LA LUNE JAUNE
Ce long jour a fini par une lune jaune
Qui monte mollement entre les peupliers,
Tandis que se répand parmi l'air qu'elle embaume
L'odeur de l'eau qui dort entre les joncs mouillés.
Savions-nous, quand, tous deux, sous le soleil torride
Foulions la terre rouge et le chaume blessant,
Savions-nous, quand nos pieds sur les sables arides
Laissaient leurs pas empreints comme des pas de sang,
Savions-nous, quand l'amour brûlait sa haute flamme
En nos coeurs déchirés d'un tourment sans espoir,
Savions-nous, quand mourait le feu dont nous brûlâmes
Que sa cendre serait si douce à notre soir,
Et que cet âpre jour qui s'achève et qu'embaume
Une odeur d'eau qui songe entre les joncs mouillés
Finirait mollement par cette lune jaune
Qui monte et s'arrondit entre les peupliers?
La cité des eaux
LA LUNA AMARILLA
El día ha terminado en la luna amarilla
Que asciende muellemente por detrás de los álamos,
En tanto se difunde en el aire el aroma
Del agua adormecida entre juncos mojados.
¿Sabíamos nosotros, cuando al sol ardoroso
Cruzábamos rastrojos y planicies bermejas,
Sabíamos nosotros cuando en los arenales
Nuestros pasos marcaban como en sangre sus huellas;
Sabíamos nosotros cuando el amor ardía
En nuestros corazones torturados de afanes,
Sabíamos nosotros que al morir ese fuego
Su ceniza sería tan grata a nuestra tarde,
Y que este áspero día que acaba y que perfuma
El agua adormecida entre juncos mojados,
Terminaría lento en la luna amarilla
Que ya se redondea encima de los álamos?
Traducción de Ángel J. Battistessa
Revista Verbum Año XXV, n° 81
Revista del centro de estudiantes de Filosofía y Letras
Buenos Aires, 1932