LE
MIROIR D’UN MOMENT
II dissipe le jour,
Il montre aux hommes les images déliées de l’apparence,
Il enlève aux hommes la possibilité de se distraire.
Il est dur comme la pierre,
La pierre informe,
La pierre du mouvement et de la vue,
Et son éclat est tel que toutes les armures, tous les masques en sont
faussés.
Ce que la main a pris dédaigne même de prendre la forme de la main,
Ce qui a été compris n’existe plus,
L’oiseau s’est confondu avec le vent,
Le ciel avec sa vérité,
L’homme avec sa réalité.
BELLE
ET RESSEMBLANTE
Un visage à la fin du jour
Un berceau dans les feuilles mortes du jour
Un bouquet de pluie nue
Tout soleil caché
Toute source des sources au fond de l’eau
Tout miroir des miroirs brisé
Un visage dans les balances du silence
Un caillou parmi d’autres cailloux
Pour les frondes des dernières lueurs du jour
Un visage semblable à tous les visages oubliés.
DE
TOUT CE QUE J ’AI DIT DE MOI QUE RESTE-T-IL...
De tout ce que j ’ai dit de moi que reste-t-il
J’ai conservé de faux trésors dans des armoires vides
Un navire inutile joint mon enfance à mon ennui
Mes jeux à la fatigue
Un départ à mes chimères
La tempête à l’arceau des nuits où je suis seul
Une île sans animaux aux animaux que j’aime
Une femme abandonnée à la femme toujours nouvelle
En veine de beauté
La seule femme réelle
Ici ailleurs
Donnant des rêves aux absents
Sa main tendue vers moi
Se reflète dans la mienne
Je dis bonjour en souriant
On ne pense pas à l’ignorance
Et l’ignorance règne
Oui j’ai tout espéré
Et j’ai désespéré de tout
De la vie de l’amour de l’oubli du sommeil
Des forces des faiblesses
On ne me connaît plus
Mon nom mon ombre sont des loups.
EL
ESPEJO DE UN INSTANTE
Disipa el día,
Muestra a los hombres las imágenes libres de la apariencia,
Retira a los hombres la posibilidad de distraerse,
Duro como la piedra,
La piedra informe,
La piedra del movimiento y de la vista,
Su resplandor hiende las armaduras y las máscaras,
Lo que tomó la mano desdeña tomar la forma de la mano,
Lo que se comprendió ya no existe,
Se confundió el pájaro con el viento,
EI cielo con su verdad,
EI hombre con su realidad.
BELLA
Y PARECIDA
Un rostro a la caída del día
Una glorieta entre las hojas muertas del día
Un ramo de lluvia desnuda
Todo sol escondido
Todo fuente de fuentes en el fondo del agua
Todo roto espejo de espejos
Un rostro en las balanzas del silencio
Un guijarro entre los otros guijarros
Por las frondas de los últimos reflejos del día
Un rostro semejante a todos los rostros olvidados
DE
TODO LO QUE HE DICHO DE MÍ ¿QUÉ QUEDA?
De todo lo que he dicho de mí ¿qué queda?
Guardé falsos tesoros en armarios vacíos
Un inútil navío une mi infancia a mi fastidio
Mis juegos a la fatiga
Una escapada a mis quimeras
La tempestad al arca de noches donde estoy solo
Una isla sin animales a los animales que amo
Una mujer abandonada a la mujer siempre nueva
En vena de belleza
Unica mujer real
Aquí allá
Dando sueños a los ausentes
Su mano tendida hacia mí
Se refleja en la mía
Digo buenos días sonriendo
No se piensa en la ignorancia
Y la ignorancia reina
Sí yo lo esperé todo
Y desesperé de todo
De la vida el amor el olvido el sueño
De la fuerza la debilidad
Ya nadie me conoce
Mi nombre mi sombra son lobos
Traducción de OCTAVIO PAZ
Versiones
y Diversiones, 1973