sábado, 22 de noviembre de 2025

Anna de Noailles: Si tú hablaras, Señor...

SI VOUS PARLIEZ, SEIGNEUR...

 

Si vous parliez, Seigneur, je vous entendrais bien,

Car toute humaine voix pour mon âme s’est tue,

Je reste seule auprès de ma force abattue,

J’ai quitté tout appui, j’ai rompu tout lien.

 

Mon cœur méditatif et qui boit la lumière

Vous aurait absorbé, si, transgressant les lois,

Comme le vent des nuits qui pénètre les pierres

Votre verbe enflammé fût descendu sur moi !

 

Nul ne vous souhaitait avec tant d’indigence :

Je vous aurais fêté au son du tympanon

Si j’avais, dans mon triste et studieux silence,

Entendu votre voix et connu votre nom.

 

Mais jamais rien à moi ne vous a révélé,

Seigneur ! ni le ciel lourd comme une eau suspendue,

Ni l’exaltation de l’été sur les blés,

Ni le temple ionien sur la montagne ardue ;

 

Ni les cloches qui sont un encens cadencé,

Ni le courage humain, toujours sans récompense,

Ni les morts, dont l’hostile et pénétrant silence

Semble un renoncement invincible et lassé ;

 

Ni ces nuits où l’esprit retient comme une preuve

Son aspiration au bien universel ;

Ni la lune qui rêve, et voit passer le fleuve

Des baisers fugitifs sous les cieux éternels.

 

Hélas ! ni les matins de ma brûlante enfance,

Où, dans les prés gonflés d’un nuage d’odeur,

Je sentais, tant l’extase en moi jetait sa lance,

Un ange dans les cieux qui m’arrachait le cœur !

 

Pourtant, ayez pitié ! Que votre main penchante

Vienne guider mon sort douloureux et terni ;

J’aspire à vous, Splendeur, Raison éblouissante !

Mais je ne vous vois pas, ô mon Dieu ! et je chante

À cause du vide infini !

ANNA DE NOAILLES 

SI TU HABLARAS, SEÑOR...

 

Si tú hablaras, Señor, yo bien podría oírte,

pues toda voz humana para mi alma ha callado,

Me encuentro sola junto a mi fuerza abatida,

Todo apoyo dejé, todo lazo rompí.

 

Mi corazón que bebe la luz, meditabundo,

Te habría absorbido si, transgrediendo las leyes,

Como el viento nocturno que las piedras horada

Tu ígneo verbo en mí hubiera descendido.

 

Nadie te deseó con indigencia tanta:

al son del tamboril te habría celebrado

Si en mi silencio triste y estudioso yo hubiera

conocido tu nombre y  escuchado tu voz.

 

Pero nada, Señor, me reveló tu ser,

Jamás: ni el cielo plúmbeo como agua amenazante,

Ni el ardor estival en los campos de trigo,

Ni el templo jónico en lo alto de la ardua montaña;

 

Ni el cadencioso incienso que son las campanadas

Ni el humano coraje, siempre sin recompensa,

Ni los muertos, de hostil y profundo silencio,

Que parece invencible y cansada renuncia;

 

Ni esas noches en que, en su aspiración al bien

Universal, encuentra una prueba el espíritu:

Ni la luna que sueña, y ve pasar el río

De los besos fugaces  bajo el eterno cielo.

 

Ni las mañanas, ¡ay!, de de mi niñez ardiente,

 Cuando, en prados henchidos de una nube de aroma,

Sentía (¡tanto el éxtasis en mí su lanza hundía!)

Un ángel en los cielos que me rasgaba el pecho.

 

Aun así, ¡apiádate! Que tu mano se tienda

Para guiar mi suerte dolorosa y oscura;

¡A Ti aspiro, Esplendor, deslumbrante Razón!

¡Pero no puedo verte, oh Dios mío, y es por este

Infinito vacío que yo canto!

 

Traducción, para Literatura & Traducciones, de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán