miércoles, 15 de octubre de 2025

Henri Michaux y Guillermo de Torre: Tres poemas

SOUS LE PHARE OBSÉDANT DE LA PEUR

 

Ce n’est encore qu’un petit halo, personne ne le voit, mais lui, il sait que de là viendra l’incendie, un incendie immense va venir, et lui, en plein cour de ça, il faudra qu’il se débrouille, qu’il continue à vivre comme auparavant (Comment ça va-t-il ? Ça va et vous-même ?), ravagé par le feu consciencieux et dévorateur.

Il est devant lui un tigre immobile.
Il n’est pas pressé.
Il a tout son temps.
Il a ici son affaire.
Il est inébranlable.

…et la peur n’excepte personne.

Quand un poisson des grandes profondeurs,

devenu fou, nage anxieusement vers les poissons de sa famille à six cents mètres de fond, les heurte, les réveille, les aborde l’un après l’autre :

«Tu n’entends pas de l’eau qui coule, toi ? »

«Et ici on n’entend rien ? »

«Vous n’entendez pas quelque chose qui fait « tche », non, plus doux : tchii, tchii ? »

«Faites attention, ne remuez pas, on va l’entendre de nouveau. »

Oh
Peur,
Maître atroce !

Le loup a peur du violon.
L’éléphant a peur des souris, des porcs, des pétards.
Et l’agouti tremble en dormant.

 

 

BAJO EL FARO DEL MIEDO

 

Todavía no es más que un halo impreciso, nadie lo ve, pero yo sé que de ahí brotará el incendio, que va a surgir un incendio inmenso. Y yo, que lo veo con lucidez, deberé escapar como pueda, continuar viviendo como antes. (¿Cómo sigue usted? Vamos tirando ¿y usted?) estragado por el fuego concienzudo y devorador.

Ante mí está un tigre inmóvil.

No tiene prisa.

Le sobra tiempo.

Tiene aquí tarea.

 

Es inexorable.

Cuando un pez de las profundidades abisales,

que se ha vuelto loco, nada ansiosamente a seiscientos metros de fondo buscando los pescados de su familia, choca con ellos, les despierta, les interpela uno tras otro:

—Oye, tú ¿no escuchas el agua que corre?

—Y aquí ¿no se oye nada?

—¿No oís alguna cosa que hace: «tse»; no, algo más suave: tschii, tschii?

—Tened cuidado, no moveros, va a oírse otra vez.

 

¡Oh,

Miedo,

Dueño atroz!

 

El lobo siente miedo del sonido de un violín.

El elefante tiene miedo del tambor, de los cerdos, de los petardos.

Y el conejillo de Indias tiembla mientras duerme.

 

VERS LA SÉRÉNITÉ

Le
Royaume de
Cendre.

Au-dessus des joies, comme au-dessus des affres, au-dessus des désirs et des épanchements, gît une étendue immense de cendre.

De ce pays de cendre, vous apercevez le long cortège des amants qui recherchent les amantes et le long cortège des amantes qui recherchent les amants, et un désir, une telle prescience de joies uniques se lit en eux qu’on voit qu’ils ont raison, que c’est évident, que c’est parmi eux qu’il faut vivre.

Mais qui se trouve au royaume de cendre plus de chemin ne trouve.
Il voit, il entend.
Plus de chemin ne trouve que le chemin de l’éternel regret.

 

Le

Plateau du fin sourire.

 

Au-dessus de ce royaume élevé, mais misérable, gît le royaume élu, le royaume du doux pelage.

 

Si quelque éminence, quelque pointe apparaît, cela ne saurait durer ; à peine sorties, elles disparaissent dans de petits plis, les plis dans un frisson et tout redevient lisse.

 

«Quand la vague qui emporte, rencontre ses petites amies, les vagues qui rapportent, il se fait entre elles un grand bruissement, un bruissement d’abord, puis peu à peu c’est du silence et l’on n’en rencontre plus aucune. »

 

Oh !

Pays aux dalles tièdes !

Oh !

Plateau du fin sourire !

 

HACIA LA SERENIDAD

El

Reino de

Ceniza.

 

Por encima de los júbilos como por encima de los terrores, por encima de los deseos y de las efusiones hay una extensión inmensa de ceniza.

En ese país de ceniza podéis ver el dilatado cortejo de los amantes que buscan a las mujeres y el cuantioso cortejo de las mujeres que buscan a los amantes. En todos ellos se lee una presciencia tal de los goces únicos que demuestra cómo tienen razón, que la cosa es evidente y que es preciso vivir entre ellos.

Pero aquel que se halla en el reino de ceniza ningún camino encuentra ya. Mira, escucha. Ningún otro camino encuentra más que el del eterno pesar.

 

La

Llanura de la leve sonrisa.

 

 

Sobre ese reino alto, pero miserable, se extiende el reino elegido, el reino de suave pelaje.

 

Si en él apareciese alguna cumbre, alguna punta, no duraría  mucho. Pues apenas brotadas desaparecen, cambiándose en cortos pliegues, los dobleces en un estremecimiento y todo retorna a ser llano.

 

«Cuando la ola arrolladora encuentra a sus amiguitas, las olas que devuelven, se teje entre ellas un gran zumbido, primero un zumbido, luego poco a poco se hace el silencio y no vuelve a encontrarse ninguna».

 

¡Oh,

País de losas tibias!

¡Oh,

Llanura de la leve sonrisa!


 

LA VIE DE L’ARAIGNÉE ROYALE

 

L’araignée royale détruit son entourage, par digestion.
Et quelle digestion se préoccupe de l’histoire et des relations personnelles du digéré ?
Quelle digestion prétend garder tout ça sur des tablettes ?

La digestion prend du digéré des vertus que celui-là même ignorait et tellement essentielles pourtant qu’après, celui-ci n’est plus que puanteur, des cordes de puanteur qu’il faut alors cacher vivement sous la terre.

Bien souvent elle approche en amie.
Elle n’est que douceur, tendresse, désir de communiquer, mais si inapaisable est son ardeur, son immense bouche désire tellement ausculter les poitrines d’autrui (et sa langue aussi est toujours inquiète et avide), il faut bien pour finir qu’elle déglutisse.

Que d’étrangers déjà furent engloutis !

Cependant, l’araignée ensuite se désespère.
Ses bras ne trouvent plus rien à étreindre.
Elle s’en va donc vers une nouvelle victime et plus l’autre se débat, plus elle s’attache à le connaître.


Petit à petit elle l’introduit en elle et le confronte avec ce qu’elle a de plus cher et de plus important, et nul doute qu’il ne jaillisse de cette confrontation une lumière unique.

Cependant, le confronté s’abîme dans une nature infiniment mouvante et l’union s’achève aveuglément.

 

LA VIDA DE LA ARAÑA REAL

La araña real destruye a su vecindario digiriéndole.

Y ¿qué digestión se preocupa de la historia y de las relaciones personales del digerido?

¿Qué digestión se cuida de guardar todo eso en anaqueles?

 

La digestión toma del digerido virtudes que este mismo ignoraba, virtudes tan esenciales que, poco después, aquel sólo es podredumbre, cuerdas de podredumbre que es preciso entonces ocultar rápidamente bajo tierra.

 

A menudo la araña se acerca como amiga.

Toda ella es suavidad, ternura, deseo comunicativo, pero su ardor es tan implacable, su enorme boca desea auscultar tan ávidamente los pechos del prójimo (y también su lengua es siempre inquieta y ávida), que se hace preciso terminar dejando que se lo trague.

 

¡Cuántos extranjeros fueron ya engullidos!

 

En el acto, la araña se desespera.

Sus brazos no encuentran ya nada que estrechar.

Entonces se dirige hacia una nueva víctima y, cuanto más se revuelve ésta, más se obstina la araña en conocerla.

 

Poco a poco le introduce en ella y le compara con lo que tiene de más querido e importante, y no hay duda que de esa confrontación saldrá una luz única.

 

Empero, el confrontado se hunde en una naturaleza infinitamente inestable y la unión se corona ciegamente.

HENRI MICHAUX

Traducción de Guillermo de Torre

Revista Sur Año 1, invierno de 1931