EUGÉNIE GRANDET
CHRISTOPHE de Audiocité lee Eugénie Grandet
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Il se trouve dans certaines villes de province des maisons dont la vue inspire une mélancolie égale à celle que provoquent les cloîtres les plus sombres, les landes les plus ternes ou les ruines les plus tristes. Peut-être y a-t-il à la fois dans ces maisons et le silence du cloître et l'aridité des landes et les ossements des ruines : la vie et le mouvement y sont si tranquilles qu'un étranger les croirait inhabitées, s'il ne rencontrait tout à coup le regard pâle et froid d'une personne immobile dont la figure à demi monastique dépasse l'appui de la croisée, au bruit d'un pas inconnu. Ces principes de mélancolie existent dans la physionomie d'un logis situé à Saumur, au bout de la rue montueuse qui mène au château, par le haut de la ville. Cette rue, maintenant peu fréquentée, chaude en été, froide en hiver, obscure en quelques endroits, est remarquable par la sonorité de son petit pavé caillouteux, toujours propre et sec, par l'étroitesse de sa voie tortueuse, par la paix de ses maisons qui appartiennent à la vieille ville, et que dominent les remparts. Des habitations trois fois séculaires y sont encore solides quoique construites en bois, et leurs divers aspects contribuent à l'originalité qui recommande cette partie de Saumur à l'attention des antiquaire et des artistes. Il est difficile de passer devant ces maisons, sans admirer les énormes madriers dont les bouts sont taillés en figures bizarres et qui couronnent d'un bas-relief noir le rez-de-chaussée de la plupart d'entre elles. Ici, des pièces de bois transversales sont couvertes en ardoises et dessinent des lignes bleues sur les frêles murailles d'un logis terminé par un toit en colombage que les ans ont fait plier, dont les bardeaux pourris ont été tordus par l'action alternative de la pluie et du soleil. Là se présentent des appuis de fenêtre usés, noircis, dont les délicates sculptures se voient à peine, et qui semblent trop légers pour le pot d'argile brune d'où s'élancent les oeillets ou les rosiers d'une pauvre ouvrière. Plus loin, c'est des portes garnies de clous énormes où le génie de nos ancêtres a tracé des hiéroglyphes domestiques dont le sens ne se retrouvera jamais. Tantôt un protestant y a signé sa foi, tantôt un ligueur y a maudit Henri IV. Quelque bourgeois y a gravé les insignes de sa noblesse de cloches, la gloire de son échevinage oublié. L'Histoire de France est là tout entière. A côté de la tremblante maison à pans hourdés où l'artisan a déifié son rabot, s'élève l'hôtel d'un gentilhomme où sur le plein cintre de la porte en pierre se voient encore quelques vestiges de ses armes, brisées par les diverses révolutions qui depuis ont agité le pays. Dans cette rue, les rez-de-chaussée commerçants ne sont ni des boutiques ni des magasins, les amis du moyen âge y retrouveraient l'ouvrouère de nos pères en toute sa naïve simplicité. Ces salles basses, qui n'ont ni devanture, ni montre, ni vitrages, sont profondes, obscures et sans ornements extérieurs ou intérieurs. Leur porte est ouverte en deux parties pleines, grossièrement ferrées, dont la supérieure se replie intérieurement, et dont l'inférieure armée d'une sonnette à ressort va et vient constamment. L'air et le jour arrivent à cette espèce d'antre humide, ou par le haut de la porte, ou par l'espace qui se trouve entre la voûte, le plancher et le petit mur à hauteur d'appui dans lequel s'encastrent de solides volets, ôtés le matin, remis et maintenus le soir avec des bandes de fer boulonnées. Ce mur sert à étaler les marchandises du négociant. Là, nul charlatanisme. Suivant la nature du commerce, les échantillons consistent en deux ou trois baquets pleins de sel et de morue, en quelques paquets de toile à voile, des cordages, du laiton pendu aux solives du plancher, des cercles le long des murs, ou quelques pièces de drap sur des rayons ? Entrez ? Une fille propre, pimpante de jeunesse, au blanc fichu, aux bras rouges quitte son tricot, appelle son père ou sa mère qui vient et vous vend à vos souhaits, flegmatiquement, complaisamment, arrogamment, selon son caractère, soit pour deux sous, soit pour vingt mille francs de marchandise. Vous verrez un marchand de merrain assis à sa porte et qui tourne ses pouces en causant avec un voisin, il ne possède en apparence que de mauvaises planches à bouteilles et deux ou trois paquets de lattes ; mais sur le port son chantier plein fournit tous les tonneliers de l'Anjou ; il sait, à une planche près, combien il peut de tonneaux si la récolte est bonne ; un coup de soleil l'enrichit, un temps de pluie le ruine : en une seule matinée, les poinçons valent onze francs ou tombent à six livres. Dans ce pays, comme en Touraine, les vicissitudes de l'atmosphère dominent la vie commerciale. Vignerons, propriétaires, marchands de bois, tonneliers, aubergistes, mariniers sont tous à l'affût d'un rayon de soleil ; ils tremblent en se couchant le soir d'apprendre le lendemain matin qu'il a gelé pendant la nuit ; ils redoutent la pluie, le vent, la sécheresse, et veulent de l'eau, du chaud, des nuages, à leur fantaisie. Il y a un duel constant entre le ciel et les intérêts terrestres. Le baromètre attriste, déride, égaie tour à tour les physionomies. D'un bout à l'autre de cette rue, l'ancienne Grand rue de Saumur, ces mots : Voilà un temps d'or ! se chiffrent de porte en porte. Aussi chacun répond-il au voisin : Il pleut des louis, en sachant ce qu'un rayon de soleil, ce qu'une pluie opportune lui en apporte. Le samedi, vers midi, dans la belle saison, vous n'obtiendriez pas pour un sou de marchandise chez ces braves industriels. Chacun a sa vigne, sa closerie, et va passer deux jours à la campagne. Là, tout étant prévu, l'achat, la vente, le profit, les commerçants se trouvent avoir dix heures sur douze à employer en joyeuses parties, en observations, commentaires, espionnages continuels. Une ménagère n'achète pas une perdrix sans que les voisins ne demandent au mari si elle était cuite à point. Une jeune fille ne met pas la tête à sa fenêtre sans y être vue par tous “Il ne passe personne dans la rue les groupes inoccupés qui ne soit étudié.”. Là donc les consciences sont à jour, de même que ces maisons impénétrables, noires et silencieuses n'ont point de mystères. La vie est presque toujours en plein air : chaque ménage s'assied à sa porte, y déjeune, y dîne, s'y dispute. Il ne passe personne dans la rue qui ne soit étudié. Aussi, jadis, quand un étranger arrivait dans une ville de province, était-il gaussé de porte en porte. De là les bons contes, de là le surnom de copieux donné aux habitants d'Angers qui excellaient à ces railleries urbaines. Les anciens hôtels de la vieille ville sont situés en haut de cette rue jadis habitée par les gentilshommes du pays. La maison pleine de mélancolie où se sont accomplis les événements de cette histoire était précisément un de ces logis, restes vénérables d'un siècle où les choses et les hommes avaient ce caractère de simplicité que les moeurs françaises perdent de jour en jour.
Après avoir suivi les détours de ce chemin pittoresque dont les moindres accidents réveillent des souvenirs et dont l'effet général tend à plonger dans une sorte de rêverie machinale, vous apercevez un renfoncement assez sombre, au centre duquel est cachée la porte de la maison à monsieur Grandet. Il est impossible de comprendre la valeur de cette expression provinciale sans donner la biographie de monsieur Grandet.
HONORÉ DE BALZAC
EUGÉNIE GRANDET
There are houses in certain provincial towns whose aspect inspires melancholy, akin to that called forth by sombre cloisters, dreary moorlands, or the desolation of ruins. Within these houses there is, perhaps, the silence of the cloister, the barrenness of moors, the skeleton of ruins; life and movement are so stagnant there that a stranger might think them uninhabited, were it not that he encounters suddenly the pale, cold glance of a motionless person, whose half-monastic face peers beyond the window-casing at the sound of an unaccustomed step.
Such elements of sadness formed the physiognomy, as it were, of a dwelling-house in Saumur which stands at the end of the steep street leading to the chateau in the upper part of the town. This street—now little frequented, hot in summer, cold in winter, dark in certain sections—is remarkable for the resonance of its little pebbly pavement, always clean and dry, for the narrowness of its tortuous road-way, for the peaceful stillness of its houses, which belong to the Old town and are over-topped by the ramparts. Houses three centuries old are still solid, though built of wood, and their divers aspects add to the originality which commends this portion of Saumur to the attention of artists and antiquaries.
It is difficult to pass these houses without admiring the enormous oaken beams, their ends carved into fantastic figures, which crown with a black bas-relief the lower floor of most of them. In one place these transverse timbers are covered with slate and mark a bluish line along the frail wall of a dwelling covered by a roof en colombage which bends beneath the weight of years, and whose rotting shingles are twisted by the alternate action of sun and rain. In another place blackened, worn-out window-sills, with delicate sculptures now scarcely discernible, seem too weak to bear the brown clay pots from which springs the heart's-ease or the rose-bush of some poor working-woman. Farther on are doors studded with enormous nails, where the genius of our forefathers has traced domestic hieroglyphics, of which the meaning is now lost forever. Here a Protestant attested his belief; there a Leaguer cursed Henry IV.; elsewhere some bourgeois has carved the insignia of his noblesse de cloches, symbols of his long-forgotten magisterial glory. The whole history of France is there.
Next to a tottering house with roughly plastered walls, where an artisan enshrines his tools, rises the mansion of a country gentleman, on the stone arch of which above the door vestiges of armorial bearings may still be seen, battered by the many revolutions that have shaken France since 1789. In this hilly street the ground-floors of the merchants are neither shops nor warehouses; lovers of the Middle Ages will here find the ouvrouere of our forefathers in all its naive simplicity. These low rooms, which have no shop-frontage, no show-windows, in fact no glass at all, are deep and dark and without interior or exterior decoration. Their doors open in two parts, each roughly iron-bound; the upper half is fastened back within the room, the lower half, fitted with a spring-bell, swings continually to and fro. Air and light reach the damp den within, either through the upper half of the door, or through an open space between the ceiling and a low front wall, breast-high, which is closed by solid shutters that are taken down every morning, put up every evening, and held in place by heavy iron bars.
This wall serves as a counter for the merchandise. No delusive display is there; only samples of the business, whatever it may chance to be,—such, for instance, as three or four tubs full of codfish and salt, a few bundles of sail-cloth, cordage, copper wire hanging from the joists above, iron hoops for casks ranged along the wall, or a few pieces of cloth upon the shelves. Enter. A neat girl, glowing with youth, wearing a white kerchief, her arms red and bare, drops her knitting and calls her father or her mother, one of whom comes forward and sells you what you want, phlegmatically, civilly, or arrogantly, according to his or her individual character, whether it be a matter of two sous' or twenty thousand francs' worth of merchandise. You may see a cooper, for instance, sitting in his doorway and twirling his thumbs as he talks with a neighbor. To all appearance he owns nothing more than a few miserable boat-ribs and two or three bundles of laths; but below in the port his teeming wood-yard supplies all the cooperage trade of Anjou. He knows to a plank how many casks are needed if the vintage is good. A hot season makes him rich, a rainy season ruins him; in a single morning puncheons worth eleven francs have been known to drop to six. In this country, as in Touraine, atmospheric vicissitudes control commercial life. Wine-growers, proprietors, wood-merchants, coopers, inn-keepers, mariners, all keep watch of the sun. They tremble when they go to bed lest they should hear in the morning of a frost in the night; they dread rain, wind, drought, and want water, heat, and clouds to suit their fancy. A perpetual duel goes on between the heavens and their terrestrial interests. The barometer smooths, saddens, or makes merry their countenances, turn and turn about. From end to end of this street, formerly the Grand'Rue de Saumur, the words: "Here's golden weather," are passed from door to door; or each man calls to his neighbor: "It rains louis," knowing well what a sunbeam or the opportune rainfall is bringing him.
On Saturdays after midday, in the fine season, not one sou's worth of merchandise can be bought from these worthy traders. Each has his vineyard, his enclosure of fields, and all spend two days in the country. This being foreseen, and purchases, sales, and profits provided for, the merchants have ten or twelve hours to spend in parties of pleasure, in making observations, in criticisms, and in continual spying. A housewife cannot buy a partridge without the neighbors asking the husband if it were cooked to a turn. A young girl never puts her head near a window that she is not seen by idling groups in the street. Consciences are held in the light; and the houses, dark, silent, impenetrable as they seem, hide no mysteries. Life is almost wholly in the open air; every household sits at its own threshold, breakfasts, dines, and quarrels there. No one can pass along the street without being examined; in fact formerly, when a stranger entered a provincial town he was bantered and made game of from door to door. From this came many good stories, and the nickname copieux, which was applied to the inhabitants of Angers, who excelled in such urban sarcasms.
The ancient mansions of the old town of Saumur are at the top of this hilly street, and were formerly occupied by the nobility of the neighborhood. The melancholy dwelling where the events of the following history took place is one of these mansions,—venerable relics of a century in which men and things bore the characteristics of simplicity which French manners and customs are losing day by day. Follow the windings of the picturesque thoroughfare, whose irregularities awaken recollections that plunge the mind mechanically into reverie, and you will see a somewhat dark recess, in the centre of which is hidden the door of the house of Monsieur Grandet. It is impossible to understand the force of this provincial expression—the house of Monsieur Grandet—without giving the biography of Monsieur Grandet himself.
Traducción de KATHARINE PRESCOTT WORMELEY
EUGÉNIE GRANDET
En algunos pueblecitos de provincias se encuentran casas cuya vista inspira una melancolía igual a la que provocan los claustros más sombríos, las landas más desiertas o las ruinas más tristes. Y es que sin duda participan a la vez esas casas del silencio del claustro, de la aridez de las landas y de los despojos de las ruinas: la vida y el movimiento son en ellas tan reposados, que un extranjero las creería deshabitadas si no encontrase de pronto la mirada fría y sin expresión de una persona inmóvil, cuyo rostro medio monástico asoma por una ventana al oír el ruido de pasos desconocidos. Este aspecto melancólico lo posee un edificio situado en Saumur, al extremo de la calle montuosa que conduce al castillo por la parte alta de la villa. Esta calle, que se ve ahora poco frecuentada, cálida en verano, fría en invierno y obscura en algunos parajes, es notable por la sonoridad de su empedrado, que está siempre limpio y seco; por la estrechez de su vía tortuosa y por la paz de sus casas, que pertenecen a la villa antigua y que dominan las murallas. Unas habitaciones tres veces seculares y sólidas aún a pesar de haber sido construidas con madera, y los diversos paisajes que ofrecen, contribuyen a dar originalidad a aquella parte de Saumur, que es tan interesante para anticuarios y artistas. Es difícil pasar por delante de estas casas sin admirar sus enormes vigas, cuyos extremos forman extrañas figuras y que coronan de un bajo relieve negro el piso bajo de la mayor parte de ellas. Aquí, piezas de madera transversales están cubiertas con pizarra y dibujan líneas azules en las frágiles paredes de un edificio cubierto por un tejado formado de pontones que los años han encorvado, y de tablones podridos y alabeados por la acción alternativa del sol y de la lluvia; allá, se ven alféizares de ventana viejos y ennegrecidos, cuyas delicadas esculturas apenas se ven y que parecen muy estrechos a juzgar por el tiesto de arcilla negra de donde brotan las plantas de clavel o de rosal de alguna pobre obrera; y más lejos, puertas provistas de enormes clavos con los cuales trazaron nuestros antepasados los jeroglíficos domésticos cuyo sentido no se conocerá nunca. Tan pronto se ven allí los caracteres con que un protestante hizo constar su fe, como aquellos con que un partidario de la Liga manifestó su odio a Enrique IV, sin faltar tampoco los del burgués que grabó allí las insignias de su nobleza parroquial, la gloria de su olvidada regiduría. En estas huellas se ve la historia entera de Francia. Al lado de la frágil casa construida con ripios y cascote donde el artesano deificó sus herramientas, se levanta el palacio de un noble sobre cuya puerta con dintel de piedra se ven aún algunos vestigios de su escudo y armas, destrozados por las diversas revoluciones que desde 1789 agitaron el país. En esta calle, los pisos bajos de los comerciantes no son ni tiendas ni almacenes, y los aficionados a antigüedades podrán ver en ellos el taller de nuestros abuelos en toda su primitiva sencillez. Estas salas bajas, que no tienen delantera, ni rótulo, ni escaparate, son profundas y obscuras y carecen de adornos exteriores e interiores. Su puerta está dividida en dos partes toscamente herradas, de las cuales, la superior se abre interiormente, y la inferior, provista de una campanita con resorte, se abre y se cierra a placer. El aire y la luz penetran en aquella especie de antro húmedo ya por la parte superior de la puerta, o ya por el hueco que hay entre el techo y el paredón de un metro de altura, al que se adaptan unas sólidas ventanas que se quitan por la mañana y se colocan por la noche, sujetándolas con flejes de hierro provistos de sus correspondientes pernos. El paredón sirve al comerciante para colocar sus mercancías. Allí no se conoce el charlatanismo. Con arreglo a las costumbres del comercio, las muestras consisten en dos o tres cubetas llenas de sal y de bacalao, en algunos paquetes de tosca tela, en cuerdas, en latón colgado de las vigas del techo, en aros a lo largo de las paredes y en algunas piezas de paño en los estantes. Ahora, entrad. Una joven limpia, radiante de juventud, de brazos rojos y cubierta con blanca toquilla, deja de hacer calceta y llama a su padre o a su madre, que acude, y os vende flemática, complaciente o arrogantemente, según su carácter, lo mismo diez céntimos que veinte mil francos de mercancías. Allí podéis ver un comerciante de duelas sentado a su puerta y dando vueltas a los pulgares mientras habla con su vecino; y, a juzgar por las apariencias, diréis que no posee más que malas duelas y tres paquetes de latas; pero en el puerto, su taller, lleno, provee a todos los toneleros de Anjou, y, duela más, duela menos, este hombre puede deciros para cuántos toneles tendrá si la recolección es buena: un rayo de sol le enriquece, una tormenta le arruina, y en una sola mañana puede ponerse a once francos el tonel que sólo vale seis. En este país, como en Turena, las vicisitudes de la atmósfera influyen en la vida comercial. Viñeros, propietarios, comerciantes en maderas, toneleros, posaderos, marineros, en una palabra, todos están allí al acecho de un rayo de sol, y tiemblan al acostarse ante la idea de que al despertar pueda encontrarse todo helado; temen la lluvia, el viento, la sequía, y quieren agua, calor y nubes a su gusto. En aquel país hay un duelo constante entre el cielo y los intereses materiales, y el barómetro entristece y alegra sucesivamente la fisonomía de sus habitantes. Las palabras: «¡Vaya un tiempo hermoso!» corren de puerta en puerta de un extremo a otro de aquella calle que antaño se llamaba la calle Mayor, y todo el mundo dice a su vecino que llueven luises de oro, dando a entender con esto que saben lo que un rayo de sol o lo que una lluvia oportuna les vale. Los sábados por la tarde, durante el buen tiempo, os sería imposible adquirir cinco céntimos de mercancía en las tiendas de estos honrados industriales, pues todos tienen su viña o su quinta y se van a pasar dos días al campo. En este pueblo, como lo tienen todo previsto, es decir, compra, venta y ganancias, los comerciantes pueden emplear de las doce horas del día, diez en alegres giras, en observaciones, comentarios y continuos espionajes. Allí, una mujer no compra una perdiz sin que los vecinos pregunten al marido al día siguiente si estaba bien aderezada. Una joven no asoma la cabeza a su ventana sin que sea vista por todos los grupos de ociosos. De modo que en aquel paraje las conciencias están a la luz del día, del mismo modo que carecen de misterios aquellas casas impenetrables, negras y silenciosas. La vida se hace casi al aire libre: cada familia se sienta a su puerta y almuerza, come y disputa allí. No pasa nadie por la calle que no sea estudiado. Así es que antaño, cuando un extranjero llegaba a un pueblo de provincias, era objeto de burlas continuas de puerta en puerta, y de ahí provienen los buenos cuentos y el sobrenombre de burlones que se da a los habitantes de Angers, que se distinguen por su mucha gracia. Los palacios antiguos de la antigua villa están situados en la parte más elevada de aquella calle, habitada antaño por los hidalgos del país. La casa llena de melancolía donde se desarrollaron los acontecimientos de esta historia, era precisamente uno de estos edificios, resto venerable de un siglo en que las cosas y los hombres tenían ese carácter sencillo que las costumbres francesas van perdiendo a pasos agigantados.
Después de seguir las sinuosidades de este camino pintoresco, cuyos menores accidentes despiertan recuerdos y cuyo efecto general tiende a sumir a uno en maquinal meditación, se ve un sombrío hueco en cuyo centro se esconde la puerta de la casa del señor Grandet. Es imposible comprender todo el interés que despierta este nombre en Saumur sin hacer la biografía del señor Grandet.
Traducción de JOAQUÍN GARCÍA BRAVO
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