miércoles, 12 de octubre de 2011

Rubén Darío, Georges Jean Aubry y Gabriel Soulages


VERLAINE

RESPONSO

Padre y maestro mágico, liróforo celeste
que al instrumento olímpico y a la siringa agreste
diste tu acento encantador;
¡Panida! Pan tú mismo, que coros condujiste
hacia el propíleo sacro que amaba tu alma triste,
¡al son del sistro y del tambor!

Que tu sepulcro cubra de flores Primavera,
que se humedezca el áspero hocico de la fiera
de amor si pasa por allí;
que el fúnebre recinto visite Pan bicorne;
que de sangrientas rosas el fresco abril te adorne
y de claveles de rubí.

Que si posarse quiere sobre la tumba el cuervo,
ahuyenten la negrura del pájaro protervo
el dulce canto de cristal
que Filomela vierta sobre tus tristes huesos,
o la armonía dulce de risas y de besos
de culto oculto y florestal.

Que púberes canéforas te ofrenden el acanto,
que sobre tu sepulcro no se derrame el llanto,
sino rocío, vino, miel:
que el pámpano allí brote, las flores de Citeres,
y que se escuchen vagos suspiros de mujeres
¡bajo un simbólico laurel!

Que si un pastor su pífano bajo el frescor del haya,
en amorosos días, como en Virgilio, ensaya,
tu nombre ponga en la canción;
y que la virgen náyade, cuando ese nombre escuche
con ansias y temores entre las linfas luche,
llena de miedo y de pasión.

De noche, en la montaña, en la negra montaña
de las Visiones, pase gigante sombra extraña,
sombra de un Sátiro espectral;
que ella al centauro adusto con su grandeza asuste;
de una extrahumana flauta la melodía ajuste
a la armonía sideral.

Y huya el tropel equino por la montaña vasta;
tu rostro de ultratumba bañe la luna casta
de compasiva y blanca luz;
y el Sátiro contemple sobre un lejano monte
una cruz que se eleva cubriendo el horizonte
¡y un resplandor sobre la cruz!



RÉPONS
A la mémoire de Paul Verlaine.
Père et magicien, porte-lyre céleste
Qui, au luth olympique, à la syrinx agreste
Sut donner un accent d'amour
Ô divin fils de Pan, toi qui conduis le chœur
Aux propylées sacrés qu'aimait ton triste cœur
Au son du sistre et du tambour.

Que ta tombe, au printemps, de roses se parsème
Et que le mufle bestial du faune même
Soudain s'attendrisse en passant.
Que vienne à ce tombeau Pan à la double corne
Que de roses de sang et d'œillets pourpres t'orne
Le jeune Avril éblouissant.

Et si le noir corbeau sur ta tombe se pose,
Qu'à l'arrogant oiseau tout à l'instant s'oppose
Le chant céleste et cristallin
Que Philomèle sur tes vestiges égrène,
Délice de baisers et de rires, fontaine
D'un amour sylvestre et divin.

Et que la canéphore offre l'acanthe en fleurs.
Il faut sur ce tombeau ne point verser de pleurs,
Mais de la rosée et du vin.
Qu'ici pousse le pampre et la fleur de Cythère
Et que, sous le laurier symbolique et doux, erre
Un vague soupir féminin.

Et si quelque pasteur sous la fraîcheur d'un hêtre
Essaye aux jours d'amour son pipeau, que pénètre
En sa chanson ton nom vainqueur,
En attendant ce nom, que les naïades blondes
En un effroi soudain luttent parmi les ondes,
Pleines de faiblesse et d'ardeur.

Sur la montagne au soir, sur la montagne sombre
Des Visions, passe, étrange et géante, une ombre,
Ombre d'un Satyre spectral,
Que sa grandeur effraie le farouche centaure,
D'un pipeau surhumain que la courbe sonore
S'ajuste au rythme sidéral.

Un galop d'étalons par la montagne vaste
Fuit. Ton visage blême est par la lune chaste
Baigné de paisible lueur.
Et le Satyre, au loin, voit du sommet d'un mont,
S'élever une croix qui couvre l'horizon,
Et sur la croix une splendeur...




RÉPONS
A la mémoire de Paul Verlaine.

Ô Père et maître magique, ô céleste porte-lyre qui, à l'instrument olympien et à l'agreste syrinx, dispensas ton accent enchanteur ; ô émule de Pan ; ô Pan toi-même, qui, au son du sistre et du tambourin conduisis les chœurs jusqu'au seuil des propylées sacrés que chérissait ton âme triste ;

Puisse le printemps joncher de fleurs ton sépulcre ; puisse, si, par hasard, quelques fauves s'en approchant, leur gueule féroce baver d'amour ; et Pan à la double corne visiter ton enclos funèbre ; et le tendre Avril l'enguirlander de roses sanglantes et de rubescents œillets !

Si le corbeau vient se poser sur ta tombe, que la noirceur de l'impudent oiseau soit mise en fuite par les deux trilles cristallines que verse à tes tristes os Philomèle, mystérieuse et bocagère prêtresse.

Que les jeunes canéphores t'offrent des gerbes d'acanthe ; que, sur ton tertre, ne coulent point de larmes, mais, seulement, de la rosée, du vin, du miel ; que les pampres y poussent, et les fleurs de Cythère ; et qu'on y entende, sous le laurier symbolique, de plaintifs soupirs de femme !

Si, un jour, quelque pâtre amoureux, sous la fraîcheur du hêtre — comme dans Virgile — essaie son chalumeau, qu'il mêle ton nom à ses appogiatures ; et que la pudique Naïade, en l'entendant, ce nom, devienne soudain la proie des plus ardents effluves, et soit toute anxieuse et craintive, et frissonne de peur et de désir !

La nuit, sur les sommets, sur les obscurs sommets hallucinés, passe, gigantesque, un fantôme étrange, ombre d'un satyre spectral. Que sa taille démesurée épouvante le sauvage centaure ! Que, d'un souffle surhumain, il mette le chant de sa flûte à l'unisson de celui des étoiles !

Et que l'équestre troupeau prenne la fuite par la vaste montagne ! Et que ton visage d'outre-tombe soit baigné parla chaste lune d'une attendrie et blanche clarté ! Et que le Satyre, stupéfait, voie, au faîte d'un pic lointain, une croix qui, surgie tout à coup, barre l'entier horizon, et qu'il voie, sur cette croix, étinceler une splendeur !