cries. I tremble lest your righteous anger
Visit on him ere long the hatred earn'd
By me, his mother.

HIPPOLYTUS
No such base resentment,
Madam, is mine.

PHAEDRA
I could not blame you, Prince,
If you should hate me. I have injured you:
So much you know, but could not read my heart.
T' incur your enmity has been mine aim.
The self-same borders could not hold us both;
In public and in private I declared
Myself your foe, and found no peace till seas
Parted us from each other. I forbade
Your very name to be pronounced before me.
And yet if punishment should be proportion'd
To the offence, if only hatred draws
Your hatred, never woman merited
More pity, less deserved your enmity.

HIPPOLYTUS
A mother jealous of her children's rights
Seldom forgives the offspring of a wife
Who reign'd before her. Harassing suspicions
Are common sequels of a second marriage.
Of me would any other have been jealous
No less than you, perhaps more violent.

PHAEDRA
Ah, Prince, how Heav'n has from the general law
Made me exempt, be that same Heav'n my witness!
Far different is the trouble that devours me!

HIPPOLYTUS
This is no time for self-reproaches, Madam.
It may be that your husband still beholds
The light, and Heav'n may grant him safe return,
In answer to our prayers. His guardian god
Is Neptune, ne'er by him invoked in vain.

PHAEDRA
He who has seen the mansions of the dead
Returns not thence. Since to those gloomy shores
Theseus is gone, 'tis vain to hope that Heav'n
May send him back. Prince, there is no release
From Acheron's greedy maw. And yet, methinks,
He lives, and breathes in you. I see him still
Before me, and to him I seem to speak;
My heart--
Oh! I am mad; do what I will,
I cannot hide my passion.

HIPPOLYTUS
Yes, I see
The strange effects of love. Theseus, tho' dead,
Seems present to your eyes, for in your soul
There burns a constant flame.

PHAEDRA
Ah, yes for Theseus
I languish and I long, not as the Shades
Have seen him, of a thousand different forms
The fickle lover, and of Pluto's bride
The would-be ravisher, but faithful, proud
E'en to a slight disdain, with youthful charms
Attracting every heart, as gods are painted,
Or like yourself. He had your mien, your eyes,
Spoke and could blush like you, when to the isle
Of Crete, my childhood's home, he cross'd the waves,
Worthy to win the love of Minos' daughters.
What were you doing then? Why did he gather
The flow'r of Greece, and leave Hippolytus?
Oh, why were you too young to have embark'd
On board the ship that brought thy sire to Crete?
At your hands would the monster then have perish'd,
Despite the windings of his vast retreat.
To guide your doubtful steps within the maze
My sister would have arm'd you with the clue.
But no, therein would Phaedra have forestall'd her,
Love would have first inspired me with the thought;
And I it would have been whose timely aid
Had taught you all the labyrinth's crooked ways.
What anxious care a life so dear had cost me!
No thread had satisfied your lover's fears:
I would myself have wish'd to lead the way,
And share the peril you were bound to face;
Phaedra with you would have explored the maze,
With you emerged in safety, or have perish'd.

HIPPOLYTUS
Gods! What is this I hear? Have you forgotten
That Theseus is my father and your husband?

PHAEDRA
Why should you fancy I have lost remembrance
Thereof, and am regardless of mine honour?

HIPPOLYTUS
Forgive me, Madam. With a blush I own
That I misconstrued words of innocence.
For very shame I cannot bear your sight
Longer. I go--

PHAEDRA
Ah! cruel Prince, too well
You understood me. I have said enough
To save you from mistake. I love. But think not
That at the moment when I love you most
I do not feel my guilt; no weak compliance
Has fed the poison that infects my brain.
The ill-starr'd object of celestial vengeance,
I am not so detestable to you
As to myself. The gods will bear me witness,
Who have within my veins kindled this fire,
The gods, who take a barbarous delight
In leading a poor mortal's heart astray.
Do you yourself recall to mind the past:
'Twas not enough for me to fly, I chased you
Out of the country, wishing to appear
Inhuman, odious; to resist you better,
I sought to make you hate me. All in vain!
Hating me more I loved you none the less:
New charms were lent to you by your misfortunes.
I have been drown'd in tears, and scorch'd by fire;
Your own eyes might convince you of the truth,
If for one moment you could look at me.
What is't I say? Think you this vile confession
That I have made is what I meant to utter?
Not daring to betray a son for whom
I trembled, 'twas to beg you not to hate him
I came. Weak purpose of a heart too full
Of love for you to speak of aught besides!
Take your revenge, punish my odious passion;
Prove yourself worthy of your valiant sire,
And rid the world of an offensive monster!
Does Theseus' widow dare to love his son?
The frightful monster! Let her not escape you!
Here is my heart. This is the place to strike.
Already prompt to expiate its guilt,
I feel it leap impatiently to meet
Your arm. Strike home. Or, if it would disgrace you
To steep your hand in such polluted blood,
If that were punishment too mild to slake
Your hatred, lend me then your sword, if not
Your arm. Quick, give't.

OENONE
What, Madam, will you do?
Just gods! But someone comes. Go, fly from shame,
You cannot 'scape if seen by any thus.


Versión en inglés de ROBERT BRUCE BOSWELL