sábado, 16 de enero de 2010

Antonin Artaud: Fragmentos de un diario infernal




FRAGMENTS D'UN JOURNAL D'ENFER


Ni mon cri ni ma fièvre ne sont de moi. Cette désintégration de mes forces secondes, de ces éléments dissimulés de la pensée et de l'âme, concevez-vous seulement leur constance.


Ce quelque chose qui est à mi-chemin entre la couleur de mon atmosphère typique et la pointe de ma réalité.


Je n'ai pas tellement besoin d'aliment que d'une sorte d'élémentaire conscience.
Ce noeud de la vie où l'émission de la pensée s'accroche.
Un noeud d'asphyxie centrale.


Simplement me poser sur une vérité claire, c'est-à-dire qui reste sur un seul tranchant.


Ce problème de l'émaciation de mon moi ne se présente plus sous son angle uniquement douloureux. Je sens que des facteurs nouveaux interviennent dans la dénaturation de ma vie et que j'ai comme une conscience nouvelle de mon intime déperdition.


Je vois dans le fait de jeter le dé et de me lancer dans l'affirmation d'une vérité pressentie, si aléatoire soit-elle, toute la raison de ma vie.
Je demeure, durant des heures sur l'impression d'une idée, d'un son. Mon émotion ne se développe pas dans le temps, ne se succède pas dans le temps. Les reflux de mon âme sont en accord parfait avec l'idéalité absolue de mon esprit.


Me mettre en face de la métaphysique que je me suis faite en fonction de ce néant que je porte.


Cette douleur plantée en moi comme un coin, au centre de ma réalité la plus pure, à cet emplacement de la sensibilité où les deux mondes du corps et de l'esprit se rejoignent, je me suis appris à m'en distraire par l'effet d'une fausse suggestion.
L'espace de cette minute que dure l'illumination d'un mensonge, je me fabrique une pensée d'évasion, je me jette sur une fausse piste indiquée par mon sang. Je ferme les yeux de mon intelligence, et laissant parler en moi l'informulé, je me donne l'illusion d'un système dont les termes m'échapperaient. Mais de cette minute d'erreur il me reste le sentiment d'avoir ravi à l'inconnu quelque chose de réel. Je crois à des conjurations spontanées. Sur les routes où mon sang m'entraîne il ne se peut pas qu'un jour je ne découvre une vérité.


La paralysie me gagne et m'empêche de plus en plus de me retourner sur moi-même. Je n'ai plus de point d'appui, plus de base... je me cherche je ne sais où. Ma pensée ne peut plus aller où mon émotion et les images qui se lèvent en moi la poussent. Je me sens châtré jusque dans mes moindres impulsions. Je finis par voir le jour à travers moi-même, à force de renonciations dans tous les sens de mon intelligence et de ma sensibilité. Il faut que l'on comprenne que c'est bien l'homme vivant qui est touché en moi et que cette paralysie qui m'étouffe est au centre de ma personnalité usuelle et non de mes sens d'homme prédestiné. Je suis définitivement à côté de la vie. Mon supplice est aussi subtil, aussi raffiné qu'il est âpre. Il me faut des efforts d'imagination insensés, décuplés par l'étreinte de cette étouffante asphyxie pour arriver à penser mon mal. Et si je m'obstine ainsi dans cette poursuite, dans ce besoin de fixer une fois pour toutes l'état de mon étouffement...


Tu as bien tort de faire allusion à cette paralysie qui me menace. Elle me menace en effet et elle gagne de jour en jour. Elle existe déjà et comme une horrible réalité. Certes je fais encore (mais pour combien de temps?) ce que je veux de mes membres, mais voilà longtemps que je ne commande plus à mon esprit, et que mon inconscient tout entier me commande avec des impulsions qui viennent du fon de mes rages nerveuses et du tourbillonnement de mon sang. Images pressées et rapides, et qui ne prononcent à mon esprit que des mots de colère et de haine aveugle, mais qui passent comme des coups de couteau ou des éclairs dans un ciel engorgé.


Je suis stigmatisé par une mort pressante où la mort véritable est pour moi sans terreur.


Ces formes terrifiantes qui s'avancent, je sens que le désespoir qu'elles m'apportent est vivant. Il se glisse à ce noeud de la vie après lequel les routes de l'éternité s'ouvrent. C'est vraiment la séparation à jamais. Elles glissent leur couteau à ce centre où je me sens homme, elles coupent les attaches vitales qui me rejoignent au songe de ma lucide réalité.


Formes d'un désespoir capital (vraiment vital),
carrefour des séparations,
carrefour de la sensation de ma chair,
abandonné par mon corps,
abandonné de tout sentiment possible dans l'homme.
Je ne puis le comparer qu'à cet état dans lequel on se trouve au sein d'un délire dû à la fièvre, au cours d'une profonde maladie.




Le temps peut passer et les convulsions sociales du monde ravager les pensées des hommes, je suis sauf de toute pensée qui trempe dans les phénomènes. Qu'on me laisse à mes nuages éteints, à mon immortelle impuissance, à mes déraisonnables espoirs.. Mais qu'on sache bien que je n'abdique aucune de mes erreurs. Si j'ai mal jugé, c'est la faute à ma chair, mais ces lumières que mon esprit laisse filtrer d'heure en heure, c'est ma chair dont le sang se recouvre d'éclairs.


Il me parle de Narcissisme, je lui rétorque qu'il s'agit de ma vie. J'ai le culte non pas du moi mais de la chair, dans le sens sensible du mot chair. Toutes les choses ne me touchent qu'en tant qu'elles affectent ma chair, qu'elles coïncident avec elle, et à ce point même où elles l'ébranlent, pas au delà. Rien ne me touche, ne m'intéresse que ce qui s'dresse directement à ma chair. Et à ce moment il me parle du Soi. Je lui rétorque que le Moi et le Soi sont deux termes distincts à ne pas confondre, et sont très exactement les deux termes qui se balancent de l'équilibre de la chair.


Je sens sous ma pensée le terrain qui s'effrite, et j'en suis amené à envisager les termes que j'emploie sans l'appui de leur sens intime, de leur substratum personnel. Et même mieux que cela, le point par où ce substratum semble se relier à ma vie me devient tout à coup étrangement sensible, et virtuel. J'ai l'idée d'un espace imprévu et fixé, là où en temps normal tout est mouvements, communications, interférences, trajet.
Mais cet effritement qui atteint ma pensée dans ses bases, dans ses communications les plus urgentes avec l'intelligence et avec l'instinctivité de l'esprit, ne se passe pas dans le domaine d'un abstrait insensible où seules les parties hautes de l'intelligence participeraient. Plus que l'esprit qui demeure intact, hérissé de pointes, c'est le trajet nerveux de la pensée que cet effritement atteint et détourne. C'est dans les membres et le sang que cette absence et ce stationnement se font particulièrement sentir.


Un grand froid,
une atroce abstinence,
les limbes d'un cauchemar d'os et de muscles, avec le sentiment de fonctions stomacales qui claquent comme un drapeau dans les phosphorescences de l'orage.
Images larvaires qui se poussent comme avec le doigt et ne sont en relation avec aucune matière.


Je suis homme par mes mains et par mes pieds, mon ventre, mon coeur de viande, mon estomac dont les noeuds me rejoignent à la putréfaction de la vie.


On me parle de mots, mais il ne s'agit pas de mots, il s'agit de la durée de l'esprit.
Cette écorce de mots qui tombe, il ne faut pas s'imaginer que l'âme n'y soit pas impliquée. A côté de l'esprit il y a la vie, il y a l'être humain dont le cercle duquel cet esprit tourne, relié avec lui par une multitude de fils...


Non, tous les arrachements corporels, toutes les diminutions de l'activité physique et cette gêne qu'il y a à se sentir dépendant dans son corps, et ce corps même chargé de marbre et couché sur un mauvais bois, n'égalent pas la peine qu'il y a à être privé de la science physique et du sens de son équilibre intérieur. Que l'âme fasse défaut à la langue ou la langue à l'esprit, et que cette rupture trace dans les plaines des sens comme un vaste sillon de désespoir et de sang, voilà la grande peine qui mine non l'écorce ou la charpente, mais l'ETOFFE des corps. Il y a à perdre cette étincelle errante et dont on sent qu'ELLE ETAIT un abîme qui gagne avec soi toute l'étendue du monde possible, et le sentiment d'une inutilité telle qu'elle est comme le noeud de la mort. Cette inutilité est comme la couleur morale de cet abîme et de cette intense stupéfaction, et la couleur physique en est le goût d'un sang jaillissant par cascades à travers les ouvertures du cerveau.


On a beau me dire que c'est en moi ce coupe-gorge, je participe à la vie, je représente la fatalité qui m'élit et il ne se peut pas que toute la vie du monde me compte à un moment donné avec elle puisque par sa nature même elle menace le principe de la vie.
Il y a quelque chose qui est au-dessus de toute activité humaine: c'est l'exemple de ce monotone crucifiement, de ce crucifiement où l'âme n'en finit plus de se perdre.


La corde que je laisse percer de l'intelligence qui m'occupe et de l'inconscient qui m'alimente, découvre des fils de plus en plus subtils au sein de son tissu arborescent. Et c'est une vie nouvelle qui renaît, de plus en plus profonde, éloquente, enracinée.


Jamais aucune précision ne pourra être donnée par cette âme qui s'étrangle, car le tourment qui la tue, la décharne fibre à fibre, se passe au-dessous de la pensée, au-dessous d'où peut atteindre la langue, puisque c'est la liaison même de ce qui la fait et la tient spirituellement agglomérée, qui se rompt au fur et à mesure que la vie l'appelle à la constance de la clarté. Pas de clarté jamais sur cette passion, sur cette sorte de martyre cyclique et fondamental. Et cependant elle vit mais d'une durée à éclipses où le fuyant se mêle perpétuellement à l'immobile, et le confus à cette langue perçante d'une clarté sans durée. Cette malédiction est d'un haut enseignement pour les profondeurs qu'elle occupe, mais le monde n'en entendra pas la leçon.


L'émotion qu'entraîne l'éclosion d'une forme, l'adaptation de mes humeurs à la virtualité d'un discours sans durée m'est un état autrement précieux que l'assouvissement de mon activité.
C'est la pierre de touche de certains mensonges spirituels.


Cette sorte de pas en arrière qui fait l'esprit en deçà de la conscience qui le fixe, pour aller chercher l'émotion de la vie. Cette émotion sise hors du point particulier où l'esprit la recherche, et qui émerge avec sa densité riches de formes et d'une fraîche coulée, cette émotion qui rend à l'esprit le son bouleversant de la matière, toute l'âme s'y coule et passe dans son feu ardent. Mais plus que le feu, ce qui ravit l'âme c'est la limpidité, la facilité, le naturel et la glaciale candeur de cette matière trop fraîche et qui soufle le chaud et le froid.
Celui-là sait ce que l'apparition de cette matière signifie et de quel souterrain massacre son éclosion est le prix. Cette matière est l'étalon d'un néant qui s'ignore.


Quand je me pense, ma pensée se cherche dans l'éther d'un nouvel espace. Je suis dans la lune comme d'autres sont à leur balcon. Je participe à la gravitation planétaire dans les failles de mon esprit.


La vie va se faire, les événements se dérouler, les conflits spirituels se résoudre, et je n'y participerai pas. Je n'ai rien à attendre ni du côté physique ni du côté moral. Pour moi c'est la douleur perpétuelle et l'ombre, la nuit de l'âme, et je n'ai pas une voix pour crier.
Dilapidez vos richesses loin de ce corps insensible à qui aucune saison ni spirituelle, ni sensuelle ne fait rien.


J'ai choisi le domaine de la douleur et de l'ombre comme d'autres celui du rayonnement et de l'entassement de la matière.
Je ne travaille pas dans l'étendue d'un domaine quelconque.
Je travaille dans l'unique durée.



FRAGMENTOS DE UN DIARIO INFERNAL


Ni mi grito ni mi fievre me pertenecen. Esta desintegración de mis fuerzas secundarias, de esos elementos disimulados del pensamiento y del alma, ¿pueden ustedes concebir, acaso, su constancia?


Ese algo que está a medio camino entre el color de mi atmósfera típica y el despertar de mi realidad.


No tengo tanta necesidad de alimento como de una especie de elemental conciencia.
Ese nudo de la vida al que la emisión del pensamiento se aferra.
Un nudo de asfixia central.


Instalarme simplemente en una verdad clara, es decir que se mantenga sobre uno solo de sus filos.


Ese problema del enflaquecimiento de mi yo no se presenta ya bajo su aspecto únicamente doloroso. Siento que factores nuevos intervienen en la desnaturalización de mi vida y que poseo algo así como una nueva conciencia de mi íntimo debilitamiento.


Veo en el hecho de lanzar los dados y de lanzarme en la afirmación de una verdad presentida, por muy aleatoria que sea, toda la razón de mi vida.
Permanezco durante horas bajo el efecto de una idea, de un sonido. Mi emoción no se desarrolla en el tiempo, no transcurre en el tiempo. Los reflujos de mi alma están en perfecto acuerdo con la idealidad absoluta del espíritu.


Ponerme frente a la metafísica que me he construido en función de la nada que llevo en mí.


De este dolor hincado en mí como una astilla, en el centro de mi más pura realidad, en ese lugar de la sensibilidad donde los dos mundos del cuerpo y del espíritu se unen, he aprendido a distraerme gracias a una falsa sugestión.


En el espacio de este minuto que dura la iluminación de una mentira, me fabrico un pensamiento de evasión, me precipito sobre una pista falsa que mi sangre indica. Cierro los ojos de mi inteligencia y, dejando que hable en mí lo informulado, me brindo la ilusión de un sistema cuyos términos me sería imposible asir. Pero de ese minuto de error me queda el sentimiento de haber hurtado algo real a lo desconocido. Creo en conjuraciones espontáneas. En las rutas hacia las que mi sangre me arrastra no es posible que algún día no descubra una verdad.


La parálisis se apodera de mí y me impide cada vez más volverme hacia mí mismo. Ya no tengo un punto en que apoyarme, una base..., no sé dónde me busco. Mi pensamiento ya no puede ir adonde mis emociones y las imágenes que surgen en mí lo empujan. Me siento castrado hasta en mis más pequeños impulsos. Acabo por ver el día a través mío, a fuerza de renunciamientos en todos los sentidos de mi inteligencia y de mi sensiblidad. Es necesario que se comprenda que es el hombre viviente el que está afectado en mí, y que esta parálisis que me asfixia se encuentra en el centro de mi personalidad corriente y no de mis sentidos de hombre predestinado. Estoy definitivamente al costado de la vida. Mi suplicio es tan sutil, tan refinado como recio. Me son necesarios esfuerzos insensatos de imaginación, multiplicados por el abrazo de esta asfixia sofocante para llegar a pensar mi mal. Y si me obstino así en esta búsqueda, en esta necesidad de fijar una vez por todas el estado de mi sofocación...


Te equivocas al hacer alusión a esta parálisis que me amenaza. Me amenaza, en efecto, y aumenta cada día que pasa. Existe ya y como una horrible realidad. Es cierto que hago aún (pero, ¿por cuánto tiempo?) lo que quiero con mis miembros, pero hace mucho tiempo que ya no gobierno mi espíritu, y que mi inconsciente todo entero me gobierna con impulsos que vienen del fondo de mis agudos dolores nerviosos y del torbellino de mi sangre. Imágenes apresuradas y rápidas y que no le pronuncian a mi espíritu sino palabras de cólera y de odio ciego, pero que pasan como cuchilladas o relámpagos en un cielo cargado.


Estoy estigmatizado por una muerte urgente en la que la muerte verdadera carece para mí de terror.


Siento que la desesperación de esas formas aterradoras que se adelantan está viva. Se desliza en ese nudo de la vida a partir del cual las rutas de la eternidad se abren. Es realmente la separación para siempre. Esas formas deslizan su cuchillo en ese centro donde me siento hombre, cortan las ataduras vitales que me unen al sueño de mi lúcida realidad.


Formas de una desesperación capital (realmente vital),
encrucijada de las separaciones,
encrucijada de la sensación de mi carne,
abandonado por mi cuerpo,
abandonado por cualquier sentimiento posible en el hombre.
No puedo compararlo sino a ese estado en cual nos hallamos en medio de un delirio provocado por la fiebre, en el curso de una profunda enfermedad.


Es esta antinomia entre mi facilidad profunda y mi exterior dificultad que crea el tormento que me hace morir.


El tiempo puede pasar y las convulsiones sociales del mundo devastar los pensamientos de los hombres, yo estoy a salvo de todo pensamiento ligado a los acontecimientos. Que me abandonen con mis nubes apagadas, con mi inmortal impotencia, con mis absurdas esperanzas. Pero que sepan que no abdico de ninguno de mis errores. Si he juzgado mal es culpa de mi carne, pero esas luces que mi espíritu deja filtrar de tanto en tanto son mi carne cuya sangre se recubre de relámpagos.


Él me habla de narcisismo, yo le contesto que se trata de mi vida. Tengo el culto no del yo sino de la carne, en el sentido sensible de la palabra carne. Ninguna cosa me toca sino en la medida en que afecta a mi carne, que coincide con ella, y sólo en ese punto exacto en que la conmueve, no más allá. Nada me toca, nada me interesa sino aquello que se dirige directamente a mi carne. Y en ese momento me habla del Sí-mismo. Le contesto que el Yo y el Sí-mismo son dos términos distintos y que no deben ser confundidos, y que son precisamente los dos términos que se balancean en el equilibrio de la carne.


Siento bajo mi pensamiento la tierra hundirse, y me veo conducido a encarar los términos que empleo sin el apoyo de su sentido íntimo, de su substrato personal. E incluso mejor que eso, el punto en donde ese substrato parece unirse con mi vida se vuelve de repente extrañamente sensible y virtual. Concibo la idea de un espacio imprevisto y fijado, allí donde en tiempo normal todo es movimiento, comunicación, interferencia, trayecto.
Pero esta desintegración que ataca mi pensamiento en sus bases, en sus comunicaciones más urgentes con la inteligencia y con la instintividad del espíritu, no ocurre en el terreno de un abstracto insensible en el que participarían solamente las partes elevadas de la inteligencia. Más que el espíritu que permanece intacto, herizado de puntas, es el trayecto nervioso del pensamiento lo que esta desintegración ataca y desvía de su camino. Es en los miembros y en la sangre que esta ausencia y este estacionamiento se hacen especialmente sentir.


Un gran frío,
una atroz abstinencia,
los limbos de una pesadilla de huesos y de músculos, con el sentimiento de las funciones estomacales que suenan como una bandera en las fosforescencias de la tormenta.
Imágenes larvarias que se empujan como con el dedo y que no están en relación con ninguna materia.


Soy hombre gracias a mis manos y a mis pies, a mi vientre, a mi corazón de animal, a mi estómago cuyos nudos me unen a la putrefacción de la vida.


Me hablan de palabras, pero no se trata de palabras, se trata de la duración del espíritu.


No hay que imaginarse que el alma no esté implicada en esta corteza de palabras que caen. Junto al epíritu está la vida, está el ser humano en el círculo del cual este espíritu da vueltas, unido con él por una multitud de hilos...


No, todos los desgarramientos corporales, todas las disminuciones de la actividad física y esta molestia de sentirse dependiente en su cuerpo, y este mismo cuerpo cargado de mármol y acostado en una mala madera, no igualan la pena que hay en el hecho de estar privado de la ciencia física y del sentido de su equilibrio interior.Que el alma falte a la lengua o la lengua al espíritu, y que esta ruptura trace en las llanuras de los sentidos una especie de vasto surco de desesperación y de sangre, ésta es la gran pena que mina no la corteza o las vigas de maderas sino la TELA de los cuerpos. Se puede perder esta chispa errante de la cual sentimos que ERA un abismo que se apodera de toda la extensión del mundo posible, y el sentimiento de una inutilidad tal que es como el nudo de la muerte. Esta inutilidad es como el color moral de ese abismo y de esa intensa estupefacción, y su color físico es el gusto de una sangre que brota en cascadas a través de las aberturas del cerebro.


Por más que me digan que ese lugar peligroso está en mí mismo, yo participo de la vida, yo represento la fatalidad que me elige y no es posible que toda la vida del mundo me cuente, en un momento dado, junto con ella ya que, por su naturaleza misma, amenaza el principio de la vida.
Existe algo que está por encima de toda actividad humana: es el ejemplo de esa monótona crucifixión en la que el alma no acaba nunca de perderse.


La cuerda que dejo entrever de la inteligencia que me ocupa y del inconsciente que me alimenta deja ver, en medio de su tejido de formas que se ramifican, hilos cada vez más sutiles. Y es una nueva vida que renace, cada vez más profunda, elocuente, enraizada.


Jamás podrá esta alma que se ahorca dar alguna precisión, ya que el tormento que la mata y la descarna, fibra tras fibra, ocurre por debajo del pensamiento, por debajo de ese lugar al que puede llegar la lengua, puesto que es la ligadura misma de lo que la hace y la mantiene espiritualmente aglomerada, lo que se rompe a medida que la vida la llama a la constancia de la claridad. Nunca habrá claridad respecto a esta pasión, a esta especie de martirio cíclico y fundamental. Y sin embargo vive, pero con una duración con eclipses en la que lo huidizo se mezcla perpetuamente a lo inmóvil, y lo confuso a esa lengua aguda de una claridad sin duración. Esta maldición posee una alta enseñanza para las profundidades que ella ocupa, pero el mundo no oirá la lección.


La emoción que conlleva la eclosión de una forma, la adaptación de mis humores a la virtualidad de un discurso sin duración es para mí un estado mucho más precioso que la satisfacción de mi actividad.
Es la piedra de toque de ciertas mentiras espirituales.


Esa especie de paso atrás que da el espíritu más acá de la conciencia que lo fija, para ir en busca de la emoción de la vida. Esa emoción que reside fuera del punto particular en que el espíritu la busca, y que emerge, recién moldeada, con su densidad rica de formas; esa emoción que le da al espíritu el sonido conmovedor de la materia; toda el alma se desliza en su molde y pasa en su fuego ardiente. Pero aún más que el fuego, lo que transporta al alma es la limpidez, la facilidad, lo natural y la glacial candidez de esa materia demasiado fresca cuyo soplo contradictorio es ya caliente ya frío.
Aquel sabe lo que la aparición de esa materia significa y de que subterránea masacre su eclosión es el precio. Esa materia es la medida de una nada que se ignora.


Cuando me pienso mi pensamiento se busca en el éter de un nuevo espacio. Estoy en la luna como otros están en su balcón. Participo de la gravitación planetaria con las grietas de mi espíritu.


La vida va a hacerse, los acontecimientos van a desarrollarse, los conflictos espirituales van a resolverse, y yo no participaré en nada de eso. Nada tengo para esperar, ni del lado físico ni del lado moral. Para mí es el dolor perpetuo y la sombra, la noche del alma, y ni siquiera tengo una voz para gritar.


Dilapiden sus riquezas lejos de este cuerpo insensible al que ya ninguna estación, ni espiritual ni sensual, le hace nada.


Yo he elegido el terreno del dolor y la sombra como otros eligen el del resplandor y el de la acumulación de la materia.
Yo no trabajo en la extensión de ningún terreno.
Sólo trabajo en la duración.


Traducción de Miguel Ángel Frontán.

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