viernes, 16 de abril de 2010
Paul Claudel y Miguel Ángel Flores
LES MUSES
Les Neuf Muses, et au milieu, Terpsichore !
Je te reconnais, Ménade ! Je te reconnais, Sibylle ! Je n'attends avec ta main point de coupe ou ton sein même
Convulsivement dans tes ongles, Cuméenne dans le tourbillon des feuilles dorées !
Mais cette grosse flûte toute entrouée de bouches à tes doigts indique assez
Que tu n'as plus besoin de la joindre au souffle qui t'emplit
Et qui vient de te mettre, ô vierge, debout !
Point de contorsions : rien du cou ne dérange les beaux plis de ta robe jusqu'aux pieds qu'elle ne laisse point voir !
Mais je sais assez ce que veulent dire cette tête qui se tourne vers le côté, cette mine enivrée et close, et ce visage qui écoute, tout fulgurant de la jubilation orchestrale !
Un seul bras est ce que tu n'as point pu contenir ! Il se relève, il se crispe,
Tout impatient de la fureur de frapper la première mesure !
Secrète voyelle ! animation de la parole qui naît ! modulation à qui tout l'esprit consonne !
Terpsichore, trouveuse de la danse ! où serait le chœur sans la danse ? quelle autre captiverait
Les huit sœurs farouches ensemble, pour vendanger l'hymne jaillissante, inventant la figure inextricable ?
Chez qui, si d'abord te plantant dans le centre de son esprit, vierge vibrante,
Tu ne perdais sa raison grossière et basse flambant tout de l'aile de ta colère dans le sel du feu qui claque,
Consentiraient d'entrer les chastes sœurs ?
Les Neuf Muses ! aucune n'est de trop pour moi !
Je vois sur ce marbre l'entière neuvaine. À ta droite, Polymnie ! et à la gauche de l'autel où tu t'accoudes !
Les hautes vierges égales, la rangée des sœurs éloquentes
Je veux dire sur quel pas je les ai vues s'arrêter et comment elles s'enguirlandaient l'une à l'autre
Autrement que par cela que chaque main
Va cueillir aux doigts qui lui sont tendus.
Et d’abord, je t’ai reconnue, Thalie !
Du même côté j’ai reconnu Clio, j’ai reconnu Mnémosyne, je t’ai reconnue, Thalie !
Je vous ai reconnu, ô conseil complet des neuf Nymphes intérieures !
Phrase mère ! engin profond du langage et peloton des femmes vivantes !
Présence créatrice ! Rien ne naîtrait si vous n’étiez neuf !
Voici soudain, quand le poëte nouveau comblé de l'explosion intelligible,
La clameur noire de toute la vie nouée par le nombril dans la commotion de la base,
S’ouvre, l’accès
Faisant sauter la clôture, le souffle de lui-même
Violentant les mâchoires coupantes,
Le frémissant Novénaire avec un cri !
Maintenant il ne peut plus se taire ! L’interrogation sortie de lui-même, comme du chanvre
Aux femmes de journée, il l’a confiée pour toujours
Au savant chœur de l’inextinguible Écho !
Jamais toutes ne dorment ensemble ! mais avant que la grande Polymnie se redresse,
Ou bien c'est, ouvrant à deux mains le compas, Uranie à la ressemblance de Vénus,
Quand elle enseigne, lui bandant son arc, l’Amour ;
Ou la rieuse Thalie du pouce de son pied marque doucement la mesure ; ou dans le silence du silence
Mnémosyne soupire.
L’aînée, celle qui ne parle pas ! l’aînée, ayant le même âge ! Mnémosyne qui ne parle jamais !
Elle écoute, elle considère.
Elle ressent (étant le sens intérieur de l’esprit),
Pure, simple, inviolable ! elle se souvient.
Elle est le poids spirituel. Elle est le rapport exprimé par un chiffre très beau. Elle est posée d’une manière qui est ineffable
Sur le pouls même de l’Être.
Elle est l’heure intérieure ; le trésor jaillissant et la source emmagasinée ;
La jointure à ce qui n’est point temps du temps exprimé par le langage.
Elle ne parlera pas ; elle est occupée à ne point parler. Elle coïncide.
Elle possède, elle se souvient, et toutes ses sœurs sont attentives au mouvement de ses paupières.
Pour toi, Mnémosyne, ces premiers vers, et la déflagration de l’Ode soudaine !
PAUL CLAUDEL
LAS MUSAS
¡Las nueve Musas, y, en el centro, Terpsícore!
¡Te reconozco, Ménade!¡Sibila, te reconozco! No espero de tu mano copa alguna, ni tampoco tu seno.
¡Convulso entre tus uñas, Cumea en el torbellino de las hojas doradas!
Mas esta gruesa flauta cribada de bocas en tus dedos es indicio suficiente
De que no precisas unirla al aliento que te colma
¡Y que acaba de ponerte, oh virgen, de pie!
¡Ningún ademán brusco: nada desde el cuello desarregla los hermosos pliegues de tu vestido que ni siquiera los pies deja ver!
¡Pero sé bien lo que quieren decir esta cabeza que se vuelve de lado, esta figura embriagada y perfecta, y este rostro que escucha, fulgurante de júbilo orquestal!
¡Sólo un brazo es lo que contener no pudiste! ¡Se eleva, se crispa,
Todo impaciente de furor para emprender el primer compás!
¡Vocal secreta! ¡Animación de la palabra que nace! ¡Modulación consonante de todo el espíritu!
¡Terpsícore, descubridora de la danza! ¿Qué sería del coro sin la danza? ¿Cuál otra cautivaría, unidas
A las ocho feroces hermanas, para cosechar el himno naciente, que inventa la figura inextricable?
¿Con quién, si antes no te plantaras en el centro de su espíritu, virgen vibrante,
Y no extraviaras su baja y grosera razón incendiándolo todo con el ala de tu cólera en la sal de fuego que crepita,
Consentirían entrar las castas hermanas?
¡Las nueve Musas! ¡Ninguna es suficiente para mí!
Sobre este mármol las veo todas. A tu derecha, ¡Polimnia! ¡A la izquierda del altar en que te acodas!
Las altas vírgenes iguales, el orden de las hermanas elocuentes
Quiero decir en qué paso las he visto detenerse y cómo se enguirlandaban la una con la otra
Sin más que cada mano
Acogiera los dedos que le son tendidos.
¡Y en primer lugar, te he reconocido, Talía!
¡Del mismo lado he reconocido a Clío, he reconocido a Mnemósine, te he reconocido, Talía!
¡Os he reconocido, oh consejo completo de las nueve Ninfas interiores!
¡Frase madre! ¡Inteligencia profunda del lenguaje y ronda de mujeres vivientes!
¡Presencia creadora! ¡Nada nacería si ni fueseis nueve!
¡He aquí que de súbito, cuando el poeta nuevo, colmado de la explosión inteligible,
Con el clamor negro de toda la vida anudada por el ombligo en la conmoción de la base,
Se abre el acceso
Que hace saltar la clausura, el hálito de sí mismo
Violentando las mandíbulas cortantes,
El estremecedor conjunto de las nueve con un grito!
¡Ahora no puede ya callarse! ¡La interrogación salida de sí mismo, como del cáñamo
A las mujeres jornaleras, la ha confiado para siempre
Al sabio coro del inextinguible Eco!
¡Nunca durmen juntas! Pero antes de que la gran Polimnia se incorpore,
Es ya, Urania, la que abriendo a dos manos el compás, a semejanza de Venus,
Cuando enseña, tensándole su arco, al Amor;
O la risueña Talía, la que con el pulgar de su pie marca suavemente el compás; o en el silencio del silencio
Mnemósine suspira.
¡La mayor, la que no habla! ¡La mayor de la misma edad! ¡Mnemósine, que jamás habla!
Ella escucha, considera.
Ella siente (a través del sentido interior del espíritu)
¡pura, sencilla, inviolable! Ella recuerda.
Ella es el peso espiritual. Es la relación expresada por una cifra muy bella. Puesta está de manera inefable
Sobre el pulso mismo del Ser.
Ella es la hora interior; el tesoro que brota y la fuente que almacena;
La unión con lo que no es tiempo del tiempo expresado por el lenguaje.
Ella no hablará; está ocupada en no hablar. Coincide
Posee, recuerda, y sus hermanas están todas atentas al movimiento de sus párpados.
¡Para ti, Mnemósine, estos primeros versos, y la deflagración de la Oda súbita!
Traducción de MIGUEL ÁNGEL FLORES
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