lunes, 16 de abril de 2018

Rainer Maria Rilke: Los fugitivos

LOS FUGITIVOS

QUEDÉMONOS al borde de este oscuro camino,
¡detente y esperemos, niña mía!
Innúmeros peligros nos rodean
Y estamos solos y los ultrajamos.

—¡Un canto! ¡Un canto!

En tan vacía oscuridad, ¿cómo cantar,
cómo darle un sonido a esta nada?
¿No percibes la noche infanticida
que acecha todo lo que cree naciente?

—¡Un canto! ¡Un canto!

¿Cantar? ¿Qué cosa? —¿Este ser que renuncia,
la indiferencia de este semiviento?
¿Las piedras que nos herían o las zarzas?
¿Esta senda traidora bajo el pie vacilante?

—¡Un canto! ¡Un canto!

Pues bien, te cantaré al oído.
Y será ese frágil velero
que algunos construyen en una botella,
íntegro, con sus vergas y sus mástiles,

el que subsistirá en tu transparente corazón.

Traducción de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán.
Ediciones De La Mirándola, diciembre de 2015.
ISBN  978-987-3725-08-1

LES FUGITIFS

RESTONS au bord de cette route sombre,
arrêtez-vous, attendons, mon enfant !
Autour de nous les périls sont sans nombre
et nous sommes seuls, les outrageant.

— Un chant ! Un chant !

Comment chanter dans ce noir si vide,
offrir un son à ce néant, comment ?
Ne sens-tu pas la nuit enfanticide
qui guette tout ce qui paraît naissant ?

— Un chant ! Un chant !

Chanter ? Quoi ? — Cet être qui renonce,
l’indifférence de ce demi-vent ?
Les pierres qui nous faisaient mal ? Les ronces ?
Ce traître chemin sous ce pied vacillant ?

— Un chant, un chant !

Eh bien, je chanterai dans ton oreille.
Et ce sera ce mince voilier
que l’on construit dedans une bouteille
avec ses mâts et vergues, tout entier,


qui restera dans ton cœur transparent.