martes, 16 de abril de 2024

Paul Éluard y Octavio Paz: Tres poemas

LE MIROIR D’UN MOMENT

 

II dissipe le jour,

Il montre aux hommes les images déliées de l’apparence,

Il enlève aux hommes la possibilité de se distraire.

Il est dur comme la pierre,

La pierre informe,

La pierre du mouvement et de la vue,

Et son éclat est tel que toutes les armures, tous les masques en sont faussés.

Ce que la main a pris dédaigne même de prendre la forme de la main,

Ce qui a été compris n’existe plus,

L’oiseau s’est confondu avec le vent,

Le ciel avec sa vérité,

L’homme avec sa réalité.

 

BELLE ET RESSEMBLANTE

 

Un visage à la fin du jour

Un berceau dans les feuilles mortes du jour

Un bouquet de pluie nue

Tout soleil caché

Toute source des sources au fond de l’eau

Tout miroir des miroirs brisé

Un visage dans les balances du silence

Un caillou parmi d’autres cailloux

Pour les frondes des dernières lueurs du jour

Un visage semblable à tous les visages oubliés.

 

 

DE TOUT CE QUE J ’AI DIT DE MOI QUE RESTE-T-IL...

 

De tout ce que j ’ai dit de moi que reste-t-il

J’ai conservé de faux trésors dans des armoires vides

Un navire inutile joint mon enfance à mon ennui

Mes jeux à la fatigue

Un départ à mes chimères

La tempête à l’arceau des nuits où je suis seul

Une île sans animaux aux animaux que j’aime

Une femme abandonnée à la femme toujours nouvelle

En veine de beauté

La seule femme réelle

Ici ailleurs

Donnant des rêves aux absents

Sa main tendue vers moi

Se reflète dans la mienne

Je dis bonjour en souriant

On ne pense pas à l’ignorance

Et l’ignorance règne

Oui j’ai tout espéré

Et j’ai désespéré de tout

De la vie de l’amour de l’oubli du sommeil

Des forces des faiblesses

On ne me connaît plus

Mon nom mon ombre sont des loups.

PAUL ÉLUARD

 

EL ESPEJO DE UN INSTANTE

 

Disipa el día,

Muestra a los hombres las imágenes libres de la apariencia,

Retira a los hombres la posibilidad de distraerse,

Duro como la piedra,

La piedra informe,

La piedra del movimiento y de la vista,

Su resplandor hiende las armaduras y las máscaras,

Lo que tomó la mano desdeña tomar la forma de la mano,

Lo que se comprendió ya no existe,

Se confundió el pájaro con el viento,

EI cielo con su verdad,

EI hombre con su realidad.

 

 

BELLA Y PARECIDA

 

Un rostro a la caída del día

Una glorieta entre las hojas muertas del día

Un ramo de lluvia desnuda

Todo sol escondido

Todo fuente de fuentes en el fondo del agua

Todo roto espejo de espejos

Un rostro en las balanzas del silencio

Un guijarro entre los otros guijarros

Por las frondas de los últimos reflejos del día

Un rostro semejante a todos los rostros olvidados

 

 

DE TODO LO QUE HE DICHO DE MÍ ¿QUÉ QUEDA?

 

De todo lo que he dicho de mí ¿qué queda?

Guardé falsos tesoros en armarios vacíos

Un inútil navío une mi infancia a mi fastidio

Mis juegos a la fatiga

Una escapada a mis quimeras

La tempestad al arca de noches donde estoy solo

Una isla sin animales a los animales que amo

Una mujer abandonada a la mujer siempre nueva

En vena de belleza

Unica mujer real

Aquí allá

Dando sueños a los ausentes

Su mano tendida hacia mí

Se refleja en la mía

Digo buenos días sonriendo

No se piensa en la ignorancia

Y la ignorancia reina

Sí yo lo esperé todo

Y desesperé de todo

De la vida el amor el olvido el sueño

De la fuerza la debilidad

Ya nadie me conoce

Mi nombre mi sombra son lobos

Traducción de OCTAVIO PAZ

Versiones y Diversiones, 1973