domingo, 6 de enero de 2013

Jules Barbey d'Aurevilly: El Cid Campeador

Ediciones De La Mirándola acaba de publicar, en su colección Gálica Máxima, una nueva y muy completa edición de los imprescindibles Memoranda, Diarios íntimos 1836-1864, de Jules Barbey d'Aurevilly.

LE CID CAMPÉADOR

Un soir, dans la Sierra, passait Campéador.
Sur sa cuirasse d’or le soleil mirait l’or
Des derniers flamboiements d’une soirée ardente,
Et doublait du héros la splendeur flamboyante !
Il n’était qu’or partout, du cimier aux talons,
L’or des cuissards froissait l’or des caparaçons,
Des rubis grenadins faisaient feu sur son casque,
Mais ses yeux en faisaient plus encore sous son masque...
Superbe, et de loisir, il allait sans pareil,
Et n’ayant rien à battre, il battait le soleil !
Et les pâtres, penchés aux rampes des montagnes,
Se le montraient flambant, au loin, dans les campagnes,
Comme une tour de feu, ce grand cavalier d’or,
Et disaient : C’est saint Jacques ou bien Campéador,
Confondant tous les deux dans une même gloire,
L’un, pour mieux l’admirer, l’autre, pour mieux y croire.

Or, comme il passait là, magnifique et puissant,
Et calme, et grave, et lent, le radieux passant
Entendit dans le creux d’un ravin solitaire
Une voix qui semblait, triste, sortir de terre !
Et c’était, étendu sur le sol, un lépreux,
Une immondice humaine, un monstre, un être affreux
Dont l’aspect fit lever tout droit, dans la poussière,
Les deux pieds du cheval se dressant en arrière,
Comme s’il eût compris que les fers de ses pieds,
S’ils touchaient à cet être, en resteraient souillés,
Et qu’il ne pourrait plus en essuyer la fange !

Cependant le héros, dans sa splendeur d’archange,
Inclinant son panache éclatant, aperçut
Ce hideux malandrin, sale et vil, le rebut
Du monde, – il lui tendit noblement son aumône,
Du haut de son cheval cabré, comme d’un trône,
À ce lépreux impur, contagieux, maudit,
Qui la lui demandait au nom de Jésus-Christ !
C’est alors qu’on pût voir une chose touchante :
Allongeant vers le Cid sa main pulvérulente,
Le lépreux accroupi se mit sur ses genoux,
Surpris – le repoussé! – de voir un homme doux
Ne pas montrer l’horreur qu’inspirait sa présence,
Et ne pas l’écarter du bois dur de sa lance ;
Et touché dans le coeur de voir cette pitié,
Il osa, lui, le vil, l’affreux, l’humilié,
Dans un de ces élans plus forts que la nature,
Au gantelet d’acier coller sa bouche impure.

Le malheureux savait qu’il pouvait appuyer,
Sans lui donner son mal, sur le brillant acier,
Le mouiller de sa lèvre, y traîner son haleine.
Lui qui n’avait jamais baisé de main humaine
Et qui donnait la mort d’un seul attouchement,
Vautra son front dartreux sur l’acier de ce gant.
Et le Cid le laissa très tranquillement faire,
Sans dédain, sans dégoût, sans haine, sans colère,
Immobile, il restait le grand Campeador !
Que pouvait-il penser sous le grillage d’or
De son casque en rubis, quand il vit cette audace ?
Quel sentiment passa sous l’or de sa cuirasse ?
Mais il fixa longtemps le lépreux, – puis soudain,
Il arracha son gant et lui donna sa main.


EL CID CAMPEADOR

Por la sierra una tarde pasaba el Campeador.
El sol en su coraza hacía brillar los oros
De los últimos rayos de una jornada ardiente
Y el resplandor flamígero del héroe duplicaba.
Todo él era oro, del morrión a los pies,
Quijotes y gualdrapas sus oros oponían, 
Rubíes granadinos en el casco llameaban,
Pero más fuego había en los ojos cubiertos...
Ocioso, inigualable, soberbio cabalgaba
Y, ansioso por vencer, vencía al mismo sol.
Y desde lo más alto del cerro, los pastores
Señalaban, brillante en el campo, a lo lejos,
Como una torre en llamas, al caballero de oro,
Y "Es Santiago", decían, "o bien el Campeador",
Uniéndolos en gloria, para más admirar 
Al uno, y en el otro creer con mayor fe. 


Mas yendo por allí, poderoso y magnífico,
Y calmo y grave y lento, el paseante radiante
Oyó salir del fondo de un valle solitario,
Igual que si brotase de la tierra, una voz
Triste: la de  un leproso tendido como humana
Basura, un ser horrendo, un monstruo, cuyo aspecto
Hizo que bruscamente, en el polvo, las patas 
Levantara el caballo, echándose hacia atrás,
Como intuyendo, acaso, que si sus herraduras
Tocaban a ese ser quedarían manchadas
Con un lodo que nunca se podría limpiar.


El héroe, sin embargo, en su esplendor de arcángel,
Contempló, inclinando el radiante penacho,
La horrible criatura, sucia y vil, el desecho
Del mundo, y, noblemente, extendió su limosna
De lo alto del caballo encabritado, como
Desde un trono, al leproso contagioso, maldito,
Impuro, que en el nombre de Cristo la pedía.
Algo conmovedor sucedió en ese instante:
Alargando hacia el Cid la mano destrozada,
El tumbado leproso se puso de rodillas,
Azorado, ¡el proscrito!, de ver a un hombre afable
Que no manifestaba horror en su presencia
Y que no lo apartaba con un golpe de lanza.
Entonces, conmovido al ver esa piedad, 
Se atrevió, él, el vil, el monstruo, el humillado,
Cediendo a la violencia de un impulso, a pegar
Al acero del guante los dos labios impuros.


Sabía el desdichado que su boca podía
Besar, sin contagiarlo, el acero brillante,
Mojarlo con su baba, bañarlo con su aliento.
Él, que jamás había besado mano humana,
Y cuyo solo roce acarreaba la muerte,
Las llagas de la frente apoyó en el acero.
Y muy tranquilamente el Cid lo dejó hacer,
Sin asco, sin desdén, sin cólera, sin odio,
¡Aun inmóvil, era el gran Campeador!
¿En qué pensó, detrás de la áurea celada 
Del casco de rubíes, al ver tamaña audacia?
Detrás de su coraza de oro, ¿qué sintió?
Contempló largamente al leproso y, de pronto,
Arrancándose el guante, la mano le ofreció.

Traducción de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán