jueves, 12 de septiembre de 2019

Jules Supervielle y Octavio Paz: Los gérmenes


LOS GÉRMENES

Se repartieron por todas partes,
como si sembrasen en el universo.
ARRHENIUS
Noche condenada a la ceguera,
Noche que aún a través del día buscas a los hombres
Con manos perforadas de milagros,
He aquí a los gérmenes espaciales, polen vaporoso de los mundos.
Los gérmenes que en su larga jornada han medido los cielos
Y se posan sobre la hierba sin ruido,
Capricho de una sombra que atraviesa el espíritu.
Escapan fluidos del murmullo confuso de los mundos
Hasta donde se eleva el rumor de nuestros más lejanos pensamientos,
Sueños del hombre bajo las estrellas atentas
Que suscitan zarzas violentas en pleno cielo
Y un cabrito que gira sobre sí mismo hasta volverse astro.

Sueño del marinero que va a dispersar la tormenta
Y que, al entregar su alma al último lucero,
Visto entre dos olas que se alzan,
Hace nacer de su mirada, ahogada en el mar y la muerte,
En millones de horribles años-luz, los gérmenes.
Y los postigos verdes de sus moradas tímidamente se entreabren
Como si una mano de mujer los lanzase desde allá dentro.

Pero nadie sabe que los gérmenes acaban de llegar
Mientras la noche remienda los andrajos del día.

Traducción de OCTAVIO PAZ.
Versiones y diversiones, México, 1973.



LES GERMES

Ils le répandraient de tous côtés et l’univers
en serait en quelque sorte ensemencé.
ARRHÉNIUS
Ô nuit frappée de cécité,
Ô toi qui vas cherchant, même à travers le jour,
Les hommes de tes vieilles mains trouées de miracles,
Voici les germes espacés, le pollen vaporeux des mondes,
Voici des germes au long cours qui ont mesuré tout le ciel
Et se posent sur l’herbe
Sans plus de bruit
Que le caprice d’une Ombre qui lui traverse l’esprit.
Ils échappèrent fluides au murmure enlisé des mondes
Jusqu’où s’élève la rumeur de nos plus lointaines pensées,
Celles d’un homme songeant sous les étoiles écouteuses
Et suscitant en plein ciel une ronce violente,
Un chevreau tournant sur soi jusqu’à devenir une étoile.

Ils disent le matelot que va disperser la tempête,
Remettant vite son âme au dernier astre aperçu
Entre deux vagues montantes,
Et, dans un regard noyé par la mer et par la mort,
Faisant naître à des millions horribles d’années-lumière
Les volets verts de sa demeure timidement entrouverts
Comme si la main d’une femme allait les pousser du dedans.

Et nul ne sait que les germes viennent d’arriver près de nous
Tandis que la nuit ravaude
Les déchirures du jour.