viernes, 4 de diciembre de 2009

Jean Lorrain: Historia de la buena Gudule


Histoire de la bonne Gudule

Mme de Lautréamont habitait la plus belle maison de la ville : c'était l'ancien hôtel de la Recette générale, bâti sous Louis XV (excusez du peu !) et dont les hautes fenêtres, ornementées d'attributs et de coquilles, faisaient l'admiration de quiconque passait sur la grande place les jours de marché. C'était un grand corps de logis, flanqué de deux ailes en retour réunies par une large grille : la cour d'honneur avec, derrière le bâtiment principal, le plus beau jardin du monde. Il descendait de terrasse en terrasse, jusqu'aux bords des remparts, dominait trente lieues de campagne et, de la plus belle ordonnance Louis XV, abritait dans ses bosquets des statues licencieuses, toutes plus ou moins lutinées par les Ris et l'Amour.

Quant aux appartements, ils étaient lambrissés de panneaux sculptés du plus charmant effet, ornementés de trumeaux et de glaces, et les parquets de tout le rez-de-chaussée, curieusement incrustés de bois des Iles, luisaient comme des miroirs. Mme de Lautréamont n'habitait que le corps principal, elle avait loué des pavillons des ailes à de solides locataires et s'en faisait de bonnes rentes ; il n'était personne qui n'enviât d'habiter l'hôtel de Lautréamont, et c'était le sempiternel sujet des conversations de la ville.

Cette Mme de Lautréamont ! Elle était née les mains pleines et avait toujours eu toutes les chances : un mari bâti comme Hercule tout à ses volontés, et qui la laissait s'habiller à Paris, chez le grand faiseur ; deux enfants qu'elle avait bien établis, la fille mariée à un procureur du roi, et le fils déjà capitaine d'artillerie ou en passe de l'être ; le plus beau logis du département, une santé qui la faisait encore fraîche et, ma foi, désirable à plus de quarante-cinq ans et, pour entretenir cette demeure princière et cette santé presque indécente, une domestique comme on n'en fait plus, le phénix, la perle rare des servantes, tous les dévouements, toutes les attentions, toutes les honnêtetés incarnés dans la bonne Gudule.

Grâce à cette fille merveilleuse, Mme de Lautréamont arrivait avec trois domestiques, un jardinier, un valet de chambre et une cuisinière, à entretenir son immense maison sur un pied de soixante mille livres de rentes. C'était, sans contredit, la demeure la mieux tenue de la ville : pas un grain de poussière sur le marbre des consoles, des parquets dangereux à force d'être cirés, de vieilles glaces devenues plus claires que l'eau des fontaines et partout, dans tous les appartements, un ordre, une symétrie qui faisaient citer l'ancien hôtel de la Recette comme la première maison de province, avec cette phrase désormais consacrée pour désigner un logis très soigné : "C'est à se croire chez les Lautréamont".

L'âme de cette demeure étonnante se trouvait être une bonne vieille fille aux joues encore fraîche, aux petits yeux naïfs et bleuâtres, et qui du matin au soir, le plumeau ou le balai à la main, sérieuse, silencieuse, active, n'arrêtait pas de frotter, de brosser, d'épousseter, de faire briller et reluire, ennemie déclarée de tout atome de poussière. Les autres domestiques la redoutaient un peu : c'était une terrible surveillance que celle de la bonne Gudule. Dévouée tout entière aux intérêts des maîtres, rien n'échappait à son petit oeil bleu ; toujours au logis avec cela, car la vieille fille ne sortait que pour assister aux offices des jours de fête et des dimanches, assez peu dévote, ma foi, et nullement assidue à la messe de six heures, ce prétexte de sortie journalière de toutes les vieilles servantes.

Dans la ville, on ne tarissait pas d'éloges sur ce modèle des femmes de charge et on enviait fort sa domestique à Mme de Lautréamont. Quelques âmes peu délicates ne se firent même pas scrupule d'essayer de la lui souffler. On offrit des ponts d'or à Gudule, car la vanité s'en mêla et, dans la société, des paris s'étaient même ouverts pour enlever la pauvre fille à sa maîtresse ; mais ce fut peine perdue. Gudule, d'une fidélité d'un autre âge, fit la sourde oreille à toute proposition, et le bonheur insolent de Mme de Lautréamont continua jusqu'au jour où la vieille servante usée, exténuée de travail, s'éteignit comme une lampe sans huile, dans sa froide petite mansarde, sous les combles, où Mme de Lautréamont, il faut le dire à sa louange, demeura installée trois jours.

La bonne Gudule eut cette joie de mourir avec sa chère maîtresse à son chevet. Les Lautréamont firent à leur servante un convoi convenable. M. de Lautréamont conduisit le deuil, Gudule eut sa concession au cimetière, des fleurs fraîches sur sa tombe pendant au moins huit jours, puis il fallut bien la remplacer.

La remplacer, non, car c'était là chose impossible, mais du moins introduire à l'hôtel une femme qui tînt son emploi. Des femmes de charge, cela se trouve et, après quelques essais malheureux, Mme de Lautréamont crut pouvoir enfin se féliciter d'avoir mis la main sur une fille de confiance et de haute probité ; Mlle Agathe régna désormais à l'ancien hôtel de la Recette. C'était une personne un peu forte, le corsage en bastion, qui, affairée, gesticulante, s'effarait dans tous les coins, un trousseau de clefs à la ceinture, un tablier de soie changeante à la taille, avec des airs de Mlle Rodomont. Son service n'était pas précisément silencieux, ce n'étaient du matin au soir que criailleries après les autres domestiques ; et la vieille demeure, si calme et si muette du temps de Gudule, en était comme assourdie. Mais Mlle Agathe savait se faire valoir, tout est là ; ce n'étaient que rapports quotidiens sur l'antichambre et sur l'office, débats intéressés avec la cuisinière : et Mme de Lautréamont finissait par se laisser prendre à toutes ces manifestations d'un bruyant dévouement.

Ah ! ce n'était plus le service de Gudule, ce service invisible et silencieux qu'on eût dit exécuté par une ombre, ces attentions délicates et comme effarouchées d'un dévouement qui se cachait, cette vigilance de toutes les secondes, et ces minuties de vieille fille en adoration du logis de ses maîtres, ce culte de dévote pour sa paroisse, et toute cette ferveur domestique, qui mettait naguère chez les Lautréamont comme un parfum d'autel.

Il y avait maintenant des grains de poussière sur le marbre des consoles ; les vieilles glaces des salons ne jouaient plus l'eau transparente des fontaines, pas plus que les parquets n'eussent joué les miroirs ; mais l'habitude est une telle force et Gudule avait créé une telle légende, qu'on citait toujours le vieil hôtel de la Recette générale avec les réflexions en cours sur la maison la mieux tenue du département.

Or, à quelque six mois de là (on était à la mi-novembre et Gudule s'était éteinte en mars), une nuit, Mme de Lautréamont éveillait brusquement M. de Lautréamont et d'une voix un peu changée, sans même allumer la bougie : "Hector, lui disait-elle, c'est singulier ! Ecoutez donc ! on dirait le coup de balai de Gudule". M. de Lautréamont, de fort méchante humeur, en homme à moitié endormi, lui ronchonnait qu'elle était folle ; mais une grande émotion étreignait Mme de Lautréamont et la secouait d'un tel tremblement, que ce modèle des maris consentait à s'éveiller et à prêter l'oreille aux divagations de sa femme. "Je vous assure que quelqu'un est là, reprenait celle-ci, là, sur le palier du premier, à la porte de notre chambre. J'entends les pas, mais pourquoi ce bruit de balai ? Tenez, on s'éloigne maintenant, on balaye au fond du vestibule et je vous assure que c'est sa façon de balayer. Vous pensez si je la connais". Mme de Lautréamont n'osait même plus prononcer le nom de la vieille servante, et M. de Lautréamont la comprenant : "En vérité, cette fille vous trotte par la tête ! Vous rêvez tout éveillée, chère amie, je vous assure qu'il n'y a rien ; l'air est si calme que l'on n'entend même pas remuer une feuille. C'est votre dîner qui ne passe pas. Voulez-vous que je vous fasse une tasse de thé ?" Mais, comme mue par un ressort, Mme de Lautréamont, toute frissonnante, s'était jetée à bas du lit et, courant pieds nus par la chambre, allait entrebâiller la porte. Elle la refermait avec un cri affreux. D'un bond M. de Lautréamont était auprès d'elle, ne comprenant rien à ce coup de folie, la ramenait presque inanimée dans une grande bergère où elle se laissait tomber et suffoquait quelque temps sans pouvoir parler ; elle retrouvait enfin sa voix, et, dans la chambre maintenant éclairée : "C'est elle ! je l'ai vue comme je vous vois ; elle était là, balayant et frottant le parquet de ce vestibule, dans la robe de bure que vous lui avez connue, en bonnet comme de son vivant, mais si pâle, si blême ! Ah ! quelle figure de cimetière ! Il faudra lui faire dire des messes, mon ami".

M. de Lautréamont calmait sa femme comme il pouvait et n'en demeurait pas moins inquiet et pensif : on a vu des choses encore plus mystérieuses.

La nuit suivante, l'hallucination de Mme de Lautréamont la reprenait. Frissonnnante, les dents serrées de terreur, elle entendait cette fois la servante trépassée cirer, frotter le grand palier désert en se démenant sur ses pieds chaussés de brosses. La peur serait-elle contagieuse ? Dans le silence de la grande maison endormie, M. de Lautréamont entendait le bruit cette fois et, malgré sa femme cramponnée d'épouvante à son bras, il allait crânement ouvrir la porte et regardait.

Tout son poil se hérissait sur sa chair moite : la silhouette démantibulée de la servante défunte s'agitait et se trémoussait, marionnette funèbre, au milieu du vestibule désert ; la fenêtre qui éclairait l'escalier la baignait d'une lueur de lune et, dans le rayon lumineux et bleu, la morte passait et repassait, brossant, frottant, en proie à une agitation fébrile ; on eût dit l'oeuvre d'une damnée, et M. de Lautréamont, comme elle passait devant lui, vit distinctement des gouttes de sueur sur son crâne déjà poli. Il refermait brusquement la porte terrifié et convaincu. "Tu as raison, faisait-il simplement en revenant auprès de sa femme : il faudra faire dire quelques messes pour cette fille".

Dix messes furent dites pour la défunte, dix messes basses auxquelles assistèrent M. et Mme de Lautréamont et toute leur maison, et la bonne Gudule ne revint plus faire l'ouvrage de Mlle Agathe par les claires nuits de novembre.


JEAN LORRAIN


Historia de la buena Gudule

Madame de Lautréamont vivía en la casa más bella de la ciudad, edificada en épocas de Luis XV (¡disculpen cosa de tan poca monta!), la misma que fuera, bajo el Antiguo Régimen, sede de la Dirección General de Impuestos, y cuyas altas ventanas, adornadas con escudos y conchas, llenaban de admiración a quienquiera acertase a cruzar por la plaza mayor los días de mercado. El inmueble estaba compuesto por un gran cuerpo que sobresalía flanqueado por dos alas laterales, el todo unido por una alta reja; el gran patio de honor y, detrás del edificio principal, el jardín más bonito del mundo. Éste, que terraplén tras terraplén descendía hasta el borde mismo de las murallas de la ciudad, ofrecía una vista sobre treinta leguas a la redonda y, en el más esmerado orden Luis XV, cobijaba en sus boscajes licenciosas estatuas, acariciadas todas, cual más, cual menos, por las Risas y el Amor.

Con respecto a las habitaciones, tenían todos los muros recubiertos de planchas de madera del más encantador efecto, adornadas con paneles decorativos y cristales; y los pisos de toda la planta baja, llamativamente incrustados con maderas exóticas, brillaban como espejos. Madame de Lautréamont sólo ocupaba el edificio principal; los pabellones los había alquilado a sólidos inquilinos, lo que le daba una buena renta; no había nadie que no deseara vivir en la residencia de los Lautréamont y ése era el sempiterno tema de las conversaciones de la ciudad. ¡Ah, Madame de Lautréamont! Había nacido con las manos llenas y toda la suerte del mundo: un marido con el cuerpo de Hércules sometido por entero a la voluntad de su mujer y que le permitía vestirse en París con el mejor modista; dos hijos a los que les había procurado una muy buena situación —la hija casada con un procurador del Rey, y el hijo ya capitán de artillería o a punto de serlo— ; la mejor casa del departamento, una salud que la mantenía todavía lozana y, habiendo pasado los cuarenta y cinco años, atractiva, por cierto; y, para ocuparse de aquella mansión principesca y de aquella salud casi indecente, una empleada doméstica de las que ya no existen, el fénix, la perla única de las sirvientas, todos los grados de devoción, todos los cuidados, toda la lealtad juntos encarnados en la buena Gudule.

Gracias a esta maravillosa mujer, a Madame de Lautréamont le bastaba con tres empleados domésticos —un jardinero, un ayuda de cámara y una cocinera— para mantener su inmensa casa con sólo sesenta mil libras de gasto. Era, nadie podía dudarlo, el hogar más cuidado de la ciudad: ni una mota de polvo en el mármol de las consolas, pisos que se habían vuelto peligrosos de tan encerados, viejos espejos más claros que el agua de las fuentes, y en todas partes, en cada uno de los aposentos, un orden, una simetría que hacían decir que la antigua sede de la Dirección General de Impuestos ocupaba el primer rango entre los hogares de provincia, con esta frase ya tradicional para designar una casa muy cuidada: "¡Ni que estuviésemos en casa de los Lautréamont!"

El alma de esta sorprendente mansión resultaba ser una buena solterona de mejillas aún frescas y ojitos ingenuos y azulados que, de la mañana a la noche, plumero o escoba en mano, silenciosa, seria, activa, no paraba de frotar, cepillar, plumerear, hacer brillar y relucir, enemiga declarada de cualquier partícula de polvo. Los demás empleados le tenían un poco de miedo: la vigilancia de la buena Gudule era terrible. Consagrada por entero a los intereses de sus patrones, nada escapaba a sus ojitos azules; además, siempre estaba en la casa, ya que aquella solterona solamente salía para asistir a los oficios los domingos y fiestas de guardar; realmente muy poco devota, y nunca asidua asistente a la misa de las seis de la tarde, ese pretexto de todas las viejas sirvientas para salir a diario.
En la ciudad no había elogios suficientes para aquel modelo de criada, y eran muchos los que le envidiaban a Madame de Lautréamont su empleada doméstica. No faltaron almas poco delicadas que, sin escrúpulo alguno, trataron de birlársela. Le tendieron puentes de oro, ya que la vanidad tomó cartas en el asunto; y, en la buena sociedad, se hicieron incluso apuestas para ver quién sería capaz de sacarle aquella buena mujer a su patrona: pura pérdida de tiempo. Gudule, de una fidelidad de otras épocas, hizo oídos sordos a toda proposición, y la insolente felicidad de Madame de Lautréamont siguió su rumbo hasta el día en que la vieja sirvienta, gastada, extenuada por el trabajo, se apagó como una lámpara sin aceite en su fría y pequeña buhardilla, en la que Madame de Lautréamont, hay que confesarlo en su honor, permaneció instalada durante tres días.

La buena Gudule tuvo la dicha de morir con su patrona querida al pie del lecho. Los Lautréamont le brindaron a su sirvienta un digno entierro. Monsieur de Lautréamont encabezó el cortejo fúnebre; Gudule tuvo su concesión en el cementerio, flores frescas en la tumba durante, al menos, ocho meses; luego fue inevitable ponerse a buscarle reemplazante.

No, reemplazante no (la cosa era imposible), sino al menos una mujer que ocupase su puesto. Una simple criada no es algo difícil de encontrar y, luego de algunos desgraciados ensayos, Madame de Lautréamont creyó al fin poder felicitarse de haber hallado una mujer digna de confianza y de una elevada honestidad; la señorita Agathe reinó desde entonces en la antigua sede de la Dirección General de Impuestos. Era una mujer algo robusta, con el pecho en forma de bastión, que, ocupadísima, haciendo grandes gestos, se atareaba por todos los rincones, llevando el delantal de seda tornasolada atado a la cintura y el llavero colgando, con aires de señorita fanfarrona. Su desempeño no era precisamente silencioso; no había, desde la mañana hasta la noche, más que gritos e improperios contra los otros empleados; y la antigua mansión, tan calma y tan muda en tiempos de Gudule, estaba como aturdida. Pero la señorita Agathe sabía hacerse valer, ahí estaba el secreto; todo eran chismes cotidianos sobre las actividades de la despensa y la cocina, disputas malintencionadas con la cocinera: y Madame de Lautréamont, con todas aquellas manifestaciones de una ruidosa abnegación, terminaba dejándose engañar.

¡Ay! No era ya el servicio de Gudule, aquel servicio tan invisible y silencioso que se hubiese dicho ejecutado por una sombra; aquellas delicadas atenciones, casi asustadizas, de una abnegación que se escondía; aquella vigilancia de cada segundo, y las minucias aquellas de solterona que vivía en estado de adoración por el hogar de sus patrones; aquel culto como el de una devota por su parroquia, y todo aquel doméstico fervor que, antaño, esparcía en casa de los Lautréamont algo así como el perfume de los altares.
Ahora, sobre el mármol de las consolas, había motas de polvo, los viejos cristales de los salones ya no imitaban el agua clara de las fuentes, ni habrían podido los pisos pasar por espejos; pero la costumbre es una fuerza tan grande y Gudule había edificado una leyenda tal, que la antigua sede de la Dirección General de Impuestos seguía citándose, con la reflexiones de costumbre, como el hogar que ocupaba el primer rango en todo el departamento.

Ahora bien, unos meses después (los hechos ocurrieron a mediados de noviembre y Gudule había fallecido en marzo), una noche, Madame de Lautréamont, sin encender ni siquiera una vela, despertó bruscamente a su marido: "Héctor,” —le dijo—, “¡qué cosa tan rara! ¡Presta atención! Si parece la manera de barrer de Gudule." Monsieur de Lautréamont, de muy mal humor, como todo hombre aún a medias dormido, la increpó tratándola de loca; pero tan grande era la emoción que embargaba a Madame de Lautréamont y tan grandes eran los temblores que tal emoción le producía, que aquel modelo de maridos accedió a despertarse del todo y a prestar atención a las divagaciones de su mujer. "Te aseguro que hay alguien allí. Allí, en el corredor, junto a la puerta. Oigo los pasos. Pero, ¿a qué se debe que esté barriendo? ¡Escucha! Ahora se aleja, está barriendo el fondo del corredor, y te aseguro que es su manera de barrer. ¡Imagínate si yo la conozco! " Madame de Lautréamont ya no osaba siquiera pronunciar el nombre de la vieja sirvienta, y Monsieur de Lautréamont, que la comprendía, dijo: "Realmente, esa mujer te da vueltas en la cabeza. Querida mía, ¡estás soñando despierta! Te aseguro que no pasa nada; la noche está tan tranquila que no se oye mover ni una hoja. Debe ser la cena que te cayó pesada. ¿No quieres que te prepare una taza de té?” Pero, como movida por un resorte, Madame de Lautréamont, toda temblorosa, abandonó la cama, corrió, descalza, a abrir la puerta y, lanzando un grito atroz, volvió a cerrarla. De un salto, Monsieur de Lautréamont se encontró a su lado, sin entender nada de tanta locura, y la transportó hasta un sillón en el que ella se dejo caer sofocada y sin poder hablar. Al fin, recuperó la voz y dijo, en la habitación cuyas luces estaban ahora plenamente encendidas: "Es ella. La vi como te estoy viendo a ti; estaba allí, barriendo y frotando el piso del corredor, con aquella falda de sayal que le conocías, con el mismo gorro que usaba estando viva, ¡pero tan blanca, tan pálida! ¡Ay, qué aspecto de cementerio! Habrá que hacer decir algunas misas por ella, querido."

Monsieur de Lautréamont trató de calmar a su mujer como pudo, pero no por eso estaba menos inquieto y pensativo: ¡tantas cosas se han visto aún más misteriosas!

La noche siguiente, la alucinación de Madame de Lautréamont volvió a apoderarse de ella. Llena de escalofríos, con los dientes apretados por el terror, esta vez oyó a la difunta sirvienta encerar y sacar brillo en el gran corredor desierto, arrastrando los pies sobre patines de fieltro. ¿Será el miedo algo contagioso? En el silencio de la vasta mansión adormecida, Monsieur de Lautréamont, esta vez, oyó el ruido y, a pesar de la manera en que su mujer se aferraba a él, fue gallardamente a abrir la puerta y echó un vistazo.

Todos los pelos se le erizaron en la piel cubierta de sudor: la silueta dislocada de la difunta sirvienta se movía y se agitaba, fúnebre marioneta, en medio del corredor desierto; la ventana que iluminaba la escalera la bañaba en un lunar resplandor y, a la luz de aquel rayo azul, la muerta pasaba y volvía a pasar, cepillando, frotando, presa de febril agitación; se hubiera dicho la labor de una condenada; y Monsieur de Lautréamont, al verla pasar a su lado, vio claramente gotas de sudor sobre el cráneo ya desnudo. Violentamente cerró la puerta, aterrado y convencido. "Tienes razón," —dijo simplemente al regresar junto a su mujer— "tenemos que hacer decir algunas misas por esta muchacha".

Diez misas se dijeron por la difunta, diez misas rezadas a las cuales asistieron Monsieur y Madame de Lautréamont y todos los miembros de su casa, y la buena Gudule ya no volvió a hacer el trabajo de la señorita Agathe en las noches de luna llena de noviembre.


Traducción de Miguel Frontán Alfonso.

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