MONSIEUR VINCENT DE PAUL
Monsieur Vincent de Paul, aumônier des galères,
Vieux prêtre humble de cœur et de mœurs populaires,
Quand il vient à Paris, demeure à l’hôpital
Du couvent qu’a fondé Madame de Chantal.
Sa chambre n’a qu’un lit et deux chaises de paille,
Et l’unique tableau pendu sur la muraille
Représente la Vierge avec l’enfant Jésus.
Tout entier aux projets pieux qu’il a conçus,
Le saint prêtre, est toujours en course ; il se prodigue,
Et revient tous les soirs, épuisé de fatigue.
Le zèle ne s’est pas un instant refroidi
De l’ancien précepteur des enfants de Gondi.
Quand il a visité la mansarde indigente,
Il s’en va demander l’aumône à la Régente.
Il sollicite, il prie, il insiste, emporté
Par son infatigable et forte charité,
Recevant de la gauche et donnant de la droite.
Pourtant il est malade et vieux ; et son pied boite,
Car, afin d’obtenir la grâce qu’il voulait,
Il a traîné six mois la chaîne et le boulet
D’un forçat innocent dont il a pris la place.
Déjà dans les faubourgs la pauvre populace,
Qui connaît bien son nom, et qui le voit passer
Le long des murs, alors qu’il vient de ramasser
Un nouveau-né jeté sur la borne et qu’il sauve,
Commence à saluer ce bonhomme au front chauve
Et le suit en chemin d’un œil reconnaissant.
Mais ce soir, vers minuit, le bon monsieur Vincent,
Regagnant son logis chez les Visitandines,
Au moment où les sœurs sont à chanter matines,
Traîne son pied boiteux d’un air découragé,
Tout le jour, bien qu’il soit souffrant, qu’il soit âgé,
Sous une froide pluie il a couru la ville.
Certes, on l’a reçu d’une façon civile ;
Mais il demande trop, même aux meilleurs chrétiens,
Pour ses enfants trouvés et ses galériens ;
Et plus d’un poliment déjà s’en débarrasse.
Tout l’argent de la reine est pour le Val-de-Grâce,
Et Mazarin, si fort pour dire : « Je promets »,
Devient, en vieillissant, plus ladre que jamais.
C’est donc un mauvais jour ; mais enfin le pauvre homme
Revient en se disant qu’il va faire un bon somme.
Il se hâte, parmi la bruine et le vent,
Lorsque, arrivé devant la porte du couvent,
Il aperçoit par terre et couché dans la boue
Un garçon d’environ dix ans ; il le secoue,
L’interroge ; l’enfant depuis l’aube est à jeun,
N’a ni père ni mère, est sans asile aucun,
Et répond au vieillard d’une voix basse et dure.
« Viens ! » dit Vincent, mettant la clef dans la serrure.
Et prenant dans ses bras l’enfant qui le salit,
Il monte à sa cellule et le couche en son lit ;
Puis, songeant qu’à minuit, en janvier, le froid pince
Et que sa courtepointe est peut-être bien mince,
Il ôte son manteau tout froid du vent du nord
Et l’étend sur les pieds du petit qui s’endort.
Alors, tout grelottant et très mal à son aise,
Le bon monsieur Vincent s’accouda sur sa chaise,
Et, devant le tableau pendu contre le mur,
Il pria. Mais, soudain, la madone au front pur,
Qui parut resplendir des clartés éternelles,
S’anima. Dans ses yeux aux profondes prunelles,
Brillèrent des regards qu’ils n’avaient jamais eus,
Et, dégageant son cou des bras du doux Jésus
Qu’elle tenait d’abord serré sur son épaule,
Elle tendit l’enfant à saint Vincent de Paule
Et, d’un accent rempli de céleste bonté,
Lui dit : « Embrasse-le. Tu l’as bien mérité ».
SAN VICENTE DE PAÚL
Vicente de Paúl es un piadoso
y anciano capellán de las Galeras,
de corazón humilde y candoroso,
de caridad sin tregua y sin reposo,
y franco y popular en sus maneras.
En París, cuando viene,
le prestan unas monjas aposento
en el hospitalillo del convento:
cama y dos sillas duras allí tiene,
y por todo regalo y todo aliño,
un cuadro de la Virgen con el Niño.
A merced del impulso que en él arde,
trajina haciendo bien mañana y tarde.
Si visitó con paternal cariño
la guardilla indigente,
a Palacio después sin vano alarde
va y demanda limosna a la Regente.
Pide, ruega tenaz, su empeño muestra,
por todos los que sufren se desvive,
y da con santo afán su mano diestra
lo que la otra recibe.
Pero está cada día
más viejo, más enfermo, y anda cojo.
Por alcanzar su caridad ardiente
la gracia que pedía
para un forzado, que juzgó inocente,
tomó su puesto, y con amarga pena
seis meses arrastró, cansado y flojo,
la bala de cañón y la cadena.
Allá en los populosos arrabales,
las gentes que le ven volver sombrío
a la ciudad, y entrar por los portales
llevando en el manteo arrebujado
algún recién nacido yerto y frío
que halló en cualquier rincón abandonado,
y de la muerte salva,
van repitiendo el nombre
del viejecillo aquel de cerviz calva,
y son amigas ya de tan buen hombre.
Pero esta noche, cuando el toque lento
retumba de las doce campanadas,
y las monjas entonan los maitines,
vuelve triste Vicente a su convento,
arrastrando las piernas, fatigadas
de tanto andar con fracasados fines.
Corrió París entero sin fortuna,
sufriendo lluvias y pisando lodos;
no le reciben mal en parte alguna;
pero tanto pidió, que casi todos
van haciéndose atrás con buenos modos.
La Reina guarda todo su dinero
para la Val-de-Gracia; Mazarino,
en prometer ligero,
cada vez, para dar, es más mezquino.
Mala fue la jornada;
pero el anciano, de alma resignada,
piensa echar un buen sueño, y más erguido,
apresura el regreso a su posada.
Al llegar a la puerta, ve un chicuelo
en el lodo tendido;
y se inclina sobre él con santo celo.
Aletargado está y entumecido;
lo llama, lo acaricia, ruega, insiste...
¡Pobre muchacho! ¡qué vivir tan triste!
Llevársele los padres a Dios plugo;
no tiene hogar ni albergue;
no comió en todo el día un mal mendrugo.
Al llamamiento de Vicente suave,
la frente adusta yergue,
y contesta con voz áspera y dura.
"Ven", dice el viejo, y la oxidada llave
mete en la rechinante cerradura.
En los brazos tomando sin reproche
al niño aquél, que suciedad derrama,
subió a su celda y lo acostó en su cama;
y pensando después que a medianoche
es febrero muy frío, y que está helado
el huérfano infeliz mal arropado,
lleno de buen deseo
tiende a sus pies el húmedo manteo.
El, tiritando trémulo, se sienta
en incómoda silla,
frente al cuadro que hermosa representa
la Virgen sin mancilla,
y comienza a rezar. ¡Oh maravilla!
Anímase la Imagen; con destello
dulcísimo sus ojos parpadean;
separa blandamente de su cuello
los brazos de Jesús, que lo rodean;
a San Vicente de Paúl ofrece
el Niño que sonríe y resplandece,
y le dice con labio conmovido:
—"Toma: Bésalo tú; lo has merecido".
Traducción de TEODORO LLORENTE