sábado, 31 de agosto de 2019

Charles Baudelaire: Carta a la madre del 26 de marzo de 1860

CARTA A MADAME AUPICK

26 de marzo de 1860.

  ¡Bueno, querida madre!, tengo que darte otro disgusto. Mañana 27, y el 1 de abril, llegarán dos nuevos pagarés a Honfleur. (LOS ÚLTIMOS. Desde que me lo prohibiste, no he hecho otros). NO QUIERO, ni aunque tú lo quisieras, que te sacrifiques por mí. El que te dirijo es un ruego absolutamente sincero. No quiero, no puedo, sin estremecerme, pensar en lo que me escribiste hace poco: Charles, aunque seas bueno y puedas ganar dinero, temo que me lleves a la ruina. —Ahora sabes que cuando el retraso es de sólo 3 o 4 días, no puede haber escándalo. Te doy mi palabra de honor que no he cobrado ni los 400 francos ni los 500 que espero desde hace dos meses. Pero esta vez el dinero saldrá de un lugar más serio, de La Presse. Te escribiré sin falta pasado mañana para tranquilizarte. Anota cuidadosamente el apellido y la dirección del oficial de justicia o de la persona que tiene el papel en cuestión. —Con La Presse hemos convenido que siempre me pagarán antes de imprimir.
  Te ruego encarecidamente que seas indulgente, piensa que sufro grandes dolores y que tengo un espíritu enfermizo. No me envíes uno de esos torrentes de reproches que me hacen tanto daño, a mí, a quien crees insensible; y además, no quiero que tengas dolores de estómago ni insomnio. Ya que esta borrasca de tres meses se va a terminar. No puedes imaginarte las preocupaciones que me causas diciéndome esas cosas. Entonces me pongo a temblar y, a veces porque temo tus reproches, a veces porque me da miedo recibir malas noticias sobre tu salud, no me atrevo a abrir tus cartas. Frente a una carta no soy valiente.
  Si supieras qué pensamientos son mi pan cotidiano: el miedo a morirme antes de hacer lo que tengo que hacer; el miedo a que tú te mueras antes de haberte hecho completamente feliz, a ti, el único ser con el que puedo vivir apaciblemente, sin ardides, sin mentiras; el horror que me inspira mi tutela judicial (hay que decirlo con todas las letras) y que me tortura noche y día; por último, y esto es quizás más triste que todo lo demás, el miedo a no poder curarme nunca de mis vicios. Éstos son mis pensamientos habituales. ¡Y cuando me despierto, por la mañana, enfrentado a estas tristes realidades: mi nombre, mi pobreza, etc.!…
  He tomado una decisión absoluta: después de la primera semana de abril, es decir en Pascuas, o después de Pascuas, haya o no terminado lo que me queda por hacer, haya o no resuelto la cuestión del drama (ya que estoy empecinado), tenga o no en el bolsillo tus 800 francos, me voy. Y por fin estaré, no feliz, eso es imposible, sino lo bastante tranquilo para dedicar el día entero al trabajo y la tarde entera a entretenerte y hacerte la corte.
  ¿Has recibido una carta (muy breve) en la que te hablaba de tu chal, y, el mismo día, un paquete de té, que es, creo, justamente el que te gustaría tener? En cuanto a tu chal, me sentí tan emocionado, tan conmovido, que nunca pude resignarme a venderlo; lo empeñé con la esperanza de recuperarlo más tarde, y con el dinero que me prestaron (250) me vestí de pies a cabeza.
  Esto es el comienzo de una serie de artículos críticos, todos terminados, que irán más tarde a mi 4° volumen para la editorial de Malassis. Recibirás sucesivamente ocho galeradas como éstas.
  Quizás haya nuevas poesías mías en la Revue contemporaine el 1 de abril. En La Presse aparecerán sucesivamente 9 o 10 crónicas de bellas artes.
Adiós. Mañana a las nueve de la mañana no podré pensar sin tristeza que estás leyendo mi carta.

  CHARLES.

  Los Paraísos ya se están imprimiendo. Y luego vendrán Las Flores.

Charles Baudelaire -Querida mamá-
Traducción, prólogo y notas de

26 mars 1860.

Allons ! ma chère mère, il faut encore que je t’afflige. Demain 27, et le Ier avril, il y aura deux billets nouveaux qui tomberont à Honfleur. (LES DERNIERS. Depuis ta défense je n’en ai pas fait d’autres.) JE NE VEUX PAS, quand même tu le voudrais, que tu te saignes pour moi. C’est une prière absolument sincère que je t’adresse. Je ne veux pas, je ne puis pas, sans un frisson, penser à ce que tu m’as écrit récemment : Charles, malgré que tu sois bon et que tu puisses gagner de l’argent, j’ai peur que tu ne me ruines. — Tu sais maintenant que quand le retard n’est que de 3 ou 4 jours, il ne peut pas y avoir de scandale. Je te donne ma parole d’honneur que je n’ai touché ni les 400 fr. ni les 500 que j’attends depuis deux mois. Mais cette fois l’argent viendra d’un endroit plus sérieux, de la Presse. Je t’écrirai sans faute après-demain pour te rassurer. Prends soigneusement le nom et l’adresse de l’huissier, ou de la personne qui détient le papier en question. — II est convenu avec la Presse que je serai toujours payé avant l’impression.
Je t’en supplie très ardemment, sois indulgente, songe que je souffre de grandes douleurs, et que mon esprit est malsain. Ne m’envoie pas un de ces torrents de reproches qui me font tant de mal, à moi que tu crois insensible; et puis je ne veux pas que tu aies des maux d’estomac ni des insomnies. Car cette bourrasque de trois mois va finir. Tu ne peux pas t’imaginer les inquiétudes que tu me causes en me disant ces choses-là. Alors je me mets à trembler, et tantôt par la crainte de tes reproches, tantôt par la peur d’apprendre sur ta santé des nouvelles affligeantes, je n’ose pas décacheter tes lettres. Devant une lettre je ne suis pas brave.
Si tu savais de quelles pensées je me nourris : la peur de mourir avant d’avoir fait ce que j’ai à faire; la peur de ta mort avant que je t’aie rendue absolument heureuse, toi le seul être avec lequel je puisse vivre doucement, sans ruses, sans mensonge; l’horreur de mon conseil judiciaire (il faut bien prononcer ce mot) qui me torture jour et nuit; enfin, et ceci est peut-être plus triste que le reste, la peur de ne pouvoir jamais me guérir de mes vices. Voilà mes pensées habituelles. Et mon réveil, le matin ! en face de ces tristes réalités : mon nom, ma pauvreté, etc !...
J’ai pris une décision absolue : après la première résolu la question du drame (car je me suis entêté), que j’aie ou que je n’aie pas tes 800 fr. dans ma poche, je pars. Et enfin je serai, non pas heureux, c’est impossible, mais assez tranquille pour consacrer toute ma journée au travail et toute ma soirée à te divertir et à te faire ma cour.
As-tu reçu une lettre (très courte) où je parlais de ton châle, et dans la même journée un paquet de thé, qui est, je croîs, celui que tu désirerais avoir ? Pour ton châle, j’ai été si ému, si touché, que je n’ai jamais pu me résigner à le vendre ; je l’ai engagé avec l’espoir de le retrouver plus tard, et avec l’argent qui m’a été prêté (250) je me suis complètement habillé.
Ceci est le commencement d’une série d’articles critiques, tous finis, qui entreront plus tard dans mon 4e volume pour la maison Malassis.Tu recevras successivement huit placards comme celui-ci.
Il y aura sans doute des poésies nouvelles de moi dans la Revue contemporaine le 1er avril. À la Presse, il paraîtra successivement 9 ou 10 feuilletons sur les Beaux-Arts.
Adieu. J e ne pourrai pas demain à neuf heures du matin, penser sans tristesse que tu lis ma lettre.
CHARLES.
Les Paradis s’impriment. Et puis viendront Les Fleurs.