miércoles, 4 de mayo de 2011

Charles-Joseph Mardrus y Vicente Blasco Ibáñez



Préface aux Mille et Une Nuits
(1899)

UN MOT DU TRADUCTEUR À SES AMIS 

J'OFFRE, toutes nues, vierges, intactes, naïves, pour mes délices et le plaisir de mes amis,
CES NUITS ARABES vécues, rêvées et traduites sur leur terre natale et sur l'eau.


Elles me furent douces durant les loisirs des longues mers, sous le ciel du loin.
C'est pourquoi je les donne.
Naïves elles sont, et souriantes, et pleines d'ingénuité, à l'égal de la musulmane Schahrazade, leur succulente mère, qui les enfanta dans le mystère en fermentant avec émoi dans le sien d'un prince sublime —lubrique et farouche— sous l'œil attendrie d'Allah Clément et Miséricordieux.
 Dès leur venue elles furent délicatement dorlotées par les mains de la lustrale Doniazade, leur tante, qui grava leurs noms sur des feuilles d'or colorées d'humides pierreries, et les soigna sous le velours de ses prunelles jusqu'à l'adolescence dure, pour les épandre, voluptueuses et libres, sur le Monde Oriental éternisé de leur sourire.
Je les juge et les donne telles, en leur fraîcheur de chair et de roche.
Car... une méthode, seule, existe, honnête et logique, de traduction : la littéralité, impersonnelle, à peine atténuée pour juste le rapide pli de paupière et savourer longuement... Elle produit, suggestive, la plus grande puissance littéraire. Elle fait le plaisir évocatoire. Elle recrée en indiquant. Elle est le plus sûr garant de vérité. Elle plonge, ferme, en sa nudité de pierre. Elle fleure l'arôme primitif et le cristallise. Elle dévide et délie... Elle fixe.
Certes, si la littéralité enchaîne l'esprit divaguant et le dompte, elle arrête l'infernale facilité de la plume. Je ne m'en plaindrai pas. Car où trouver chez un traducteur le génie simple, anonyme ! et libéré de la niaise manie de son nom ?... Mais pour les difficultés du terroir originel, si dures au professionnel en thème, elles ne sauraient, aux doigts de l'amoureux de l'oriental babil, se concentrer en plus de spires qu'il ne faut à la joie de les dénouer.
Quant à l'accueil... L'Occident maniéré, pâli dans l'étouffoir des conventions verbales, peut-être simulera-t-il l'ahurissement à l'audition du franc langage —gazouillant et simple et sonore de tout le rire— de ces brunes filles saines, natives des tentes abolies.
Or...
Elles n'y entendent point malice, les houries !
 Et les peuples primitifs, dit le Sage, appellent les choses par leurs noms, —et ne trouvent guère condamnable ce qui est naturel, ni licencieuse l'expression du naturel. (J'entends par peuples primitifs ceux sans encore nulle tare en la chair ou l'esprit, et nés au monde sous le sourire de la Beauté...)
D'ailleurs, il est totalement ignoré de la littérature arabe, ce produit hideux de la vieillesse spirituelle : l'intention pornographique. Les Arabes voient toute chose sous l'aspect hilarant.  Leur sens érotique ne mène qu'à la gaîté. Et ils  rient de tout cœur, là où le puritain palperait du scandale. 
Quiconque, artiste, a vagabondé et connu les voyages et cultivé amoureusement les bancs ajourés des adorables cafés populaires dans les vraies villes musulmanes et arabes, le vieux Caire aux rues pleines d'ombre et si fraîches, les souks de Damas, Sana du Yémen, Mascate ou Baghdad ; dormi sur la natte immaculée du Bédouin de Palmyre ; rompu le pain et goûté le sel fraternellement, dans là gloire du désert, avec Ibn-Rachid somptueux, ce type net de l'Arabe authentique ; savouré tout l'exquis d'une causerie de simplicité antique avec le pur descendant du Prophète, le chérif Hussein ben Ali ben Aoun, émir de la Mecque Sainte, — a pu noter l'expression des physionomies pittoresques réunies. Unique, un sentiment tient toute l'assistance : une hilarité folle. Elle flambe par saccades vitales aux sorties les plus libres de l'héroïque conteur public gesticulant, mimant sourtout et bondissant entre les spectateurs épanouis... El la griserie vous saisit, suscitée par les mots, par les sons, par la fumée ou l'aphrodisie de l'air, par la subodeur discrète du haschich, don dernier d'Allah !... Et l'on est navigateur aérien dans la nuit...
Là, on n'applaudit point : ce geste barbare, in-harmonique et féroce, ce vestige indéniable des races caraïbes ancestrales dansant autour du poteau de couleurs, et dont l'Europe a fait le symbole de l'horrible jouissance bourgeoise lassée sous le gaz, est essentiellement inconnu. 
L'Arabe — à une musique, notes de roseaux et de flûtes, à une plainte de kânoun ou d'oûd, à un rythme de darabouka profonde, à un chant de muezzin ou d'almée, à un conte coloré, à un poème d'allitérations en cascade, à une odeur subtile de jasmin, à une danse de fleur ou vol d'oiseau, à la nudité d'ambre ou de perle d'une solide courtisane onduleuse aux yeux étoilés, répond en sourdine ou de toute la voix par un ah !... long, savant, modulé, extatique, architectural.
C'est que l'Arabe est un instinctif, mais affiné et exquis. Il aime la ligne pure et la devine, irréalisée.
Mais... il étreint, sans paroles, infiniment...
Et maintenant,
Je puis promettre, sans crainte de mentir, que le rideau ne se relèvera que sur la plus étonnante, la plus compliquée et la plus splendide vision qu'ait jamais allumée, sur la neige du papier, le fragile outil du conteur. 



 

UNAS PALABRAS DEL TRADUCTOR A SUS AMIGOS


YO OFREZCO, desnudas vírgenes, intactas y sencillas, para mis delicias y el placer de mis amigos,
ESTAS NOCHES ÁRABES vividas, soñadas y traducidas sobre su tierra natal y sobre el agua.


Ellas me fueron dulces durante los ocios en remotos mares, bajo un cielo ahora lejano.
Por eso las doy.
Sencillas, sonrientes y llenas de ingenuidad, como la musulmana Schehrazada, su madre suculenta que las dio a luz en el misterio; fermentando con emoción en los brazos de un príncipe sublime —lúbrico y feroz—, bajo la mirada enternecida de Aláh, clemente y misericordioso. Al venir al mundo fueron delicadamente mecidas por las manos de la lustral Doniazada, su buena tía, que grabó sus nombres sobre hojas de oro coloreadas de húmedas pedrerías y las cuidó bajo el terciopelo de sus pupilas hasta la adolescencia dura, para esparcirlas después, voluptuosas y libres, sobre el mundo oriental, eternizado por su sonrisa.
Yo os las entrego tales como son, en su frescor de carne y de rosa. Sólo existe un método honrado y lógico de traducción: la literalidad, una literalidad impersonal, apenas atenuada por un leve parpadeo y una ligera sonrisa del traductor. Ella crea, sugestiva, la más grande potencia literaria. Ella produce el placer de la evocación. Ella es la garantía de la verdad. Ella es firme e inmutable, en su desnudez de piedra. Ella cautiva el aroma primitivo y lo cristaliza. Ella separa y desata... Ella fija.
La literalidad encadena el espíritu divagador y lo doma, al mismo tiempo que detiene la infernal facilidad de la pluma. Yo me felicito de que así sea; porque ¿dónde encontrar un traductor de genio simple, anónimo, libre de la necia manía de su renombre?...
Las dificultades del idioma original, tan duras para el traductor académico, que ve en las obras la letra antes que el espíritu, se convierten entre los dedos del amoroso balbuceo oriental en espirales tan bellas que, muchas veces, no se atreve a desenlazarlas por miedo a que pierdan su originalidad.
En cuanto a la acogida que tendrán estas joyas orientales... El Occidente, amanerado y empalidecido por la asfixia de sus convencionalismos verbales, tal vez fingirá susto y asombro al oír el franco lenguaje —gorjeo simple, sonoro y juvenil— de estas muchachas sanas y morenas, nacidas en las tiendas del desierto, que ya no existen. 
Entienden poco de malicia las huríes.
Y los pueblos primitivos, dice el Sabio, llaman las cosas por su nombre y no encuentran nunca condenable lo que es natural. (Entiendo por pueblos primitivos todos aquellos que aún no tienen una mancha en la carne o en el espíritu, y que vinieron al mundo bajo la sonrisa de la Belleza).
Además la literatura árabe ignora totalmente ese producto odioso de la vejez espiritual: la intención pornográfica. Los árabes ven todas las cosas bajo el aspecto hilarante. Su sentido erótico sólo conduce a la alegría. Y ríen de todo corazón, como niños, allí donde un puritano gemiría de escándalo.
Todo artista que ha vagabundeado por Oriente y cultivado con amor los bancos calados de los adorables cafés populares en las verdaderas ciudades musulmanas y árabes; el viejo Cairo con sus calles llenas de sombra, siempre frescas; los zocos de Damasco, Sana del Yemen, Mascata o Bagdad; todo aquel que ha dormido en la estera inmaculada del beduino de Palmira, que ha partido el pan  y saboreado la sal fraternalmente en la soledad gloriosa del desierto, con Ibn Rachid, el suntuoso, tipo neto del árabe auténtico. o que ha gustado la exquisitez de una charla de simplicidad antigua con el puro descendiente del Profeta, el cherif Hussein ben Alí ben Aoun, emir de la Meca santa, ha podido notar la expresión de las pintorescas fisonomías reunidas. Un sentimiento único domina a toda la asistencia: una hilaridad loca. Ella flamea con vitales estallidos ante las palabras gruesas y libres del heroico cuentista público que en el centro del café o de la plaza gesticula, mima, se pasea o brinca para dar mayor expresión a su relato en medio de los espectadores risueños... Y se apodera de vosotros la general embriaguez suscitada por las palabras y los sonidos imitativos, el humo del tabaco que hace soñar, la esencia afrodisíaca que parece flotante en el espacio, el sub-olor discreto del haschich, último regalo de Aláh a los hombres... Y os sentís navegantes aéreos en la frescura de la noche.
Allí nadie aplaude. Ese gesto bárbaro, inarmónico y feroz, vestigio indiscutible de razas ancestrales y antropófagas que danzaban en torno del poste de colores de la víctima y del cual ha hecho Europa un signo de la horrible alegría burguesa amontonada bajo el gas o la electricidad de las salas públicas, es completamente desconocido.
El árabe, ante una música compuesta de notas de cañas y flautas, ante un lamento de kanoun, un canto de muezzin o de almea, un cuento subido de color, un poema de aliteraciones en cascadas, un perfume sutil de jazmín, una danza de flor movida por la brisa, un vuelo de pájaro, o la desnudez de ámbar y perla de una abultada cortesana de formas ondulosas y ojos de estrella, responde en sordina o a toda voz con un ¡ah!... largo, sabiamente modulado, extático, arquitectónico.
 Y esto se debe a que el árabe no es más que un instintivo; pero afinado, exquisito. Ama la línea pura y la adivina con su imaginación cuando es irreal.
Pero es parco en palabras y sueña... sueña. Y ahora, amigos míos...
Yo os prometo, sin miedo de mentir, que el telón va a levantarse sobre la más asombrosa, la más complicada y la más espléndida visión que haya alumbrado jamás sobre la nieve del papel el frágil útil del cuentista.