martes, 11 de noviembre de 2025

Astolphe de Custine: La iglesia ortodoxa rusa

J'étais descendu de voiture à la poste, et pendant qu'on allait me chercher un forgeron pour raccommoder une des mains de derrière de ma calèche, je parcourais l'Histoire de Russie, d'où j'ai extrait ce passage, que je vous copie sans y changer un mot.

«1721. Depuis la mort d'Adrien[23], Pierre[24] avait paru différer toujours de se prêter à l'élection d'un nouveau patriarche. Pendant vingt années de délai, la vénération religieuse du peuple pour ce chef de l'Église s'était insensiblement refroidie.

«L'Empereur crut pouvoir déclarer enfin que cette dignité était abolie pour toujours. Il partagea la puissance ecclésiastique, réunie auparavant tout entière dans la personne d'un grand pontife, et fit ressortir toutes les matières qui concernent la religion d'un nouveau tribunal qu'on appelle le saint synode.

«Il ne se déclara pas le chef de l'Église; mais il le fut en effet par le serment que lui prêtèrent les membres du nouveau collége ecclésiastique. Le voici: «Je jure d'être fidèle et obéissant serviteur et sujet de mon naturel et véritable souverain… Je reconnais qu'il est le juge suprême de ce collége spirituel.»

«Le synode est composé d'un président, de deux vice-présidents, de quatre conseillers et de quatre assesseurs. Ces juges amovibles des causes ecclésiastiques sont bien éloignés d'avoir ensemble le pouvoir que possédait seul le patriarche, et dont autrefois avait joui le métropolite. Ils ne sont point appelés dans les conseils; leur nom ne paraît point dans les actes de la souveraineté; ils n'ont même, dans les matières qui leur sont soumises, qu'une autorité subordonnée à celle du souverain. Comme aucune marque extérieure ne les distingue des autres prélats, et que leur autorité cesse dès qu'ils ne siégent plus sur leur tribunal; enfin, comme ce tribunal lui-même n'a rien de fort imposant, ils n'inspirent point au peuple une vénération particulière.»

(Histoire de Russie et des principales nations de l'Empire russe, par Pierre-Charles l'Évesque; 4e édition, publiée par Malte-Brun et Depping, volume 5, pages 89 et 90. Paris, 1812. Fournier, rue Poupée, n° 7; Ferra, rue des Grands-Augustins, n° 11.)

Ce qui me console des accidents arrivés à ma voiture, c'est que ces retards sont favorables à mes travaux.

Le peuple russe est de nos jours le plus croyant des peuples chrétiens: vous venez de voir la principale cause du peu d'efficacité de sa foi. Quand l'Église abdique la liberté, elle perd la virtualité morale; esclave, elle n'enfante que l'esclavage. On ne peut assez le répéter, la seule Église véritablement indépendante, c'est l'Église catholique, qui seule aussi a conservé le dépôt de la vraie charité; toutes les autres Églises font partie constitutive des États qui s'en servent comme de moyens politiques pour appuyer leur puissance. Ces Églises sont d'excellents auxiliaires du gouvernement; complaisantes pour les dépositaires du pouvoir temporel, princes ou magistrats, dures pour les sujets, elles appellent la Divinité au secours de la police; le résultat immédiat est sûr, c'est le bon ordre dans la société; mais l'Église catholique, tout aussi puissante, politiquement, vient de plus haut et va plus loin. Les Églises nationales font des citoyens: l'Église universelle fait des hommes.[…]

On frémit en reconnaissant à quel usage les vérités religieuses peuvent servir ici-bas; et l'on tombe à genoux devant Dieu pour lui demander une grâce, une seule, c'est de vouloir que les interprètes de sa suprême sagesse soient toujours des hommes libres: un prêtre esclave est inévitablement un menteur, un apostat, et peut devenir un bourreau. Toute église nationale est au moins schismatique et dès lors dépendante. Le sanctuaire, une fois qu'il a été profané par la révolte, devient une officine où se distille le poison sous l'apparence du remède. Tout véritable prêtre est citoyen du monde et pèlerin du ciel. Sans s'élever au dessus des lois de son pays comme homme, il n'a pour juge de sa foi comme apôtre que l'évêque des évêques, que le seul pontife indépendant qu'il y ait sur la terre. […]

Toutefois, il faut le dire, malgré la timidité proverbiale du clergé russe, c'est encore le pouvoir religieux qui, durant l'incompréhensible règne d'Ivan IV, a le plus longtemps résisté. Plus tard, Pierre Ier et Catherine II ont bien vengé leur prédécesseur des hardiesses de l'Église. Le sacrifice est consommé; le prêtre russe, appauvri, humilié, dégradé, marié, privé de son chef suprême dans l'ordre spirituel, dépouillé de tout prestige, de toute-puissance surnaturelle, homme de chair et de sang, se traîne à la suite du char triomphal de son ennemi qu'il appelle encore son maître; il est devenu de que ce maître a voulu qu'il fût: le plus humble des esclaves de l'autocratie... […]

« On a toujours prêché fort peu dans les églises schismatiques, et chez nous, l'autorité politique et religieuse s'est opposée plus qu'ailleurs aux discussions théologiques; sitôt qu'on a voulu commencer à expliquer les questions débattues entre Rome et Byzance, le silence a été imposé aux deux partis. Les sujets de dispute ont si peu de gravité que la querelle ne peut se perpétuer qu'à force d'ignorance. Dans plusieurs institutions de filles et de garçons, à l'instar des jésuites, on a fait donner quelques instructions religieuses; mais l'usage de ces conférences n'est que toléré, et de temps à autre on l'abroge: un fait qui vous paraîtra incompréhensible, quoiqu'il soit positif, c'est que la religion n'est pas enseignée publiquement en Russie. Il résulte de là une multitude de sectes dont le gouvernement ne vous laisse pas soupçonner l'existence.

« Il y en a une qui tolère la polygamie: une autre va plus loin: elle pose en principes et met en pratique la communauté des femmes pour les hommes, et des hommes pour les femmes.

«Il est défendu à nos prêtres d'écrire, même des chroniques: à chaque instant un paysan interprète un passage de la Bible, qui, pris isolément et appliqué à faux, donne aussitôt lieu à une nouvelle hérésie, calviniste le plus souvent. Quand le pope du village s'en aperçoit, l'hérésie a déjà gagné une partie des habitants de la commune, et grâce à l'opiniâtreté de l'ignorance, elle s'est même enracinée jusque chez les voisins: si le pope crie, aussitôt les paysans infectés sont envoyés en Sibérie, ce qui ruine le seigneur, lequel, s'il est prévoyant, fait taire le pope par plus d'un moyen; et quand, malgré tant de précautions, l'hérésie arrive au point d'éclater aux yeux de l'autorité suprême, le nombre des dissidents est si considérable qu'il n'est plus possible d'agir: la violence ébruiterait le mal sans l'étouffer, la persuasion ouvrirait la porte à la discussion, le pire des maux aux yeux du gouvernement absolu; on n'a donc recours qu'au silence qui cache le mal sans le guérir, et qui, au contraire, le favorise.

«C'est par les divisions religieuses que périra l'Empire russe; aussi, nous envier, comme vous le faites, la puissance de la foi, c'est nous juger sans nous connaître!!» […]

Des signes de croix, des salutations dans la rue, des génuflexions devant des chapelles, des prosternations de vieilles dévotes contre le pavé des églises, des baisements de main; une femme, des enfants, et le mépris universel, voilà tout le fruit que le pope a recueilli de son abdication… voilà tout ce qu'il a pu obtenir de la nation la plus superstitieuse du monde… Quelle leçon!… quelle punition! Voyez et admirez, c'est au milieu du triomphe de son schisme que le prêtre schismatique est frappé d'impuissance. Le prêtre, lorsqu’il veut accaparer le pouvoir temporel, périt faute de vues assez élevées pour reconnaître la voie que Dieu lui ouvre, le prêtre qui se laisse détrôner par le roi périt faute de courage pour suivre cette voie : tous les deux manquent également à leur vocation suprême.

J’ai vu en Russie une Église chrétienne, que personne n’attaque, que tout le monde respecte, du moins en apparence : une Église que tout favorise dans l’exercice de son autorité morale, et pourtant cette Église n’a nul pouvoir sur les cœurs ; elle ne sait faire que des hypocrites ou des superstitieux. […]

Cette Église est morte, et pourtant, à en juger d’après ce qui se passe en Pologne, elle peut devenir persécutrice ; tandis qu’elle n’a ni d’assez hautes vertus, ni d’assez grands talents pour être conquérante par la pensée ; en un mot, il manque à l’Église russe ce qui manque à tout dans ce pays : la liberté, sans laquelle l’esprit de vie se retire et la lumière s’éteint.

ASTOLPHE DE CUSTINE

La Russie en 1839

        LA IGLESIA ORTODOXA RUSA 

En la parada para el relevo de caballos he bajado del coche y mientras esperaba que el herrero recompusiera un brancal posterior del vehículo que se había averiado, he releído la «Historia de Rusia» [Pierre-Charles Levesque: Histoire de Russie et des principales nations del Empire russe. Malte, Boun y Depping, París, 1812, 4.ª edición, Vol. V, páginas 89 y ss.] de la que entresaco el siguiente pasaje que copio literalmente:

1721. Después del fallecimiento de Adriano (último patriarca de Moscú), Pedro (emperador) había procurado diferir el nombramiento de su sucesor. En los postreros veinte años la veneración religiosa de parte del pueblo hacia este jefe de la Iglesia se había ido debilitando sensiblemente.

El emperador creyó llegado el momento de declarar que aquella dignidad sería definitivamente abolida. Se decidió, pues, a dividir el poder eclesiástico, antes reunido por entero en la persona del Sumo Pontífice, e instituyó un nuevo tribunal llamado el santo sínodo confiándole todas las materias concernientes a la religión.

No se proclamó jefe de la iglesia, pero lo fue en realidad, debido al juramento que le prestaron los miembros del nuevo colegio eclesiástico. He aquí su fórmula: «Juro ser fiel y obediente servidor y súbdito de mi natural y verdadero soberano… Reconozco que él es el juez supremo de este colegio espiritual».

En nuestros días el pueblo ruso es el más creyente de entre los pueblos cristianos, aun cuando por la sumisión al emperador su fe tenga escasa virtualidad. Es que cuando la Iglesia abdica de su libertad pierde toda eficacia moral y en tal estado de vilipendio sólo puede engendrar servilismo. Insisto en decir que de todas las confesiones religiosas, la única realmente independiente es la iglesia católica y la única también que ha sabido conservar íntegro el depósito de la verdadera caridad; todas las demás son parte constitutiva de un poder temporal que las utiliza como medio político para fortalecer su autoridad. Las iglesias nacionales son excelentes auxiliares del gobierno; si se muestran complacientes para con el que manda, príncipe o magistrado, son duras con respecto al pueblo y no se ruborizan de llamar a la divinidad en ayuda de la policía para conservar un orden que consideran intangible. Sólo la Iglesia católica, igualmente poderosa, es políticamente libre porque su poder viene de más alto y de más lejos; con todo lo cual, el resultado es que mientras las iglesias nacionales forman súbditos, la iglesia universal forja hombres.

El temor del mal uso que se puede hacer de las verdades religiosas en este bajo mundo, es ciertamente justificado y nada más prudente que pedir a Dios esta gracia: que los intérpretes de su infinita sabiduría sean siempre hombres libres. Un clérigo domesticado ha de ser forzosamente un impostor, un apóstata, y si el caso viene, un verdugo. El templo de la iglesia cismática y dependiente, una vez profanado con la impostura, deja de ser lo que debe ser para convertirse en oficina donde se destila veneno bajo apariencia de remedio. En cambio, el verdadero sacerdote, como ciudadano del universo y peregrino del cielo, sin atentar a las leyes de su país, no reconoce otro juez de su fe y otro jefe apostólico que el obispo de los obispos, el Sumo Pontífice que no tiene superior sobre la tierra.

A pesar de la triste situación del clero ruso, importa recordar que durante el reinado de Iván IV fue el poder religioso el que más resistió y por más tiempo. Fueron Pedro I y Catalina II los que vengaron a su predecesor de una tal resistencia, al consumar el sacrificio del poder eclesiástico y reducir al clérigo ruso al estado lamentable de un ser empobrecido, humillado, degradado, libre de celibato, sin jefe supremo en el orden espiritual; a la condición de un hombre que, víctima de todas sus miserias, se ve atado al carro triunfal del que apellida señor con razón, por ser éste el que le ha plegado a su voluntad y le ha convertido en siervo sumiso de la autocracia.

“Desde tiempo inmemorial es costumbre en las iglesias cismáticas griegas limitar la predicación y evitar las discusiones teológicas, a fin de mejor contentar a su doble autoridad política y religiosa. Asimismo se han cortado sin demora todos los intentos de polemizar acerca de las diferencias entre Roma y Bizancio, prefiriendo silenciar las cuestiones principales de desacuerdo para perpetuar la disensión gracias a la ignorancia. Los mismos cursos de religión que se dan para ambos sexos en algunos centros docentes, al estilo de como lo hacen los jesuitas, son meramente tolerados como lo prueba el hecho de que algunas veces se ha dado la orden de suprimirlos. Aunque parezca increíble, en los planes de enseñanza rusos no figura la asignatura de religión, de donde resulta que florecen un gran número de sectas cuya existencia es difícil de descubrir porque el gobierno tiene especial interés en ocultarlas.

Hay sectas de éstas que permiten la poligamia, otras, más avanzadas aún, admiten la comunidad entre hombres y mujeres. A los clérigos les está prohibido escribir aunque sean simples relatos. En la interpretación que hacen de la Biblia es frecuente que un simple campesino, tomando aisladamente un pasaje del libro santo, lo interprete erróneamente originándose así una herejía, de sabor calvinista la mayoría de las veces. Cuando el pope del lugar se da cuenta de ello, la herejía se ha propalado por la feligresía y territorios circunvecinos. Favorecidos por la ignorancia del ambiente, si el pope denuncia el hecho, los apóstatas son enviados prontamente a Siberia, a no ser que el castigo signifique algún perjuicio para el señor de las tierras, en cuyo caso éste cuidará de hacer callar al pope utilizando todos cuantos medios persuasivos estén a su alcance. Sucede a veces que a pesar de todas las precauciones la herejía ha hecho tantos progresos que no puede pasar inadvertida por las autoridades superiores; entonces, ante la imposibilidad de castigar un tan gran número de prosélitos, se considera más hacedero dejar las cosas como están. La violencia —piensan— podría empeorar el mal en lugar de ahogarlo; la discusión podría ser contraproducente abriendo los ojos de la gente y, para los gobernantes déspotas, éste es el peligro mayor y el peor de los males. Se opta, pues, por el silencio y la pasividad, con tal de esconder la realidad aún a riesgo de empeorar el estado de cosas en lugar de remediarlo.

¡Por las discusiones religiosas perecerá el imperio ruso; los que nos envidian la fortaleza de nuestra fe nos juzgan sin conocernos!”

¿Cuál ha sido la compensación obtenida por el pope ruso, a cambio de su abdicación, en el seno de la sociedad más supersticiosa del mundo? De una parte ha visto prodigarse a su presencia los signos exteriores de la devoción de los fieles, como persignarse por cualquier motivo, hacer genuflexiones ante los altares, prosternarse las devotas sobre las losas de los templos, acudir prontamente a besamanos… Además de todo esto, ha podido tener una mujer y unos hijos. En contra… ha merecido el desprecio de todos. ¡Qué lección!… ¡Qué castigo!… Es asombroso comprobar que en medio del triunfo de su causa, el clérigo cismático se ha visto aquejado de esterilidad. Es lo que acostumbra a suceder cuando el poder religioso quiere acaparar el poder temporal, es decir, ha de sucumbir colectivamente falto de horizonte más amplio para seguir las rutas abiertas por Dios, de la misma manera que sucumbe individualmente el sacerdote que se somete al poder civil falto de valor para marchar por aquella vía, víctimas unos y otros de la carencia de su augusta vocación.

La situación de la Iglesia ortodoxa rusa tal como la puedo juzgar es la de una confesión que nadie combate y que, en apariencia al menos, todo el mundo respeta; una Iglesia favorecida en el ejercicio de su autoridad moral y que no obstante tiene escasa influencia sobre las conciencias, incapaz de formar otra cosa que hipócritas o supersticiosos. Una religión de esta índole no es más que una cosa muerta aunque, a juzgar por lo que pasa en Polonia, puede tener arrestos persecutorios. Carente de grandes virtudes, de elevadas inteligencias, la iglesia rusa se resiente, en una palabra, de aquella libertad sin la cual la vitalidad flaquea y las luces se apagan.

Recopilación y traducción de Joaquim de Camps i Arboix