miércoles, 1 de julio de 2009

Paul Verlaine por Paul Claudel


Verlaine

I

Le faible Verlaine


L'enfant trop grand, l'enfant mal décidé à l'homme, plein de secrets el plein de menaces,
Le vagabond à longues enjambées qui commence, Rimbaud, et qui s'en va de place en place,
Avant qu'il ait trouvé là-bas son enfer aussi définitif que cette terre le lui permet,
Le soleil en face de lui pour toujours et le silence le plus complet,
Le voici pour la première fois qui débarque, et c'est parmi ces horribles hommes de lettres et dans les cafés,
N'ayant rien autre chose à révéler, sinon qu'il a retrouvé l'Éternité,
N'ayant rien autre chose à révéler, sinon que nous ne sommes pas au monde !
Un seul homme dans le rire et la fumée et les bocks, tous ces lorgnons et toutes ces barbes immondes,
Un seul a regardé cet enfant et a compris qui c'était,
Il a regardé Rimbaud, et c'est fini pour lui désormais
Du Parnasse Contemporain, et de l'échoppe où l'on fabrique
Ces sonnets qui partent tout seuls comme des tabatières à musique !
Ni rien ne lui est plus de rien, tout cassé ! ni sa jeune femme qu'il aime,
Pourvu qu'il suive cet enfant, qu'est-ce qu'il dit au milieu des rêves et des blasphèmes
Comprenant ce qu'il dit à moitié, mais cette moitié suffit.
L'autre regarde ailleurs d'un oeil bleu, innocent de tout ce qu'il entraine après lui.
Faible Verlaine ! maintenant reste seul, car tu ne peux aller plus loin.
Rimbaud part, tu ne le verras plus, et ce qui reste dans un coin,
Écumant, à demi fou et compromettant pour la sécurité publique,
Les Belges l'ont soigneusement ramassé et pincé dans une prison en briques.

Il est seul. II est en état parfait d'abaissement et de dépossession.
Sa femme lui notifie un jugement de séparation.
La Bonne Chanson est chantée, le modeste bonheur n'est plus.
A un mètre de ses yeux, il n'y a plus que le mur qui est nu.
Dehors, le monde qui l'exclut, et, au dedans, Paul Verlaine,
La blessure, et le goût en lui de ces choses qui sont autres qu'humaines.
La fenètre est si petite là-haut qu'elle ne permet de voir que l'azur.
II est assis du matin jusqu'au soir et regarde le mur
L'intérieur où il est de ce lieu qui le préserve du danger,
De ce château par qui toute la misère humaine est épongée,
Pénétré de douleur et de sang comme le linge de la Véronique !
Jusqu'à ce qu'y naisse enfin cette image et cette face qu'il implique,
Du fond des âges rédivive au-devant de sa face hagarde,
Cette bouche qui se tait et ces yeux peu à peu qui le regardent.
L'homme étrange peu à peu qui devient mon Dieu et mon Seigneur,
Jésus plus intérieur que la honte, qui lui montre et qui lui ouvre son Coeur !

Et si tu tentas d'oublier le pacte à cette heure que tu fis,
Lamentable Verlaine, poëte, oh, comme tu t'y es mal pris !
Cet art honorablement de vivre avec tous ses péchés
Qui sont comme s'ils n'étaient pas, du moment où nous les tenons cachés,
Cet art qui nous vient comme de cire d'accommoder l'Évangile avec le monde,
Comme tu n'y as rien compris, espèce de soudard immonde !
Glouton ! que le vin dans ton verre fut court et que la lie en fut profonde !
La mince couche d'alcool dans ton verre et le sucre artificiel,
Comme tu te pressais d'en finir afin de trouver le fiel !
Que le marchand de vins fut court à côté de l'hôpital !
Que la triste débauche fut courte à côté de la pauvreté fondamentale,
Vingt années par les rues latines si grande qu'elle fut un scandale à tous les yeux,
Privation de la terre et du ciel manque des hommes et manque de Dieu !
Jusqu'à ce que, le fond même de tout, il te fût permis d'y mordre,
D'y mordre et de mourir dessus cette mort qui était selon ton ordre,
Dans cette chambre de prostituée, la face contre la terre,
Aussi nu par terre que l'enfant quand il sort tout nu du ventre de sa mère !

II

L'irréductible


Il fut ce matelot laissé à terre et qui fait de la peine à la gendarmerie,
Avec ses deux sous de tabac, son casier judiciaire belge et sa feuille de route jusqu'à Paris.
Marin dorénavant sans la mer, vagabond d'une route sans kilomètres,
Domicile inconnu, profession, pas... « Verlaine, Paul, Homme de Lettres »
Le malheureux fait des vers en effet pour lesquels Anatole France n'est pas tendre ;
Quand on écrit en français, c'est pour se faire comprendre.
L'homme tout de même est si drôle avec sa jambe raide qu'il l'a mis dans un roman.
On lui paie parfois une blanche, il est célèbre chez les étudiants.
Mais ce qu'il écrit, c'est des choses qu'on ne peut lire sans indignation.
Car elles ont treize pieds quelquefois et aucune signification.
Le prix Archon-Despérousses n'est pas pour lui, ni le regard de M. de Monthyon qui est au ciel.
Il est l'amateur dérisoire au milieu des professionnels.
Chacun lui donne de bons conseils ; s'il meurt de faim, c'est sa faute.
On ne se la laisse pas faire par ce mystificateur à la côte.
L'argent, on n'en a pas de trop pour Messieurs les Professeurs.
Qui plus tard feront des cours sur lui et qui seront tous décoré de la Légion d'Honneur.

Nous ne connaissons pas cet homme et nous ne savons qui il est.

Le vieux Socrate chauve grommelle dans sa barbe emmêlée ;
Car une absinthe coûte cinquante centimes et il en faut au moins quatre pour être saoûl :
Mais il aime mieux être ivre que semblable à aucun de nous.
Car son coeur est comme empoisonné, depuis que le pervertit
Cette voix de femme ou d'enfant - ou d'un ange qui lui parlait dans le paradis !
Que Catulle Mendès garde sa gloire, et Sully Prud'homme ce grand poète !
Il refuse de recevoir sa patente en cuivre avec une belle casquette.
Que d'autres gardent le plaisir avec la vertu, les femmes, l'honneur et les cigares.
Il couche tout nu dans un garni avec une indifférence tartare.
Il connaît les marchands de vins par leur petit nom, il est à l'hôpital comme chez lui :
Mais il vaut mieux être mort que d'être comme les gens d'ici.

Donc célébrons tous d'une seule voix Verlaine, maintenant qu'on nous dit qu'il est mort.
C'était la seule chose qui lui manquait, et ce qu'il y a de plus fort,
C'est que nous comprenons tous ses vers maintenant que nos demoiselles nous les chantent, avec la musique
Que de grands compositeurs y ont mise et toute sorte d'accompagnements séraphiques !
Le vieil homme à la côte est parti ; il a rejoint le bateau qui l'a débarqué
Et qui l'attendait en ce port noir, mais nous n'avons rien remarqué ;
Rien que la détonation de la grande voile qui se gonfle et le bruit d'une puissante étrave dans l'écume.
Rien qu'une voix, comme une voix de femme ou d'enfant, ou d'un ange qui appelait : Verlaine ! dans la brume.


Verlaine

I

Débil Verlaine


El niño demasiado grande, el niño mal decidido a ser hombre, lleno de secretos y lleno de amenazas,
El vagabundo de largos pasos que comienza, Rimbaud, y que se va de sitio en sitio,
Antes de que encuentre allá su infierno tan definitivo como esta tierra lo permite,
El sol delante suyo para siempre y el silencio más completo,
He aquí que desembarca por primera vez, y lo hace en medio de esos horribles hombres de letras y en los cafés,
No teniendo nada para revelar, solamente que ha encontrado de nuevo la Eternidad,
No teniendo nada para revelar, solamente que nosotros no estamos en el mundo.
Sólo un hombre en medio de la risa y del humo y de los vasos de cerveza, todos esos monóculos y esas barbas sucias,
Uno sólo miró a ese niño y comprendió quien era,
Miró a Rimbaud y para él se terminó de ahora en adelante
El Parnaso Contemporáneo y el pequeño negocio donde se fabrican
Esos sonetos que caminan solos como petacas musicales.
Ya nada significa nada, todo está roto, ni siquiera su joven mujer amada,
Siempre y cuando pueda seguir a ese niño. ¿Qué es lo que dice en medio de sus blasfemias y de sus sueños?
Sólo a medias entiende lo que dice pero esa mitad le basta.
El otro mira hacia lo lejos con sus ojos azules, ignorando todo lo que tras de sí arrastra.
¡Débil Verlaine, quédate ahora solo, ya que no puedes ir más lejos!
Rimbaud se va y no lo volverás a ver; y lo que se queda en un rincón,
Furioso, a medias loco y peligroso para la seguridad pública,
Los belgas lo recogen cuidadosamente y lo encierran en una prisión de ladrillos.

Está solo. Se halla en perfecto estado de hundimiento y de abandono.
Su mujer le notifica un juicio de separación.
La Buena Canción ha sido cantada y ya no existe la modesta felicidad.
Solamente existe, a un metro de sus ojos, el muro desnudo.
Afuera, el mundo que lo excluye y, adentro, Paul Verlaine,
La herida, y el gusto en él de esas cosas que no son sólo humanas,
Allá arriba la ventana es tan pequeña que no deja ver otra cosa que el cielo
Y, desde la mañana hasta la noche, está sentado y contempla el muro,
El interior de ese lugar en donde está y que lo preserva del peligro,
De ese castillo gracias al cual toda la miseria humana es enjugada,
Impregnado de dolor y de sangre como el lienzo de la Verónica,
Hasta que nazca la imagen y el rostro allí contenidos,
Resucitados del fondo de los tiempos ante su rostro ofuscado,
Esa boca que calla y esos ojos que poco a poco lo miran,
El hombre extraño que poco a poco se transforma en mi Dios y mi Señor,
Jesús, más interior que la vergüenza, que le muestra y le abre su Corazón.

Y si trataste de olvidar el pacto que en esa hora hiciste,
Lamentable Verlaine, poeta, ¡ay, cómo te la ingeniaste mal!
Ese arte de vivir honorablemente con todos sus pecados
Como si no existiesen desde el momento en que los escondemos,
Ese arte moldeable como la cera de acomodar el Evangelio con el mundo,
¡Cómo nada entendiste de ello, especie de soldado inmundo!
¡Glotón! fue breve el vino en tu vientre y la hez profunda.
La capa delgada de alcohol en tu vaso y el azúcar artificial,
¡Cómo te dabas prisa a terminarlas para encontrar la hiel!
¡Cómo fue breve el vendedor de vinos al lado del hospital!
¡Cómo fue breve el libertinaje triste al lado de la pobreza fundamental!
¡Tan grande en veinte años por las calles latinas, que fue para todos un escándalo,
Privación de la tierra y del cielo, falta de hombres y falta de Dios!
Hasta que en el fondo mismo de todo te fuese permitido morder,
Morder y morir en esa muerte que estaba ordenada para ti,
En esa habitación de prostituta, la cara contra el suelo,
¡Tan desnudo en el suelo como el niño que sale enteramente desnudo del vientre de su madre!

II

El irreductible


Fue ese marinero abandonado en tierra y que le provoca lástima a la gendarmería,
Con sus dos centavos de tabaco, su prontuario belga y su permiso judicial para llegar a París.
Marinero para siempre privado de la mar, vagabundo de una ruta sin kilómetros,
Domicilio desconocido, profesión, ninguna... "Verlaine, hombre de letras".
El desgraciado, en efecto, hace versos para los cuales Anatole France no tiene indulgencia:
Cuando se escribe en francés es para hacerse entender,
El hombre, sin embargo, con su pierna rígida es tan gracioso que lo ha puesto en una de sus novelas.
A veces le pagan un vaso de aguardiente; es célebre entre los estudiantes.
Pero lo que ha escrito son cosas que no pueden leerse sin indignación,
Ya que tienen trece pies a veces y ningún sentido.
El premio Archon-Despérouses no es para él ni la mirada del señor de Montyon que está en el cielo.
Es el aficionado irrisorio en medio de los profesionales.
Todo el mundo le da buenos consejos; si se muere de hambre es por su culpa.
Nadie se deja envolver por ese famoso mistificador.
En cuanto al dinero, apenas si hay para los Señores Profesores
Que más tarde darán cursos sobre él y que, todos, han sido condecorados con la Legión de Honor.

Nosotros no conocemos a este hombre ni sabemos quién es.

El viejo Sócrates calvo gruñe en su barba enredada;
Un ajenjo cuesta cincuenta céntimos y se necesitan al menos cuatro para emborracharse:
Pero él prefiere estar ebrio antes que parecerse a alguno de nosotros.
Puesto que su corazón está como envenenado después del día en que lo pervirtió
Esa voz de mujer o de niño - o de un ángel que le hablaba en el paraíso.
¡Que Catulle Mendès se quede con la gloria y Sully Prudhomme, ese gran poeta!
Él se niega a recibir su patente de cobre y su gorra de trabajo.
¡Que otros se reserven el placer con la virtud, las mujeres, el honor y los cigarros!
Él se acuesta desnudo en un hotelucho con una indiferencia tártara,
Conoce a los vendedores de vino por su nombre de pila y se halla en el hospital como en su casa:
Pero más vale estar muerto que ser como la gente de aquí.

Celebremos, pues, todos juntos a Verlaine, ahora que nos dicen que está muerto.
Era la única cosa que le faltaba, y lo que es aún más increíble
Es que, todos, entendemos sus versos, ahora que nuestras señoritas nos los cantan con la música
Compuesta para ellos por grandes compositores con toda clase de acompañamientos seráficos.
El hombre viejo y célebre se ha marchado: ha vuelto a ese barco del que había descendido
Y que lo esperaba en ese negro puerto, pero nosotros de nada nos dimos cuenta,
Solamente oímos la detonación de la gran vela que se hincha y el ruido de una quilla poderosa en medio de la espuma,
Solamente oímos una voz como una voz de mujer o de niño o de un ángel que llamaba: ¡Verlaine!, en medio de la bruma.

Traducción de Miguel Frontán Alfonso.

1 comentario:

  1. ¡Maravilloso blog! Me detuve leyendo y aquí quedé y transcurrió plácidamente la hora.

    Estás agregado a los blogs que visito regularmente, para pasar por aquí asiduamente.

    Te felicito.

    Beso

    Cecilia

    ResponderEliminar

Nota: solo los miembros de este blog pueden publicar comentarios.