sábado, 10 de octubre de 2020

Remy de Gourmont: La muerte de Verlaine

 

LA MUERTE DE VERLAINE

 

Claudio Claudiano lo expresó bien, pensando en otra cosa, pero los versos de los poetas están sujetos a metamorfosis:

Fallax o quoties pulvis deludet amorem.

 El polvo se burla de nuestros amores y nuestros amores se transforman en polvo. Se trata de Verlaine. Un periodista llamado, según se dice, Nyon, lo llamó “poco”, otro lo llamó “vergüenza”, otro lo llamó “descamisado”, y el Sr. Zola, finalmente, lo llamó “fracasado”. A este respecto, ese conocido hombre de letras enumeró algunos fracasados famosos: Barbey d'Aurevilly, Villiers de l'Isle-Adam, Jules Laforgue, y otros cuyos nombres no revelará hasta el día de sus miserables funerales. El Sr. Zola sabe varias cosas y en primer lugar que el gran escritor se distingue de sus congéneres menores por esto: que ha sido condecorado, y por esto: que es miembro de la Academia. Tal es el pródromo y tal es el síntoma. Las condiciones que hacen que uno no sea un gran escritor son las anteriores, negativas, y otra, no menos negativa: que las obras de ese pobre hombre no se vendan. Él cree que el Sr. Vanier nunca pudo vender las entradas para el funeral de Verlaine, a cincuenta centavos; M, Zola se equivoca y otros se equivocan: aunque las obras de Verlaine se vendían al precio de flores exóticas, se vendían; en manos de un editor serio, obligado por los términos de un contrato, con algunas precauciones y supervisión, las obras de Verlaine le habrían procurado al poeta más dinero del que necesitaba para llevar, feliz, la modesta pero segura existencia que habría deseado llevar, incluso entre ajenjos y entre parásitos. La limosna que los amigos generosos le daban a Verlaine no tendría que haber sido necesaria: su editor debería haber bastado para proveer a su vida estricta; sus camaradas del Parnaso, algunos ricos y poderosos, tendrían que haberle procurado el lujo, no cerrándole, por celos o por miedo, los periódicos donde se entregan a sus jugueteos. Los hemos visto: los Mendès, Coppée, Lepelletier, exhibiéndose a treinta y cuarenta la línea, y Verlaine relegado a la tercera página, entre los sucesos y los pobres: le tiraban dos luises y el consejo de no abusar. Cuando murió, esos excelentes camaradas aparecieron y le hicieron saber al mundo que sus ojos, de repente, se habían puesto rojos; no lo dijeron, pero sus mejillas también se habían puesto rojas. No lo habían abandonado; le daban limosna, siempre y cuando tomara la escalera de servicio para ir a verlos. El poco dinero que ganó Verlaine, lo ganó en Inglaterra, Holanda, Bélgica, a través de artículos de revistas, conferencias; sus camaradas no lo persiguieron tan lejos; ¿lo persiguieron? No, sería absurdo pretender que lo odiaban; lo ignoraban o lo amaban en silencio, o bien no se atrevían a afrontar, por Verlaine, la ignorancia maliciosa de las redacciones. Así, casi el único dinero, no la limosna, que Verlaine recibió fue del Estado: el ministerio que cargó un collar púrpura a la piel secada al humo del Sr. Dumas el hijo consintió en ayudar al poeta de Sabiduría, no limosna — ayuda.  Hay fondos que se presupuestan para ese fin y se entregan, por fragmentos, a cualquier hombre de letras indigente.

  ¿Y alguien se atrevería a afirmar que la Academia, que “distinguió” al Sr. Coppée, hace tres meses,  con un premio de cinco mil francos, una corona y unas palabras de aliento; se atrevería alguien a afirmar que la Academia Francesa nunca, en secreto, le haya ofrecido a Verlaine algún resto de premio caduco e inutilizable? Sería un error evaluar de tal modo a esos cuarenta grandes corazones.

  Mientras tanto, acabamos de enterrar a un rey de Bohemia, totalmente desnudo, totalmente pobre, vestido únicamente con su gloria.

REMY DE GOURMONT

Traducción, para Literatura & Traducciones, de Miguel Ángel Frontán

 


LA MORT DE VERLAINE

 

Claudien le disait bien, pensant à autre chose, mais les vers des poètes sont à métamorphoses :

Fallax o quoties pulvis deludet amorem.

 La poussière se joue de nos amours et nos amours s’en vont en poussière. Il s’agit de Verlaine. Un journaliste nommé, dit-on, Nyon l’appela « peu », un autre l’appela « honte », un autre l’appela « sans-chemise », et M. Zola, enfin, l’appela « raté ». À ce propos, cet homme de lettres bien connu énuméra quelques ratés célèbres, Barbey d’Aurevilly, Villiers de l’Isle-Adam, Jules Laforgue, et d’autres dont il ne dévoilera le nom qu’au jour de leurs misérables funérailles. M. Zola sait plusieurs choses et d’abord que le grand écrivain se distingue de ses moindres congénères par cela, qu’il est décoré, et ceci, qu’il est académicien. Cela est le prodrome et ceci est le symptôme. Les conditions qui font qu’on n’est pas un grand écrivain sont les ci-dessus, négatives, et une autre, non moins négative, que les œuvres de ce pauvre ne se vendent pas. Il croit qu’on n’a jamais vendu, de Verlaine, que son billet d’enterrement, cinquante centimes, par les soins de M. Vanier ; M, Zola se trompe et d’autres se trompent : quoique les œuvres de Verlaine se vendissent à des prix de fleurs rares, elles se vendaient ; entre les mains d’un éditeur sérieux, lié par les termes d’un traité, avec quelques précautions et de la surveillance, les œuvres de Verlaine eussent rapporté au poète plus d’argent qu’il ne lui en fallait pour mener, heureux, la modeste mais sûre existence qu’il aurait voulu mener, même parmi les absinthes et parmi les parasites. Les aumônes que de généreux amis dispensèrent à Verlaine n’auraient pas dû être nécessaires : son éditeur pouvait pourvoir à sa vie stricte ; ses camarades du Parnasse, quelques-uns riches et puissants, devaient assurer le luxe de cet unique, en ne lui fermant pas, par jalousie ou par peur, les journaux où ils prennent leurs ébats. On a vu cela : les Mendès, Coppée, Lepelletier, étalés à trente et quarante sous la ligne, et Verlaine rejeté à la troisième page, parmi les faits divers et les pauvres : on lui jetait deux louis et le conseil de ne pas abuser. Mort, ces camarades excellents surgirent et firent savoir au monde que leurs yeux, tout à coup, étaient devenus rouges ; ils ne le disaient pas, mais leurs joues aussi étaient devenues rouges. Oh ! ils ne l’avaient pas abandonné ; ils lui faisaient l’aumône, pourvu qu’il prît, allant vers eux, l’escalier de service. Le peu d’argent que gagnait Verlaine, il le gagnait en Angleterre, en Hollande, en Belgique, par des articles de magazine, des conférences ; ses camarades ne le poursuivaient pas si loin ; le poursuivaient-ils ? Non, il serait absurde de prétendre qu’ils le détestaient ; ils l’ignoraient ou l’aimaient silencieux ; ou bien encore, ils n’osaient braver, pour Verlaine, la malveillante ignorance des salles de rédaction. Alors, presque le seul argent, non aumône, que recevait Verlaine, lui venait de l’État : le ministère qui chargeait d’un collier pourpre la peau saurée de M. Dumas le fils consentait au poète de Sagesse des secours, non pas aumône, — secours. Des crédits sont à cet effet budgetés et dus, par fragments, à tout homme de lettres indigent.

  Et oserait-on affirmer que l’Académie, qui « décerna » à M. Coppée, il y a trois mois, un prix de cinq mille francs, avec une couronne et des encouragements, oserait-on affirmer que l’Académie française n’a jamais, en secret, offert à Verlaine quelque lambeau de prix périmé et inutilisable ? Ce serait mal évaluer ces quarante grands cœurs.

  Cependant, nous venons d’enterrer un roi de Bohême, tout nu, tout pauvre, vêtu de sa seule gloire.

  (1896, Promenades littéraires, Septième série.)