viernes, 13 de diciembre de 2024

Charles Baudelaire: Poemas en prosa IX. El mal vidriero

À ARSÈNE HOUSSAYE 

Mon cher ami, je vous envoie un petit ouvrage dont on ne pourrait pas dire, sans injustice, qu’il n’a ni queue ni tête, puisque tout, au contraire, y est à la fois tête et queue, alternativement et réciproquement. Considérez, je vous prie, quelles admirables commodités cette combinaison nous offre à tous, à vous, à moi et au lecteur. Nous pouvons couper où nous voulons, moi ma rêverie, vous le manuscrit, le lecteur sa lecture ; car je ne suspends pas la volonté rétive de celui-ci au fil interminable d’une intrigue superfine. Enlevez une vertèbre, et les deux morceaux de cette tortueuse fantaisie se rejoindront sans peine. Hachez-la en nombreux fragments, et vous verrez que chacun peut exister à part. Dans l’espérance que quelques-uns de ces tronçons seront assez vivants pour vous plaire et vous amuser, j’ose vous dédier le serpent tout entier.

J’ai une petite confession à vous faire. C’est en feuilletant, pour la vingtième fois au moins, le fameux Gaspard de la Nuit, d’Aloysius Bertrand (un livre connu de vous, de moi et de quelques-uns de nos amis, n’a-t-il pas tous les droits à être appelé fameux ?) que l’idée m’est venue de tenter quelque chose d’analogue, et d’appliquer à la description de la vie moderne, ou plutôt d’une vie moderne et plus abstraite, le procédé qu’il avait appliqué à la peinture de la vie ancienne, si étrangement pittoresque.

Quel est celui de nous qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ?

C’est surtout de la fréquentation des villes énormes, c’est du croisement de leurs innombrables rapports que naît cet idéal obsédant. Vous-même, mon cher ami, n’avez-vous pas tenté de traduire en une chanson le cri strident du Vitrier, et d’exprimer dans une prose lyrique toutes les désolantes suggestions que ce cri envoie jusqu’aux mansardes, à travers les plus hautes brumes de la rue ?

Mais, pour dire le vrai, je crains que ma jalousie ne m’ait pas porté bonheur. Sitôt que j’eus commencé le travail, je m’aperçus que non-seulement je restais bien loin de mon mystérieux et brillant modèle, mais encore que je faisais quelque chose (si cela peut s’appeler quelque chose) de singulièrement différent, accident dont tout autre que moi s’enorgueillirait sans doute, mais qui ne peut qu’humilier profondément un esprit qui regarde comme le plus grand honneur du poëte d’accomplir juste ce qu’il a projeté de faire.

Votre bien affectionné,

C. B.

A ARSÈNE HOUSSAYE

Mi querido amigo, le envío una pequeña obra, de la cual no se podría decir, sin injusticia, que no tiene ni pies ni cabeza, puesto que, al contrario, todo en ella es, al mismo tiempo, cabeza y pies, alternativa y recíprocamente. Considere, se lo ruego, qué admirables comodidades esta combinación nos ofrece a todos, a usted, a mí y al lector. Podemos cortar dónde queramos, yo mi ensoñación, usted el manuscrito, el lector la lectura; porque no dejo que la esquiva voluntad de éste quede pendiendo del hilo interminable de una intriga sutilísima. Saque usted una vértebra, y las dos partes de esta tortuosa fantasía volverán a juntarse sin esfuerzo. Despedácela en numerosos fragmentos, y verá que cada uno puede existir por separado. Con la esperanza de que algunos de estos trozos estarán lo bastante vivos para darle placer y entretenimiento, me atrevo a dedicarle la serpiente completa.

Tengo que hacerle una pequeña confesión. Hojeando, por vigésima vez al menos, el famoso Gaspar de la Noche, de Aloysius Bertrand (¿un libro que usted y yo, y algunos de nuestros amigos, conocemos no tiene todo el derecho a ser llamado famoso?), se me ocurrió la idea de intentar algo análogo, y de aplicar a la descripción de la vida moderna o, más bien, de una vida moderna y más abstracta, el procedimiento que él había aplicado a la pintura de la vida antigua, tan extrañamente pintoresca.

¿Quién de nosotros no ha soñado, en sus días de ambición, con el milagro de una prosa poética, musical sin ritmo y sin rima, lo bastante flexible y lo bastante abrupta como para adaptarse a los movimientos líricos del alma, a las ondulaciones de la ensoñación, a los sobresaltos de la conciencia?

Es sobre todo de la frecuentación de las ciudades inmensas, del entrecruzamiento de sus innumerables relaciones, que nace ese ideal obsesivo. Usted mismo, mi querido amigo, ¿no ha intentado mostrar en una canción el grito estridente del Vidriero, y expresar en una prosa lírica todas las desoladoras sugerencias que ese grito lanza hasta las mansardas, a través de las más altas brumas de la calle?

Pero, para decir la verdad, temo que mi envidia no me haya traído suerte. Apenas comencé el trabajo, me di cuenta de que no sólo me quedaba muy lejos de mi misterioso y brillante modelo, sino incluso que hacía algo (si es que esto puede llamarse algo) singularmente diferente, accidente del cual cualquier otro fuera de mí se enorgullecería quizás, pero que no puede sino humillar profundamente a un espíritu que ve como el más grande honor del poeta realizar únicamente aquello que proyectó hacer.

Suyo muy afectuosamente,

CHARLES BAUDELAIRE 

IX

LE MAUVAIS VITRIER

Il y a des natures purement contemplatives et tout à fait impropres à l’action, qui cependant, sous une impulsion mystérieuse et inconnue, agissent quelquefois avec une rapidité dont elles se seraient crues elles-mêmes incapables.

Tel qui, craignant de trouver chez son concierge une nouvelle chagrinante, rôde lâchement une heure devant sa porte sans oser rentrer, tel qui garde quinze jours une lettre sans la décacheter, ou ne se résigne qu’au bout de six mois à opérer une démarche nécessaire depuis un an, se sentent quelquefois brusquement précipités vers l’action par une force irrésistible, comme la flèche d’un arc. Le moraliste et le médecin, qui prétendent tout savoir, ne peuvent pas expliquer d’où vient si subitement une si folle énergie à ces âmes paresseuses et voluptueuses, et comment, incapables d’accomplir les choses les plus simples et les plus nécessaires, elles trouvent à une certaine minute un courage de luxe pour exécuter les actes les plus absurdes et souvent même les plus dangereux.

Un de mes amis, le plus inoffensif rêveur qui ait existé, a mis une fois le feu à une forêt pour voir, disait-il, si le feu prenait avec autant de facilité qu’on l’affirme généralement. Dix fois de suite, l’expérience manqua ; mais, à la onzième, elle réussit beaucoup trop bien.

Un autre allumera un cigare à côté d’un tonneau de poudre, pour voir, pour savoir, pour tenter la destinée, pour se contraindre lui-même à faire preuve d’énergie, pour faire le joueur, pour connaître les plaisirs de l’anxiété, pour rien, par caprice, par désœuvrement.

C’est une espèce d’énergie qui jaillit de l’ennui et de la rêverie ; et ceux en qui elle se manifeste si opinément sont, en général, comme je l’ai dit, les plus indolents et les plus rêveurs des êtres.

Un autre, timide à ce point qu’il baisse les yeux même devant les regards des hommes, à ce point qu’il lui faut rassembler toute sa pauvre volonté pour entrer dans un café ou passer devant le bureau d’un théâtre, où les contrôleurs lui paraissent investis de la majesté de Minos, d’Éaque et de Rhadamanthe, sautera brusquement au cou d’un vieillard qui passe à côté de lui et l’embrassera avec enthousiasme devant la foule étonnée.

— Pourquoi ? Parce que… parce que cette physionomie lui était irrésistiblement sympathique ? Peut-être ; mais il est plus légitime de supposer que lui-même il ne sait pas pourquoi.

J’ai été plus d’une fois victime de ces crises et de ces élans, qui nous autorisent à croire que des Démons malicieux se glissent en nous et nous font accomplir, à notre insu, leurs plus absurdes volontés.

Un matin je m’étais levé maussade, triste, fatigué d’oisiveté, et poussé, me semblait-il, à faire quelque chose de grand, une action d’éclat ; et j’ouvris la fenêtre, hélas !

(Observez, je vous prie, que l’esprit de mystification qui, chez quelques personnes, n’est pas le résultat d’un travail ou d’une combinaison, mais d’une inspiration fortuite, participe beaucoup, ne fût-ce que par l’ardeur du désir, de cette humeur, hystérique selon les médecins, satanique selon ceux qui pensent un peu mieux que les médecins, qui nous pousse sans résistance vers une foule d’actions dangereuses ou inconvenantes.)

La première personne que j’aperçus dans la rue, ce fut un vitrier dont le cri perçant, discordant, monta jusqu’à moi à travers la lourde et sale atmosphère parisienne. Il me serait d’ailleurs impossible de dire pourquoi je fus pris à l’égard de ce pauvre homme d’une haine aussi soudaine que despotique.

« — Hé ! hé ! » et je lui criai de monter. Cependant je réfléchissais, non sans quelque gaieté, que, la chambre étant au sixième étage et l’escalier fort étroit, l’homme devait éprouver quelque peine à opérer son ascension et accrocher en maint endroit les angles de sa fragile marchandise.

Enfin il parut : j’examinai curieusement toutes ses vitres, et je lui dis : « — Comment ? vous n’avez pas de verres de couleur ? des verres roses, rouges, bleus, des vitres magiques, des vitres de paradis ? Impudent que vous êtes ! vous osez vous promener dans des quartiers pauvres, et vous n’avez pas même de vitres qui fassent voir la vie en beau ! » Et je le poussai vivement vers l’escalier, où il trébucha en grognant.

Je m’approchai du balcon et je me saisis d’un petit pot de fleurs, et quand l’homme reparut au débouché de la porte, je laissai tomber perpendiculairement mon engin de guerre sur le rebord postérieur de ses crochets ; et le choc le renversant, il acheva de briser sous son dos toute sa pauvre fortune ambulatoire qui rendit le bruit éclatant d’un palais de cristal crevé par la foudre.

Et, ivre de ma folie, je lui criai furieusement : « La vie en beau ! la vie en beau ! »

Ces plaisanteries nerveuses ne sont pas sans péril, et on peut souvent les payer cher. Mais qu’importe l’éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l’infini de la jouissance ?

IX

EL MAL VIDRIERO

Hay naturalezas puramente contemplativas y totalmente incapaces para la acción, que, sin embargo, sometidas a un impulso misterioso y desconocido, actúan a veces con una rapidez de la que ellas mismas se hubieran creído incapaces.

El que, por miedo a que el portero le dé una noticia penosa, da vueltas cobardemente una hora delante de su puerta sin atreverse a entrar, el que guarda quince días una carta sin abrirla, o que sólo se resigna al cabo de seis meses a dar un paso necesario desde hacía un año, se sienten alguna vez bruscamente lanzados a la acción por una fuerza irresistible, como la flecha de un arco. El moralista y el médico que pretenden saberlo todo no pueden explicar de dónde les llega, tan súbitamente, esa alocada energía a esas almas perezosas y voluptuosas, y cómo, incapaces de llevar a término las cosas más sencillas y más necesarias, encuentran en un determinado momento un valor suntuoso para ejecutar los actos más absurdos y, a menudo, incluso los más peligrosos.

Uno de mis amigos, el más inofensivo soñador que nunca haya existido, prendió una vez fuego a un bosque para ver, según decía, si el fuego se extendía con tanta facilidad como suele decirse. Diez veces seguidas falló el experimento; pero a la undécima salió demasiado bien.

Otro encenderá un cigarro al lado de un tonel de pólvora, para ver, para saber, para tentar al destino, para forzarse a sí mismo a demostrar energía, para dárselas de temerario, para conocer los placeres de la ansiedad, por nada, por capricho, por ociosidad.

Es un tipo de energía que brota del hastío y del fantaseo; y aquellos en los que se manifiesta tan de improviso son, en general, como lo he dicho, los más indolentes, y los más fantasiosos de los seres.

Otro, tímido hasta el punto de bajar los ojos incluso ante las miradas de los hombres, hasta el punto de tener que hacer acopio de toda su pobre voluntad para entrar en un café o pasar por delante de la taquilla de un teatro, donde los acomodadores le parecen investidos de la majestad de Minos, de Eaco y de Radamanto, se echará bruscamente al cuello de un anciano que pasa a su lado y lo besará con entusiasmo ante la muchedumbre asombrada.

—¿Por qué? Porque..., ¿porque aquella fisonomía le resultó irresistiblemente simpática? Quizás; pero es más justo suponer que ni él mismo sabe por qué.

Yo he sido más de una vez víctima de esas crisis y de esos ímpetus que nos autorizan a creer que Demonios traviesos se cuelan en nosotros y, sin que nos demos cuenta, nos hacen llevar a cabo sus más absurdas voluntades.

Una mañana me levanté huraño, triste, cansado por el ocio e impulsado, según me parecía, a hacer algo grande, una acción inesperada; y, ¡por desgracia!, abrí la ventana.

(Observen, se lo ruego, que el espíritu de mistificación que en ciertas personas no es el resultado de un trabajo o de una artimaña, sino de una inspiración fortuita, participa en mucho, aunque más no sea por el ardor del deseo, de ese humor, histérico según los médicos, satánico según aquellos que piensan un poco mejor que los médicos, que nos impulsa sin resistencia a un sinnúmero de acciones peligrosas e impropias.)

La primera persona que vi en la calle fue un vidriero, cuyo grito penetrante, desafinado, llegó hasta mí atravesando la densa y sucia atmósfera parisina. Me resultaría imposible decir por qué fui presa, contra ese pobre hombre, de un odio tan repentino como despótico.

— “¡Eh, eh!”, y le grité que subiera. Mientras tanto yo reflexionaba, no sin cierta alegría, que, como la habitación estaba en el sexto piso y la escalera era en extremo estrecha, al hombre le costaría bastante subir y que, muchas veces, golpería contra la pared las puntas de su frágil mercancía..

Al fin apareció: examiné detenidamente todos sus vidrios y le dije: “¿Cómo, no tiene usted vidrios de colores? ¿Vidrios rosados, rojos, azules, vidrios mágicos, vidrios del paraíso? ¡Qué descaro el suyo! ¿Cómo se atreve a pasearse por barrios pobres sin llevar, por lo menos, vidrios que hagan ver la vida hermosa?”. Y lo empujé violentamente por la escalera, donde tropezó mientras protestaba.

Me acerqué al balcón y agarré una pequeña maceta, y cuando el hombre volvió a aparecer saliendo por la puerta, dejé caer perpendicularmente mi artefacto de guerra sobre el borde posterior de los soportes de su carga; y, derribado por el golpe, se le rompió del todo bajo la espalda su pobre fortuna ambulante, que hizo el ruido estridente de un palacio de cristal partido por el rayo..

Y, embriagado por mi locura, le grité furiosamente: “¡La vida hermosa! ¡La vida hermosa!”.

Estas bromas nerviosas no carecen de riesgos y a menudo pueden pagarse caras. Pero ¿qué le importa la eternidad de la condena a quien halló en un segundo lo infinito del goce?


Traducción, para Literatura & Traducciones, de Miguel Ángel Frontán

 

Nota, para la edición italiana más bajo citada, de Massimo Colesanti:

Publicado en La Presse, el 26 de agosto de 1862. Se cuenta entre los poemas en prosa más complejos y famosos, tanto por el fenómeno analizado y descrito como por la estructura literaria, que, en nuestra opinión, es lo más importante. El texto que sin duda inspiró a Baudelaire es el cuento de Poe The Imp of the Perverse (1845), traducido por Baudelaire en 1854: el impulso irracional “estudiado” es el mismo, como también lo es la estructura del cuento de Poe, que primero trata extensamente el fenómeno en sí, y luego da un ejemplo de un caso, narrado en primera persona. Pero las similitudes o analogías se detienen ahí: Baudelaire también da ejemplos en la parte teórica, que es más breve, y técnica y literariamente más elaborada e imaginativa; así, el ejemplo que narra en la segunda parte, también aquí en primera persona, está más en consonancia con el discurso preliminar, es un impulso real súbito, inmediato, irracional, y representado con irónica vitalidad, mientras que el narrador de Poe, que ha asesinado premeditadamente a un hombre, y disfrutado impunemente de su herencia durante años, confiesa finalmente su crimen presa de una crisis obsesiva que también ha madurado gradualmente. Finalmente, Poe parece atribuir el fenómeno más bien al encanto del mal y del pecado (“actuamos sólo porque no debemos”), Baudelaire lo atribuye a motivaciones en todo caso incontrolables, histéricas o satánicas, pero no exentas de una especie de mistificación sádica y de goce efímero pero intenso (véase para todo el asunto el ensayo de A. Pizzorusso, Le Mauvais Vitrier: l'impulso sconosciuto, en Da Montaigne a Baudelaire, pp. 261-283). Además, el propio título es desconcertante y equívoco: el vidriero no es malo, pero es malo para el narrador, que se ve empujado a verlo así, que debe verlo así en su impulso obsesivo. En cuanto a la relación con el poema de Houssaye, composición de lacrimosa filantropía romántica, es inexistente, del mismo modo que es algo del todo legendario que Baudelaire cometiera realmente un acto semejante.

 

IX

THE BAD GLAZIER 

There are natures purely contemplative, completely unsuited for  action, who nevertheless, under mysterious unknown impulses, act  sometimes with a rapidity of which they would suppose themselves  incapable.

Those for instance who, afraid their concierge may have bad news  for them, pace an hour timorously before daring to go in; those who  hold letters for two weeks before opening them, or wait six months  to take some step that has been immediately necessary for a year already—  but sometimes abruptly feel precipitated into action by an irresistible  force, like an arrow leaving the bow. Moralists and doctors,  who claim to know everything, fail to explain from whence so sudden  a mad energy comes to these lazy, voluptuous souls and why, incapable  of the simplest and most necessary things, they find at certain  moments a spurt of first class courage to execute the most absurd and  even most dangerous actions.

A friend of mine, as harmless a dreamer as ever was, one day set a  forest on fire, in order to see, he said, if a fire would catch as easily as  generally claimed. Ten times the experiment failed; but the eleventh  it was all too successful.

Another lit a cigar next to a powder keg, to see, to see if, to tempt  fate, to force himself to prove his own energy, to gamble, to feel the  pleasures of anxiety, for nothing, caprice, to kill time.

This sort of energy springs from ennui and reverie; and those in  whom it so unexpectedly appears are in general, as I have said, the  most indolent and dreamy of mortals.

Another, timid to the extent of lowering his eyes before anybody’s  gaze, to the point of having to pull together his poor will to enter a  café or go past the ticket office of a theater (where the managers seem  to him invested with the majesty of Minos, of Aeacus and of Rhadamanthus) will all of a sudden fall on the neck of some geezer and  embrace him enthusiastically, to the astonishment of passers-by.

Why? Because . . . because of an irresistibly sympathetic physiognomy?  Maybe, but we may well suppose that he himself has no idea.

More than once I have been victim to these crises, these outbursts,  that give some authority to the notion that malicious Demons slip into  us and make us unwittingly accomplish their most absurd wishes.

One morning I got up on the wrong side, dejected, worn out from  idleness, driven it seemed to me to perform some grand, some brilliant  action. And, alas! I opened the window.

(Please note that the urge to practical jokes, in certain persons, the  result neither of work nor planning, but of mere chance inspiration,  belongs largely, even if only through the eagerness of desire, to that  temper—hysterical according to doctors; by rather better minds than  a doctor’s, satanic—which drives us irresistibly towards a host of  dangerous or indecent acts.)

The first person I noticed in the street was a glazier whose cry,  piercing, discordant, came up to me through the oppressive and dirty  Parisian atmosphere. Impossible for me to say why this poor fellow  roused in me a hatred as sudden as despotic.

“—Hey there!” and I yelled for him to come up, meanwhile reflecting,  not without amusement, that, my room being on the sixth  floor and the stairs very narrow, the man would find it difficult to effect  his ascent, to maneuver at certain spots the corners of his fragile  merchandise.

Finally he appeared: I examined curiously all his glass and said to  him: “What? you have no colored glass? pink, red, blue glass, magical  glass, the glass of paradise? Shameful! you dare promenade this  poor district and you don’t even have glass to suggest a better life!”  And I pushed him smartly towards the staircase where he stumbled  growling.

I went to the balcony, picked up a little pot of flowers, and when  the man came out of the door below, I let my war machine fall straight  down, onto the edge of his hooks. The shock sending him over backwards, he smashed under his back the whole petty fortune he carried, from which burst the sound of a crystal palace shattered by a bolt of  lightning.

And, drunk with my folly, I shouted at him, madly, “The beauty of  life! the beauty of life!”

These nervous pleasantries are not without danger, and sometimes  quite costly. But what’s an eternity of damnation to one who has  found in such an instant infinite satisfaction?

Translated by KEITH WALDROP

IX

IL CATTIVO VETRAIO

Esistono nature puramente contemplative e assolutamente negate all’azione, le quali tuttavia, per uno stimolo misterioso ed ignoto, a volte agiscono con una rapidità di cui loro stesse si sarebbero ritenute incapaci.

Quello che per timore di trovare dal portiere una dolorosa notizia gironzola vilmente per un’ora davanti al portone senza avere il coraggio di rincasare, quello che si tiene in tasca per quindici giorni una lettera senza aprirla o che solo dopo sei mesi si rassegna a compiere un atto necessario già da un anno, si sentono a volte improvvisamente sospinti verso l’azione da un’irresistibile forza, come la freccia di un arco. Il moralista e il medico, che pretendono di saper tutto, non sanno spiegarsi da dove derivi così all’improvviso una simile folle energia a certe anime pigre e voluttuose e come, incapaci di compiere le cose più semplici e necessarie, a un certo momento esse trovino tanta carica di coraggio da eseguire le azioni più assurde e spesso più pericolose.

Un mio amico, il più innocuo sognatore di questo mondo, una volta dette fuoco ad un bosco per vedere, diceva, se il fuoco prende con la facilità che si dice. L’esperimento fallì dieci volte in seguito, ma l’undicesima riuscì fin troppo bene.

Un altro accenderà un sigaro accanto ad un barile di polvere, così, tanto per vedere, per sapere, per tentare il destino, per costringersi a dar prova di energia, per rischiare come un giocatore, per conoscere i piaceri dell’ansia, per nulla, per capriccio, perché non sa che fare.

E una specie di energia che scaturisce dalla noia e dalla fantasticheria; le persone nelle quali essa si rivela così impensatamente sono in genere, come ho detto, gli individui più indolenti e sognatori.

Un altro, timido al punto di abbassare gli occhi anche davanti allo sguardo degli uomini e di dover concentrare tutta la sua povera volontà per entrare in un caffè o per passare davanti all’ingresso di un teatro, dove i biglettai gli sembrano investiti della maestà di Minosse, di Eaco e di Radamanto, eccolo improvvisamente saltare sul collo d’un vecchio che gli passa accanto e abbracciarlo con entusiasmo davanti alla folla stupita.

Perché? Perché... perché quella fisionomia gli riusciva irresistibilmente simpatica? Forse; ma è più logico supporre che neanche lui sappia il perché.

Più di una volta sono stato vittima di quelle crisi e quegli slanci, che ci autorizzano a supporre che Demoni maliziosi si insinuino in noi e ci facciano compiere, a nostra insaputa, le loro più assurde volontà.

Una mattina m’ero alzato di malumore, triste, stanco di oziare e spinto, mi sembrava, a fare qualcosa di grande, un’azione eccezionale; e aprii la finestra, ahimè!

(Vi prego di osservare come lo spirito di mistificazione, che in certe persone non è il frutto di un lavoro o di una combinazione, ma di una fortuita ispirazione, molto dipenda, se non altro per l’ardore del desiderio, da quell’umore che i medici definiscono isterico, e satanico quelli che pensano un po’ meglio dei medici, il quale ci spinge inevitabilmente verso una serie di azioni pericolose e sconvenienti).

La prima persona che vidi in strada fu un vetraio; il suo grido acuto e stridulo salì fino a me attraverso la greve e sudicia atmosfera parigina. Peraltro non saprei proprio perché provai verso quel pover’uomo un odio improvviso e dispotico.

«Ehi! Ehi!» e gli gridai che salisse. Nel frattempo riflettevo, con una certa allegria, che essendo la camera al sesto piano e la scala molto stretta, l’uomo avrebbe faticato un po’ per salire e avrebbe urtato più volte con gli spigoli della sua fragile mercanzia.

Finalmente comparve: esaminai con curiosità tutti i suoi vetri e gli dissi: «Come! Non avete vetri colorati? Vetri rosa, rossi, azzurri, vetri magici, vetri di paradiso? Impudente! E avete la sfrontatezza di andare in giro per i quartieri poveri senza neppure un vetro che faccia veder bella la vita!». E lo spinsi con forza verso la scala, dove inciampò brontolando.

M’avvicinai al balcone, afferrai un vasetto di fiori e quando l’uomo ricomparve sulla soglia del portone, feci cadere perpendicolarmente il mio arnese da guerra sull’orlo posteriore del suo carico; ruzzolato in terra per l’urto, il vetraio finì per mandare in mille pezzi sotto la schiena tutta la sua povera fortuna ambulante, che fece il fragoroso rumore di un palazzo di cristallo infranto dal fulmine.

Ebbro di follia, gli urlai furiosamente: «La vita bella! La vita bella!».

Certi scherzi nervosi non sono esenti da pericoli, e spesso si pagano cari. Ma che importa l’eternità della dannazione a chi ha trovato in un secondo l’infinito del piacere?

 

Tradución de MASSIMO COLESANTI

 

  

  

 

 

 

martes, 10 de diciembre de 2024

Ezra Pound y José Vázquez Amaral: Canto I

CANTO I

 

And then went down to the ship,

Set keel to breakers, forth on the godly sea, and

We set up mast and sail on that swart ship,

Bore sheep aboard her, and our bodies also

Heavy with weeping, and winds from sternward

Bore us out onward with bellying canvas,

Circe’s this craft, the trim-coifed goddess.

Then sat we amidships, wind jamming the tiller,

Thus with stretched sail, we went over sea till day’s end.

Sun to his slumber, shadows o’er all the ocean,

Came we then to the bounds of deepest water,

To the Kimmerian lands, and peopled cities

Covered with close-webbed mist, unpierced ever

With glitter of sun-rays

Nor with stars stretched, nor looking back from heaven

Swartest night stretched over wretched men there.

The ocean flowing backward, came we then to the place

Aforesaid by Circe.

Here did they rites, Perimedes and Eurylochus,

And drawing sword from my hip

I dug the ell-square pitkin;

Poured we libations unto each the dead,

First mead and then sweet wine, water mixed with white flour.

Then prayed I many a prayer to the sickly death’s-heads;

As set in Ithaca, sterile bulls of the best

For sacrifice, heaping the pyre with goods,

A sheep to Tiresias only, black and a bell-sheep.

Dark blood flowed in the fosse,

Souls out of Erebus, cadaverous dead, of brides

Of youths and of the old who had borne much;

Souls stained with recent tears, girls tender,

Men many, mauled with bronze lance heads,

Battle spoil, bearing yet dreory arms,

These many crowded about me; with shouting,

Pallor upon me, cried to my men for more beasts;

Slaughtered the herds, sheep slain of bronze;

Poured ointment, cried to the gods,

To Pluto the strong, and praised Proserpine;

Unsheathed the narrow sword,

I sat to keep off the impetuous impotent dead,

Till I should hear Tiresias.

But first Elpenor came, our friend Elpenor,

Unburied, cast on the wide earth,

Limbs that we left in the house of Circe,

Unwept, unwrapped in sepulchre, since toils urged other.

Pitiful spirit.   And I cried in hurried speech:

“Elpenor, how art thou come to this dark coast?

“Cam’st thou afoot, outstripping seamen?”

              And he in heavy speech:

“Ill fate and abundant wine.    I slept in Circe’s ingle.

“Going down the long ladder unguarded,

“I fell against the buttress,

“Shattered the nape-nerve, the soul sought Avernus.

“But thou, O King, I bid remember me, unwept, unburied,

“Heap up mine arms, be tomb by sea-bord, and inscribed:

“A man of no fortune, and with a name to come.

“And set my oar up, that I swung mid fellows.”

 

And Anticlea came, whom I beat off, and then Tiresias Theban,

Holding his golden wand, knew me, and spoke first:

“A second time? why? man of ill star,

“Facing the sunless dead and this joyless region?

“Stand from the fosse, leave me my bloody bever

“For soothsay.”

               And I stepped back,

And he strong with the blood, said then: “Odysseus

“Shalt return through spiteful Neptune, over dark seas,

“Lose all companions.”  And then Anticlea came.

Lie quiet Divus. I mean, that is Andreas Divus,

In officina Wecheli, 1538, out of Homer.

And he sailed, by Sirens and thence outward and away

And unto Circe.

              Venerandam,

In the Cretan’s phrase, with the golden crown, Aphrodite,

Cypri munimenta sortita est, mirthful, orichalchi, with golden

Girdles and breast bands, thou with dark eyelids

Bearing the golden bough of Argicida. So that:

EZRA POUND

CANTO I

Y bajamos a la nave,

Enfilamos quilla a los cachones, nos deslizamos en el mar divino, e

Izamos mástil y vela sobre aquella nave oscura,

Ovejas llevábamos a bordo, y también nuestros cuerpos

Deshechos en llanto, y los vientos soplaban de popa

Impulsándonos con hinchadas velas,

De Circe esta nave, la diosa bien peinada.

Nos sentamos luego en medio de la nave, mientras el

viento hacía saltar la caña del timón,

Así con velas reventando, navegamos hasta el fin del día.

El sol a su descanso, las sombras en el océano todo.

Llegamos entonces al confín del mar más hondo,

A las cimerias tierras, y ciudades pobladas

Cubiertas por la niebla de tejido espeso, jamás penetrado

Por luz de los solares rayos

Sin toldo estrellado, ni por los ojos desde el cielo vueltos

La noche más negra envolvía a los infelices deste suelo.

Y en el reflujo del océano, llegamos después al sitio

Predicho por Circe.

Aquí los ritos de Perimedes y Euríloco,

Y de mi cadera retirando espada

Cavé la la fosa midiendo un ana en cuadro;

E hicimos libaciones sobre cada muerto,

Primero alojas y luego dulce vino, agua mezclada con harina alba.

Dije entonces muchas oraciones a las pálidas cabezas muertas;

Como es costumbre en Ítaca, toros estériles de los mejores

Para el sacrificio, levantando una pira con efectos,

Una oveja para Tiresias solo, negra y con cencerro.

Sangre negra se derramó en la fosa,

Fantasmas del Erebo, cadavéricos muertos, de novias

De mancebos y ancianos que mucho habían sufrido;

Ánimas manchadas por recientes lagrimas, muchachas tiernas,

Muchos hombres, desgarrados por las broncíneas puntas de las lanzas,

Despojos de batalla, con armas manchadas de sangre todavía,

Esta muchedumbre me cercaba; gritando,

Palideciendo, requerí más bestias de mis hombres;

Degollamos los rebaños, ovejas muertas por el bronce;

Escanciando aceite, clamé a los dioses,

A Plutón el fuerte, y elogios a Proserpina;

Desenvainé la espada angosta,

Me senté para esquivar los impetuosos muertos impotentes,

Hasta que oyera a Tiresias.

Mas el primero en llegar fue Elpenor, Elpenor nuestro amigo,

Insepulto, lanzado sobre la tierra vasta,

Extremidades que abandonamos donde Circe,

Sin derramar lagrimas por él, sin amortajar su cuerpo,

porque cosas urgentes nos llamaban.

Lastimoso espíritu. Y grité con palabra apresurada:

“Elpenor, ¿cómo llegaste a esta costa oscura?

¿Viniste a pie, acaso, más veloz que los marinos?”

Y entonces, él, con palabras graves:

“El adverso hado y el abundoso vino. En el hogar de Circe pernocté.

Bajando descuidado las altas escaleras,

Caí de golpe sobre el contrafuerte,

Rompiéndome la nuca, el alma voló en busca del Averno.

Mas a ti, ¡oh Rey!, te pido recuerdes, a mí, el no llorado, el insepulto,

Amontona mis armas y sea mi tumba la orilla del mar y mi epitafio:

Un hombre desgraciado, con su fama en el futuro.

Y cava vertical el remo que blandía entre mis compañeros”.

Y Anticlea, de quien me defendí, vino, y luego Tiresias tebano,

Levantando su vara dorada, me reconoció, y hablé el primero:

“¿Por segunda vez? ¿por qué? ¿hombre de mala estrella,

Ante los muertos en la sombra y en esta region triste?

Sal de la fosa, déjame la bebida sangrienta

Para mis vaticinios”.

Y di un paso atrás,

Y él, fortalecido con la sangre, dijo entonces: “Odiseo

Regresará a través del rencoroso Neptuno, por oscuros mares,

Perdiendo todos sus hombres”. Y entonces vino Anticlea.

Cepos quedos, Divus. Quiero decir, es decir, Andrés Divus,

In officina Wecheli, 1538, tomado de Homero

Y navegó desoyendo Sirenas y de allí lejos y hacia adentro

Y hasta Circe

Venerandam,

En frase del cretense, con dorada corona, Afrodita,

Cypri munimenta sortita est, alegre, oricalchi, con doradas

Fajas y cintas en los pechos, tú, la de parpados oscuros

La de la rama dorada de argicida. Para que:

 

Traducción y nota de José Vázquez Amaral

Ediciones Cátedra, 1994

NOTA

Pound funde aquí material de los cantos X y XI de la Odisea, con los que ofrece similitudes hasta en sentido literal: Odiseo, por consejo de Circe, la reina-hechicera hija de Helios, se hace a la mar en busca de los Infiernos (los Hades) para consultar al adivino ciego Tiresias, que le garantizará un regreso seguro a su patria. También se aprecian ciertas analogías con la Divina Comedia, en el canto del “Infierno”, apoyadas además en el hecho de que el Canto XI del poema homérico se titula precisamente así: “Descensus ad Inferos”.

Tambien hay quien considera (William Cookson,  A Guide to the Cantos of Ezra Pound, Nueva York, Persca Books, 1985) este Cantar como profético de la vida de Pound, en cuanto que perdería “a todos sus compañeros años más tarde. La idea parece un poco “cogida por los pelos” y además tampoco es cierto que Pound perdiera a todos sus amigos, tras su implicación con el fascismo antes de la Segunda Guerra Mundial y durante los años del conflicto: muchos, algunos excelentes poetas, se mantuvieron fieles hasta el final, como Archibald McLeish o William Carlos Williams (que le dedica comentarios conmovedores en su Autobiography, Nueva York, New Directions, 1967, especialmente en las páginas 335-344), incluidos varios judíos, como Allen Ginsberg que le admiraba y le conoció en 1967. Más relevante es el caso del también judío Louis Zukofsky, que le trató desde el final de la década de los años 30 y que afirmaría en una ocasión, años más tarde, que nunca sintió the least trace of anti-semitism in his presence. Nothing he ever said to me made me feel the embarrassment I always have for the Goy in whom a residue of antagonism to Jews remains. If we had occasion to use the words Jew and Goy they were no more or less ethnological in their sense than Chinese or Italian” (nunca percibí la menor sombra de antisemitismo en su presencia. Nunca nada de lo que me dijo me hizo sentir la incomodidad que siempre me invade en presencia del Goy en el que permanece un cierto antagonismo frente a los judíos. Si alguna vez se presentó la ocasión de usar las palabras judío y Goy, no tenían ni más ni menos carga etnológica en su sentido que chino o italiano”, citado por Humphrey Carpenter, A Serious Character: the Life of Ezra Pound, pag. 561).

Es otro dato para componer o complicar aún más el confuso y contradictorio panorama del “antisemitismo” de Pound, realmente imposible de definir de un modo unívoco y coherente.


lunes, 9 de diciembre de 2024

Alexander Blok y Vladimir Nabokov: La desconocida

НЕЗНАКОМКА

По вечерам над ресторанами

Горячий воздух дик и глух,

И правит окриками пьяными

Весенний и тлетворный дух.

 

Вдали над пылью переулочной,

Над скукой загородных дач,

Чуть золотится крендель булочной,

И раздается детский плач.

 

И каждый вечер, за шлагбаумами,

Заламывая котелки,

Среди канав гуляют с дамами

Испытанные остряки.

 

Над озером скрипят уключины

И раздается женский визг,

А в небе, ко всему приученный

Бесмысленно кривится диск.

 

И каждый вечер друг единственный

В моем стакане отражен

И влагой терпкой и таинственной

Как я, смирен и оглушен.

 

А рядом у соседних столиков

Лакеи сонные торчат,

И пьяницы с глазами кроликов

«In vino veritas!» кричат.

 

И каждый вечер, в час назначенный

(Иль это только снится мне?),

Девичий стан, шелками схваченный,

В туманном движется окне.

 

И медленно, пройдя меж пьяными,

Всегда без спутников, одна

Дыша духами и туманами,

Она садится у окна.

 

И веют древними поверьями

Ее упругие шелка,

И шляпа с траурными перьями,

И в кольцах узкая рука.

 

И странной близостью закованный,

Смотрю за темную вуаль,

И вижу берег очарованный

И очарованную даль.

 

Глухие тайны мне поручены,

Мне чье-то солнце вручено,

И все души моей излучины

Пронзило терпкое вино.

 

И перья страуса склоненные

В моем качаются мозгу,

И очи синие бездонные

Цветут на дальнем берегу.

 

В моей душе лежит сокровище,

И ключ поручен только мне!

Ты право, пьяное чудовище!

Я знаю: истина в вине.

 

АЛЕКСА́НДР АЛЕКСА́НДРОВИЧ БЛОК
April 24, 1906, Ozerki
ALEXANDER BLOK

LA DESCONOCIDA

 

Por las noches, sobre los restaurantes

el aire caliente es salvaje y sordo

y el duende corruptor de primavera

gobierna sobre el grito del borracho.

 

A lo lejos, sobre el polvo de callejas,

sobre el tedio de las dachas suburbanas,

la cara azul apenas se distingue,

se oye el llanto de niño.

 

Y detrás de los pasos a nivel,

ladeando el sombrero de copa,

pasean cada noche entre las zanjas

los graciosos de turno, con las damas.

 

Sobre el lago los escálamos chirrían

y se escuchan chillidos de mujer,

y en el cielo, acostumbrado a todo,

Hace una mueca sin sentido el disco.

 

Y cada noche suele reflejarse

en mi vaso un único amigo,

calmado y aturdido como yo

por el líquido acre y misterioso.

 

Cerca de mí, junto a las otras mesas,

aguardan camareros soñolientos;

los borrachos, con ojos de conejo,

«In vino veritas» vocean.

 

Cada noche, a la hora convenida

(¿o acaso estoy soñando?),

un núbil cuerpo en sedas apresado

se desliza en la ventana turbia.

 

Moviéndose despacio entre los ebrios,

sin compañía alguna, siempre sola,

respirando perfumes y neblinas

ella se sienta junto a la ventana.

 

Sus sedas rutilantes, tersas

traen el aroma de leyenda antigua,

y el sombrero de enlutadas plumas,

y la estrecha mano ensortijada.

 

Y encadenado por la extraña intimidad

yo miro más allá del velo oscuro,

y vislumbro la encantada orilla,

la encantada lejanía veo.

 

Me han confiado algún misterio oscuro,

me han entregado un sol que me es ajeno,

y todos los meandros de mi alma

están transidos por el vino acerbo.

 

Y veo en mi mente cómo oscilan

unas plumas de avestruz caídas,

y cómo florecen unos ojos

azules y sin fondo en la lejana orilla.

 

Yace en mi alma un tesoro enterrado

¡del que sólo yo tengo la llave!

¡Tenías tú razón, monstruo borracho!

Ahora ya lo sé: la verdad está en el vino.

24 de abril de 1906, Ozerki

Traducción de Amaya Lacasa y Rafael Ruiz de la Cuesta 

THE STRANGER

 

In the evenings, the sultry air above the restaurants

is both wild and torpid,

and drunken vociferations are governed

by the evil spirit of spring.

 

In the dusty vista of lanes

where reigns the suburban tedium of clapboard villas

the gilt sign of a bakery — a giant pretzel — glimmers,

and children are heard crying.

 

And every evening, beyond the town barriers,

in a zone of ditches,

wags of long standing, their jaunty derbies askew,

go for walks with their lady friends.

 

From the lake comes the sound of creaking oar locks

and women are heard squealing,

while overhead, the round moon,

accustomed to everything, blankly mugs.

 

And every evening my sole companion

is reflected in my wineglass,

as tamed and as stunned as I am

by the same acrid and occult potion.

 

And nearby, at other tables,

waiters drowsily hover,

and tipplers with the pink eyes of rabbits

shout: In vino veritas!

 

And every evening, at the appointed hour

(or is it merely a dream of mine?),

the figure of a girl in clinging silks

moves across the misty window.

 

Slowly she makes her way among the drinkers,

always escortless, alone,

perfume and mists emanating from her,

and takes a seat near the window.

 

And her taut silks,

her hat with its tenebrous plumes,

her slender bejeweled hand

waft legendary magic.

 

And with a strange sense of intimacy enchaining me,

I peer beyond her dusky veil

and perceive an enchanted shoreline,

a charmed remoteness.

 

Dim mysteries are in my keeping,

the orb of somebody’s day has been entrusted to me,

and the tangy wine has penetrated

all the meanders of my soul.

 

And the drooping ostrich feathers

sway within my brain,

and the dark-blue fathomless eyes

become blossoms on the distant shore.

 

A treasure lies in my soul,

and I alone have the keeping of its key.

Those drunken brutes are right:

indeed, – there is truth in wine...

 

Translated by VLADIMIR NABOKOV


L’INCONNUE

 

«Au-dessus des restaurants, le soir,

L’air est épais, sauvage et lourd,

Et règne sur les cris d’ivrognes

Un souffle de printemps malsain.

 

Au-dessus des rues poussiéreuses,

De l’ennui des villégiatures,

Luit le bretzel du boulanger,

Un enfant pleure quelque part.

 

Et aux barrières, chaque soir,

Le melon collé sur l’oreille,

Les hâbleurs patentés promènent

Des dames dans les fossés.

 

Les tolets grincent sur l’étang,

Une femme glapit au loin,

Et, dans le ciel, on voit le disque,

Blasé, stupide, grimacer.

 

Et chaque soir, mon seul ami

Vient se refléter dans mon verre,

Comme moi il est étourdi

Par le liquide âpre et étrange.

 

Tandis que les laquais somnolent

Plantés près des tables voisines,

Des ivrognes aux yeux de lapin

Proclament: « In vino veritas!»

 

Et chaque soir, à l’heure dite

(Ou est-ce un songe qui me vient?),

Une taille svelte, serrée de soie,

Paraît dans la vitre embrumée.

 

Et, passant entre les ivrognes,

Toujours seule, d’un pas lent,

Sentant le parfum et la brume,

Elle s’assoit près de la fenêtre.

 

Et les légendes d’autrefois

Imprègnent la soie élastique,

Les plumes noires de son chapeau

Et les bagues à la main étroite.

 

Charmé par l’étrange présence,

Au-delà de ce voile noir,

Je vois un rivage enchanté,

Je vois un lointain enchanteur.

 

J’ai la garde d’obscurs mystères,

Je dois veiller sur un soleil,

Et l’âpre vin a pénétré

Tous les méandres de mon âme.

 

Et les plumes d’autruche penchent,

Se balancent dans mon esprit,

Et ces yeux bleus, ces yeux sans fond

Sur le rivage, au loin fleurissent.

 

Mon âme recèle un trésor,

La clef m’en a été confiée!

Tu as raison, ivrogne, je sais:

La vérité est dans le vin.»

Traduit par Pierre Léon