jueves, 26 de noviembre de 2020

Jorge Luis Borges y Victoria Ocampo: Poema conjetural

 

POEMA CONJETURAL

 

El doctor Francisco Laprida, asesinado el día 22 de setiembre de 1829

por los montoneros de Aldao, piensa antes de morir:

 

Zumban las balas en la tarde última.

Hay viento y hay cenizas en el viento,

se dispersan el día y la batalla

deforme, y la victoria es de los otros.

Vencen los bárbaros, los gauchos vencen.

Yo, que estudié las leyes y los cánones,

yo, Francisco Narciso de Laprida,

cuya voz declaró la independencia

de estas crueles provincias, derrotado,

de sangre y de sudor manchado el rostro,

sin esperanza ni temor, perdido,

huyo hacia el Sur por arrabales últimos.

Como aquel capitán del Purgatorio

que, huyendo a pie y ensangrentando el llano,

fue cegado y tumbado por la muerte

donde un oscuro río pierde el nombre,

así habré de caer. Hoy es el término.

La noche lateral de los pantanos

me acecha y me demora. Oigo los cascos

de mi caliente muerte que me busca

con jinetes, con belfos y con lanzas.

Yo que anhelé ser otro, ser un hombre

de sentencias, de libros, de dictámenes

a cielo abierto yaceré entre ciénagas;

pero me endiosa el pecho inexplicable

un júbilo secreto. Al fin me encuentro

con mi destino sudamericano.

A esta ruinosa tarde me llevaba

el laberinto múltiple de pasos

que mis días tejieron desde un día

de la niñez. Al fin he descubierto

la recóndita clave de mis años,

la suerte de Francisco de Laprida,

la letra que faltaba, la perfecta

forma que supo Dios desde el principio.

En el espejo de esta noche alcanzo

mi insospechado rostro eterno. El círculo

se va a cerrar. Yo aguardo que así sea.

 

Pisan mis pies la sombra de las lanzas

que me buscan. Las befas de mi muerte,

los jinetes, las crines, los caballos,

se ciernen sobre mí… Ya el primer golpe,

ya el duro hierro que me raja el pecho,

el íntimo cuchillo en la garganta.

JORGE LUIS BORGES

 

POÈME CONJECTURAL

 

Le docteur Francisco Laprida, assassiné le 22 Septembre 1829, par les « montoneros »  d’Aldao, pense avant de mourir:

 

Les balles sifflent en ce dernier après-midi.

Il y a du vent et des cendres dans le vent,

le jour et l’informe bataille se dispersent

et la victoire est aux ennemis.

Vainqueurs les barbares et les gauchos vainqueurs.

Moi, qui ai étudié les lois et le droit canon,

moi, Francisco Narciso de Laprida,

dont la voix proclama l’indépendance

de ces cruelles provinces, en déroute,

la face maculée de sang et de sueur,

sans espoir ni crainte, perdu,

je fuis vers le Sud par delà les derniers faubourgs.

Comme ce capitaine du Purgatoire

qui fuyant à pieds, ensanglantant la plaine

fut aveuglé et terrassé par la mort

là où une rivière obscure perd son nom,

ainsi tomberai-je. C’est aujourd’hui le terme.

La nuit latérale des marais

me guette et me retarde. J’entends à ma recherche

les sabots de mon ardente mort

avec cavaliers, naseaux et lances.

Moi qui souhaitait être un homme

de sentence, de livres, de verdicts,

gisant à ciel ouvert dans le marécage ;

mais, inexplicable, une joie secrète

m’exalte. Enfin je me heurte

à ma destinée sudaméricaine.

À cet après-midi fatal me conduisait

le multiple labyrinthe des pas

que mes jours tissèrent depuis un jour

de mon enfance. Enfin j’ai découvert

la clef occulte de ma vie,

le sort de Francisco de Laprida,

la lettre qui manquait, la parfaite

forme que Dieu sut dès le départ.

Dans le miroir de cette nuit j’atteins

de mon visage l’éternité insoupçonnée.

Le cercle va se clore. Jattends l’ainsi soit-il.

 

Mes pieds foulent l’ombre des lances

qui me cherchent. Les dérisions de ma mort,

les cavaliers, les crins, les chevaux

planent sur moi... Voici venir le premier coup,

voici le dur acier qui perce ma poitrine,

et voici dans ma gorge, l’intimité du couteau.

Traducción de VICTORIA OCAMPO

Revista Sur nº 338. Buenos Aires, enero-diciembre de 1976