domingo, 30 de agosto de 2009

Del discurso de recepción de Jean Dutourd



Parmi les catastrophes qui ont jalonné le XXe siècle, il en est une fort amère pour les écrivains, et spécialement les écrivains français : c’est que le langage du corps a remplacé le langage de l’âme. La science et la technique, ces deux gorgones, camouflées longtemps sous le masque bénin du progrès, se sont substituées à ce qui avait nourri les hommes pendant des millénaires et qui préservait leur cœur d’être tout à fait creux et plein d’ordure : l’art. Elles ont défiguré leur terre ; elles ont corrompu leurs paroles. Ce n’est pas l’anglais, comme on le prétend volontiers, qui l’emporte sur le français, mais un idiome forgé par les inventeurs ou les vendeurs des petits et des gros objets qui servent tantôt à apporter du plaisir à la viande humaine, tantôt à la hacher. Ce n’est pas Shakespeare qui tue Racine : c’est les prospectus pour les machines à laver. Et Shakespeare n’est pas moins navré dans l’opération. « Je ne me laisse pas éblouir par des bateaux à vapeur et des chemins de fer. Tout cela n’est pas la civilisation », disait Chateaubriand. Depuis un demi-siècle, l’humanité est éblouie et pâmée devant ses jouets. L’homme s’éloigne de la civilisation pour entrer dans une espèce de barbarie étrange, faite de confort et de crime. Il croit être enfin le maître de la nature : il n’est que le maître de sa mort.

Réception de M. Jean DUTOURD


Del discurso de recepción a la Academia Francesa. 10 de enero de 1980.

Entre las catástrofes que han marcado el siglo XX hay una en extremo amarga para los escritores y, especialmente, para los escritores franceses: el lenguaje del cuerpo ha reemplazado el lenguaje del alma. La ciencia y la técnica, esas dos gorgonas, camufladas durante mucho tiempo bajo la máscara benigna del progreso, se han substituido a aquello que había alimentado a los hombres durante milenios y que había preservado su corazón de estar por completo vacío y lleno de basura: el arte. Han desfigurado la tierra que pisan; han corrompido sus propias palabras. No es el inglés, como fácilmente se pretende, que vence al francés, sino un idioma forjado por los inventores y los vendedores de los pequeños y grandes objetos que sirven ya sea para dar placer a la res humana ya sea para hacerla pedazos. No es Shakespeare quien mata a Racine: son los modos de empleo de las lavadoras. Y esa operación redunda en mayor desconsuelo para Shakespeare. “No me dejo encandilar con barcos a vapor y con trenes. Todo eso no es la civilización”, decía Chateaubriand. Desde hace medio siglo la humanidad permanece encandilada y boquiabierta delante de sus juguetes. El hombre se aleja de la civilización para entrar en una especie de barbarie extraña hecha de confort y de crimen. Cree que por fin domina la naturaleza: lo único que domina es su propia muerte.

Traducción de Miguel Frontán Alfonso.

sábado, 29 de agosto de 2009

Mallarmé y Ulalume González de Léon


La poeta mexicana, nacida en Montevideo, la hija de Sara de Ibáñez, Ulalume González de León (1932-2009) fue, también, una eximia traductora. Vayan aquí como pequeño homenaje estas tres estupendas versiones de Mallarmé, quizás el poeta francés más favorecido en castellano en cuanto a traductores de calidad se refiere.


Sonnets

I


Quand l’ombre menaça de la fatale loi
Tel vieux Rêve, désir et mal de mes vertèbres,
Affligé de périr sous les plafonds funèbres
Il a ployé son aile indubitable en moi.

Luxe, ô salle d’ébène où, pour séduire un roi
Se tordent dans leur mort des guirlandes célèbres,
Vous n’êtes qu’un orgueil menti par les ténèbres
Aux yeux du solitaire ébloui de sa foi.

Oui, je sais qu’au lointain de cette nuit, la Terre
Jette d’un grand éclat l’insolite mystère,
Sous les siècles hideux qui l’obscurcissent moins.

L’espace à soi pareil qu’il s’accroisse ou se nie
Roule dans cet ennui des feux vils pour témoins
Que s’est d’un astre en fête allumé le génie.


II

Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui!

Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n’avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l’ennui.

Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l’espace infligée á l’oiseau qui le nie,
Mais non l’horreur du sol où le plumage est pris.

Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s’immobilise an songe froid de mépris
Que vêt parmi l’exil inutile le Cygne.


III

Victorieusement fui le suicide beau
Tison de gloire, sang par écume, or, tempête!
O rire si là-bas une pourpre s’apprête
A ne tendre royal que mon absent tombeau.

Quoi! de tout cet éclat pas même le lambeau
S’attarde, il est minuit, à l’ombre qui nous fête
Excepté qu’un trésor présomptueux de tête
Verse son caressé nonchaloir sans flambeau,

La tienne si toujours le délice! la tienne
Oui seule qui du ciel évanoui retienne
Un peu de puéril triomphe en t’en coiffant

Avec clarté quand sur les coussins tu la poses
Comme un casque guerrier d’impératrice enfant
Dont pour te figurer il tomberait des roses.

STÉPHANE MALLARMÉ


I

Cuando con ley fatal lo amenazó la sombra,
el viejo Sueño —plaga, deseo de mis vértebras—,
triste de perecer bajo fúnebres techos,
plegó en mí sus puntuales alas. ¡Oh lujo, estancia

de ébano en que sólo por seducir a un rey
tan célebres guirnaldas muriendo se retuercen,
un orgullo mentido por las tinieblas eres
para este solitario al que la fe deslumbra.

Yo sé que en lo lejano de esta noche la Tierra
lanza el misterio insólito de su fulgor enorme
bajo siglos grotescos que la oscurezcan menos.

Crezca o se niegue, idéntico a sí mismo el espacio,
arrastra en ese hastío viles fuegos testigos
de que un astro, entre fiestas, ha iluminado al genio.


II

El virgen, el vivaz, el hermoso presente,
¿desgarrará de un golpe de ala ebria este duro
lago, olvidado ya, que asedia bajo escarcha
el glaciar transparente de no emprendidos vuelos?

Un cisne de otro tiempo recuerda que magnífico
pero sin esperanza, es él quien se libera
por no haber celebrado la región de vivir
cuando del yermo invierno resplandeció el hastío.

Sacudirá su cuello esa blanca agonía
que el espacio ha infligido al ave que lo niega,
mas no el horror del suelo que apresa a su plumaje.

Fantasma que a este sitio su puro brillo asigna,
se pasma ya en el sueño helado del espacio
que el Cisne viste en medio de su inútil exilio.


III

Triunfalmente evadido el hermoso suicidio,
¡tizón de gloria, sangre por espuma, oro, rayo!
Oh risa si a lo lejos la púrpura se apresta,
regia, a no decorar sino mi tumba ausente.

¡Cómo!, de aquel incendio ni un jirón se demora
—es medianoche— aquí, en nuestra sombra en fiesta,
salvo este presuntuoso tesoro, esta cabeza
que vierte acariciada indolencia sin luces:

la tuya, la que siempre es delicia, la tuya,
única que del cielo desvanecido guarda
algo de la pueril victoria, coronada

de claridad ahora que en el cojín la posas
como un casco guerrero de emperatriz infante
que para figurarte dejara caer rosas.

ULALUME GONZÁLEZ DE LEÓN

jueves, 27 de agosto de 2009

August von Platen


Der Pilger von St. Yust

Nacht ist's, und Stürme sausen für und für,
Hispan'sche Mönche, schließt mir auf die Tür!

Laßt hier mich ruh'n, bis Glockenton mich weckt,
der zum Gebet mich in die Kirche schreckt!

Bereitet mir, was euer Haus vermag,
ein Ordenskleid und einen Sarkophag!

Gönnt mir die kleine Zelle, weiht mich ein,
mehr als die Hälfte dieser Welt war mein.

Das Haupt, das nun der Scheere sich bequemt,
mit mancher Krone ward's bediademt.

Die Schulter, die der Kutte nun sich bückt,
hat kaiserlicher Hermelin geschmückt.

Nun bin ich vor dem Tod den Toten gleich,
und fall' in Trümmer, wie das alte Reich.

AUGUST VON PLATEN


The pilgrim at San Yuste

It is night and the storm is howling on and on;
Spanish monks, open the door for me!

Let me rest here until the sound of bells awakens me
and sends me startled into the church to pray!

Prepare me in whatever way your house can manage:
a robe of the order and a sarcophagus!

Bestow upon me a small cell, initiate me;
more than half of this world was once mine.

The head that now submits to the shears
was once crowned with many a diadem.

The shoulders that are now beneath the cowl
once were adorned with imperial ermine.

Now I am like a corpse standing before Death,
fallen into ruin like the old empire.

Traducción al inglés de Emily Ezust

Le Pélerin devant Saint-Yuste

C'est la nuit, et la tempête hurle sans fin,
Moines espagnols, ouvrez-moi votre porte !

Laissez-moi me reposer ici, jusqu'à ce que la cloche me réveille,
Et m'appelle à la prière à l'église.

Préparez-moi ce que votre maison peut fournir :
Une robe de votre Ordre et un sarcophage.

Accordez-moi une petite cellule, initiez-moi !
Plus de la moitié du monde m'appartenait.

Ma tête qui se soumet à présent aux ciseaux
Fut ornée de maintes couronnes glorieuses.

Ces épaules qui, à présent, se prosternent sous la bure
Furent parées de l'impériale hermine.

Je suis face à la mort à présent, semblable aux autres morts,
Et je tomberai en ruines, comme l'ancien Empire.

C'est la nuit, c'est la nuit et la tempête hurle sans fin,
Moines espagnols, ouvrez-moi votre porte !

Versión francesa de Tapioca.

martes, 25 de agosto de 2009

Gaius Valerius Catullus, Carmen 3


LUCTUS IN MORTE PASSERIS

Lugete, o Veneres, Cupidinesque,
Et quantum est hominum venustiorum !
Passer mortuus est meae puellae,
Passer, deliciae meae puellae,
Quem plus illa oculis suis amabat :
Nam mellitus erat, suamque norat
Ipsam tam bene, quam puella matrem :
Nec sese a gremio illius movebat,
Sed circumsiliens modo hue, modo illuc,
Ad solam dominam usque pipilabat .
Qui nunc it per iter tenebricosum,
Illuc, unde negant redire quemquam
At vobis male sit, malae tenebrae
Orci, quae omnia bella devoratis
Tam bellum mihi passerem abstulistis .
O factum male ! O miselle passer,
Tua nunc opera, meae puellae
Fendo turgiduli rubent ocelli !

GAIUS VALERIUS CATULLUS


IL DÉPLORE LA MORT DU MOINEAU

Pleurez, Vénus, Amours, et vous tous, tant que vous êtes, hommes qui aimez Vénus ! Le moineau de mon amante est mort, le moineau, délices de mon amante, lui qu'elle aimait plus que ses propres yeux ! Il était aussi doux que le miel, il connaissait sa maîtresse comme une petite fille connaît sa mère ; il ne quittait jamais son giron, mais sautillant tantôt par-ci, tantôt par-là, pour elle seule il pépiait sans cesse ! Et maintenant, il va par la route ténébreuse au pays d'où l'on dit que ne revient personne . Ah ! maudites soyez-vous, males ténèbres d'Orcus, qui dévorez tout ce qui est joli ; il était si joli le moineau que vous m'avez enlevé ! O malheur ! pauvre petit moineau ! c'est pour toi que maintenant les beaux yeux de mon amie sont gonflés et tout rouges de larmes!

Versión francesa de Maurice Rat, 1931.



Mourn, oh Cupids and Venuses,
and whatever there is of rather pleasing men:
the sparrow of my girlfriend has died,
the sparrow, delight of my girl,
whom she loved more than her own eyes.
For it was honey-sweet and it had known its
mistress as well as a girl knew her mother,
nor did it move itself from her lap,
but jumping around now here now there
he used to chirp continually to his mistress alone:
who now goes through that gloomy journey
from whence they denied anyone returns.
But may it go badly for you, bad darkness
of Orcus, you who devour all beautiful things:
and so beautiful a bird you taken away from me
o bad deed! o miserable sparrow!
Now on account of your work my girl's
slightly swollen little eyes are red from weeping.

Versión inglesa de Walter Sullivan, 1997.



Plañid, oh las Venus y los Deseos,
y cuanto hay de personas más seductoras:
el pajarito muerto se ha, de mi chica,
el pajarito, delicias de mi chica,
al que más ella que a los ojos suyos amaba,
pues meloso era y a la suya conocía
misma tan bien como la chica a su madre
y no él del regazo de ella se movía
sino alrededor saltando, ora acá, ora allá,
a su sola dueña sin cesar pipiaba:
el que ahora camina por un camino tenebregoso
allá, de donde niegan que vuelva nadie.
Mas a vosotros mal haya, malas tinieblas
del Orco, que todas las cosas bonitas devoráis:
tan bonito pajarito a mí me quitasteis,
oh, hecho mal, oh, pobrecito pajarito:
por tu obra ahora los de mi chica,
de llorar, hinchaditos rojecen, sus ojillos.

Versión castellana de Ana Pérez Vega, 2008.

Llorad, Oh Vénuses y Cupidos,
y cuantos hombres amables hayan:
el gorrión de mi amada ha muerto.
El gorrión, el deleite de mi amada
a quien ella quería más que a sus propios ojos;
porque era dulce como la miel y conocía a su dueña
tan bien como una niña conoce a su madre.
No se movía de su regazo,
sino saltando a su alrededor, ahora aquí ahora allá,
sólo a su dueña constantemente cantaba.
Y ahora, va, en esa oscura travesia,
hacia donde dicen que nadie regresa.
¡Mal rayo los parta, funestas tinieblas del Orco,
que devoran todas las cosas bellas!
tan bello gorrioncillo me han quitado
¡Oh mala ventura! ¡Desdichado gorrioncillo!
ahora gracias a tu esfuerzo,
los ojos de mi amada enrojecen con su llanto.

Versión castellana de Hubert Cross, 2008.

Chorai, Ó Amores e Cupidos
E vós, homens de grande venustidade,
O pássaro de estimação de minha amada
Está morto, o pássaro que era seu prazer,
Que ela amava mais que à própria vida.
Porque era doce e conhecia a dona como filha
À mãe, não deixava seu colo ou seus
Joelhos, de um para outro saltitante,
Alegre pipilava como se a chamasse.
Agora parte, na viagem sombria,
Ao lugar de onde ninguém volta.
Que o remorso vos consuma, ó sombras
Malditas dos Infernos, que devorais tudo
O que é belo, pois roubaste-me um belo pássaro.
Ó que grave malfeito! Ó desafortunado passarinho!
Porque agora, os olhos de minha amante estão inchados
E vermelhos, pelo que choraram devido a vosso ato infame.

Versión portuguesa de Julio S. Moraes, 2006.

Ploreu, oh Venus i Cupidos i
tots els homes sensibles!
El pardal de la meva noia és mort,
el pardal, encant de la meva noia,
al qual ella estimava més que els seus propis ulls.
I és que era dolç com la mel i coneixia
a la noia tan bé com a la seva pròpia mare,
i no s'apartava de la seva falda,
sinó que hi saltava al voltant ara aquí ara allà,
només per a l'ama piulava.
I ara ell camina cap a un camí tenebrós,
d'on diuen que no retorna ningú.
A vosaltres us maleeixo, funestes tenebres
de l'Orc, que us empasseu tot allò bell:
m'heu pres tan bell pardal
Oh, fet funest! Oh, pobre ocellet
Ara els teus records enrogeixen
els ullets inflats de la meva noia.

Versión catalana de Albert, 2008.

Pianga Venere, piangano Amore
e tutti gli uomini gentili:
è morto il passero del mio amore,
morto il passero che il mio amore
amava più degli occhi suoi.
Dolcissimo, la riconosceva
come una bambina la madre,
non si staccava dal suo grembo,
le saltellava intorno
e soltanto per lei cinguettava.
Ora se ne va per quella strada oscura
da cui, giurano, non torna nessuno.
Siate maledette, maledette tenebre
dell'Orco che ogni cosa bella divorate:
una delizia di passero m'avete strappato.
Maledette, passerotto infelice:
ora per te gli occhi, perle del mio amore,
si arrossano un poco, gonfi di pianto.

Versión italiana de Mario Ramous, 2001.

lunes, 24 de agosto de 2009

Séneca, Fernández Navarrete y Joseph Baillard 3



De Providentia

CAPUT III

Sed iam procedente oratione ostendam quam non sint quae uidentur mala: nunc illud dico, ista quae tu uocas aspera, quae aduersa et abominanda, primum pro ipsis esse quibus accidunt, deinde pro uniuersis, quorum maior dis cura quam singulorum est, post hoc uolentibus accidere ac dignos malo esse si nolint. His adiciam fato ista sic ire et eadem lege bonis euenire qua sunt boni. Persuadebo deinde tibi ne umquam boni uiri miserearis; potest enim miser dici, non potest esse.

Difficillimum ex omnibus quae proposui uidetur quod primum dixi, pro ipsis esse quibus eueniunt ista quae horremus ac tremimus. 'Pro ipsis est' inquis 'in exilium proici, in egestatem deduci, liberos coniugem ecferre, ignominia adfici, debilitari?' Si miraris haec pro aliquo esse, miraberis quosdam ferro et igne curari, nec minus fame ac siti. Sed si cogitaueris tecum remedii causa quibusdam et radi ossa et legi et extrahi uenas et quaedam amputari membra quae sine totius pernicie corporis haerere non poterant, hoc quoque patieris probari tibi, quaedam incommoda pro iis esse quibus accidunt, tam mehercules quam quaedam quae laudantur atque adpetuntur contra eos esse quos delectauerunt, simillima cruditatibus ebrietatibusque et ceteris quae necant per uoluptatem.

Inter multa magnifica Demetri nostri et haec uox est, a qua recens sum; sonat adhuc et uibrat in auribus meis: 'nihil' inquit 'mihi uidetur infelicius eo cui nihil umquam euenit aduersi.' Non licuit enim illi se experiri. Vt ex uoto illi fluxerint omnia, ut ante uotum, male tamen de illo di iudicauerunt: indignus uisus est a quo uinceretur aliquando fortuna, quae ignauissimum quemque refugit, quasi dicat: 'quid ergo? istum mihi aduersarium adsumam? Statim arma summittet; non opus est in illum tota potentia mea, leui comminatione pelletur, non potest sustinere uultum meum. Alius circumspiciatur cum quo conferre possimus manum: pudet congredi cum homine uinci parato.

' Ignominiam iudicat gladiator cum inferiore componi et scit eum sine gloria uinci qui sine periculo uincitur. Idem facit fortuna: fortissimos sibi pares quaerit, quosdam fastidio transit. Contumacissimum quemque et rectissimum adgreditur, aduersus quem uim suam intendat: ignem experitur in Mucio, paupertatem in Fabricio, exilium in Rutilio, tormenta in Regulo, uenenum in Socrate, mortem in Catone. Magnum exemplum nisi mala fortuna non inuenit.

Infelix est Mucius quod dextra ignes hostium premit et ipse a se exigit erroris sui poenas, quod regem quem armata manu non potuit exusta fugat? Quid ergo? felicior esset, si in sinu amicae foueret manum?

Infelix est Fabricius quod rus suum, quantum a re publica uacauit, fodit? quod bellum tam cum Pyrrho quam cum diuitiis gerit? quod ad focum cenat illas ipsas radices et herbas quas in repurgando agro triumphalis senex uulsit? Quid ergo? felicior esset, si in uentrem suum longinqui litoris pisces et peregrina aucupia congereret, si conchyliis superi atque inferi maris pigritiam stomachi nausiantis erigeret, si ingenti pomorum strue cingeret primae formae feras, captas multa caede uenantium?

Infelix est Rutilius quod qui illum damnauerunt cau sam dicent omnibus saeculis? quod aequiore animo passus est se patriae eripi quam sibi exilium? quod Sullae dictatori solus aliquid negauit et reuocatus tantum non retro cessit et longius fugit? 'Viderint' inquit 'isti quos Romae deprehendit felicitas tua: uideant largum in foro sanguinem et supra Seruilianum lacum (id enim proscriptionis Sullanae spoliarium est) senatorum capita et passim uagantis per urbem percussorum greges et multa milia ciuium Romanorum uno loco post fidem, immo per ipsam fidem trucidata; uideant ista qui exulare non possunt.'

Quid ergo? felix est L. Sulla quod illi descendenti ad forum gladio summouetur, quod capita sibi consularium uirorum patitur ostendi et pretium caedis per quaestorem ac tabulas publicas numerat? Et haec omnia facit ille, ille qui legem Corneliam tulit.

Veniamus ad Regulum: quid illi fortuna nocuit quod illum documentum fidei, documentum patientiae fecit? Figunt cutem claui et quocumque fatigatum corpus reclinauit, uulneri incumbit; in perpetuam uigiliam suspensa sunt lumina: quanto plus tormenti tanto plus erit gloriae. Vis scire quam non paeniteat hoc pretio aestimasse uirtutem? refige illum et mitte in senatum: eandem sententiam dicet.

Feliciorem ergo tu Maecenatem putas, cui amoribus anxio et morosae uxoris cotidiana repudia deflenti somnus per symphoniarum cantum ex longinquo lene resonantium quaeritur? Mero se licet sopiat et aquarum fragoribus auocet et mille uoluptatibus mentem anxiam fallat, tam uigilabit in pluma quam ille in cruce; sed illi solacium est pro honesto dura tolerare et ad causam a patientia respicit, hunc uoluptatibus marcidum et felicitate nimia laborantem magis iis quae patitur uexat causa patiendi.

Non usque eo in possessionem generis humani uitia uenerunt ut dubium sit an electione fati data plures nasci Reguli quam Maecenates uelint; aut si quis fuerit qui audeat dicere Maecenatem se quam Regulum nasci maluisse, idem iste, taceat licet, nasci se Terentiam maluit.

Male tractatum Socratem iudicas quod illam potionem publice mixtam non aliter quam medicamentum inmortalitatis obduxit et de morte disputauit usque ad ipsam? Male cum illo actum est quod gelatus est sanguis ac paulatim frigore inducto uenarum uigor constitit?

Quanto magis huic inuidendum est quam illis quibus gemma ministratur, quibus exoletus omnia pati doctus exsectae uirilitatis aut dubiae suspensam auro niuem diluit! Hi quidquid biberunt uomitu remetientur tristes et bilem suam regustantes, at ille uenenum laetus et libens hauriet.

Quod ad Catonem pertinet, satis dictum est, summamque illi felicitatem contigisse consensus hominum fatebitur, quem sibi rerum natura delegit cum quo metuenda conlideret. 'Inimicitiae potentium graues sunt: opponatur simul Pompeio, Caesari, Crasso. Graue est a deterioribus honore anteiri: Vatinio postferatur. Graue est ciuilibus bellis interesse: toto terrarum orbe pro causa bona tam infeliciter quam pertinaciter militet. Graue est manus sibi adferre: faciat. Quid per haec consequar? ut omnes sciant non esse haec mala quibus ego dignum Catonem putaui.'

LUCIO ANNEO SÉNECA


De la Divina Providencia

CAPÍTULO III

Pero porque cuando pasemos más adelante con el discurso te haré demostración que no son males los que lo parecen, digo ahora que estas cosas que tú llamas ásperas y adversas y dignas de abominación son, en primer lugar, en favor de aquellos a quien suceden, y después en utilidad de todos en general, que de éstos tienen los dioses mayor cuidado que de los particulares, y tras ellos de los que quieren les sucedan males; porque a los que rehúsan los tienen por indignos. Añadiré que estas cosas las dispone el hado, y que justamente vienen a los buenos por la misma razón que son buenos. Tras esto te persuadiré que no tengas compasión del varón bueno, porque aunque podrás llamarle desdichado, nunca él lo puede ser. Dije lo primero, que estas cosas de quien tememos y tenemos horror son favorables a los mismos a quien suceden, y ésta es la más difícil de mis proposiciones. Dirásme: ¿cómo puede ser útil el ser desterrados, el venir a pobreza, el enterrar los hijos y la mujer, el padecer ignominia y el verse debilitado? Si de esto te admiras, también te admirarás de que hay algunos que curan sus enfermedades con hierro y fuego, con hambre y sed. Y si te pusieres a pensar, que a muchos para curarlos les raen y descubren los huesos, les abren las venas y cortan algunos miembros que no se podían conservar sin daño del cuerpo. Con esto, pues, concederás que he probado que hay incomodidades que resultan en beneficio de quien las recibe; y muchas cosas de las que se alaban y apetecen se convierten en daño de aquellos que con ellos se alegran, siendo semejantes a las crudezas y embriagueces, y a las demás cosas que con deleite quitan la vida. Entre muchas magníficas sentencias de nuestro Demetrio hay ésta, que es en mí fresca, porque resuena aún en mis oídos. «Para mí, decía, ninguno me parece más infeliz que aquel a quien jamás sucedió cosa adversa»; porque a este tal nunca se le permitió hacer experiencia de sí, habiéndole sucedido todas las cosas conforme a su deseo, y muchas aun antes de desearlas. Mal concepto hicieron los dioses de éste; tuviéronle por indigno de que alguna vez pudiese vencer a la fortuna, porque ella huye de todos los flojos, diciendo: «¿Para qué he de tener yo a éste por contrario? Al punto rendirá las armas; para con él no es necesaria toda mi potencia; con sólo una ligera amenaza huirá; no tiene valor para esperar mi vista; búsquese otro con quien pueda yo venir a las manos, porque me desdeño encontrarme con hombre que está pronto a dejarse vencer.» El gladiador tiene por ignominia el salir a la pelea con el que le es inferior, porque sabe que no es gloria vencer al que sin peligro se vence. Lo mismo hace la fortuna, la cual busca los más fuertes y que le sean iguales: a los otros déjalos con fastidio: al más erguido y contumaz acomete, poniendo contra él toda su fuerza. En Mucio experimentó el fuego, en Fabricio la pobreza, en Rutilio el destierro, en Régulo los tormentos, en Sócrates el veneno, y en Catón la muerte. Ninguna otra cosa halla ejemplos grandes sino en la mala fortuna. ¿Es por ventura infeliz Mucio, porque con su diestra oprime el fuego de sus enemigos, castigando en sí las penas del error, y porque con la mano abrasada hace huir al rey, a quien con ella armada no pudo? ¿Fuera por dicha más afortunado si la calentara en el seno de la amiga? ¿Y es por ventura infeliz Fabricio por cavar sus heredades el tiempo que no acudía a la República, y por haber tenido iguales guerras con las riquezas que con Pirro, y porque sentado a su chimenea aquel viejo triunfador cenaba las raíces de hierbas que él mismo había arrancado escardando sus heredades? ¿Acaso fuera más dichoso si juntara en su vientre los peces de remotas riberas y las peregrinas cazas, y si despertara la detención del estómago, ganoso de vomitar con las ostras de entrambos mares, superior e inferior? ¿Si con mucha cantidad de manzanas rodear las fieras de la primera forma, cogidas con muerte de muchos monteros? ¿Es por ventura infeliz Rutilio porque los que le condenaron serán en todos los siglos condenados, y porque sufrió con mayor igualdad de ánimo el ser quitado a la patria, que el serle alzado el destierro, y porque él solo negó alguna cosa al dictador Sila? Y siendo vuelto a llamar del destierro, no sólo no vino, sino antes se apartó más lejos, diciendo: «Vean esas cosas aquellos a quien en Roma tiene presos la felicidad: vean en la plaza y en el lago Servilio gran cantidad de sangre (que éste era el lugar donde en la confiscación de Sila despojaban): vean las cabezas de los senadores y la muchedumbre de homicidas que a cada paso se encuentran vagantes por la ciudad, y vean muchos millares de ciudadanos romanos despedazados en un mismo lugar, después de dada la fe, o por decir mejor, engañados con la misma fe. Vean estas cosas los que no saben sufrir el destierro.» ¿Será más dichoso Sila, porque cuando baja al Tribunal le hacen plaza con las espadas, y porque consiente colgar las cabezas de los varones consulares, contándose el precio de las muertes por el tesoro y escrituras públicas, haciendo esto el mismo que promulgó la ley Cornelia? Vengamos a Régulo; veamos en qué le ofendió la fortuna, habiéndole hecho ejemplar de paciencia. Hieren los esclavos su pellejo, y a cualquier parte que reclina el fatigado cuerpo, le pone en la herida, teniendo condenados los ojos a perpetuo desvelo. Cuanto más tuvo de tormento, tanto más tendrá de gloria. ¿Quieres saber cuán poco se arrepintió de valuar con este precio la virtud? Pues cúrale y vuélvele al Senado, y verás que persevera en el mismo parecer. ¿Tendrás por más dichoso a Mecenas, a quien estando ansioso con los amores, y llorando cada día los repudios de su insufrible mujer, se le procuraba el sueño con blando son de sinfonías que desde lejos resonaban? Por más que con el vino se adormezca, y por más que con el ruido de las aguas se divierta, engañando con mil deleites el afligido ánimo, se desvelará de la misma manera en blandos colchones, como Régulo en los tormentos, porque a éste le sirve de consuelo el ver que sufre los trabajos por la virtud, y desde el suplicio pone los ojos en la causa; a esotro, marchito en sus deleites y fatigado con la demasiada felicidad, le aflige la causa que los mismos tormentos que padece. No han llegado los vicios a tener tan entera posesión del género humano, que se dude si dándose elección de lo que cada uno quisiera ser, no hubiera más que eligieran ser Régulos que Mecenas. Y si hubiere alguno que tenga osadía a confesar que quiere ser Mecenas y no Régulo, este tal, aunque lo disimule, sin duda quisiera más ser Terencio. ¿Juzgas a Sócrates maltratado porque, no de otra manera que como medicamento, para conseguir la inmortalidad escondió aquella bebida mezclada en público, disputando de la muerte hasta la misma muerte, y porque apoderándose poco a poco el frío, se encogió el vigor de las venas? ¿Cuánta más razón hay para tener envidia de éste, que de aquellos a quien se da la bebida en preciosos vasos; y a quien el mancebo desbarbado, de cortada o ambigua virilidad, acostumbrado a sufrir le deshace la nieve colgada del oro? Todo lo que éstos beben lo vuelven con tristeza en vómitos, tornando a gustar su misma cólera; pero aquél, alegre y gustoso beberá el veneno. En lo que toca a Catón está ya dicho mucho, y el común sentir de los hombres confesará que tuvo felicidad, habiéndole elegido la naturaleza para quebrantar en él las cosas que suelen temerse. Las enemistades de los poderosos son pesadas: opóngase, pues, a un mismo tiempo a Pompeyo, César y Craso. El ser los malos preferidos en los honores es cosa dura: pues antepóngasele Vatinio. Áspera cosa es intervenir en guerras civiles: milite, pues, por causa tan justa en todo el orbe, tan feliz como pertinazmente. Grave cosa es poner en sí mismo las manos: póngalas. ¿Y qué ha de conseguir con esto? Que conozcan todos que no son males ésos, pues yo juzgo dignos de ellos a Catón.

PEDRO FERNÁNDEZ NAVARRETE

CHAPITRE III

La suite de mon discours m’amènera bientôt à montrer combien tous nos maux prétendus sont loin d’être des maux réels. Pour le présent, je me borne à dire : ces événements que tu nommes cruels, funestes, affreux, sont utiles d’abord à ceux mêmes qu’ils frappent, puis à l’humanité tout entière, dont les dieux tiennent plus compte que des individus ; ceux-ci d’ailleurs les acceptent et mériteraient des maux réels, s’ils ne le faisaient pas. J’ajouterai qu’ainsi le veut le destin, et qu’ils sont soumis à ces justes épreuves par la même loi qui les fait vertueux. De là je t’amènerai à ne jamais plaindre l’homme de bien, qu’on peut dire malheureux, mais qui ne peut l’être.

De toutes ces propositions la plus difficile à démontrer, ce semble, est la première : que ces crises qui nous font frémir d’épouvante sont dans l’intérêt de ceux qui les souffrent. « Est-ce donc pour leur bien, diras-tu, qu’ils sont chassés en exil, précipités dans l’indigence, qu’ils voient mourir enfants et femme, qu’on leur inflige l’infamie, ou qu’on les mutile ? » Tu t’étonnes qu’il sorte quelque bien de tout cela ; étonne-toi donc qu’à la cure de certaines maladies on emploie le fer et le feu aussi bien que la faim et la soif. Mais si tu songes que souvent il faut qu’un tranchant salutaire dénude les os, ou les extraie, extirpe les veines ou ampute les membres qui ne peuvent rester sans que tout le corps périsse, tu souffriras qu’on te démontre qu’il est des disgrâces utiles à qui les essuie, comme assurément plus d’une chose que l’on vante et que l’on recherche nuit à ceux qui s’en laissent charmer, vraie image de l’indigestion, de l’ivresse, de tous les excès qui mènent à la mort par le plaisir.

Entre plusieurs belles sentences de notre cher Démétrius, écoute celle-ci que j’ai tout fraîchement recueillie, qui retentit et vibre encore à mon oreille : « Je ne vois rien de si malheureux que celui que n’a jamais visité de malheur. » En effet, il ne lui a pas été donné de s’éprouver. En vain la Fortune aura secondé, prévenu même tous ses souhaits, les dieux ont mal présumé de lui. Il n’a pas été jugé digne de vaincre un beau jour cette Fortune, qui s’éloigne d’une âme pusillanime et semble dire : « Qu’ai-je à faire d’un tel adversaires ? Au premier choc il mettra bas les armes. Qu’ai-je besoin contre lui de toute ma puissance ? La moindre menace va le mettre en fuite : il ne soutient pas même mes regards. Cherchons ailleurs qui puisse nous tenir tête. J’aurais honte d’en venir aux mains avec un homme prêt à se rendre.

Le gladiateur tient à déshonneur d’avoir en face un trop faible adversaire ; il sait qu’on triomphe sans gloire quand on a vaincu sans péril. Ainsi fait la Fortune : elle prend pour rivaux les plus braves, et passe dédaigneusement devant les autres. Elle attaque les fronts rebelles et superbes, pour tendre contre eux tous ses muscles. Elle essaye le feu contre Scaevola, la pauvreté contre Fabricius, l’exil contre Rutilius, les tortures contre Régulus, présente le poison à Socrate, le suicide à Caton.

Ces grandes leçons d’héroïsme, la mauvaise fortune seule a le privilège de les donner. Plaindras-tu Scaevola parce que sa main est posée sur le brasier ennemi et se punit elle-même de sa méprise, parce que cette main consumée fait reculer le roi que son glaive n’avait pu abattre ? Eût-il été plus heureux de réchauffer cette main dans le sein d’une maîtresse ? Plaindras-tu Fabricius parce qu’il emploie à bêcher sa terre tout le temps qu’il ne donne pas à la république ; parce qu’il fait la guerre aux richesses, comme à Pyrrhus ; parce qu’il mange à son foyer les herbes et les racines que, vieillard triomphal, il a arrachées dans son champ ? Eh quoi ! serait-il plus heureux d’entasser dans son estomac des poissons de lointains rivages, des oiseaux pris sous un ciel étranger, ou de réveiller, avec les coquillages des deux mers, la paresse d’un appétit blasé, ou de se faire servir, ceints d’énormes pyramides de fruits, ces animaux gigantesques dont la prise coûte la vie à plus d’un chasseur ? Plaindras-tu ce Rutilius, dont les juges ont à répondre au tribunal de tous les siècles, d’avoir souffert plus volontiers qu’on l’arrachât à sa patrie qu’à son exil, d’avoir seul refusé quelque chose à Sylla dictateur, et, au lieu de suivre la voix qui le rappelait, de s’être enfui encore plus loin ? « Adresse-toi, lui dit-il, à ceux qu’a brusquement surpris dans Rome ton heureux destin : qu’ils voient le forum inondé de sang, le lac Servilius (car tel est le spoliaire de l’ordonnateur des proscriptions couvert de têtes de sénateurs ; des hordes d’assassins qui errent par toute la ville, et des milliers de citoyens égorgés en masse, au mépris, c’est peu dire, au piège même de la foi donnée. Qu’ils voient ces horreurs, ceux qui ne peuvent supporter l’exil. « Eh quoi ! Sylla sera pour toi l’heureux Sylla, parce qu’à sa descente au forum le glaive écarte la foule devant lui, parce qu’il souffre qu’on expose en public les têtes des consulaires, parce qu’il fait payer par le questeur et inscrire au compte de l’état le prix de chaque meurtre ? Et ce monstre avait dicté la loi Cornélia !

Venons à Régulus. En quoi la Fortune l’a-t-elle maltraité, lorsqu’elle a fait de lui le modèle de la loyauté, le modèle de la constance ? Les clous traversent ses chairs, et de quelque côté que son corps fatigué s’appuie, il pèse sur une blessure, et ses paupières sont tenues ouvertes pour des veilles sans repos. Plus vive est la torture, plus grande sera la gloire. Veux-tu savoir s’il se repent d’avoir mis la vertu à si haut prix ? Rends-lui la vie et renvoie-le au sénat : il opinera encore de même.

Regardes-tu comme plus heureux Mécène, en proie aux tourments de l’amour, pleurant les divorces quotidiens de sa capricieuse épouse, et demandent le sommeil à ces concerts d’harmonie que le lointain rend plus doux à l’oreille ? Il aura beau à force de vin s’assoupir, et se distraire au bruit des cascades, et recourir à mille voluptés pour tromper ses cruels ennuis, il y aura autant d’insomnie sur son duvet que sur la croix de Régulus. Mais Régulus se console en songeant que s’il souffre, c’est pour l’honneur ; du sein de ses tortures il ne considère que leur cause ; l’autre, flétri par les voluptés, pliant sous le faix d’une prospérité excessive, est plus tourmenté par le motif de ses souffrances que par ses souffrances même. Non, la corruption n’a pas tellement pris possession du genre humain qu’on puisse douter que, s’ils avaient le choix de leur destin, la plupart des hommes n’aimassent point mieux naître Régulus que Mécène. Ou si quelqu’un osait préférer le sort du favori d’Auguste, il préférerait par cela même, bien que sans le dire, être la femme de Mécène.

Crois-tu Socrate malheureux pour avoir bu, comme un breuvage d’immortalité, la coupe fatale que lui préparèrent ses concitoyens, et pour avoir discouru sur la mort jusqu’au moment de la mort même ? Doit-on le plaindre d’avoir senti son sang se figer, et le froid qui s’insinuait dans ses veines y éteindre peu à peu la vie ? Ah ! portons envie à Socrate bien plutôt qu’à ces hommes qui boivent dans des coupes d’une seule pierre précieuse, et pour qui de jeunes mignons, au sexe indécis ou retranché par le fer et instruits à tout souffrir, délayent dans l’or la neige qui couronne leur coupe. Ce qu’ils viennent de boire, leur estomac le rejette en entier ; ils sentent, dans leur morne dégoût, la bile refluer jusqu’à leur palais ; mais Socrate boira la ciguë avec une douce sérénité.

Pour Caton, sa cause est jugée : il a possédé le souverain bien, c’est ce que proclamera l’unanime témoignage des hommes sur un homme que la nature s’était choisi pour soutenir le choc des crises les plus terribles. « Les inimitiés des grands sont funestes, a-t-elle dit ; opposons Caton tout à la fois à Pompée, à César et à Crassus. Il est cruel de se voir supplanté par d’indignes rivaux ; qu’un Vatinius lui soit préféré. Il est affreux d’être engagé dans les guerres civiles ; qu’il aille par tout l’univers combattant pour la bonne cause avec autant de malheur que de constance. Il est cruel de se donner la mort ; qu’il se la donne. Qu’aurai-je obtenu par là ? De faire voir à tous qu’on ne saurait appeler maux des épreuves dont Caton m’aura paru digne. »

(Traduction J. Baillard, 1914)

domingo, 23 de agosto de 2009

Baudelaire y José Emilio Pacheco 4


Recueillement

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici:
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant;

Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.

CHARLES BAUDELAIRE


Recogimiento

Cálmate, dolor mío, y tu angustia serena.
Anhelabas la noche. Ya desciende. Aquí está.
Una atmósfera oscura cubre a París. Traerá
A unos cuantos la paz, a otros muchos la pena.

Mientras la muchedumbre que se rinde al placer
—Su verdugo inclemente— por las calles anhela
Cazar remordimientos bajo la noche en vela,
Tú, dolor, ven a mí. Dame la mano al ver

Que es posible escaparse de los ya muertos años.
Con sus antiguos trajes en el balcón celeste
Ya brotan, como salen del mar los desengaños,

Cuando el sol, bajo un arco, se muere en lontananza.
Ahora, tal un sudario que desciende del este,
Observa, mi dolor: la inmensa noche avanza.

JOSÉ EMILIO PACHECO

sábado, 22 de agosto de 2009

Angelus Silesius, Julia Bilger y Maël Renouard


1:23. Die Geistliche Maria.

Jch muß MARIA seyn / und GOtt auß mir gebähren /
Sol Er mich Ewiglich der Seeligkeit gewehren.

The Spiritual Virgin

I must be Virgin Mary and carry God in me
If he's to grant me glory unto eternity.

Marie spirituelle

Il faut que je sois Marie et donne le jour à Dieu
Pour qu´il m´accorde éternellement la félicité.

1:35. Der Tod ists beste Ding.

Jch sage / weil der Tod allein mich machet frey;
Daß er das beste Ding auß allen Dingen sey.

Death is Best

I say: since it alone can set my spirit free
That death must be the best of all good things for me.

La mort est la meilleure chose

Je dis, parce que seule la mort me délivre,
Qu´entre toutes choses elle est ce qu´il y a de mieux.

1:108. Die Rose.

Die Rose / welche hier dein äußres Auge siht /
Die hat von Ewigkeit in GOtt also geblüht. idealiter.

The Rose

The rose beheld today by thine external eye
Hath burgeoned thus in God through all eternity.

La rose

La rose qu´ici-bas l´oeil de ton corps regarde
Fleurit de même en Dieu éternellement.

1:187. Die weite der Seelen.

Die Welt ist mir zu äng / der Himmel ist zu klein:
Wo wird doch noch ein Raum für meine Seele seyn?

Space For Souls

For me the world's too narrow and heaven itself too strait.
Where can I for my soul find space that's adequate?

Étendue de l´âme

Le monde est trop étroit pour moi, le ciel, trop petit ;
Où reste-t-il une place pour mon âme ?

1:219. Die Einfalt.

Die Einfalt ist so wehrt / daß wann sie GOtt gebricht /
So ist er weder GOtt noch Weißheit / noch ein Licht.

Simplicity

Simplicity's so great that should God lack her might
He would be neither God, nor Wisdom, nor the Light.

La simplicité

La simplicité est si précieuse que si elle manque à Dieu
Il n´est plus ni Dieu ni sagesse ni lumière.

1:302. Stehn ist zurükke gehn.

Wer in den Wegen GOtts gedächte still zustehn /
Der werde hintersich und ins Verderben gehn.

A Standstill is Regression

He who in paths of God doth every progress shun
Doth but retrace himself, and court oblivion.

S´arrêter est reculer

Celui qui songerait à s´arrêter sur les chemins de Dieu
Retournerait en arrière et irait à sa perte.

2:19. Das höchste ist Stille seyn.

Geschäfftig seyn ist gutt; Viel besser aber Bethen:
Noch besser Stumm und still für Gott den Herren trethen.

Silence is the Highest State

To work is very good; better, at prayer to be,
Best, to approach the Lord wordlessly, silently.

Le meilleur est d´être calme

Il est bon d´avoir affaire ; mais bien meilleur de prier ;
Et mieux encore de se présenter, calme et muet, devant le Seigneur Dieu.

2:24. Jm Mittelpunct sicht man alles.

Wer jhm den Mittelpunct zum wohnhauß hat erkiest /
Der siht mit einem Blik was in dem Umbschweif ist.

The Middle View

He who the centerpoint hath chosen, of earth's drama,
Sees at a glance from there life's total panorama.

Le centre

Celui qui a choisi d´habiter le centre
Voit d´un regard tout ce qui est dans la circonférence.

2:25. Dein' Unruh machstu selbst.

Noch Creatur noch GOtt kan dich in Unruh bringen /
Du selbst Verunruhst dich (O Thorheit!) mit den Dingen.

Your Own Unrest

Not God nor yet creation your heart to turmoil brings;
It is yourself (Oh folly!) excites yourself with things.

Tu crées toi-même ton inquiétude

Ni le créé ni Dieu ne peuvent te jeter dans l´inquiétude ;
C´est toi-même (ô folie !) qui t´inquiètes des choses.


2:83. Der geistliche Berg.

Jch bin ein Berg in GOtt / und muß mich selber steigen /
Daferne GOtt mir sol sein liebes Antlitz zeigen.

The Spiritual Mountain

I am a hill of God, and must myself ascend
That God may then reveal his face to me, my friend.

La montagne spirituelle

Je suis une montage en Dieu, je dois me gravir
Pour que Dieu me montre Sa face aimée.

2:231. Die Sonnen wende.

Verwundre dich nicht Freund / daß ich auf nichts mag sehn /
Jch muß mich allezeit nach meiner Sonne drehn.

The Solstice

Wonder not, friend, if I the sight of all things shun
That I may better turn my eyes upon the sun.

Le tournesol

Ne sois pas surpris, mon ami, si je ne peux rien voir :
Je dois tout le temps me tourner vers mon soleil.

2:254. Das Seraphinische Leben.

Auß Liebe gehn und stehn / Lieb äthmen / reden / singen:
Heist seine Lebenszeit wie Seraphim verbringen.

The Angelic Life

In love to walk and halt, to breathe, speak, sing of love,
Means: all one's life to live like seraphim above.

La vie séraphique

Aller par amour et par amour s´arrêter, respirer l´amour, le dire, le chanter,
C´est passer la vie comme les séraphins.

3:48. Der einige Tag.

Drey Tage weiß ich nur; als gestern / heut / und morgen:
Wenn aber gestern wird ins heut und Nun verborgen /
Und morgen außgelöscht: so leb ich jenen Tag /
Den ich / noch eh ich ward / in GOtt zu leben pflag.

The Only Day

Three days: Today, Tomorrow and Yesterday, I know,
Yet if the past were cancelled within the here and now
And then the future hidden, I could regain that Day
Which I, before I was, had lived in God's own way.

Le jour unique

Je ne connais que trois jours : hier, aujourd´hui, demain ;
Mais quand hier se cache dans aujourd´hui et maintenant,
Et demain s´efface, je vis ce jour
Que je vivais en Dieu avant d´être.

3:109. Der Leib ist Ehren werth.

Halt deinen Leib in Ehrn / er ist ein edler Schrein /
Jn dem das Bildnüß GOtts sol aufbehalten seyn.

Honor Thy Body

Honor thy body well, for 'tis a shrine serene
In which to keep God's image forever safe and clean.

Le corps digne des honneurs

Rends honneur à ton corps, il est un noble écrin
Où il faut conserver l´image de Dieu.

3:168. Die GOttheit.

Die GOttheit ist ein Brunn / auß jhr kombt alles her:
Und laufft auch wider hin / drumb ist sie auch ein Meer.

Divinity
Divinity's a spring; all things therefrom have motion
And yet again flow back as if it were an ocean.

La divinité

La divinité est une source, tout provient d´elle
Et tout y retourne ; c´est pourquoi elle est aussi une mer.

3:179. Vom Lieben.

Die Liebe diser Welt die endt sich mit betrüben:
Drumb sol mein Hertz allein die Ewge Schönheit lieben.

Of Love

A man long e'er his end his earthly love must lose;
To love unending beauty my heart doth therefore choose.

De l´amour

L´amour de ce monde finit par la tristesse.
Aussi mon coeur n´aimera-t-il que la beauté éternelle.

4:69. Die Sünde.

Die Sünd' ist anders nichts / als daß ein Mensch von GOtt
Sein Angesicht abwendt / und kehret sich zum Tod.

Sin

Sin is not otherwise than that man turns his face
From God, and finds instead Death standing in that place.

Le péché

Le péché n´est rien d´autre qu´un homme détournant
Son visage de Dieu et se tournant vers la mort.

6:75. Allein die überwindung beruhigt.

Freund streiten ist nicht gnug / du must auch überwinden /
Wo du wilt ewge Ruh und ewgen Frieden finden.

Victory Brings Peace

To strive is not enough; thou must succeed, my friend,
In order to win peace and quiet at life's end.

Seule la victoire apaise

Ami, lutter n´est pas assez, tu dois aussi gagner
Si tu veux trouver le repos éternel et la paix éternelle.


6:224. Die Kinder weinen umb die token.

Du lachest daß das Kind umb seine Token weint /
Umb die du dich betrübst / sag obs nicht Token seind?

Children Cry Over Dolls

Thou laughest that a child cries o'er its broken doll;—
The things o'er which thou mournest—are they not playthings all?

Les enfants pleurent leurs jouets

Tu te ris des enfants qui pleurent leurs jouets,
Mais toi, ce qui t´afflige, dis si ce ne sont pas des jouets


ANGELUS SILESIUS.

Versión en inglés de JULIA BILGER.

Versión en francés de MAËL RENOUARD (reproduit avec son aimable autorisation)

sábado, 15 de agosto de 2009

Francesco Petrarca: Vergine bella...


CCCLXVI

Vergine bella, che di sol vestita,
coronata di stelle, al sommo Sole
piacesti sí, che 'n te Sua luce ascose,
amor mi spinge a dir di te parole:
ma non so 'ncominciar senza tu' aita,
et di Colui ch'amando in te si pose.
Invoco lei che ben sempre rispose,
chi la chiamò con fede:
Vergine, s'a mercede
miseria extrema de l'humane cose
già mai ti volse, al mio prego t'inchina,
soccorri a la mia guerra,
bench'i' sia terra, et tu del ciel regina.

Vergine saggia, et del bel numero una
de le beate vergini prudenti,
anzi la prima, et con piú chiara lampa;
o saldo scudo de l'afflicte genti
contra colpi di Morte et di Fortuna,
sotto 'l qual si trïumpha, non pur scampa;
o refrigerio al cieco ardor ch'avampa
qui fra i mortali sciocchi:
Vergine, que' belli occhi
che vider tristi la spietata stampa
ne' dolci membri del tuo caro figlio,
volgi al mio dubbio stato,
che sconsigliato a te vèn per consiglio.

Vergine pura, d'ogni parte intera,
del tuo parto gentil figliola et madre,
ch'allumi questa vita, et l'altra adorni,
per te il tuo figlio, et quel del sommo Padre,
o fenestra del ciel lucente altera,
venne a salvarne in su li extremi giorni;
et fra tutt'i terreni altri soggiorni
sola tu fosti electa,
Vergine benedetta,
che 'l pianto d'Eva in allegrezza torni.
Fammi, ché puoi, de la Sua gratia degno,
senza fine o beata,
già coronata nel superno regno.

Vergine santa d'ogni gratia piena,
che per vera et altissima humiltate
salisti al ciel onde miei preghi ascolti,
tu partoristi il fonte di pietate,
et di giustitia il sol, che rasserena
il secol pien d'errori oscuri et folti;
tre dolci et cari nomi ài in te raccolti,
madre, figliuola et sposa:
Vergina glorïosa,
donna del Re che nostri lacci à sciolti
et fatto 'l mondo libero et felice,
ne le cui sante piaghe
prego ch'appaghe il cor, vera beatrice.

Vergine sola al mondo senza exempio,
che 'l ciel di tue bellezze innamorasti,
cui né prima fu simil né seconda,
santi penseri, atti pietosi et casti
al vero Dio sacrato et vivo tempio
fecero in tua verginità feconda.
Per te pò la mia vita esser ioconda,
s'a' tuoi preghi, o Maria,
Vergine dolce et pia,
ove 'l fallo abondò, la gratia abonda.
Con le ginocchia de la mente inchine,
prego che sia mia scorta,
et la mia torta via drizzi a buon fine.

Vergine chiara et stabile in eterno,
di questo tempestoso mare stella,
d'ogni fedel nocchier fidata guida,
pon' mente in che terribile procella
i' mi ritrovo sol, senza governo,
et ò già da vicin l'ultime strida.
Ma pur in te l'anima mia si fida,
peccatrice, i' no 'l nego,
Vergine; ma ti prego
che 'l tuo nemico del mio mal non rida:
ricorditi che fece il peccar nostro,
prender Dio per scamparne,
humana carne al tuo virginal chiostro.

Vergine, quante lagrime ò già sparte,
quante lusinghe et quanti preghi indarno,
pur per mia pena et per mio grave danno!
Da poi ch'i' nacqui in su la riva d'Arno,
cercando or questa et or quel'altra parte,
non è stata mia vita altro ch'affanno.
Mortal bellezza, atti et parole m'ànno
tutta ingombrata l'alma.
Vergine sacra et alma,
non tardar, ch'i' son forse a l'ultimo anno.
I dí miei piú correnti che saetta
fra miserie et peccati
sonsen' andati, et sol Morte n'aspetta.

Vergine, tale è terra, et posto à in doglia
lo mio cor, che vivendo in pianto il tenne
et de mille miei mali un non sapea:
et per saperlo, pur quel che n'avenne
fôra avenuto, ch'ogni altra sua voglia
era a me morte, et a lei fama rea.
Or tu donna del ciel, tu nostra dea
(se dir lice, e convensi),
Vergine d'alti sensi,
tu vedi il tutto; e quel che non potea
far altri, è nulla a la tua gran vertute,
por fine al mio dolore;
ch'a te honore, et a me fia salute.

Vergine, in cui ò tutta mia speranza
che possi et vogli al gran bisogno aitarme,
non mi lasciare in su l'extremo passo.
Non guardar me, ma Chi degnò crearme;
no 'l mio valor, ma l'alta Sua sembianza,
ch'è in me, ti mova a curar d'uom sí basso.
Medusa et l'error mio m'àn fatto un sasso
d'umor vano stillante:
Vergine, tu di sante
lagrime et pïe adempi 'l meo cor lasso,
ch'almen l'ultimo pianto sia devoto,
senza terrestro limo,
come fu 'l primo non d'insania vòto.

Vergine humana, et nemica d'orgoglio,
del comune principio amor t'induca:
miserere d'un cor contrito humile.
Che se poca mortal terra caduca
amar con sí mirabil fede soglio,
che devrò far di te, cosa gentile?
Se dal mio stato assai misero et vile
per le tue man' resurgo,
Vergine, i' sacro et purgo
al tuo nome et penseri e 'ngegno et stile,
la lingua e 'l cor, le lagrime e i sospiri.
Scorgimi al miglior guado,
et prendi in grado i cangiati desiri.

Il dí s'appressa, et non pòte esser lunge,
sí corre il tempo et vola,
Vergine unica et sola,
e 'l cor or coscïentia or morte punge.
Raccomandami al tuo figliuol, verace
homo et verace Dio,
ch'accolga 'l mïo spirto ultimo in pace.

FRANCESCO PETRARCA


CCCLXVI

Virgen hermosa, que de sol tocada,
coronada de estrellas, al Sol sumo
gustaste tal que en Ti Su luz ha sido,
de amor por celebrarte me consumo,
mas no sé sin tu ayuda decir nada,
y del que por amor en Ti ha vivido:
Invoco a la que siempre ha respondido
al que con fe la llama,
Virgen, si a pía llama
mortal miseria hay vez que te ha movido,
oído da a mi ruego y da consuelo;
apacigua mi guerra,
aunque soy tierra, y Tú Reina del cielo.

Virgen sapiente, de aquel número una
de las benditas vírgenes prudentes,
la primera, y de lámpara más clara:
oh firme escudo de afligidas gentes
contra golpes de Muerte o de Fortuna,
que da el triunfo y no sólo nos ampara;
oh refresco que el ciego ardor repara
de mundanos antojos;
Virgen, aquellos ojos
que vieron tristes lo que cruz y vara
hicieron de Tu amado Hijo en el porte,
mira mi triste estado
que desnortado a Ti viene por norte.

Virgen pura, en virtud toda perfecta,
del parto gentil tuyo hija y madre;
que alumbras esta vida y la otra honoras;
por ti Tu Hijo, aquel del sumo Padre,
ventana celestial que luz proyecta,
nos ofreció Sus gracias redentoras;
y entre estancias para Él acogedoras
solo tú, bendecida,
Virgen fuiste elegida,
que el llanto de Eva amargo así edulcoras.
Hazme digno de gracia Tú, pues puedes,
sin fin oh afortunada,
ya coronada al cielo de mercedes.

Virgen santa, Tú llena eres de gracia,
que por altísima humildad subiste
al Cielo, donde hoy me das oído,
la fuente de piedad Tú concebiste
y el sol de la justicia, que congracia
el siglo que es de error continuo nido;
tres dulces nombres Tú has merecido,
hija, madre y esposa;
Virgen esplendorosa,
mujer del Rey (que al hombre has desasido
y al mundo libre y jubiloso has hecho)
en cuya santa herida,
deja que pida que repose el pecho.

Virgen única al mundo sin ejemplo,
que al cielo por Tu gracia enamoraste,
no teniendo jamás de Ti segunda,
los actos santos de piedad que obraste
te hicieron para sacro y vivo templo
del verdadero Dios virgen fecunda.
Por Ti puede mi vida ser jocunda,
si a Tus ruegos, María,
Virgen süave y pía,
donde abundó el error, la gracia abunda.
Con las rodillas de la mente hincadas,
te ruego que encamines
a buenos fines vías que traigo erradas.

Virgen clara y estable en el eterno,
de este tempestüoso mar estrella,
de todo fiel timón fïable guía,
mira la tempestad que me atropella,
solo y roto entre olas, sin gobierno,
cerca del postrer grito de agonía.
Mas con todo Te busca el alma mía,
inicua, no lo niego,
Virgen; pero Te ruego
que Tu enemigo de mi mal no ría.
Recuerda cómo Dios por del pecado
hacer nuestra alma sana
en carne humana fue de Ti hospedado.

Virgen, ¡oh cuánto llanto he derramado,
cuánto deseo y cuánto ruego en vano,
por mi pena tan sólo y por mi daño!
Pues desde que nací en Arno toscano,
buscando siempre en uno u otro lado,
sólo probó mi vida mal tamaño.
Mortal belleza, en voz y en obra engaño,
dieron tiniebla al alma.
Virgen sagrada y alma
no tardes que me sé en el postrer año.
Mis días más veloces que una flecha
entre pecado y lodo
andan de modo que la Muerte acecha.

Virgen, ella ya tierra, ha puesto en duelo
mi corazón que viva tuvo en llanto,
sin saber de las mil una porfía;
mas pasara, sabiéndolo, otro tanto
de aquello que pasé, que su desvelo
era a mí muerte y fama a ella impía.
Oh Tú, Dueña del cielo y Diosa mía,
si hablar me es conveniente,
Virgen de aguda mente,
Tú que ves todo y, cuanto no podía
otra, hacer puedes, aunque mucho encone,
pon fin a mi mal grave
que a Ti Te alabe y a mí bien me done.

Virgen, en la que asiento mi esperanza,
que puedes y deseas ayudarme,
no me dejes al cabo de la muerte.
mira, no a mí, sino a Quien dio en crearme;
no yo, si no el ser hecho a semejanza
de Dios, te mueva a hombre de tal suerte.
Por mí y Medusa soy piedra que vierte
humor vano y desecho;
Virgen, Tú sola el pecho
llena de santo llanto y seca el fuerte,
por que al menos devoto sea el postrero,
sin ya limo terreno,
no todo cieno como fue el primero

Virgen humana que ama mansedumbre,
nuestro común principio amor te infunda;
hoy sé con este corazón piadosa;
pues, si a tierra mortal, pobre e infecunda
tuve con tanta fe amar por costumbre,
¿cómo he de amarte a Ti, más gentil cosa?
Si esta mísera vil vida espantosa
por Tus manos ensalzo,
Virgen, consagro y alzo
a Tu nombre el deseo, ingenio y prosa;
la lengua, el corazón y el pensamiento.
Muéstrame el mejor vado,
y ten de grado mi mudado intento.

Corriendo se aproxima el postrer día,
el tiempo huye y no para,
Virgen única y rara,
y muerte y contrición el pecho hoy cría.
A tu Hijo, Dios y Hombre verdadero,
ruégale que en la cita
en paz admita mi exhalar postrero.

¿TRADUCTOR?.


CCCLXVI

Ô Vierge belle, vêtue de soleil
d´étoiles couronnée, qui au plus haut Soleil
plus tant qu´en toi sa lumière il cela,
Amour me pousse à dire mots de toi,
mais ne sais commencer sans aide tienne
et de Qui par amour en toi vint se poser ;
j´invoque Celle qui toujours a exaucé
qui l´appelle avec foi.
Vierge, si à merci
misère extrême des choses humaines
jamais te disposa, écoute ma prière ;
secours-moi en ma guerre,
encor que je sois terre et toi reine du ciel.

Ô Vierge sage, et l´une du beau nombre
des bienheureuses vierges prudentes,
ou mieux la prime, avec plus claire lampe ;
solide bouclier des affligés
contre les coups de Mort et de Fortune,
sous lequel on triomphe plus qu´on ne se sauve ;
fraîcheur contre l´ardeur aveugle qui enflamme
les mortels insensés ;
Vierge, que tes beaux yeux,
qui ont vu tristement l´empreinte impitoyable
sur les doux membres du Fils bien-aimé,
voient mon sort incertain,
qui sans conseil vient te quérir conseil.

Ô Vierge pure, en toute part intègre,
de ton enfant gentil et fille et mère,
toi qui éclaires cette vie et ornes l´autre,
par toi ton Fils, et du Père suprême,
ô fenêtre du ciel, haute et brillante,
vint nous sauver en ces ultimes jours :
entre tous autres terrestres séjours
seule tu fus élue,
toi, ô Vierge bénie,
qui le pleur d´Ève tournes en allégresse.
rends-moi, car tu le peux, digne de grâce,
ô sans fin bienheureuse
et déjà couronnée au royaume souvrain.

Ô Vierge sainte, emplie de toute grâce,
qui par sincère et haute humilité
montas au ciel où t´attend ma prière,
tu enfantas la source de piété,
le Soleil de justice, qui éclaire
le siècle plein d´erreurs obscures et nombreuses ;
ces trois noms doux et chers as recueillis en toi,
mère, fille et épouse ;
ô Vierge glorieuse,
Dame du roi qui nos liens dénoua
et le monde rendit libre et heureux,
dans ses très saintes plaies
je te prie d´apaiser mon coeur, vraie béatrice.

Ô Vierge unique au monde et sans pareille
qui as épris le ciel de tes beautés,
nulle ne t´est première, ou semblable, ou seconde ;
tes saints pensers, tes actes pieux et chastes
ont fait un temple sacré et vivant
au vrai Dieu en ton sein virginal et fécond.
Par toi ma vie peut être emplie de liesse,
Marie, si tes prières,
Vierge douce et pieuse,
où l´erreur abonda fait abonder la grâce.
Et les genoux de mon âme ployés,
je pries que tu m´escortes,
et ma voie détournée à bonne fin redresses.

Vierge resplendissante et stable en l´éternel,
étoile de la mer tempêtueuse,
de tout nocher confiant guide assuré,
considère dans quelle effrayante bourrasque
je me retrouve seul, sans gouvernail,
entendant de tout près les hurlements ultimes.
Pourtant en toi mon âme se confie,
j´en conviens, pécheresse,
Vierge, mais je te prie
que de mon mal ton ennemi ne rie :
rapelle-toi que nos péchés ont fait
que Dieu pour nous sauver
prit chair d´homme en ton cloître virginal.

Vierge, combien de pleurs j´ai répandu,
de flatteries, de prières en vain,
seulement pour ma peine et mon mal accablant.
Depuis que je nacquis sur la rive d´Arno,
parcourant ore l´une ore l´autre contrée,
ma vie ne fut rien autre que tourment.
Beauté d´une mortelle, son air, ses paroles
m´ont tout encombré l´âme.
Vierge sainte et divine,
ne tarde point, j´en suis peut-être au dernier an,
et mes jours qui s´envolent plus vite que flèche
en misère et péché,
s´en sont allés et seule Mort m´attend.

Vierge, elle est faite terre et elle a mis en deuil
mon coeur, que dans sa vie en larmes tint ;
et de mes mille maux n´en savait un,
et quand elle l´eût su, ce qui advint
certes fût advenu, car un autre vouloir
était ma mort et son mauvais renom.
Or toi, Dame du ciel, notre Déesse,
si ce mot est permis,
Vierge aux sens élevés,
tu vois bien tout, et ce qui ne pouvait
faire aucun autre est peu pour ta puissance,
mettre fin à mon deuil ;
ce sera ton honneur, et mon salut.

Vierge, en qui j´ai toute mon espérance
que pourras et voudras au grand besoin m´aider,
ne m´abandonne point à l´ultime passage ;
vois, non pas moi mais qui a daigné me créer ;
non ma valeur, mais sa haute semblance
en moi t´émeuve à prendre soin d´homme si bas.
Méduse et mes erreurs m´ont fait rocher
d´où jaillit vaine humeur.
Ô Vierge, toi, de saintes
larmes pieuses remplis mon coeur las,
qu´au moins le dernier pleur soit de dévotion,
sans terrestre limon,
quand le premier ne fut pas sans folie.

Vierge humaine et d´orgueil ennemie,
l´amour t´engage du commun principe,
miserere d´un coeur humble et contrit,
si j´ai coutume, avec foi merveilleuse,
d´aimer un peu de terre fragile et mortelle,
que ferai-je pour toi, être gentil ?
Et si de mon état bien misérable et vil
par tes mains me relève,
Vierge, je consacre et purifie
en ton nom mes pensées, mon esprit et mon style,
et ma langue et mon coeur, mes larmes, mes soupirs.
Escorte-moi au meilleur gué,
et prends en gré mes désirs convertis.

Le jour s´approche et ne peut être loin,
car le temps court et vole,
ô Vierge unique et seule,
la conscience et la mort poignent mon coeur.
Recommande-moi donc à ton Fils,
homme vrai et vrai Dieu,
qu´il accueille mon souffle dernier en sa paix.

Traducción de Gérard Genot (1969 Aubier, Paris)


CCCLXVI

O Virgin fair, who in the sun arrayed,
And crowned with stars, to a greater Sun did’st bring
Such joy that He in thee His light did hide!
Deep love impels me that of thee I sing.
But how shall I begin without thy aid,
Or that of Him who in thy womb did bide?
I call on one who answereth alway
When simple faith we show.
Virgin, if extreme woe
In things of earth thou wouldst with joy repay,
In my hard struggle be thy succour given!
O hear me while I pray,
Though I be clay,
And thou the queen of heaven!

O virgin sage and of the blessed number
Of those wise virgins honoured by their Lord,
Yea, thou the first with brightest lamp of all!
Thou shield of the afflicted from the sword
Of evil fortune and in death’s deep slumber,
Rescue and victory come at thy call;
Thou refuge from the passions, blind and dark,
Of frail mortality!
Virgin, in agony
Thy fair eyes saw each nail and cruel mark
Upon the body of thy precious Son.
Look on my desperate state!
Disconsolate
To thee for help I run.

O virgin pure, perfect in every part;
Daughter and mother of thy gentle Child,
Sunbeam on earth, bright gem in heaven’s array!
The Father’s Son and thine, O undefiled,
Through thee (window of heaven that thou art!)
Came to redeem us at the final day!
And God among all dwellings of the earth
Selected thee alone,
O virgin, who the moan
Of hapless Eve hast turned to joy and mirth;
O make me worthy His unending love,
Thou who in glory drest,
Honoured and blest,
Art crowned in heaven above.

O virgin holy, filled with every grace;
Who by thy deep and true humility
Didst rise to heaven, where thou my prayer dost hear!
Thou hast brought forth the Fount of Piety,
The Sun of Justice, by whose shining grace
An age in errors dark grows bright and clear.
Three precious names united are in thee:
Mother and wife and child!
O virgin undefiled,
Bride of the King whose love hath set us free
From all our bonds and our poor world hath blest;
By His wounds’ holy balm
O may He calm
My heart and give it rest!

Virgin, who wast in all the world unique
Enamouring heaven with thy comeliness,
No other near or like thy perfect state!
Pure thoughts and gracious deeds thy life did bless,
And thou thy fruitful maidenhood and meek
A living shrine to God didst consecrate!
By thee my sad life can with joy resound,
If thou but ask thy Child,
Virgin devout and mild,
Where sin abounded grace shall more abound;
My spirit’s knees in orisons I bend,
Be thou my guide, I pray;
My devious way
Bring to a happy end.

O shining virgin, steadfast evermore!
Thou radiant star above life’s stormy sea,
And every faithful mariner’s trusty guide!
In this wild tempest turn thy thoughts to me.
See how I am beset! No helm nor oar!
What shrieks of death are near on every side!
My soul despairing puts her trust in thee.
Sin will I not deny;
Virgin, to thee I cry,
Let not my pangs delight thine enemy!
’Twas to redeem our sins, remember well,
That God took on afresh
Our human flesh
Within thy virgin cell.

Virgin, how many were the tears I shed,
How many years I prayed and longed and sighed!
What was my guerdon? Grief and sorrow vain.
Since I was born where Arno’s stream doth glide,
From land to land my restless feet have sped,
And life was naught but bitterness and pain.
For mortal charms and gracious ways and dear
Have clogged my heart and mind.
O virgin holy, kind,
Delay not. Haply ’tis my final year.
My days like flying arrows speed away!
In sin and misery
They swiftly flee
And death alone doth stay.

Virgin, I mourn for one that now is clay,
Who, living, filled mine eyes with many a tear,
Yet of my thousand woes not one could see!
And had she known them all, the griefs that were
Would still have been; since any other way
To me were death, to her were infamy.
Thou queen of heaven, O goddess virginal—
Thus may I name thee aright—
Virgin of clearer sight
Than ours, thou knowest all! Though others fail,
The task is easy for thy powers supreme;
End, then, my grief and woe,
Thy grace bestow,
And my poor soul redeem.

Virgin, my only hope doth rest in thee!
I know that thou wilt help my sad estate.
Forsake me not upon death’s dark defile!
Look not on me but Him who did create!
Though I be naught, His image lives in me,
And that must win thy care for one so vile!
My Gorgon sin hath turned me into stone.
Vain humours I distil.
Virgin, do thou but fill
With tears devout this aching heart and lone;
That at the end my love may holier be,
Without the taint of earth,
Which at its birth
Was wild idolatry.

O Virgin meek, and of all pride the foe;
Thy lowly birth win thee to hear my song;
Have pity on an humble contrite heart!
If with such constancy I could so long
On one frail mortal clod my love bestow,
What might I do for thee, God’s counterpart!
If by thy hand I now may rise again
From out my low estate,
Virgin, I consecrate
Unto thy service tongue and heart and brain,
My thoughts, my songs, my sighs and anxious fears!
Guide me in better ways
And crown with praise
These new desires and tears.

My hour draws on, it is not far away
(Thus fleeting time doth run);
Virgin, thou only one!
Upon my heart remorse and death do prey!
Unto thy Son, true man, true God, commend
My soul; to Him I cleave.
May He receive
My spirit at the end.

Traducción de William Dudley Foulke (Oxford University Press, 1915).

viernes, 14 de agosto de 2009

Léon Bloy: Un pasaje del Journal


26 mai 1909.

Parole extraordinairement simple de Véronique dite à sa mère qui me la rapporte avec ravissement:
"Marie est la seule qui n´ait pas mangé du fruit défendu."
Occasion des pensées que voici :
L´homme, par son péché, a forcé Dieu à se cacher. (Adam se cache, Dieu se cache nécessairement.) Quand nous verrons Dieu tel qu´il est, c´est que nous nous serons montrés nous mêmes, tels que nous sommes, sans voiles.
L´appel "Ubi es ?" sonne toujours. Jésus a répondu : "Me voici." Tout le genre humain doit le suivre et Dieu attend l´arrivée de cette procession, au fond de son Éternité, à l´heure du Jugement. L´Humanité nue comparant devant la Divinité nue ! Le Créateur tout nu attend sa créature toute nue.


26 de mayo de 1909.

Palabras extraordinariamente simples que Véronique dijo a su madre y que ésta, llena de admiración, me cuenta:
"María es la única que no comió el fruto prohibido."
Ocasión para los siguientes pensamientos:
El hombre, con su pecado, obligó a Dios a ocultarse. (Adán se oculta, Dios necesariamente se oculta.) Cuando veamos a Dios tal cual es será porque nosotros mismos nos habremos mostrado tal como somos, sin velos.
El llamado "¿Ubi es?" sigue haciéndose oír. Jesús respondió "Heme aquí". Todo el género humano tiene que seguirlo y Dios, desde el fondo de su eternidad, espera la llegada de esa procesión a la hora del Juicio. ¡La Humanidad desnuda compareciendo delante de la Divinidad desnuda! El Creador por entero desnudo espera a su creatura por entero desnuda.

Traducción de Miguel Frontán Alfonso.

jueves, 13 de agosto de 2009

Victor Hugo: Para ti en la colina...



J'ai cueilli cette fleur...

J'ai cueilli cette fleur pour toi sur la colline.
Dans l'âpre escarpement qui sur le flot s'incline,
Que l'aigle connaît seul et peut seul approcher,
Paisible, elle croissait aux fentes du rocher.
L'ombre baignait les flancs du morne promontoire ;
Je voyais, comme on dresse au lieu d'une victoire
Un grand arc de triomphe éclatant et vermeil,
À l'endroit où s'était englouti le soleil,
La sombre nuit bâtir un porche de nuées.
Des voiles s'enfuyaient, au loin diminuées ;
Quelques toits, s'éclairant au fond d'un entonnoir,
Semblaient craindre de luire et de se laisser voir.
J'ai cueilli cette fleur pour toi, ma bien-aimée.
Elle est pâle, et n'a pas de corolle embaumée,
Sa racine n'a pris sur la crête des monts
Que l'amère senteur des glauques goëmons ;
Moi, j'ai dit : Pauvre fleur, du haut de cette cime,
Tu devais t'en aller dans cet immense abîme
Où l'algue et le nuage et les voiles s'en vont.
Va mourir sur un coeur, abîme plus profond.
Fane-toi sur ce sein en qui palpite un monde.
Le ciel, qui te créa pour t'effeuiller dans l'onde,
Te fit pour l'océan, je te donne à l'amour.
Le vent mêlait les flots ; il ne restait du jour
Qu'une vague lueur, lentement effacée.
Oh! comme j'étais triste au fond de ma pensée,
Tandis que je songeais, et que le gouffre noir
M'entrait dans l'âme avec tous les frissons du soir !


Para tí en la colina he cortado esta flor...

Para ti en la colina he cortado esta flor
En la costa escarpada que hacia la mar desciende
Que las águilas sólo conocen y frecuentan.
En la roca agrietada, en paz ella crecía.
La sombra los costados del triste promontorio
Bañaba y yo veía donde el sol ya no estaba,
Como un arco brillante y rojo de victoria,
La noche oscura hacer un pórtico de nubes.
A lo lejos huían los pequeños navíos.
En el fondo del valle unos techos temían
Llamar la atención brillando demasiado.
Para ti, mi amada, he cortado esta flor.
Es pálida y no tiene su corola perfume,
Su raíz no atrapó en la cima del monte
Sino el olor amargo de las algas marinas;
Mas dije: "pobre flor, de lo alto de esta cima
Debías descender hacia el abismo inmenso
Adonde van las algas, las nubes y los barcos,
Pero muere en su pecho, abismo aún más profundo,
Marchítate en su seno donde palpita un mundo.
El cielo que te hizo para perder tus pétalos
Te destinó a la mar, yo te entrego al amor."
El viento levantaba las olas, y el día ya no era
Sino un destello pálido, lentamente borrado.
¡Ay!, en mis pensamientos cuánta tristeza había
Mientras el precipicio negro penetraba en mi alma
Con el frío estremecimiento del caer de la tarde.

Traducción de Miguel Ángel Frontán.