PORTRAIT DE JEAN LORRAIN
J'ai
toujours eu, pour ce pauvre diable, une horreur insurmontable, quasi physique, la
clinique, à cette époque, étant beaucoup moins bien fixée sur son cas et les
similaires qu'elle ne l'est maintenant. Lorrain avait une tête poupine et large
à la fois de coiffeur vicieux, les cheveux partagés par une raie parfumée au
patchouli, des yeux globuleux, ébahis et avides, de grosses lèvres qui
jutaient, giclaient et coulaient pendant son discours. Son torse était bombé
comme le bréchet de certains oiseaux charognards. Lui se nourrissait avidement
de toutes les calomnies et immondices que colporte la manie ancillaire des salonnards,
des filles rentées et des souteneurs chic. Qu'on imagine le clapotement d'un
égout servant de déversoir à un hôpital. Ce maniaque d'un genre spécial,
participant à deux ou trois sexes, ne manquait pas de « patte » comme on disait
alors, ni « d'écriture artiste ». Il avait inventé une forme de chronique
éparpillée et bavarde, composée des ânonnements, balbutiements et bouts de
dialogue des esthètes qui mangent le potage à l'éther et s'habillent en messieurs,
quand ils sont des dames, en dames quand ils sont des messieurs. Il en
encombrait les journaux, ainsi que d'allusions empoisonnées, de rosseries
pseudo-féminines aux maisons où on l'avait reçu, où on ne le recevait plus, où
on ne le recevait pas encore. La veulerie de l'époque apparaissait dans ce fait
que Lorrain était toléré et ne recevait pas quotidiennement la ration de
caresses de cannes et de frictions de pied dans le derrière à laquelle il avait
certainement droit. Bon fils, ce qui semble paradoxal, il vivait à Auteuil
auprès de sa mère, personne d'aspect redoutable, que j'avais baptisée Sycorax,
en souvenir de Caliban. Le soir, il allait retrouver, dans les bals louches du
Point-du-Jour, des camarades de sa complexion. D'où des histoires de
commissariat de police qui se dénouaient généralement à l'amiable, Jean le
Journaliste étant connu et au-dessous de la déconsidération. Neuf mois sur
douze, il déambulait de Toulon à Nice, le long de ce littoral qui est devenu le
conservatoire des perversions sexuelles, en même temps que le Bottin de
l'espionnage allemand. Il rapportait de là des études vireuses, putrides,
décomposées à son image, mais qui demeurent de bons spécimens de psychopathie pittoresque.
LÉON DAUDET (Fantômes et vivants)
Ediciones De La Mirándola acaba de publicar La maldición de los Noronsoff, de JEAN LORRAIN. En el sitio de la editorial se puede leer la ficha de presentación de la obra y descargar un fragmento gratuito.
RETRATO DE JEAN LORRAIN
Siempre tuve por ese pobre diablo un
rechazo insuperable, casi físico; la medicina clínica, en aquella época, veía
con mucho menor claridad su caso y otros similares que hoy en día. Lorrain
tenía una cara a un tiempo rubicunda y ancha de peluquero vicioso, el pelo
partido al medio con una raya perfumada con pachulí, ojos globulosos, atónitos
y ávidos, labios gruesos que rezumaban, babeaban y escupían cuando hablaba. Tenía
un torso abombado como la pechuga de ciertas aves carroñeras. Él se alimentaba
ávidamente de todas las calumnias e inmundicias que lleva de un lado a otro la
manía ancilar de los esnobs de los salones mundanos, de las mujerzuelas
rentadas y de los rufianes chics. Imáginese el borboteo de una alcantarilla que
sirve de desagüe a un hospital. Ese maniático de un género especial, que
pertenecía a dos o tres sexos a la vez, no carecía de garra, como se decía entonces, ni de escritura de artista. Había inventado una forma de crónica dispersa
y charlatana, compuesta por los monótonos parloteos, balbuceos y fragmentos de
diálogo de los estetas que toman sopa de éter y se visten como señores cuando
son damas y como damas cuando son señores. Atestaba con ella los periódicos,
así como con alusiones venenosas, impertinencias seudo femeninas sobre las
casas donde se lo había recibido, donde ya no se lo recibía, donde todavía no
lo recibían. La pusilanimidad de la época se evidenciaba en el hecho de que a
Lorrain se lo toleraba y no recibía diariamente la ración de caricias de bastón
y de fricciones de pie en el trasero a la que ciertamente tenía derecho. Buen
hijo, lo que parece paradójico, vivía en Auteuil con su madre, persona de
aspecto temible a la que yo había bautizado Sycorax en recuerdo de Calibán. Por
la noche iba a reunirse, en los bailes de mala fama del Point-du-Jour, con
amigos de su misma catadura. De donde nacían enredos de comisaría que por lo
general se arreglaban de manera amistosa, dado que Jean el Periodista era
conocido y estaba por encima del descrédito. Nueve meses de cada doce
deambulaba de Tolón a Niza, a lo largo de ese litoral que se ha convertido en
el conservatorio de las perversiones sexuales, a la vez que en el Quién es Quién del espionaje alemán.
Volvía de allí con estudios ponzoñosos, pútridos, descompuestos a su imagen y
semejanza, pero que siguen siendo buenos especímenes de psicopatía pintoresca.
Traducción de Carlos Cámara.