martes, 26 de septiembre de 2017

Erik Satie: Memorias de un amnésico. Fragmentos 1 y 2

MEMORIAS DE UN AMNÉSICO
LO QUE SOY (fragmento 1)

Todo el mundo les dirá que yo no soy músico[1].  Así es.

Desde el comienzo de mi carrera, de inmediato, me consideré parte de los fonometrógrafos. Mis obras pertenecen a la fonométrica pura. Considérese el “Hijo de las Estrellas”, “En traje de montar” o las “Sarabandas”: resulta evidente que ninguna idea musical ha presidido a la creación de esas obras. Lo que predomina es el pensamiento científico.

Por lo demás me da mucho más gusto medir un sonido que escucharlo. Con el fonómetro en la mano, trabajo con alegría y seguridad.

¿Qué es lo que no he pesado o medido? Todo Beethoven, todo Verdi, etc. Es algo muy curioso.

La primera vez que usé un fonoscopio, examiné un si bemol de grosor mediano. Nunca, he visto, se los aseguro, algo más repugnante. Llamé a mi sirviente para que lo viera.

En la fonobalanza un fa sostenido corriente, muy común, alcanzó los noventa y tres quilos. Provenía de un tenor gordísimo al que pesé.

¿Conocen ustedes la limpieza de los sonidos? Es algo bastante sucio. Hilarlos resulta más limpio; saber clasificarlos exige un trabajo muy minucioso y requiere una buena vista. Aquí estamos en plena fonotécnica.

En cuanto a las explosiones sonoras, a menudo tan desagradables, el algodón, metido en los oídos, nos las vuelve más tenues, de un modo conveniente. Aquí estamos en plena pirofonía.

Para componer mis “Piezas frías” hice uso de un caleidoscopio-grabador. Eso me llevó siete minutos. Llamé a mi sirviente para hacérselas escuchar.

Creo poder decir que la fonología es superior a la música. Es más variada. El rendimiento pecuniario es mayor. A eso le debo mi fortuna.

En todo caso, en el motodinamófono un fonomedidor no muy ejercitado puede, fácilmente, anotar mas sonidos de lo que puede hacerlo el músico más hábil, en igual tiempo y con igual esfuerzo. Es gracias a eso que he compuesto tanto.

El futuro, entonces, está en la filofonía.


[1] Ver : O. Séré, Musiciens français d'aujourd'hui pag. 138.


PERFECTO ENTORNO
(fragmento 2)

Vivir en medio de obras gloriosas del Arte es una las mayores alegrías que uno pueda experimentar. Entre los preciosos monumentos del pensamiento humano que la modestia de mi fortuna me ha hecho elegir como compañeros de mi vida, hablaré de un magnifico falso Rembrandt, profundo y de vasta ejecución, tan bueno para palpar con la punta de los ojos como un fruto pulposo demasiado verde.

Ustedes también podrían ver en mi despacho un cuadro de una belleza indiscutible, objeto de admiración única: el delicioso “Retrato atribuido a un Desconocido”.

¿Les he hablado de mi Teniers simulado? Es una cosa adorable y suave, una obra de las menos comunes.

¿No son ésas, acaso, piedras preciosas divinas, engarzadas con madera dura? ¿No es así?

Sin embargo, ¿qué es lo que supera a esas obras magistrales, lo que las aplasta con el peso formidable de una majestad genial, lo que las hace palidecer con su luz deslumbrante? Un falso manuscrito de Beethoven —sublime sinfonía apócrifa del maestro— que compré piadosamente hace diez años, según creo.

De las obras del grandioso músico, esta décima sinfonía, todavía ignorada, es una de las más suntuosas. Sus proporciones son amplias como un palacio; sus ideas son umbrías y frescas; su desarrollo, preciso y justo.

Era preciso que esta sinfonía existiese: el numero 9 no puede ser beethoveniano. El músico amaba el sistema decimal: “Tengo diez dedos”, explicaba.

Hay quienes, habiendo llegado para absorber filialmente esa obra maestra, con sus oídos meditativos y recogidos, creyeron, sin razón, que Beethoven había concebido algo menor, y lo dijeron. Incluso fueron más allá en sus palabras.

En ningún caso Beethoven puede ser inferior a sí mismo. Su técnica y su forma siguen siendo augurales, incluso en lo ínfimo. Lo rudimentario no se le puede adjudicar. No hay remedo endilgado a su persona artística capaz de intimidarlo.

¿Piensan ustedes que un atleta, por mucho tiempo celebrado, cuya fuerza y habilidad fueron reconocidas con triunfos públicos, se inferiorice por el hecho de llevar tranquilamente un simple ramo que reúna  tulipanes y jazmines? ¿Es acaso menor, si a esto se le añade la ayuda de un niño?

Nunca verán un caso semejante.

Traducción, para Literatura & Traducciones, de  MiguelÁngel Frontán.

MÉMOIRES D'UN AMNÉSIQUE
CE QUE JE SUIS (fragment 2)

Tout le monde vous dira que je ne suis pas un musicien[1]. C'est juste.

Dès le début de ma carrière, je me suis, de suite, classé parmi les phonométrographes. Mes travaux sont de la pure phonométrique. Que l'on prenne le « Fils des Etoiles » ou les « Morceaux en forme de poire », « En habit de Cheval » ou les « Sarabandes », on perçoit qu'aucune idée musicale n'a présidé à la création de ces œuvres. C'est la pensée scientifique qui domine.

Du reste, j'ai plus de plaisir à mesurer un son que je n'en ai à l'entendre. Le phonomètre à la main, je travaille joyeusement et sûrement.

Que n'ai-je pesé ou mesuré ? Tout de Beethoven, tout de Verdi, etc. C'est très curieux.

La première fois que je me servis d'un phonoscope, j'examinai un si bémol de moyenne grosseur. Je n'ai, je vous assure, jamais vu chose plus répugnante. J'appelai mon domestique pour le lui faire voir.

Au phono-peseur un fa dièse ordinaire, très commun, atteignit 93 kilogrammes. Il émanait d'un fort gros ténor dont je pris le poids.

Connaissez-vous le nettoyage des sons ? C'est assez sale. Le filage est plus propre ; savoir les classer est très minutieux et demande une bonne vue. Ici nous sommes dans la phonotechnique.

Quant aux explosions sonores, souvent si désagréables, le coton, fixé dans les oreilles, les atténue, pour soi, convenablement. Ici, nous sommes dans la pyrophonie.

Pour écrire mes « Pièces Froides », je me suis servi d'un caléidophone-enregistreur. Cela prit sept minutes. J'appelai mon domestique pour les lui faire entendre.

Je crois pouvoir dire que la phonologie est supérieure à la musique. C'est plus varié. Le rendement pécuniaire est plus grand. Je lui dois ma fortune.

En tout cas, au motodynamophone, un phonométreur médiocrement exercé peut, facilement, noter plus de sons que ne le fera le plus habile musicien, dans le même temps, avec le même effort. C'est grâce à cela que j'ai tant écrit.

L'avenir est donc à la philophonie.


[1] Voir : O. Séré, Musiciens français d'aujourd'hui p. 138.


PARFAIT ENTOURAGE
(fragment 2)

Vivre au centre d'œuvres glorieuses de l'Art est une des plus grandes joies qui se puissent ressentir. Parmi les précieux monuments de la pensée humaine que la modestie de ma fortune m'a fait choisir pour partager ma vie, je parlerai d'un magnifique faux Rembrandt, profond et large d'exécution, si bon à presser du bout des yeux, comme un fruit gras, trop vert.

Vous pourriez voir aussi, dans mon cabinet de travail, une toile d'une beauté incontestable, objet d'admiration unique : le délicieux « Portrait attribué à un Inconnu ».

Vous ai-je parlé de mon Téniers simulé ? c'est une adorable et douce chose, pièce rare entre toutes.
Ne sont-ce pas là des pierreries divines, serties de bois dur ? Oui ?

Pourtant, ce qui surpasse ces œuvres magistrales ; ce qui les écrase du poids formidable d'une géniale majesté ; ce qui les fait pâlir par son éblouissante lumière ? un faux manuscrit de Beethoven — sublime symphonie apocryphe du maître — acheté pieusement par moi, il y a dix ans, je crois.

Des œuvres du grandiose musicien, cette 10 e symphonie, encore ignorée, est une des plus somptueuses. Les proportions en sont vastes comme un palais ; les idées en sont ombreuses et fraîches ; les développements en sont précis et justes.

Il fallait que cette symphonie existât : le nombre 9 ne saurait être beethovénien. Il aimait le système décimal : « J'ai dix doigts », expliquait-il.

Venus pour absorber filialement ce chef-d'œuvre, de leurs oreilles méditatives et recueillies, quelques-uns, sans raison, crurent à une conception inférieure de Beethoven, et le dirent. Ils allèrent plus loin même.

Beethoven ne peut être inférieur à lui-même, dans aucun cas. Sa technique et sa forme restent augurales, même dans l'infime. Le rudimentaire ne lui est applicable. Il ne s'intimide pas du contrefait imputé à sa personne artistique.

Croyez-vous qu'un athlète, longuement célébré, dont la force et l'adresse furent reconnus par des triomphes publics, s'infériore du fait de porter aisément un simple bouquet de tulipes et de jasmins assemblés ? Est-il moindre, si l'aide d'un enfant s'y ajoute ?

Vous n'y encontrerez pas.